L`étude PROGRESS et la prévention des

Transcription

L`étude PROGRESS et la prévention des
ST. MICHAEL’S HOSPITAL
Cardiologie
UNIVERSITY
OF TORONTO
RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE
S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O
Actualités scientifiques
MC
L’étude PROGRESS et la prévention des accidents
cérébro-vasculaires récidivants : L’application des résultats
à la pratique clinique
Présenté initialement par : J OHN P. C HALMERS , M.D., P H .D.
ET
J AN A. S TABSSEN , M.D., P H .D.
Rapport sur les présentations effectuées lors des toutes dernières séances de mise à jour d’études
cliniques dans le cadre de la 17e réunion scientifique annuelle de l’American Society of Hypertension
New York, NY,
Présenté et commenté par :
GORDON MOE, M.D.
La tension artérielle est un facteur déterminant important
du risque d’accident cérébro-vasculaire (ACV) initial chez les
sujets hypertendus et non hypertendus. Jusqu’à récemment, il
y avait peu de données sur l’association entre la tension
artérielle et l’ACV récidivant. L’étude Perindopril pROtection
aGainst REcurrent Stroke Study (PROGRESS) récemment
publiée démontre qu’un traitement réducteur de la tension
artérielle composé de périndopril, un inhibiteur de l’enzyme
de conversion de l’angiotensine (ECA), et d’indapamide, un
diurétique, réduit l’incidence de l’ACV récidivant parmi les
sujets hypertendus et non hypertendus ayant des antécédents
d’ACV. Dans ce numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques,
nous examinerons de nouvelles données provenant de l’étude
PROGRESS sur les événements coronariens, la fonction
cognitive, de nouvelles analyses de sous-groupes ainsi que les
applications cliniques de l’étude.
L’ACV est la deuxième cause principale de décès dans le
monde et d’incapacité dans les pays développés1,2. En Amérique du
Nord, environ 5 millions de personnes ont souffert d’un ACV et
l’on enregistre 550 000 nouveaux cas chaque année3. Parmi ceux
qui survivent à un ACV ou à l’ischémie cérébrale transitoire, près
de 20 % présenteront un nouvel ACV dans un délai de 5 ans4. La
tension artérielle est un facteur déterminant important du risque
d’ACV initial chez les sujets hypertendus et non hypertendus5. Le
risque d’ACV primitif peut être réduit en abaissant la tension
artérielle chez les patients hypertendus et en utilisant des
agents antiplaquettaires chez les patients atteints d’une maladie
vasculaire6-8. Cependant, jusqu’à présent, il existe peu de données
Division de cardiologie
Duncan J. Stewart, MD (chef)
Gordon W. Moe, MD (rédacteur)
David H. Fitchett, MD (rédacteur-adjoint)
Juan C. Monge, MD (rédacteur-adjoint)
Beth L. Abramson, MD
Warren Cantor, MD
Luigi Casella, MD
Robert J. Chisholm, MD
Chi-Ming Chow, MD
16 au 18 mai 2002
sur la relation existant entre la tension artérielle et l’ACV récidivant
et surtout, on ne sait pas précisément si la réduction de la tension
artérielle chez les patients hypertendus et non hypertendus réduit
le risque d’une récidive de l’ACV. La relation en J proposée entre
la tension artérielle et l’ACV récidivant chez les patients ayant
des antécédents d’accident ischémique cérébral illustre cette
incertitude9. En outre, les études qui ont démontré une réduction
du taux des ACV par la réduction de la tension artérielle n’ont
pas fait la distinction entre l’effet du traitement sur l’accident
ischémique cérébral et sur l’hémorragie cérébrale, cette dernière
étant particulièrement dévastatrice.
L’étude PROGRESS
PROGRESS était une étude internationale à grande échelle
initiée par des chercheurs en vue d’examiner les effets d’un
traitement flexible réduisant la tension artérielle, composé de
périndopril, un inhibiteur de l’ECA, et d’indapamide, un
diurétique, sur le risque d’ACV et d’autres événements vasculaires
majeurs chez des patients hypertendus et non hypertendus ayant
des antécédents d’ACV ou d’ischémie cérébrale transitoire. Le plan
et les principaux résultats de l’étude ont été publiés récemment10.
En résumé, 6105 sujets provenant de 172 centres en Europe,
en Australasie et en Asie ont participé à l’étude. Les patients étaient
admissibles s’ils avaient souffert d’un ACV ou d’ischémie cérébrale
transitoire au cours des cinq dernières années. On notera que la
tension artérielle n’était pas un critère d’admission. Cependant,
chez les sujets dont l’hypertension n’était pas contrôlée, on a
recommandé un traitement avec un agent antihypertenseur autre
qu’un inhibiteur de l’ECA avant qu’ils ne participent à l’étude. De
même, on a recommandé que les participants soient cliniquement
stables pendant au moins deux semaines après l’événement
Paul Dorian, MD
Michael R. Freeman, MD
Shaun Goodman, MD
Anthony F. Graham, MD
Robert J. Howard, MD
Stuart Hutchison, MD
Victoria Korley, MD
Michael Kutryk, MD
Anatoly Langer, MD
David Newman, MD
Trevor I. Robinson, MD
Bradley H. Strauss, MD
St. Michael’s Hospital, 30 Bond St., suite 7049, Queen Wing, Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5941
Les thèmes présentés dans Cardiologie – Actualités
scientifiques, sont choisis de façon indépendante et les
médecins membres de la Division de cardiologie du
St. Michael’s Hospital sont exclusivement responsables
de son contenu. L’ élaboration de Cardiologie – Actualités
scientifiques par l’éditeur Snell Communication Médicale
Inc. bénéficie d’une subvention à l’éducation sans
restriction offerte par l’industrie pharmaceutique à titre
de soutien pour la distribution de cette publication.
Figure 1 : Plan de l’étude PROGRESS
Figure 2 : Paramètre primaire : ACV récidivant
Événements
Traitement
Traitement Placebo
actif
Placebo
actif* n=3051 n=3054 supérieur supérieur
Fin de
l’étude
Admissibilité Randomisation
RRR
(IC à 95 %)
Sous-types d’ACV
Patients ayant
des antécédents
d’ACV ou d’ICT
Périndopril
Période initiale
Traitement actif : périndopril 4 mg
± indapamide
Placebo
:
périndopril
sous forme de placebo
2 mg 4 mg
± indapamide sous forme de placebo
od
od
2 sem
2 sem
(ouvert)
Mortel ou incapacitant 123
Non mortel ou
201
ACV ischémique
246
33 % (15 à 46)
24 % (9 à 37)
24 % (10 à 35)
37
42
74
51
50 % (26 à 67)
18 % (-24 à 45)
307
420
28 % (17 à 38)
Hémorragie cérébrale
ACV type inconnu
Total des ACV
4 ans
181
262
319
(double insu)
0,5
ACV = accident cérébro-vasculaire, ICT = ischémie cérébrale transitoire
sem = semaines
1,0
Risque relatif
2,0
*Traitement actif : périndopril 4 mg ± indapamide
vasculaire le plus récent, y compris un ACV, avant de participer à
l’étude. Le plan de l’étude est résumé à la figure 1.
La randomisation était précédée d’une période initiale de
quatre semaines pendant laquelle la tolérabilité du périndopril
administré selon une méthodologie ouverte devait être démontrée.
Le traitement actif était composé de périndopril à une dose de 4 mg
une fois par jour conjointement à de l’indapamide à une dose de
2,5 mg par jour (2,0 mg par jour au Japon), si le médecin traitant
jugeait qu’il n’y avait aucune indication ou contre-indication
spécifique concernant l’utilisation d’un diurétique. On a permis
l’utilisation d’un traitement d’association afin de maximiser le degré
de réduction de la tension artérielle au moyen du traitement à
l’étude. Cependant, le plan de l’étude PROGRESS était unique car
on a demandé aux chercheurs avant la randomisation de choisir,
sur la base de leur jugement clinique, entre une monothérapie
avec le périndopril et un traitement d’association avec le
périndopril et l’indapamide. Par conséquent, l’assignation au
hasard du traitement pouvait être stratifiée selon l’intention
d’utiliser le périndopril seul (ou un placebo) ou en association (ou
le double placebo). Les autres sous-groupes spécifiés au préalable
comprenaient le centre, l’âge, le sexe, la tension artérielle au début
de l’étude et les événements conférant l’admissibilité à l’étude.
Le paramètre primaire de l’étude était l’ACV mortel ou non
mortel. Les paramètres secondaires comprenaient l’ACV mortel ou
incapacitant, les événements vasculaires majeurs totaux (ACV non
mortel, infarctus du myocarde [IM] non mortel ou décès dû à une
cause vasculaire), la mortalité totale ou spécifique à une cause et les
hospitalisations. Le calcul de la taille de l’échantillon (6000
participants et suivi de 4 ans) supposait un taux annuel d’ACV de
1,5 %-2,0 % dans le groupe placebo, une différence moyenne
de 4 mm Hg dans la tension artérielle diastolique (TAD) entre
le groupe de traitement actif et le groupe placebo et une réduction
de 30 % du risque total d’ACV avec le traitement actif.
Résultats primaires
Les résultats primaires de l’étude PROGRESS ont été publiés
récemment10. En résumé, 7121 patients ont participé à la phase
initiale, dont 1016 se sont retirés ou étaient inadmissibles. Les
6105 patients restants ont été ensuite randomisés à un traitement
d’association actif ou à un double placebo (n = 3544), à un
traitement actif avec un seul agent ou à un placebo (n = 2561).
RRR = réduction du risque relatif
3051 patients ont été randomisés au traitement actif (1770 au
traitement d’association, 1281 à la monothérapie) et 3054 patients
ont été randomisés au traitement avec le placebo (1774 au double
placebo, 1280 au placebo unique). Dans le groupe de traitement
actif, 2 patients ont été perdus de vue, alors que dans le groupe
placebo, un patient a été perdu de vue. La durée moyenne du suivi
était de 3,9 ans.
Le groupe de traitement actif et le groupe placebo étaient
comparables en ce qui concerne les données démographiques de
base. L’âge moyen était de 64 ans, 30 % étaient des femmes et 39 %
étaient des Asiatiques (Chine ou Japon). Soixante et onze pour cent
avaient subi un ACV, événement leur conférant l’admissibilité à
l’étude (71 % avaient subi un accident ischémique cérébral, 11 %
une hémorragie cérébrale, 5 % un ACV d’étiologie inconnue), 22 %
avaient souffert d’ischémie cérébrale transitoire ou d’amaurose
fugace, événements leur conférant l’admissibilité à l’étude. La durée
moyenne entre l’événement leur conférant l’admissibilité à l’étude
et la randomisation était de 8 mois. Le traitement randomisé a été
poursuivi chez 86 % des patients recevant le traitement actif et chez
87 % des patients recevant le placebo.
Les résultats en ce qui concerne le paramètre primaire, l’ACV,
sont indiqués à la figure 2. Le risque global d’ACV récidivant a été
réduit de 28 %. Cette réduction du risque était significative, que
Figure 3 : Événements vasculaires majeurs
Événements
Traitement
Traitement
actif Placebo
actif
Placebo
RRR
n=3051 n=3054 supérieur supérieur
(IC à 95 %)
Événements vasculaires majeurs
Mort vasculaire
181 198
9 % (-12 à 25)
IM non mortel
60
96
38 % (12 à 55)
ACV non mortel
275 380
29 % (17 à 39)
Total des
événements
458
604
26 % (16 à 34)
0,5
RRR = réduction du risque relatif
Cardiologie
Actualités scientifiques
1,0
Risque relatif
2,0
Figure 4 : Mortalité
Figure 6 : Effets du traitement à l’étude et des
antécédents d’hypertension sur l’ACV
Événements
Traitement
Traitement
actif Placebo
actif
Placebo
n=3051 n=3054 supérieur supérieur
Mortalité
ACV
Coronarienne
Autre événement
Cancer
Autre événement
non vasculaire
42
58
81
64
61
50
62
86
65
56
16 % (-27 à 44)
7 % (-34 à 39)
6 % (-28 à 30)
2 % (-39 à 30)
-9 % (-57 à 24)
Mortalité totale
306
319
4 % (-12 à 18)
0,5
1,0
Risque relatif
Événements/patients Traitement
Traitement
actif
Placebo
actif
Placebo supérieur supérieur
RRR
(IC à 95 %)
RRR
(IC à 95 %)
ACV
Association
150/1770 255/1774
43 % (30 à 54)
Monothérapie
157/1281 165/1280
5 % (-19 à 23)
Hypertendu
163/1464 235/1452
32 % (17 à 44)
Non hypertendu 144/1587 185/1602
27 % (8 à 42)
Total des ACV 307/3051 420/3054
28 % (17 à 38)
2,0
0,5
1,0
Risque relatif
2,0
RRR = réduction du risque relatif
RRR = réduction du risque relatif
l’ACV soit mortel ou incapacitant ou ni l’un ni l’autre, ou qu’il
soit d’origine ischémique ou hémorragique. Les résultats des
principaux paramètres secondaires, à savoir les événements
vasculaires majeurs et la mortalité, sont indiqués aux figures 3 et 4,
respectivement. Le taux des événements vasculaires majeurs a été
réduit de 26 % par le traitement actif, grâce aux réductions de l’IM
non mortel et de l’ACV non mortel. En revanche, la mortalité n’a
pas été significativement réduite (4 %).
Les effets du traitement sur la tension artérielle systolique
(TAS) et sur la TAD sont indiqués à la figure 5. La TAS et la TAD
ont été réduites en moyenne dans l’ensemble de 9,0 ± 0,3
(moyenne ± ÉT) et de 4,0 ± 0,2 mm Hg, respectivement. Ces
différences ont été maintenues pendant toute la période de l’étude.
Les différences dans les valeurs de la tension artérielle étaient
supérieures chez les patients qui ont reçu un traitement
d’association (TAS 12,3 ± 0,5 mm Hg, TAD 5,0 ± 0,3 mm Hg)
comparativement à ceux qui ont reçu une monothérapie
(TAS 4,9 ± 0,6 mm Hg, TAD 2,8 ± 0,3 mm Hg).
Les effets du traitement à l’étude sur l’ACV et les événements
vasculaires majeurs dans deux sous-groupes spécifiés au préalable
sont indiqués aux figures 6 et 7, respectivement. Parmi les patients
qui ont reçu le traitement d’association, le risque d’ACV et
d’événements vasculaires majeurs a été significativement réduit de
43 % et de 40 %, respectivement. Cependant, ces effets bénéfiques
n’ont pas été observés chez les patients qui ont reçu la
monothérapie. En revanche, en ce qui concerne les antécédents
d’hypertension (> 160/90 mm Hg), le risque réduit d’ACV et
d’événements vasculaires était significatif chez les patients
hypertendus et non hypertendus.
Nouvelles données
De nouvelles données sur les événements cardiaques, la
démence et la fonction cognitive ainsi que d’autres analyses de
sous-groupes ont été présentées récemment aux dernières séances
de la réunion de l’American Society of Hypertension. Ces données
n’ont pas encore été publiées et peuvent donc faire l’objet de
modifications. Les données concernant les événements cardiaques
sont présentées à la figure 8. Les événements coronariens majeurs
comprenaient l’IM non mortel et la mortalité due à la coronaropathie. Les événements coronariens totaux comprenaient l’IM non
mortel, la mortalité due à la coronaropathie et le besoin d’une
revascularisation. Les événements liés à l’insuffisance cardiaque
étaient définis comme la mort due à l’insuffisance cardiaque,
l’hospitalisation ou l’arrêt des médicaments à l’étude dû à l’insuffisance cardiaque. Comme le montre la figure 8, le risque de ces trois
événements cardiaques était réduit de 26 %, de 21 % et de 26 %,
respectivement.
Figure 7 : Effets du traitement à l’étude et des antécédents d’hypertension sur les événements vasculaires
Figure 5 : Différences dans la tension artérielle
Événements/patients Traitement
Réduction du
Traitement
actif
Placebo risque relatif
actif
Placebo supérieur supérieur (IC à 95 %)
Tension artérielle (mm Hg)
160
Événements vasculaires majeurs
Association
231/1770 367/1774
Systolique
140
120
Traitement actif
Placebo
100
80
Diastolique
Monothérapie
227/1281 237/1280
4 % (-15 à 20)
Hypertendu
240/1464 331/1452
29 % (16 à 40)
Non hypertendu 218/1587 273/1602
24 % (9 à 37)
Événements
26 % (16 à 34)
458/3051 604/3054
60
B
R
R = randomization
1
3
6
9 12 18 24 30
Nombre de mois de suivi
36
42
40 % (29 à 49)
0,5
48 54
RRR = réduction du risque relatif
Cardiologie
Actualités scientifiques
1,0
Risque relatif
2,0
Figure 8 : Événements cardiaques
RRR
(IC à 95 %)
Événements coronariens
majeurs
p= 0,016
26% (6-42)
Événements coronariens
totaux
p= 0,008
21% (6-33)
Insuffisance cardiaque
p= 0,01
26% (5-42)
0,4
0,6 0,8 1,0
Traitement
actif supérieur
1,2
Placebo
supérieur
RRR = réduction du risque relatif
Les données sur la démence et la baisse sévère de la
fonction cognitive mesurées par le mini-examen de l’état
mental (MMSE) chez les patients ayant souffert ou non d’un
ACV récidivant sont présentées à la figure 9. Chez les patients
qui ont souffert d’un ACV récidivant (le paramètre primaire),
le risque de démence était réduit de 34 % et le risque de baisse
sévère de la fonction cognitive était réduit de 45 %. Ces
avantages offerts par le traitement actif n’ont pas été observés
chez les patients qui n’ont pas souffert d’un ACV récidivant.
Chez les patients qui n’étaient pas atteints de démence au
départ, le risque de démence accidentelle chez ceux ayant subi
un ACV récidivant (21 cas de nouvelle démence dans le
groupe de traitement actif, 42 cas dans le groupe placebo) a été
réduit de 50 %; intervalle de confiance (IC) à 95 %, 15–70. La
réduction de 16 % chez ceux n’ayant pas souffert d’un ACV
récidivant n’était pas significative. Lorsque les patients ayant
souffert ou non d’un ACV étaient regroupés (71 cas de
nouvelle démence dans le groupe de traitement actif, 102
dans le groupe placebo), on a encore noté une réduction
significative de 31 %; IC à 95 %, 6 à 49. Dans l’ensemble, le
nombre de patients considérés comme étant incapacités selon
l’indice de Barthel des activités de la vie quotidienne11 était
moins élevé dans le groupe de traitement actif (160 cas) que
dans le groupe placebo (209 cas). Cette différence était due au
nombre de cas d’incapacité significativement moins élevés
dans le groupe de traitement actif (58 cas) que dans le groupe
placebo (102 cas) chez les patients ayant souffert d’un ACV
récidivant.
En outre des analyses de sous-groupes initiales fondées
sur le traitement administré (traitement d’association vs
monothérapie) et les antécédents d’hypertension au départ,
des analyses de sous-groupes additionnelles ont été effectuées
depuis la publication des principaux résultats. Les réductions
du risque relatif d’ACV récidivant avec le traitement actif et le
paramètre primaire, selon les antécédents médicaux et les
données démographiques, sont présentés au tableau 1. Les
effets bénéfiques du traitement actif sur l’ACV récidivant sont
évidents dans une large gamme d’affections médicales sousjacentes et de données démographiques de base. Des effets
bénéfiques similaires ont été observés en ce qui concerne
le paramètre secondaire, les événements vasculaires majeurs,
dans des sous-groupes similaires, y compris l’utilisation
d’aspirine au départ.
Enfin, pour évaluer de façon plus approfondie si les
avantages du traitement actif sur l’ACV récidivant sont
applicables à des patients ayant une large gamme de pressions
artérielles, les effets sur le risque d’ACV selon la TAS et la TAD
de base sont indiqués au tableau 2. Une réduction significative
du risque d’ACV récidivant a été observée dans trois catégories
de TAS et de TAD de base, ce qui appuie les observations faites
dans l’analyse primaire de sous-groupes sur les antécédents
d’hypertension au départ.
Discussion et application clinique
La principale constatation faite dans l’étude PROGRESS
est que chez les patients ayant souffert d’un ACV et d’ischémie
cérébrale transitoire au cours des cinq années précédentes,
un traitement qui réduit la tension artérielle composé de
périndopril, un inhibiteur de l’ECA, et d’indapamide, un
Figure 9 : Démence et fonction cognitive
Démence (DSM IV)
Traitement actif Placebo
Avec ACV
43
65
RRR
(IC à 95 %)
Sans ACV
150
152
1 % (-24-22)
Total
193
217
12 % (-8-28)
Réductions
du risque
34 % (3-55)
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
Baisse sévère de la fonction cognitive (MMSE)
Avec ACV
48
86
45 % (21-61)
Sans ACV
228
248
9 % (-10-84)
Total
276
334
19 % (4-32)
0,4
0,6
0,8
Traitement
actif supérieur
RRR = réduction du risque relatif
ACV = accident cérébro-vasculaire
Tableau 1 : Réduction du risque relatif d’ACV récidivant par traitement actif : analyses de sous-groupes
1,0
1,2
1,4
Placebo
supérieur
Hypertendu
Non hypertendu
Infarctus cérébral
Hémorragie cérébrale
Événement conférant
l’admissibilité < 6 mois
Événement conférant
l’admissibilité > 6 mois
Diabétique
Non diabétique
Asiatique
Non asiatique
Cardiologie
Actualités scientifiques
32
27
23
50
24
IC à 95 %
%
%
%
%
%
17-44
8-48
11-37
25-71
4-39
32 %
12-40
38
28
39
22
5-58
6-39
22-50
15-35
%
%
%
%
diurétique, réduit significativement le risque d’ACV récidivant
et d’événements vasculaires majeurs. Chez les patients qui ont
souffert d’un ACV récidivant malgré leur traitement, le risque
de démence et de baisse sévère de la fonction cognitive est
encore significativement réduit par le traitement.
Les observations faites dans les deux analyses de sousgroupes prévues initialement – c’est-à-dire les effets du traitement d’association comparativement à ceux de la monothérapie et en présence vs en l’absence d’hypertension –
fournissent des informations sur la relation existant entre la
tension artérielle et l’ACV récidivant qui peuvent avoir des
implications cliniques importantes. Le traitement d’association
a réduit la TAS/TAD de 12/5 mm Hg et le risque d’ACV de
43 %. En revanche, la monothérapie a réduit la TAS/TAD de
seulement 5/3 mm Hg et n’a pas eu d’effet notable (réduction
de 5 %, non significative) sur le risque d’ACV récidivant.
L’avantage supérieur offert par le traitement d’association peut
s’expliquer par un meilleur contrôle de la tension artérielle
dans le groupe de traitement d’association.
L’absence apparente d’avantage de la monothérapie sur
l’ACV et les événements vasculaires nécessite d’approfondir
la discussion. Pour ce faire, il faut répondre aux questions
suivantes :
• Tout d’abord, les caractéristiques de base des deux
groupes sont-elles similaires? L’analyse des données démographiques de base des patients qui ont reçu le traitement
d’association (3544 patients) et la monothérapie (2561
patients) révèle que les deux sous-groupes étaient comparables
au départ en ce qui concerne le sexe, l’âge et la race.
Cependant, conformément au plan de l’étude, la TAS de base
était légèrement plus élevée dans le groupe recevant le traitement d’association comparativement au groupe recevant la
monothérapie (149 et 144 mm Hg, respectivement) et la
proportion de patients atteints d’hypertension au départ était
également plus élevée dans le groupe recevant le traitement
d’association que dans le groupe recevant la monothérapie
(54 % et 40 %, respectivement). En outre, l’incidence
annualisée de l’ACV dans le volet placebo des deux groupes
était très similaire. Par conséquent, des différences minimes
dans les deux sous-groupes n’expliquent probablement pas
l’hétérogénicité des effets du traitement.
• Deuxièmement, l’étude PROGRESS avait-elle une
puissance suffisante pour détecter des différences dans les
résultats de la monothérapie? Plusieurs études antérieures
Figure 10 : Baisse de la TA et ACV récidivant :
comparaison des études PATS et PROGRESS
Indapamide
ACV/N
Témoin
ACV/N
Traitement Témoin
actif
supérieur
supérieur
PATS
159/2841
(Chine, indapamide seul)
217/2824
29 % (12-42)
PROGRESS 150/1770 255/1774
(Toutes les régions, indapamide
plus périndopril)
43 % (30-54)
PROGRESS
50/684
124/673
(Asie, indapamide plus périndopril)
63 % (48-73)
PATS vs PROGRESS (Asie)
P (homogénéité) < 0,001
0,25
0,5
1,0
Risque relatif
1,5
ACV = accident cérébro-vasculaire; TA = tension artérielle; N = nombre de patients
utilisant d’autres traitements antihypertenseurs qui ne sont pas
parvenues à démontrer un effet sur l’ACV ont démontré de
légères réductions de la tension artérielle et comprenaient un
plus petit nombre de patients12. À cet égard, il est utile
d’explorer la relation existant entre le risque relatif d’ACV et la
tension artérielle d’après les données de l’étude UKTIA (United
Kingdom Transient Ischemic Attack)13. L’étude UKTIA regroupait
2435 patients dont la mesure de la tension artérielle avait
également été prise pendant un suivi de quatre ans suivant
l’événement leur conférant l’admissibilité à l’étude (ischémie
cérébrale transitoire ou ACV mineur)14. Sur la base de l’analyse
de l’étude UKTIA, une baisse de 3 mm Hg serait associée à
une réduction de 3 % de l’ACV récidivant, comparable à la
réduction de 5 % (bien que non significative) signalée dans le
groupe recevant la monothérapie dans l’étude PROGRESS.
Étant donné les intervalles de confiance relativement large
des risques relatifs dans le sous-groupe de la monothérapie
dans l’étude PROGRESS, un effet thérapeutique ne peut être
prouvé ni réfuté.
• Troisièmement, une autre explication peut être
l’existence d’un biais de sélection introduit durant la phase
initiale ouverte d’administration du périndopril, qui excluait
1016 des 7121 patients sélectionnés.
La deuxième analyse de sous-groupes planifiée a démontré
que les patients avec et sans hypertension ont bénéficié
presque dans la même mesure du traitement actif. Cette
observation était appuyée par les analyses de sous-groupes
Tableau 2 : Risques d’ACV récidivant selon la tension artérielle de base (traitement d’association – sous-groupe)
Tension artérielle
Groupe placebo
Groupe de traitement actif
RRR (IC à 95 %)
TAS
>160 mm Hg
140-159 mm Hg
<140 mm Hg
19,5 %
12,6 %
11,4 %
10,9 %
7,8 %
7,1 %
47 % (13-65)
41 % (26-75)
39 % (15-66)
TAD
>95 mm Hg
85-94 mm Hg
<85 mm Hg
16,5 %
15,2 %
12,3 %
6,8 %
10,2 %
7,8 %
62 % (41-76)
36 % (12-53)
37 % (12-55)
14.4 %
8.5 %
Total
RRR
(IC à 95 %)
RRR = réduction du risque relatif
Cardiologie
Actualités scientifiques
43 %
modifiée en un traitement d’association qui, sur la base des
données actuelles, devrait comprendre un inhibiteur de l’ECA, tel
que le périndopril, et un diurétique, tel que l’indapamide. Une
telle approche réduira probablement considérablement l’incidence
de l’ACV récidivant de tous les types et les événements cardiovasculaires majeurs chez un grand nombre de patients dans le
monde ayant souffert d’un ACV.
mentionnées précédemment fondées sur la TAS et la TAD de base.
Ces données réfutent donc l’hypothèse proposée selon laquelle il
existe une relation en forme de J entre la tension artérielle et le
risque d’ACV 9, y compris l’ACV récidivant. Elles indiquent donc
qu’un traitement réduisant la tension artérielle aura des effets
bénéfiques chez les patients qui ont souffert d’un événement
vasculaire cérébral, même s’ils sont considérés comme
normotendus selon les lignes directrices actuelles concernant
l’hypertension.
La population de patients participant à l’étude PROGRESS est
très similaire à celle de l’étude PATS (Post-stroke Antihypertensive
Treatment Study) menée en Chine qui n’a été signalée que sous
forme préliminaire15. Dans cette étude, 5665 patients ayant des
antécédents d’ACV et d’ischémie cérébrale transitoire ont été
randomisés à l’indapamide à 2,5 mg (n = 2841) ou à un placebo
(n = 2824). À l’exception du fait que tous les patients étaient
chinois, les données démographiques de base de l’étude PATS
(comprenant l’âge moyen, le sexe, la tension artérielle de base et les
étiologies de l’ACV) étaient par ailleurs très similaires à celles de
l’étude PROGRESS. Le suivi a duré trois ans et la réduction de la
tension artérielle avec l’indapamide était de 5/2 mm Hg, ce qui est
similaire à la réduction enregistrée dans le groupe recevant la
monothérapie dans l’étude PROGRESS. Afin d’explorer l’effet
supplémentaire du traitement d’association, les effets du traitement
sur l’ACV récidivant chez les patients de l’étude PATS (indapamide
vs placebo), dans le groupe recevant la monothérapie dans l’étude
PROGRESS et dans le groupe d’Asiatiques (principalement de
Chine) recevant le traitement d’association dans l’étude PROGRESS
sont indiqués à la figure 10. Dans l’étude PATS, le traitement avec
l’indapamide seul, un diurétique, a réduit le risque d’ACV
récidivant de 29 % (p = 0,0009) chez les patients chinois. Dans
l’étude PROGRESS (patients asiatiques), le traitement d’association
avec le périndopril et l’indapamide a réduit le risque d’ACV
récidivant de 63 % (p = 0,0007). Cette comparaison souligne à
nouveau l’importance de la réduction de la tension artérielle chez
les patients souffrant d’un ACV et d’ischémie cérébrale transitoire.
Elle démontre que l’on peut parvenir à une réduction optimale de
la tension artérielle et donc à une réduction du risque d’ACV
récidivant uniquement avec un traitement d’association, c’est-àdire avec l’association d’un inhibiteur de l’ECA et d’un diurétique.
Références
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Collaborating Group. Chin Med.J.(Engl.) 1995;108:710-17.
Conclusion
Les principaux résultats et les données préliminaires de l’étude
PROGRESS examinés dans ce numéro Cardiologie – Actualités
scientifiques indiquent que les patients qui ont souffert d’un ACV ou
d’ischémie cérébrale transitoire doivent recevoir un traitement
réducteur de la tension artérielle, quelles que soient leur tension
artérielle et l’étiologie de l’ACV, dans la mesure où leur état est
cliniquement stable. Sur la base du plan de l’étude PROGRESS,
chez les patients ayant subi un ACV aigu, on recommande
d’amorcer le traitement dès que leur état a été stabilisé (p. ex. avant
leur sortie de l’hôpital). Chez les patients ayant de longs
antécédents d’ACV, le traitement doit être amorcé à la prochaine
consultation. La réduction de la tension artérielle doit être amorcée
avec un seul agent, mais la monothérapie doit être rapidement
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