L`îlot suisse des Taux d`Intérêt : Explication et
Transcription
L`îlot suisse des Taux d`Intérêt : Explication et
Economie Nationale 2002 – 2003 Professeur : J-C. Lambelet Assistant : S. Frochaux D’Aiglepierre Rohen Fischhoff Stéphane Stoitzev Siméon L’îlot suisse des Taux d’Intérêt : Explication et Perspectives L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Table des matières : Introduction page 4 Quel taux nominal choisir pour notre analyse page 4 Constatation du phénomène de « l’îlot suisse des taux d’intérêt » page 6 Reverse peso effect page 9 Secret bancaire page 17 Crédibilité de la Banque Nationale Suisse et politique monétaire réactive page 23 Futur de la crédibilité de la BNS page 29 Politique monétaire « réactive » de la Banque Nationale Suisse page 31 Appréciation tendancielle réelle du franc suisse page 34 Évolution future de cette appréciation réelle page 39 L’excès d’épargne page 40 Fiscalité de l’épargne page 42 Politique budgétaire page 43 Page 2 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Évolution du taux d’intérêt réel de long terme en Suisse page 46 Quelles sont les conséquences d’une augmentation des taux d’intérêts en Suisse ? Un taux d’intérêt bas présente-t-il des avantages ou des désavantages ? page 48 Conclusion page 54 Annexes page 56 Bibliographie page 68 Page 3 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Introduction : Notre travail est une étude des taux d’intérêts réels de long terme en Suisse. Effectivement, la Suisse a connu depuis plusieurs décennies des taux de long terme plus bas que beaucoup de ses voisins : l’Allemagne, la France, l’Italie et d’autres pays au nord de l’Europe. Cette constatation peut être étendue à d’autres pays membres de l’OCDE comme les USA ou la Nouvelle-Zélande (depuis 1985) ou le Japon ( jusqu’en 1995 ) entre autres. Nous allons tout d’abord expliquer quel taux nous avons décidé d’étudier et pourquoi. Ensuite, nous mettrons en évidence, par des graphiques notamment, la véracité de ce différentiel de taux entre la Suisse et les autres pays industrialisés : « l’îlot suisse ». La suite de notre travail consiste à énoncer, expliquer et discuter un certain nombre de causes pouvant être à l’origine de ce différentiel. Un fait important doit être éclairé pour avoir une bonne compréhension de notre travail. Nous allons discuter chaque cause potentielle séparément. Néanmoins, ce phénomène de taux inférieur à la moyenne que connaît la Suisse ne peut en aucun cas être expliqué par une seule cause prise séparément. C’est un ensemble de facteurs qui mis ensembles ont apporté cette spécificité à la Suisse. De plus, la pertinence de chacune des causes mise en valeur évolue au cours du temps dans sa valeur explicative. Ainsi, nous allons discuter de la pertinence passée, actuelle et future de chacune de ces causes probables. Nous allons alors essayer de prévoir quelle pourrait être l’évolution future à court et à long terme des taux d’intérêt réels de long terme en Suisse. Nous allons finir notre exposé en présentant un certain nombre d’avantages et de désavantages possibles liés à ces taux réels relativement bas. Quel taux nominal choisir pour notre analyse : Le taux d’intérêt réel est obtenu en soustrayant l’inflation anticipée au taux d’intérêt nominal. Il existe un nombre très important de taux d’intérêts nominaux. Au fait, il existe autant de taux d’intérêts que d’échéances de placement. En réalité, tous ces taux sont corrélés et en raison de la structure des échéances, les taux d’intérêts à long terme englobent l’évolution anticipée des taux à plus court terme. Leur interaction est un sujet fort complexe. Page 4 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. L’analyse d’un taux précis peut manquer de profondeur dans le sens où un taux d’intérêt sert autant à mesurer le rendement attendu sur un capital (optique de l’investisseur) que le coût du capital pour des entreprises privées ou pour l’Etat (optique de l’emprunteur). En outre, des taux sur des actifs similaires n’auront pas forcément la même signification dans deux pays différents. A titre d’exemple, la liquidité du marché des obligations d’Etat peut varier fortement d’un pays à l’autre, ce qui peut avoir un rôle non-négligeable sur le niveau des taux d’intérêts. Pour simplifier l’analyse, nous allons exclusivement nous concentrer sur un seul type de taux nominal : les taux d’intérêts versés sur les obligations du secteur public à échéance de cinq à dix ans (donc de long terme) tout en sachant que ces taux ne représentent pas forcément les mêmes réalités dans chaque pays étudié. Nous avons choisi de prendre des taux de long terme car ils sont plus susceptibles d’influencer les décisions d’investissements et plusieurs facteurs peuvent expliquer leur évolution (dans une certaine mesure tout du moins). Par contre, les taux à court terme sont influencés par trop de facteurs pour que leur analyse ressorte des éléments intéressants ; comme le marché des taux à court terme est considéré comme efficace, son évolution devrait être parfaitement aléatoire (bruit blanc). Si cela n’était pas le cas, il y aurait des possibilités d’arbitrages. L’autre question importante concerne la façon de calculer une estimation de l’inflation anticipée. Cette question est fondamentale lorsque il s’agit de comparer des études différentes sur les taux d’intérêt réels. Dans notre travail, l’estimation se fait à l’aide d’un modèle qui ne prend en compte que le passé de l’inflation (en construisant des prévisions sur une tendance de long terme de la série, par lissage à l’aide d’ un filtre de Hodrick-Prescott). Page 5 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Constatation du phénomène de « l’îlot suisse des taux d’intérêt » : Pour se rendre compte du phénomène de l’îlot suisse des taux d’intérêt, il suffit d’observer les taux nominaux et réels de la Suisse comparés à ceux des autres pays industrialisés de la planète (voir annexe 1). On s’aperçoit alors que durant les vingt dernières années, autant pour les taux nominaux que réels, la Suisse a eu de manière significative des taux inférieurs aux autres monnaies majeures. Ces faits bien connus en font même une valeur profonde de la Suisse. Cette observation à été faite il y a déjà plusieurs décennies. Historiquement, la Suisse a en effet commencé à manifester des niveaux moyens de taux d’intérêt plus bas que ses voisins européens peu après la première guerre mondiale, alors qu’auparavant il y régnait des taux plus élevés. La présence de taux plus bas a continué durant l’entre deux guerres et s’est vue par la suite renforcée par la deuxième guerre mondiale. Enfin la présence d’un cas suisse particulier d’îlot des taux d’intérêt s’est vu confirmé durant la mise en place du système de taux de change fixe de Bretton Woods et à perdurer jusqu’à nos jours. Le concept d’îlot suisse des taux d’intérêt est né de ces observations et signifierait que le niveau des taux suisses serait constamment inférieur au niveau des taux étrangers. Quand on étudie l’évolution du différentiel des taux d’intérêt réels de la Suisse vis à vis de pays comme l’Allemagne, les Etats-Unis, la France ou l’Angleterre, on constate une augmentation très importante de l’écart au début des années 1980, suivi par la suite d’une réduction aux alentours de 82-83, d’une autre augmentation vers 88-89 suivie encore d’une baisse plus importante au début des années 1990. A partir de 1993 les différentiels semblent relativement stables. Depuis, il n’y a aucune indication supplémentaire d’érosion de ces différentiels. Page 6 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Evolution du différentiel entre les taux d'intérêt réel à long terme de la Suisse et ceux de l’Allemagne, les Etats-Unis, la France et l’Angleterre : données trimestrielles 1980 :1 2001 :4 (source : institut Créa) 0.08 0.06 0.04 0.02 0.00 -0.02 80 82 84 86 88 90 92 GER USA 94 96 98 00 FRA UK L’évolution comparée des taux nominaux et réels montre donc la nette convergence des taux d’intérêts étrangers et suisses depuis le milieu des années 1980, l’écart s’est en effet considérablement amoindri depuis cette date et on observe en ce début de millénaire des taux mondiaux relativement proche les uns des autres, la Suisse restant quelque peu a l’écart en dessous du niveau des autres principales monnaies. Cette période marque en effet le début au niveau mondial d’une nouvelle ère, caractérisée par une nouvelle orientation des politiques monétaires et budgétaires axées sur une lutte contre l’inflation et un meilleur contrôle des déficits publics. On a vu alors un rapprochement des fondamentaux économiques entre la Suisse et les autres principaux pays industrialisés ; ainsi qu’une uniformisation des réglementations et des techniques de fonctionnement des marchés nationaux. Ces évolutions ont entraîné une plus grande stabilité macroéconomique qui a rejaillit sur le marché des obligations d’Etat et donc amené un rapprochement des taux nominaux et réels dans le monde. L’observation de l’évolution de ce différentiel montre toutefois le caractère assez instable de cet îlot des taux d’intérêt. Page 7 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Ce différentiel des taux d’intérêt est donc relatif, il a existé en moyenne durant plusieurs décennies, mais son ampleur a subi de fortes variations au cours du temps ; de nature transitoire ou permanente. Lorsque l’on observe le différentiel moyen d’intérêt réel de la Suisse de 1980 à 2000 vis à vis de 12 pays, on s’aperçoit que tous sont significativement positifs. La Suisse connaît donc bien là un phénomène très particulier. Différentiel moyen entre les taux d'intérêt réels à long terme de la Suisse et ceux de 12 autres pays : Données trimestrielles (source : institut Créa) 5 4 3 2 1 0 AUT BEL FRA GER ITA UK Page 8 SWE NOR CAN USA NZ JAP L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Explication du différentiel par le "reverse peso effect" Sur les marchés internationaux, la parité d'intérêts non couverte est assurée par l'arbitrage des investisseurs. Ainsi la rémunération du capital dans les frontières nationales est égale à la rémunération à l'étranger ajustée par les taux de change. L'égalité bien connue se présente sous la forme suivante: 1 + i = (1/S(t))*(1+i*)*Se(t+1) (1) C'est ce que l’on appelle l'UIP (uncovered interest parity). En prenant les logarithmes des deux côtés de l'équation et en effectuant quelques manipulations simples on peut transformer cette équation: ∆se(t+1) = i – i* (2) où, ∆se(t+1) = ln(S(t)) – ln(Se(t+1)) Pour vérifier la bonne tenue de cette équation pour la Suisse, nous effectuons une régression de la forme: ∆s = α + β*(i – i*) + ε (3) Nous nous attendons logiquement à ce que le β soit égal à l'unité pour que l'UIP soit respectée. Les résultats empiriques ( se trouvant en annexe 2 ) nous indiquent que cette valeur n'est pas significativement différente de zéro et tend à avoir un biais négatif. Une valeur négative du β signifie qu'un taux d'intérêt plus bas en Suisse donne des anticipations de dépréciation de la monnaie nationale. Le marché anticiperait donc un franc suisse qui perd de sa valeur en t+1 et simultanément se contenterait que son capital libellé en francs suisses soit moins bien rémunéré. De manière différente, le gain de change réalisé en moyenne par un investisseur entre l’achat et la vente d’un actif en francs suisses ne compense pas entièrement Page 9 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. le manque à gagner qu’il subit en renonçant à investir dans un placement étranger équivalent. Pourquoi cet altruisme excessif ! Les deux raisons classiques citées sont : (i) les agents se trompent systématiquement dans leurs anticipations et (ii) le modèle devrait inclure une prime de risque pour tenir compte du comportement risque- averse des agents. Nous allons nous intéresser à la raison qui pourrait justifier que les agents se trompent systématiquement dans leurs anticipations : c’est ce que l’on appelle le « reverse peso effect » (RPE par la suite). La dénomination de ce phénomène fait référence au comportement du peso mexicain avant la dévaluation de 1976. Le Mexique était alors sous un régime de changes fixes liant le peso mexicain au dollar américain entre 1955 et 1975. Ce régime était constamment dominé par des anticipations de dévaluation du peso par rapport au dollar (pendant 20 ans avant que la dévaluation n’arrive enfin en 1976 !). Ce qui veut dire à l’inverse, pour la Suisse, que les agents s’attendent systématiquement à une appréciation du franc suisse dans la perspective de tourmentes politiques dans d’autres pays. Cette anticipation des agents trouverait son origine dans les deux guerres mondiales auxquelles la Suisse n'a pas été directement impliquée. Le franc suisse, à la différence de la plupart des autres monnaies, a été épargné par les tempêtes monétaires et économiques associées aux deux grandes guerres. Jetons un coup d’œil sur les taux d’intérêt à trois mois, entre 1921 et 1932 après la WWI et entre 1958 et 1974 après la WWII, proposés par Kugler et Weder (2000) : Page 10 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. L'histoire est assez cohérente avec cette hypothèse du RPE. Les auteurs de l’article précisent que la libre convertibilité des monnaies ne fut adoptée qu’en 1958 et qu’avant cette date il subsistait des barrières à la convergence internationale des taux d’intérêts. Mais Sfreddo (2002) relève que la libre convertibilité entre le franc suisse et le dollar était cependant assurée depuis 1946 déjà. On s’attend donc à ce que le différentiel en faveur de la Suisse soit déjà présent immédiatement après les guerres. Or, le différentiel dollar- franc, nul en moyenne sur les deux premières décennies de l’après-guerre, ne va pas dans le sens de nos attentes. Ce qui est tout à fait possible, c’est que la Suisse et les Etats Unis aient bénéficié du même RPE dans les vingt premières années après la guerre. Effectivement, il est légitime qu’après la guerre, les USA aient été considérés comme plus ou autant sûrs que la Suisse, d’autant plus qu’aux USA, les flux de capitaux ont rejoint les flux de personnes physiques. Les Etats Unis auraient donc également bénéficié du RPE jusqu’en 1958. Puis en Suisse, d’autres facteurs ont pris le relais pour expliquer le différentiel des taux d’intérêts. Effectivement, le RPE tel que présenté par Kugler et Weder (2000) suggère que les agents ont une mémoire de long terme et qu'ils se "trompent" systématiquement en anticipant une appréciation du franc suisse d'une période à l'autre dans la perspective de troubles politiques ou de crises graves dans les autres pays du monde. Le scénario que nous venons de proposer va dans le sens des critiques de certains auteurs qui soutiennent que cette mémoire à long terme s'érode et le RPE disparaît et n'est donc plus en mesure d'expliquer le différentiel des taux d'intérêts. Il aurait en fait fallu des crises régulières et de grande ampleur pour maintenir le RPE à l’égard de la Suisse. KW utilisent le présumé attentat du 11 septembre pour illustrer leur argument en expliquant que le franc suisse s’est fortement apprécié dans les jours qui ont suivi l’événement. L’idée est que cet attentat a ravivé les mémoires et les agents ont repris leurs anticipations d’appréciation brutale du franc suisse en cas d’instabilité politique aux USA. Observons le cours CHF / USD dans cette période du 11 septembre 2001 : annexe 5a On constate effectivement une forte appréciation du franc suisse après le 11 septembre. Mais ce qu’il est encore plus intéressant d’observer est le comportement du franc avant et après cette période : annexe 5b Page 11 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. On se rend compte que le franc suisse connaissait une importante période d’appréciation avant les événements du 11 septembre. De plus, dès le 21 septembre, le franc suisse entame une dépréciation. Autrement dit, la mémoire des agents fut d’une dizaine de jours et en plus ils avaient anticipé le 11 septembre dès le mois de juin. Bref, l’exemple est peut être mal choisi pour soutenir le RPE, d’autant plus que la fluctuation à CT du taux de change CHF / USD est sujet à bien d’autres facteurs que les anticipations des agents. Plutôt que de tenter des commentaires graphiques ponctuels très sensibles à la critique il serait par exemple intéressant de construire un modèle économétrique explicatif du taux d’intérêt suisse et de voir si les grandes crises aux niveau mondial ont une valeur informationnelle dans ce modèle. La première difficulté est de savoir quels événement introduire dans le modèle. Pour soutenir l’idée du RPE nous allons introduire ces événements dans le modèle sous forme de variables muettes ( dummies) en reprenant la spécification structurelle utilisée par Sfreddo (2002). Pour vérifier si le RPE est encore explicatif de l’îlot des taux d’intérêts en Suisse, nous allons prendre en considération la période 1961 – 2001. Considérons les événements suivants : 1) Crise pétrolière de 1973 2) Crise pétrolière de 1979 3) Guerre du Golfe juillet 1990 à décembre 1991 4) Crise financière mexicaine de décembre 1994 5) Crise financière asiatique de juillet 1997 6) Crise financière russe d’août 1998 7) Evénement en Bosnie décembre 1999 8) Refus de l’accord de Camp David sur le conflit du Moyen Orient Nous ne disposons pas d’une base de données assez longue pour inclure à cette liste les événements du 11 septembre 2001 et plus récemment les menaces de bombardement en Iraq. Les résultats du modèle se trouvent en annexe 3. Ils se montrent très concluants dans le rejet de tout effet de ces remous politiques et financiers sur le niveau des taux d’intérêt en Suisse. En effet, aucun des coefficients n’est significatif. Le modèle va donc dans le sens de l’argument qui soutient que le RPE n’a plus de valeur explicative significative de nos jours. Il Page 12 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. est incontestable que le CHF s’est apprécié de 16.6 % par rapport au USD entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2003. Mais cette appréciation n’a, selon nous rien à voir avec le RPE dans la mesure où sur la même période, l’euro s’est apprécié par rapport au USD de 17.6% et le yen de 10.0 %. ( WSJE, vol. XX N°231 ) Ces appréciations ont une autre explication que celle proposée par le RPE. Nous pensons que le RPE a pu jouer un rôle important dans la période qui a suivi les deux guerres mais qu’il s’est depuis érodé et que le relais a été pris par d’autres facteurs explicatifs. Il convient de noter ( Sfreddo) que pendant la période analysée par KW (1958 – 1969), la BNS s’employait à maintenir un « écart aussi large que possible entre le taux d’intérêt en Suisse et à l’étranger » dans le but de contenir les pressions inflationnistes exercées par des entrées massives de capitaux étrangers. Ces dernières étaient généralement dues à des remous monétaires à l’étranger et parfois à des troubles politiques, telle la crise congolaise en 1960, la crise cubaine en 1962 ou la Guerre des six jours en 1967. Sfreddo suggère ainsi que le bas niveau des taux serait une conséquence du rôle joué par le franc suisse en tant que monnaie refuge. Ce rôle refléterait les incertitudes monétaires des agents étrangers ou symétriquement la stabilité et la discipline monétaire suisse. Il est aussi sensiblement lié au RPE mais reste légèrement différent dans le sens où les investisseurs n’achètent pas du franc suisse dans la perspective d’une guerre ou autre crise grave à l’étranger mais simplement en cherchant à diversifier leur portefeuille avec une valeur refuge qui en diminuerait le risque. Nous pensons que la disparition des monnaies nationales dans le cadre de l’UE va amplifier le rôle du franc suisse en tant que monnaie de diversification dans les prochaines années et que ce facteur, plus que le RPE, va jouer un rôle important dans l’explication de l’îlot. Il suffit d’observer dans le tableau de la page suivante l’évolution des différentes places financières au cours des douze derniers mois pour réaliser que le franc suisse est un placement qui se justifie pour les personnes risque averses : on remarque bien que le marché suisse n’a perdu que 14.1% sur une année (variation ajustée par le taux de change), ce qui est meilleur en comparaison avec ce qui s’est produit aux Etats Unis. En effet, le DJ a perdu 15.7% sur la même période et l’indice S&P 500 22.4%. En Europe, on observe une baisse de 21.7% et dans la zone euro 25.1%. Il est incontestable que les actifs de la place financière suisse présentent un caractère de valeur refuge mais il faut noter que c’est précisément le comportement du franc suisse qui justifie ce caractère. Effectivement, sans ajustement par le taux de change la Page 13 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. baisse de l’indice SMI s’élève à 25.1%, ce qui reste meilleur que la performance en Europe mais passe derrière la performance aux Etats Unis. Pour vérifier le rôle de monnaie refuge du franc suisse, nous proposons de prendre un actif qui a déjà fait ses preuves dans ce domaine : l’or ; et d’essayer de construire un modèle explicatif de l’évolution du cours du franc suisse sur le cours de l’or. Nous faisons une régression simple du cours CHF / USD nominal sur le cours de l’or avec schéma auto-régressif d’ordre deux, c’est à dire que les cours en (t-2) et (t-1) sont aussi explicatifs du cours en (t). L’évolution graphique des cours laisse déjà entrevoir un pouvoir explicatif non négligeable (les séries sont normalisées) : Page 14 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. 3 2 2 1 1 0 0 -1 -1 -2 60 -2 65 70 75 80 PQ_GOLD 85 90 95 00 ECH_USA Observons les résultats de la régression : le tableau se trouve en page suivante. Nous voyons (annexe 4) que la variable du cours de l’or est significative ainsi que les deux variables retardées (T-Stat > 2). Le R² est élevé (0.98). Le DW ne signale pas de problème de colinéarité dans les résidus (1.96). Dans le graphique suivant nous jetons un coup d’œil aux résidus pour vérifier leur comportement aléatoire. L’observation des résidus en page suivante donne un effet visuel d’hétéroscédasticité et le test de White en annexe confirme ce doute. Le modèle n’est donc pas tout à fait propre puisqu’il viole une des hypothèses fondamentales des MCO. Page 15 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Dependent Variable: ECH_USA Method: Least Squares Sample(adjusted): 1961:1 2001:2 Included observations: 162 after adjusting endpoints Convergence achieved after 8 iterations Variable C PQ_GOLD AR(1) AR(2) Coefficient 0.429084 0.000427 1.155900 -0.177908 R-squared Adjusted R-squared S.E. of regression Sum squared resid Log likelihood Durbin-Watson stat 0.982829 0.982503 0.026520 0.111122 360.1942 1.962743 Inverted AR Roots Std. Error 0.115218 0.000163 0.078649 0.078416 Mean dependent var S.D. dependent var Akaike info criterion Schwarz criterion F-statistic Prob(F-statistic) .97 .18 Résidus : 0.10 0.05 0.00 -0.05 -0.10 65 70 75 80 85 t-Statistic 3.724093 2.621814 14.69697 -2.268771 90 95 ECH_USA Residuals Page 16 00 Prob. 0.0003 0.0096 0.0000 0.0246 0.478851 0.200492 -4.397459 -4.321222 3014.605 0.000000 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. De plus, si nous observons bien le graphique des cours en page précédente, il semble qu’entre 1989 et 1995 le modèle connaisse une rupture structurelle. Pour vérifier cela, nous effectuons un test de Chow avec points de rupture en 1989:2 et 1995:1 : nous obtenons, Chow Breakpoint Test: 1989:2 1995:1 F-statistic Log likelihood ratio 2.900757 23.30317 Probability Probability 0.004914 0.002996 Effectivement, nous pouvons rejeter l’hypothèse nulle de stabilité des coefficients avec tout de même un probabilité de nous tromper de 5 %. Il faut bien sûr signaler que dans le court terme le cours CHF / USD est sujet à bien des facteurs, dont font partie les interventions respectives des deux banques nationales suisse et américaine. Quoi qu’il en soit, il semble évident que le franc suisse présente un caractère de monnaie refuge au même titre que l’or peut être. Il est vrai aussi que la Suisse est le quatrième détenteur d’or par tête mondial (position fortement critiquée par certains auteurs). Ainsi, nous pensons qu’à l’avenir le rôle de monnaie de diversification que joue le franc suisse va persister (notamment dans une zone euro très homogène où les agents chercheraient à minimiser le risque de leurs portefeuilles) mais que le RPE tel que suggéré par KW n’existe peut être plus. Il faut tout de même signaler que les marchés financiers sur le plan international n’ont pas encore convaincu de leur totale sécurité et que la peur de répercussions de remous monétaires localisés peut encore persister. Explication par le secret bancaire. Un des éléments qui peut motiver les investisseurs à toucher une rémunération moindre sur leur capital est d’avoir accès au secret bancaire. Cette notion doit être comprise au sens large, à savoir tout un appareil législatif destiné à protéger la sphère privée qui englobe l’image de discrétion du milieu bancaire suisse et son haute qualification dans ce domaine. Les investisseurs seraient prêts à payer une prime pour profiter de cette discrétion propre à la Suisse. Il est très difficile de mesurer directement l’impact du secret bancaire sur le niveau des taux d’intérêts. Cependant quelques modèles économétriques ont été construits sur le sujets. Page 17 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. On peut en fait les compter sur les doigts d’une main : English – Shahin (1994), Administration Fédérale des Finances (2001) et Institut Créa (2002). Dans notre étude, nous présenteront le dernier modèle en date qui celui de l’Institut Créa effectué par Sfreddo (2002). Le modèle de Sfreddo s’inspire en fait fortement des versions précédentes et arrive à des conclusions similaires. Les auteurs qui s’opposent à la théorie du secret bancaire pour expliquer le différentiel des taux pour la Suisse donnent généralement les deux même contre – exemples : • Il existe des pays qui possèdent aussi le secret bancaire (Luxemburg, Autriche dans une certaine mesure) mais qui ne jouissent pas d’un îlot des taux d’intérêts. • Les dépôts des investisseurs en dehors de la Suisse en CHF (Londres, New York) sont aussi peu rémunérés sans profiter du secret bancaire. Il n’est pas très difficile de relativiser, voire de rendre caducs ces contre- exemples. Premièrement, il ne faut pas oublier que lorsqu’on fait des comparaisons qui se veulent valables, il est nécessaire, en macroéconomie surtout, de respecter la condition de ceteris paribus. C’est à dire que l’on ne peut valablement comparer des pays sur un certain élément que toutes choses égales par ailleurs. Deuxièmement, nous avons signalé auparavant qu’à notre avis, les différentiels des taux en Suisse ont probablement été déclenchés par le RPE puis soutenus par d’autres facteurs (dont fait partie le secret bancaire). Or les pays comme le Luxemburg ou l’Autriche n’ont pas été en position de stimuler des erreurs systématiques d’anticipations optimistes sur les cours de leurs monnaies. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, la Suisse a été sujette à des actions ponctuelles ciblées de la BNS pour conserver des taux bas à la fin des années cinquante et au début des années soixante. Bref, il serait faux de conclure que l’influence du secret bancaire est nulle sur base de la simple et trop fréquente comparaison entre la Suisse et le Luxemburg. Le deuxième contre-exemple suggère que l’îlot suisse des taux d’intérêt est un phénomène lié à la monnaie et non à une particularité du système bancaire suisse et rejette ainsi l’hypothèse d’une influence du secret bancaire sur les taux d’intérêt. Sfreddo (2002) relativise cette critique en signalant qu’à la fin des années 1990, les engagements vis-à-vis des clients étrangers en Suisse sont à 90% libellés en monnaie étrangère. Ainsi, les investisseurs seraient attirés par les services des banques suisses et non pour les avantages liés à la détention d’actifs en francs suisses. La question ici n’est pas de savoir si le service en question est la facilité de blanchiment d’argent. Sfreddo signale aussi que la majorité des avoirs en francs Page 18 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. suisses détenus en Suisse et à l’étranger sont couverts par le secret bancaire. Ainsi, 74% des fonds en francs suisses appartenant à la clientèle bancaire et non bancaire résident en Suisse ou à l’étranger sont couverts par le secret bancaire. La proportion s’élève même à 95% si l’on prend en considération la simple clientèle non bancaire. Cela nous indique que la majorité des dépôts au niveau mondial sont gérés par des établissements helvétiques et explique donc que ces dépôts soient rémunérés au même tarif. On peut aussi se demander pourquoi la rémunération versée sur un avoir en Suisse se voit fixer la même rémunération sur l’euromarché. C’est une simple question d’arbitrage : si une entreprise peut emprunter à 2% en Suisse, il n’y pas de raison que ses obligations CHF cotées sur un marché européen exigent plus (sinon elle va jamais les lancer). Si l’on admet que le secret bancaire joue un certain rôle dans l’îlot des taux en Suisse, peut-on montrer quantitativement ce rôle. Sfreddo propose de déterminer dans quelle mesure les taux d’intérêt de long terme ont été affectés par les principales modifications législatives, intervenues entre 1973 et 2000, qui ont touché aux activités bancaires ou qui ont, à priori, renforcé la coopération entre les autorités de surveillance des marchés financiers, des banques et d’autres intermédiaires financiers. Le modèle considère huit innovations : 1) Convention de diligence des banques, 1er juillet 1977 2) Nouvel article 161 du code pénal contre le délit d’initié, 1er juillet 1988 3) Articles 305 et 305ter du code pénal contre le blanchiment d’argent, 1er janvier 1990 4) Article 23 de la loi sur les banques et les caisses d’épargne, 1er février 1995 5) Article 38 de la loi sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, 1er février 1997 6) Loi fédérale sur la lutte contre le blanchiment d’argent dans le secteur financier, avril 1998 7) Obligation de déclarer l’ayant droit des fonds déposés auprès des banques suisses, 1er juillet 1991 8) Article 38a de la loi sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, 1er octobre 1999 L’auteur considère pour la construction de l’équation que les taux d’intérêt nominaux suisses de long terme dépendent des taux nominaux allemands, de l’appréciation anticipée du franc suisse vis-à-vis du mark allemand et des innovations touchant au secret bancaire sous forme de variables binaires (muettes). Il suppose également qu’une augmentation du taux de Page 19 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. croissance de la masse monétaire provoque, à court terme, une baisse du taux d’intérêt nominal. Afin de tenir compte des la nature non stationnaire des variables, celles-ci sont traitées en première différence (AR(1)). Le modèle se présente sous la forme suivante : ∆i(CH,t) = α + β(1)∆i(D,t) + β(2)∆ε(e,t) + β(3)∆m(t) + Σ(j)[δ(j)q(j,t)] + β(4)∆i(CH,t-1) soit var. taux CH = α + β*(var. taux D) + γ*(app. Anticipée CHF) + χ*(var. croissance masse monétaire) + dummies + δ*var. retardée La période couverte est 1973 :3 – 2001 :1. Les résultats de la régression que l’on peut trouver dans l’article de Sfreddo montrent que les huit innovations semblent avoir eu, dans leur ensemble, une influence positive mais seulement deux d’entre eux se révèlent significatives : 1) et 3). Effectivement, à ces deux moments, les taux d’intérêts ont augmenté de façon « anormale ». Les résultats montrent aussi que la constante n’est pas significative, à savoir que les taux d’intérêt suisses ne suivent pas de trend. Cependant, malgré ces conclusions convaincantes, le modèle souffre de certains problèmes. En effet, nous avons affaire à des dummies, par conséquent, il est difficile d’affirmer leur origine car elles peuvent se superposer avec d’autres variables expliquant les variations ponctuelles des taux d’intérêt. Il est vrai que la théorie structurelle que nous avons supposé interdit de trouver tout et n’importe quoi comme raison mais on peut citer quelques raisons tout à fait plausibles. Selon la BNS, ce seraient les pertes encourues par le Crédit Suisse à la suite de « l’affaire Chiasso » qui ont perturbé temporairement le marché des émissions en 1977 et provoqué la hausse des taux. Quant au coefficient significatif associé à l’innovation 3), il est constaté en simultanéité avec la chute du Mur de Berlin et les bouleversements économiques qui l’ont accompagnée. Il se peut dès lors que la variable q(3) capte en réalité l’effet Mur de Berlin et non l’effet de changement législatif. Un deuxième problème soulevé par Sfreddo est que la relation introduite entre le taux d’intérêt et la croissance de la masse monétaire n’est en pratique pas linéaire comme il le suppose au départ. Par conséquent, l’approximation qui en résulte laisse place à des effets Page 20 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. résiduels qui peuvent être captés par les variables binaires et suggérer des interprétations erronées qui n’ont pas lieu d’être. Ainsi, ces résultats économétriques sont relativement encourageants dans le sens où ils ne rejettent pas l’hypothèse de l’influence du secret bancaire mais en même temps, ils sont fragiles et ne résistent pas à une analyse économique et circonstancielles. Il est utile de rappeler que le secret bancaire est une notion difficile à mesurer. L’idéal serait de pouvoir faire une analyse de tout ou rien, c’est à dire avoir sous la main une Suisse identique sans secret bancaire pour voir si effectivement ce dernier à un effet significatif . Il n’est pas nécessaire de préciser qu’une telle analyse est impossible. Nous pensons que depuis que la Suisse s’est construit cette réputation d’efficacité et de secret bancaire, ce phénomène joue un rôle important dans l’explication du différentiel des taux d’intérêt mais sa perspective future est fortement liée aux pressions exercées de l’extérieur sur le secret bancaire. Les pressions viennent principalement de deux endroits : • d’Europe : l’Union Européenne exerce des pressions avec comme prétexte la lutte contre le blanchiment d’argent. • des USA : les pressions viennent de puissants lobbies. Pour les Etats-Unis, nous pouvons citer le cas récent du lobby juif qui en 1997 exerça de fortes pressions sur les banques suisses pour avoir accès à leurs dossiers. Ces banques étaient accusées premièrement, d’avoir accepté des dépôts d’or nazi et d’avoir fournit divers services financiers au gouvernement nazi et deuxièmement, d’avoir gardé les comptes dormants des victimes juives et d’avoir refusé de les livrer à leurs successeurs. Bien que les banques suisses n’aient rien à se reprocher, à savoir qu’elles ont acceptés de l’argent nazi comme tout autre argent au titre de la neutralité et que la plupart des personnes qui portent plainte ont la possibilité de le faire parce que l’argent de leurs parents n’a pas été saisi par le régime nazi de par la présence même du secret bancaire à l’égard de quiconque, elles ont tout de même accepté de régler une compensation de 1.25 milliards de USD aux plaignants. Il faut donc croire qu’aux yeux des banques suisses, le secret bancaire a une valeur supérieure à ces 1.25 milliards de USD. Peut-être est-ce parce qu’elles perçoivent le secret Page 21 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. bancaire comme garant des taux bas et qu’une modification subite de ces taux les obligerait à engranger d’énormes pertes ( leurs actifs perdraient incontestablement de la valeur et les dépositaires devront être rémunérés à 3% plutôt que 0.5% ! voir graphique ci dessous). Il est donc très difficile de se prononcer sur le futur du secret bancaire en Suisse mais tout porte à croire qui si elle réussit à conserver sa spécificité sur ce point, cette dernière jouera un rôle important dans le maintien d’un différentiel des taux d’intérêt entre la Suisse et le reste du monde. % p.a. 14 12 1976-1998 Average Real Long-Term Interest Rates Using the GDP Deflators Graph 6 Mean = 4.52 St. dev. = 1.16 10 8 AUS 6 4 DK B CDN A F D I J NZ E S GB SF USA 2 CH 0 Page 22 NL N L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Crédibilité de la Banque Nationale Suisse et politique monétaire réactive : 1) Crédibilité de la BNS : La banque nationale d’un pays est l’institution dont le but est de maintenir un taux d’inflation « acceptable » tout en regardant de près d’autres indicateurs : croissance du produit intérieur brut, évolution du taux de change de sa monnaie en change flexible, taux de chômage, etc. Ainsi, avant toute chose, la crédibilité d’une banque nationale est jugée sur sa capacité à combattre l’inflation. Un point est important à ce niveau. La crédibilité que lui donneront les marchés financiers et autres organismes internationaux ( FMI,…) dépend moins du résultat similaire au but énoncé ( 50 % du temps , ce but n’est pas atteint ) que de la justesse des moyens mis en oeuvre pour y arriver et la confiance qu’ont les marchés en la volonté de la banque centrale de parvenir à ce but. Donc de ne pas dévier de cet objectif pour utiliser l’asymétrie d’information par rapport aux anticipations du marché et ainsi diminuer le chômage ou autres. Le point crucial est donc que si les marchés croient à la politique monétaire de la banque centrale, leurs anticipations se rapprocheront du but annoncé par la banque centrale. La notion de crédibilité d’une banque centrale est alors très fortement liée aux anticipations d’inflation des investisseurs. Quel est alors le lien avec de faibles taux d’intérêts réels en Suisse ? Une lutte crédible contre l’inflation réduit le risque d’érosion du capital tel qu’il est perçu par les investisseurs. Ainsi, l’assurance que le capital et les revenus versés (dividendes, intérêts,…) ne seront pas entamés par l’inflation a un prix que les investisseurs sont d’accord de payer en se contentant d’un rendement réel moindre sur leurs placements. Cette notion de crédibilité ne peut s’acquérir qu’ à long terme. Voyons ce qu’il en est de la Banque Nationale Suisse. Cette institution a été fondée en 1905. Historiquement, la BNS a été la première (ou l’une des premières) à avoir contractée sa masse monétaire dans les années 30 dans le but de combattre l’inflation. Ainsi, la BNS a toujours été un exemple à suivre dans sa lutte contre l’inflation. La Page 23 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. politique monétaire de la BNS est considérée comme conservatrice (stabilité de la demande de monnaie et donc de l’inflation comme objectif) . Cette politique conservatrice et restrictive en ce qui concerne la masse monétaire a même coûté à la Suisse dans les années 1980 une croissance relativement plus faible que les autres pays industrialisés ( la BNS a coupé les reins de la croissance en contractant la masse monétaire dans un souci de lutte contre l’inflation « désinflation Volcker » alors que les autres pays se sont laissés pousser par la vague de croissance en ayant une politique monétaire expansive car les risques d’inflation étaient faibles (Keynes) ). Cette politique eu un impact négatif sur la BNS mais pas dans le sens de la lutte contre l’inflation qui était justement sa faute d’une certaine manière !!! En 1997, la demande de monnaie pour le franc suisse a connu une nouvelle instabilité ce qui a entraîné un changement de cadre pour la politique monétaire suisse. L’ idée de base était de ne plus toucher à la masse monétaire car cela entraîne des chocs sur la monnaie. On parle alors d’ inflation targeting avec comme instrument indirect le taux LIBOR sur le marché à termes (3 mois)de Londres (très liquide). Ce nouveau cadre fut mis en œuvre dès janvier 2000 : a) Nouveau cadre : 1) objectif direct : inflation (CPI) < 2 % / indirect : activité économique (croissance PIB, chômage,…) 2) prévisions d’inflation basées sur 8 modèles. 3) un scénario de base et plusieurs alternatives. Le LIBOR est un très bon instrument car il est très proche de l’inflation. Page 24 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Relation entre le taux d’inflation en Suisse et le LIBOR 3 mois : (les deux échelles sont différentes. Source :BNS :(CPI) inflation : 1978 :01 à 2001 :4 données journalières-moyenne mobile->trimestrielles Libor : 1989 :01 à 2001 :4 ) 0.025 10 0.020 8 0.015 6 0.010 4 0.005 2 0.000 -0.005 0 78 80 82 84 86 88 90 92 INFCH 94 96 98 00 LIBORCH Ce nouveau cadre monétaire a été très bien vu par les marchés financiers et par le FMI . L’inflation est plus stable depuis si ce n’est l’accident du 11 septembre. (l’écart type de la période du 01 :1978 au 04 :2001 est de 0.64 % alors que l’écart type depuis la nouvelle politique soit du 01 :2000 au 04 :2001 est de 0.33 % : il a ainsi baissé de moitié mais le second échantillon est vraiment petit !) De plus, la BNS donne de plus en plus d’information ( c.f. rapports mensuels et données ). Le FMI l’encourage vivement à continuer sur la voie de la transparence et de donner de plus en plus d’indications sur ses modèles et sur la façon dont elle anticipe l’inflation. b) Indépendance de la Banque Nationale Suisse : - Par rapport à l’Etat, dans la constitution : article 99. Ce point est très important du point de vue de l’inflation pour qu’il n’y ait pas de financement de l’Etat engendré par seigneuriage ( la banque centrale augmente la masse monétaire pour acheter des obligations émises par l’état ce qui engendre une inflation énorme). Page 25 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. - Par rapport à l’union européenne. Vu sa vieille réputation de solidité et de lutte efficace contre l’inflation, son indépendance (donc l’indépendance du franc par rapport à l’euro) est extrêmement bien vue par les marchés financiers. En effet, il semblerait que du point de vue de la réputation d’une banque centrale, les marchés ont une mémoire à long terme ; ainsi, la stabilité historique de la Suisse est une excellente chose. Cette indépendance rejoint une spécificité de la Suisse appréciée par les marchés. De plus, M.W. F. Duisenberg, le gouverneur de la Banque Centrale Européenne n’a pas jouit d’une très bonne critique alors que M. Jean-Pierre Roth, l’actuel directeur de la BNS bénéficie d’une réputation solide. Les marchés craignent en outre qu’un élargissement de l’Union Européenne aux pays de l’Est rendra particulièrement difficile les objectifs de la BCE (qui sont dans les grandes lignes similaires à ceux de la BNS) et principalement celui d’ une inflation inférieure à deux pourcent dans la zone euro avec des pays si différents économiquement. c) Réserves en or de la Banque Nationale Suisse : En avril 1999, avant que la BNS ne décide de revendre une partie de son or, les réserves en or de la BNS étaient de 2950 tonnes (38.3 % de toutes ses réserves). La BNS était donc le quatrième possesseur mondial derrière l’UE, les USA et le FMI. Le lien entre l’or et la monnaie est dans la constitution depuis plus de 100 ans. Pour certains, la force de la monnaie suisse et de son économie est liée aux perspectives de long terme de ses considérables réserves d’or ( pour un avis inverse : M. Von-Hungern). L’annonce qu’a fait la BNS de revendre, entre octobre 1999 et septembre 2004, 781.1 tonnes d’or (elle en a vendu actuellement env. 460.9 tonnes) pour effectuer des tâches importantes de l’Etat ( tâches à larges échelles, sociales) est une re-définition du rôle d’un actif comme l’or. Cette implication (possible, vu les votations à ce sujet) des réserves de la BNS dans des aides sociales a été perçue comme une preuve supplémentaire de la solidité de cette institution. De plus, le World Gold Council estime que la BNS a bien annoncé et fait les choses pour ne pas sur-perturber le marché de l’or ( l’annonce a toutefois fait baisser les cours, baisse qualifiée d’injustifiée par le conseil). Page 26 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Maintenant que la crédibilité tant historique qu’actuelle dont jouit la BNS sur les marchés internationaux a été mise en évidence, voyons si la Suisse a effectivement une inflation plus faible et plus stable que son grand voisin : l’Union Européenne et que l’autre « monstre économique » : les USA. Taux d’inflation en Suisse, en Union Européenne et aux USA : (source : BNS. Echantillon : 1978 :1 à 2001 :4 (95 observations trimestrielles) ) Graphique 1 : Comparaison des taux d’inflation: 0.05 0.04 0.03 0.02 0.01 0.00 -0.01 78 80 82 84 86 88 INFCH 90 92 94 96 INFEC 98 00 INFUS Graphique 2 : séries lissées par un filtre de Hodrick-Prescott ( paramètre := 1600 ): 0.035 0.030 0.025 0.020 0.015 0.010 0.005 0.000 78 80 82 84 86 88 INFCHHP 90 INFECHP Page 27 92 94 96 98 INFUSHP 00 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Le premier graphique montre que très souvent, le taux d’inflation en Suisse est inférieur aux deux autres mis à part certains accidents. De par la forme des séries, l’analyse n’est pas évidente. Le second graphique est à notre sens plus parlant. Le filtre de Hodrick-Prescott utilisé sur les trois séries lisse ces séries en gommant le bruit et les cycles à hautes fréquences. La méthode de Hodrick-Prescott est la plus utilisée par les macro-économistes pour obtenir une estimation lissée d’une tendance (trend) sur le long terme. Pour rappel, Série = tendance + cycle( Haute fréq. + Basse fréq.) + bruit (+ saison). Après avoir appliqué le filtre, : Série = tendance + cycle_Basse fréq. Ainsi, sur une tendance avec des cycles longs, le taux d’inflation en Suisse est sensiblement plus faible que dans les autres pays considérés. Entre 1991 et 1992, la tendance est supérieure à celle des USA mais sur une faible période. Donc en moyenne, la Suisse est plus efficace pour combattre l’inflation et le second graphique semble aussi indiquer une volatilité plus faible du taux d’inflation en Suisse (ce qui est moins visible sur le premier). Voyons si des statistiques chiffrées vont dans le même sens que cette analyse. Statistiques importantes de ces séries : Taux d’inflation : en Suisse en UE aux USA Mean 0.0065 0.0129 0.0110 Median 0.0050 0.0108 0.0086 Maximum 0.0241 0.0398 0.0402 Minimum -0.0039 0.0009 -0.0034 Std. Dev. 0.0064 0.0088 0.0083 Effectivement, sur cette période de (env) 24 ans, la Suisse a en moyenne un taux d’inflation presque de moitié inférieur aux deux autres. Page 28 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Le maximum est le plus faible pour la Suisse ainsi que pour le minimum (signe négatif donc période de déflation !!). L’écart type est également inférieur de environ 0.02 par rapport à l’UE et aux USA. Ces statistiques vont dans le sens de notre postulat soit que la BNS remplit parfaitement sa tâche de combat contre l’inflation ; et cela relativement mieux que les deux géants considérés. Cela que ce soit par rapport à un taux en moyenne plus faible mais également plus stable (ce qui n’est pas négligeable ) ; de la volatilité sur une telle variable augmenterait le risque perçu par le investisseurs et les investisseurs n’aiment pas ce genre de risque. Ainsi, le risque d’érosion du capital et de ses intérêts est plus faible et plus stable en moyenne en Suisse qu’ailleurs donc l’hypothèse d’une prime d’assurance que les investisseurs seraient prêt à payer pour investir en Suisse, soit un rendement réel plus faible, est tout à fait acceptable. La crédibilité de la BNS dans sa lutte contre l’inflation est donc une des causes défendable et tout à fait possible pour expliquer des taux d’intérêts réels relativement plus faible en Suisse. Futur de la crédibilité de la BNS : Le nouveau cadre monétaire est très bien perçu et l’objectif d’inflation du CPI inférieur à 2 % semble bien fonctionner vu que l’inflation Suisse pour 2002 avoisine les 0.9 % ! La BNS semble donner de plus en plus d’indications de transparence en accord avec le FMI. Son indépendance, vu ces résultats va fortement jouer en sa faveur lors de l’élargissement de l’UE à 22 pays membres. Nous pensons alors qu’à court terme, la BNS va continuer à voir son crédit augmenter surtout relativement à la BCE qui s’engage vers une voie extrêmement périlleuse due à l’élargissement. De plus, la Fed jouit actuellement et depuis un certain temps déjà de l’énorme notoriété et compétence de son président Allan Greenspan (entre autre). Le passage de pouvoir risque d’amener de l’incertitude sur les marchés financiers. La BNS pourrait alors, une fois encore, être vue comme un exemple de stabilité. Page 29 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Néanmoins, sur le plus long terme, nous pensons que même si la crédibilité de la BNS ne va pas s’effriter dans l’absolu, elle sera moindre relativement à la BCE qui (si elle fait les choses bien, ce qui est probable) gagnera avec le temps la confiance des marchés financiers. En conclusion, à court terme, cet avantage de crédibilité que détient la BNS pourrait parfaitement augmenter pour se stabiliser sur le plus long-terme. Pour remettre ces prévisions dans le contexte des taux d’intérêts réels, la cause de la crédibilité de la BNS pour lutter contre l’inflation pourrait encore faire diminuer les taux à court terme pour les faire se stabiliser dans le long terme. Page 30 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. 2) Politique monétaire « réactive » de la Banque Nationale Suisse: La politique monétaire peut être responsable de retours sur les actifs domestiques ( donc de taux d’intérêts) plus faible si elle réagit systématiquement à des changements sur les taux de change. Mac Callum (1994) a montré que la parité d’intérêt non couverte ( UIP ) ne tient plus si la banque centrale ajuste toujours son taux d’intérêt lorsque le taux de change se modifie. Il est reconnu que la BNS regarde de très près les pressions d’appréciations du franc suisse et le taux de change avec l’euro (avec le DM précédemment) vu que la majeure partie des exportations suisses (env. 70%) se fait avec la zone euro . [La BNS avait déclarée en 1978 (à la suite d’un afflux de capitaux ayant fortement apprécié le franc suisse) qu’elle ne laisserait pas le franc suisse s’apprécier au-dessous de 0.8 franc suisse par DM. Il est fort crédible de penser que ce comportement continue avec l’implémentation de l’euro]. Toutefois, de prouver empiriquement par un modèle une relation entre des modifications sur le taux de change euro / chf ou DM / chf par exemple et sur les taux d’intérêts est très difficile et les résultats auxquels nous sommes parvenus ne sont pas concluants. Néanmoins, cela ne veut pas dire que cette cause est inexistante. Deux auteurs de l’Université de Bâle ( Peter Kugler et Beatrice Weber) contredisent cette cause comme suit : Normalement, la déviation de l’UIP devrait être présente uniquement sur les monnaies que la BNS cible comme référence (en l’occurrence majoritairement le DM). Ils montrent qu’il n’y a pas de différence dans les déviations de l’UIP entre les monnaies « cibles » et les autres. En effet, si cette politique réactive existait avec l’Allemagne par exemple, la déviation encourue de l’UIP par rapport au DM devrait être beaucoup plus significative que par rapport au dollar Canadien par exemple. Page 31 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Analyse de Kugler-Weber : pays monnaies Déviation moyenne p/r UIP écart-type Belgique BEF 1.88 1.22 Canada CAD 2.06 3.01 Allemagne DEM 0.83 1.09 France FFR 2.41 1.21 Italie ITL 3.64 1.85 Japon JAP 3.1 2.49 Hollande NLG 1 1.08 Angleterre UKP 3.01 2.27 USA USD 2.36 2.93 (source : Peter Kugler, Beatrice Weber , university of Basel 2000) Graphique des déviations par pays: 4 3.5 3 déviation moyenne p/r UIP 2.5 2 écart-type 1.5 1 0.5 Ita lie Ja p H on ol la An n d e gl et er re U SA ce an ne Fr a ag m ad Al le an C Be lg iq ue 0 Page 32 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. L’argument pourrait être discutable vu les écarts types énormes résultant de leur analyse. Néanmoins, la déviation de l’UIP par rapport à l’Allemagne semble tellement faible relativement à ce qu’elle devrait être pour que la théorie de la politique monétaire réactive soit possible que ce contre-exemple semble parfaitement fondé. En conclusion, vu que nous n’avons pas pu apporter d’éléments allant dans le sens de cette hypothèse et que ces deux économistes apportent un contre-exemple qui nous semble réaliste et intéressant, nous restons sur leur avis : cette piste n’est pas intéressante pour expliquer le différentiel de taux d’intérêts que connaît la Suisse. Page 33 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Appréciation tendancielle réelle du franc suisse : Une autre cause possible pour des taux d’intérêts réels bas en Suisse serait l’ appréciation tendancielle réelle du franc suisse par rapport à de nombreuses monnaies. L’idée derrière cette hypothèse est la suivante : L’investisseur étranger possédant un actif libellé en francs suisses anticipera une appréciation de la monnaie entre l’instant où il change sa monnaie (par exemple des DM) pour acheter le titre et le moment où il vendra son actif et ré-échangera des francs contre des DM. Si le franc s’est apprécié effectivement comme il l’espère, il obtiendra plus de DM avec ses francs à la vente qu’à l’achat. Ainsi, le gain de change réel qu’il obtient compense le faible rendement réel dû à des taux bas. Ainsi, tant que les investisseurs étrangers croiront (nous utilisons le verbe croire mais il s’agit en fait d’anticipations vu que le cours de change spot à la date de revente de son actif est inconnu) à cette appréciation réelle de change, ils ne demanderont pas d’élévation des taux d’intérêts réels pour placer leur argent sur des actifs en francs suisses. Voyons graphiquement ce qu’il en est des taux de change réels et si appréciation il y a : (source des données : BNS, échantillon mensuel du 01 :1973 au 10 :2002 soit 358 obs.) 1.Indice du taux de change réel par rapport aux 24 pays avec lesquels la Suisse commerce le plus : ( il s’ agit d’une moyenne géométrique pondérée par les exportations ch) : 120 110 100 90 80 70 75 80 85 90 TOTAL Page 34 95 00 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. 2.Indice du taux de change réel par rapport à la zone euro : 110 100 90 80 70 75 80 85 90 95 00 EU 3.Indice du taux de change réel par rapport à l’Europe (tot), aux USA et au Japon : 160 140 120 100 80 60 40 75 80 USA 85 90 JAPON 95 00 EUROPE Les deux premiers graphiques montrent parfaitement l’appréciation réelle du franc suisse par rapport à une moyenne géométrique de 24 pays (Europe, Asie, Amérique du Nord et Australie) et par rapport aux 15 pays de la zone euro. Les tendances linéaires apposées montrent sans équivoque un renforcement réel du franc face à ces pays. Le troisième graphique indique que par rapport au dollar américain, la tendance est plus difficile à cerner vu le caractère cyclique de la série. Néanmoins, sur toute la période Page 35 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. considérée, on peut parler de légère appréciation du franc suisse par rapport au dollar (troisième tendance dessinée). Toutefois, par rapport au yen japonais, l’appréciation ne tient plus (première tendance) alors qu’avec l’Europe entière (EU + autres) elle est bien visible (seconde tendance). Ainsi, les cours par rapport au dollar ou au yen dépendent de trop de facteurs pour notre analyse. De plus, le commerce de la Suisse avec ces pays n’est pas grand relativement à l’Europe (Europe :72.02 %, USA :15.39 % et Japon 5.09 % de parts dans les exportations suisses ). Nous allons donc garder en tête l’hypothèse que par rapport au autres pays en moyenne (graphique 1) et par rapport à l’EU (graphique 2) ou à l’Europe géographique (graphique 3) le franc suisse s’est apprécié de façon nette depuis les années 70. Cette hypothèse est crédible et difficilement attaquable. « Ce mouvement confirme une tendance de fond entamée dès la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, contrecarrée cependant par des interventions constantes de la BNS en vue de respecter les exigences du système de Bretton Woods. N’oublions pas à ce propos que le franc suisse a été, avec le dollar américain, la seule monnaie à n’avoir subi qu’une seule dévaluation entre les années 1920 et le début des années 1970, date de l’effondrement du système de changes fixes » (c.f. Claudio Sfreddo , Université de Lausanne « Pourquoi les taux d’intérêts réels sont-ils si bas en Suisse ? Une première analyse ») Explication possible à cette appréciation réelle : Il existe plusieurs façons de calculer un taux de change réel. Voici les trois formules les plus connues : Attention, ces formules calculent le taux (chf / autre monnaie) donc une appréciation réelle du franc sera obtenue par une diminution du taux de change réel à l’inverse des graphiques cidessus. 1) taux change réel = taux de change nominal * ( prix pays étranger ) / ( prix en Suisse ) 2) taux change réel = ( prix biens échangeables ) / ( prix biens non-échangeables) 3) taux change réel = ( prix biens importés ) / ( prix biens exportés) Page 36 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. La seconde formule est celle qui est la plus souvent utilisée pour expliquer cette appréciation réelle et cette explication porte le nom d’effet Balassa-Samuelson. (souvent on parle de biens « tradable » et « non-tradable ». Les premiers sont ceux qui peuvent être commercés sur le marché international (ex : montres, chocolat,… ). Les seconds, par antinomie, sont ceux qui ne peuvent être consommés que sur place (ex :coiffeur,…)). L’idée derrière cet effet est la suivante : il prend en compte la différence relative de productivité entre ces deux secteurs. Si la productivité du travail augmente plus vite dans le secteur des biens échangeables soumis à une concurrence internationale vive par rapport aux secteurs des biens non-échangeables soumis à la seule concurrence nationale, le niveau des salaires du secteur échangeable va augmenter (meilleure productivité à coûts égaux => bonus, meilleurs salaires donc recherche des meilleurs éléments). Ainsi, si le secteur non-marchand ne veut pas voir ses travailleurs affluer massivement vers l’autre secteur, le niveau des salaires du secteur des biens non-échangeables devra suivre l’augmentation de l’autre. Donc, si l’augmentation des salaires est égale entre ces deux secteurs, alors le prix relatif des biens non-échangeables( par rapport au prix des biens échangeables) va augmenter de façon tendancielle pour compenser la hausse des salaires. Cette augmentation des prix des biens non-échangeables va faire diminuer de façon continue le taux de change réel et alors le franc suisse s’appréciera. Aebersold et Brunotti (1998) auraient trouvé des preuves significatives en comparant la productivité en Suisse et en Allemagne pour dire que l’appréciation réelle du franc par rapport au DM entre 1970 et 1994 est uniquement explicable par cet effet. Néanmoins, d’autres auteurs démentent ce fait en argumentant que la Suisse a connu une augmentation relative de la productivité du secteur des biens non-échangeables ce qui irait dans le sens contraire et donc devrait faire déprécier le franc Suisse. Pour expliquer ces contradictions, il faut préciser que le découpage entre biens échangeables et non-échangeables n’est pas évident ; beaucoup de biens contiennent de la matière échangeable mais du travail non-échangeable (ex : hamburger) . Souvent, les désaccords entre économistes se situent en ce point : quelle classification adopter et ensuite quel poids accorder à chaque secteur spécifique ( ex : habillement, métallurgie, agriculture,…). Néanmoins, les économistes à qui nous avons posé la question semblent dire que le secteur des biens non-échangeables souffre de personnes n’étant pour la majorité que peu au courant Page 37 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. des nouvelles techniques informatiques notamment et peu aptes au changement donc moins efficaces. Ces personnes se retrouvant moins dans le secteur ouvert à la concurrence internationale car les besoins de productivité du travail sont à des standards plus élevés. De plus, les progrès liés à l’informatisation et aux nouvelles techniques de communication sont depuis longtemps encrées dans les habitudes des employés d’entreprises soumises à une concurrence mondiale. Selon le FMI, les meilleurs gains en productivité ont été produits par les secteurs exposés à la compétition. Le secteur manufacturier suisse par exemple a enregistré une augmentation moyenne significative de sa productivité de même amplitude que les firmes américaines (FMI et Council of Economic Advisers, 2001). Les secteurs « stars » en augmentation de productivité sont les secteurs pharmaceutiques et de la chimie, depuis longtemps en concurrence internationale. Par contre, des secteurs comme l’agriculture, la construction ou les administrations souffrent de productivité du travail négatives (ce sont des gros secteurs de biens non-échangeables). Notons également que le secteur bancaire suisse (soumis à la concurrence mondiale) est l’un des plus productif au monde (2 à 3 fois plus que le reste du monde selon le FMI). La non-adhésion de la Suisse à l’Union Européenne n’a pas permis à certains secteurs internes de profiter d’une concurrence accrue et donc de se « reprendre en main ». La Suisse effectivement souffre de monopoles ou tout du moins de marchés peu concurrentiels ce qui influe négativement sur la productivité du travail. Ces arguments nous feraient plutôt pencher sur l’hypothèse de l’effet Balassa-Samuelson. (nous avouons nous être penché sur une façon de calculer les productivités respectives des deux secteurs. Les chiffres de productivité du travail pour chaque secteur sont disponibles. La première difficulté est de les classer entre échangeables et non échangeables. La seconde est de trouver des pondérations réalistes pour chaque secteur). En conclusion, l’appréciation tendancielle du franc suisse est un fait bel et bien réel. La plupart des travaux faits à ce sujets exposent l’effet Balassa-Samuelson comme cause principale ce qui signifie que le secteur exposé à la concurrence mondiale est plus productif que le secteur exposé à la seule concurrence nationale. Cette cause semble être pertinente pour expliquer en partie l’îlot suisse de taux d’intérêts réels. Page 38 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Evolution future de cette appréciation réelle : Sur le court- terme, il est bien possible que le franc suisse continue à s’apprécier mais d’une façon plus légère car il est déjà très fort pour une monnaie d’une petite économie, le plus probable étant qu’il se stabilise. A plus long-terme, le secteur exportateur suisse commencera à faire pression pour une dépréciation du franc suisse afin qu’ils puissent rester compétitifs. De plus, la BNS ne laissera jamais le franc suisse s’envoler sans réaction. Cette appréciation tendancielle devrait donc tendre à se résorber sur le long terme. Ainsi, par rapport à l’effet sur les taux d’intérêts réels, à court terme, l’appréciation se fera moins prononcée donc cette cause ne pourra continuer à faire baisser les taux ; tout du moins à les garder constants. Sur le long terme, les investisseurs ne pourraient d’une façon réaliste continuer à tabler sur une appréciation continue du franc donc demanderont un rendement plus élevé donc des taux d’intérêts plus élevés. De plus, les investisseurs européens pourraient se lasser du risque de change s’il commence à fluctuer dans un sens ou dans l’autre comme par rapport au dollar. Donc, pour les faire investir en Suisse, une augmentation des taux d’intérêts réels à long terme serait la seule solution. Page 39 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Excès d’épargne L’excès d’épargne par rapport à l’investissement est un des facteurs explicatifs qui semble des plus convaincant pour les économistes afin d’expliquer la persistance de l’écart des taux d’intérêts. De façon intuitive, on peut voir l’épargne nationale comme une offre de fonds prêtables et l’investissement comme une demande de ces fonds prêtables, le prix étant alors le taux d’intérêt réel. L’équilibre sur les marchés financiers voudrait donc qu’on ait une égalité de l’offre et de la demande, aussi un excès d’offre de fond prêtable dans une économie aura tendance a en faire baisser le prix. On aurait donc par ce simple processus d’offre et de demande, un taux d’intérêt réel bas dans des économies ayant un excès d’épargne. On sait que depuis plus de 30 ans la Suisse a une propension à épargner très importante et que sa position créditrice nette en proportion du PIB est une des plus élevée au niveau mondial. Cette position particulière de la Suisse pourrait expliquer en partie le phénomène d’îlot suisse des taux d’intérêt. Toutefois d’autres pays comme le Japon et l’Allemagne sont eux aussi de très importants créditeurs nets, sans pour autant connaître le même phénomène. De plus on sait que même si les Etats-Unis ont une position débitrice des plus importante, ils ont eu durant l’ensemble des années 90 des taux d’intérêt réel très bas par rapport au reste du monde, ceci peut s’expliquer par le très fort afflux de capitaux étrangers venant aux EtatsUnis durant la même période. Dans les faits, comme on le voit en Suisse dans l’évolution comparé des taux d'intérêt réel à long terme et du solde de la balance des transactions courante ( c’est à dire la balance commerciale + les transferts unilatéraux + le solde de la balance des revenus des facteurs), l’impacte négatif de l’excès d’épargne sur le taux d’intérêt réel ne semble pas se vérifier. Page 40 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. En effet sur la période 1960-2000, le taux d’intérêt et la balance des transactions courantes ont suivi une évolution parallèle. Evolution des taux d'intérêt réel à long terme de la Suisse en % (ir_ch) et du solde de la balance des transactions courante en % du PIB : données trimestrielles 1980 :1 2001 :4 (sources : institut Créa) 10 8 6 4 2 0 -2 -4 60 65 70 75 80 IR_CH 85 90 95 00 SBC_CH Ainsi à elle seule la position créditrice internationale de la Suisse ne permet pas de justifier son niveau des taux d’intérêts, toutefois cette donnée combinée à d’autres facteurs joue sans nulle doute un rôle important et on peut penser que si la Suisse connaît un jour une très forte diminution de son épargne, cela pourrait tendre à faire augmenter de manière significative son taux d’intérêt. Dans l’avenir, on peut penser que la Suisse maintiendra sa position créditrice nette de capitaux au niveau international et que cela jouera en faveur du bas niveau des taux d’intérêts, mais ce fait ne constitue pas à lui seul une garantie du maintient de l’îlot suisse. Pour terminer sur ce sujet, on peut préciser qu’un des facteurs explicatifs du haut niveau de l’épargne privé en suisse serait selon certains économistes (Mauro, 1995) le système de financement des assurances sociales notamment en raison du développement du deuxième pilier. Page 41 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Ainsi l’évolution démographique pourrait à plus long terme réduire cette épargne privée et donc éventuellement augmenter les taux d’intérêts. Fiscalité de l’épargne Les différences de fiscalité entre la Suisse et l’étranger doivent aussi être prises en considération dans cette étude, en effet une fiscalité favorisant l’épargne ou pénalisant l’emprunt pourrait être un facteur explicatif de l’îlot suisse. Ainsi même si l’analyse de l’impact que pourrait avoir la fiscalité sur les taux d’intérêt semblent complexe, nous pouvons tenter d’observer le cas suisse en matière de fiscalité. Le vrai problème se situe toutefois lorsque l’on veut procéder à des comparaisons internationales des systèmes fiscaux. En effet, les différentes règles et méthodes de calculs sont extrêmement complexes et rendent les travaux d’analyse comparative particulièrement difficiles. D’un point de vue théorique, il semble clair que la fiscalité influence le comportement en terme d’épargne et d’investissement, elle influence donc la rémunération ainsi que le choix d’affectation des épargnants et des investisseurs, ce qui en définitive pourrait influencer le niveau des taux d’intérêt réel moyens. En effet une fiscalité très avantageuse de l’épargne pourrait déboucher sur une augmentation importante et progressive du volume de l’épargne au cours du temps ce qui pourrait comme on l’a déjà vu justifier la présence d’un taux d’intérêt relativement bas. Toutefois compte tenu des taux d’imposition appliqués aux paiements d’intérêt en Suisse ou aux paiements des dividendes la présence d’un traitement préférentiel de l’épargne en suisse par rapport aux pays limitrophes ne semble pas évident. Ainsi en définitive l’élément fiscalité de l’épargne même s’il est loin d’être neutre, ne semble pas être un élément explicatif principal de l’îlot suisse des taux d’intérêt. Pour le futur, on sait que l’Union européenne et des pays tiers comme la Suisse planche sur un projet d’harmonisation de fiscalité depuis plusieurs années. Page 42 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Ainsi on se dirige plutôt vers un rapprochement des fiscalités et on peut penser qu’il n’y aura pas dans l’avenir de différence fiscale majeur entre la Suisse et les autres nations susceptible de réduire ou d’augmenter l’îlot suisse des taux d’intérêt. Politique budgétaire Les liens entre les finances publiques et les taux d’intérêt réels ont été abondamment étudiés pour différents pays, dans la littérature économique et ceci surtout sous l’angle de la ponction de l’état sur le marché des capitaux. Le financement de la dette public au travers d’une ponction faite par l’État sur le marché des capitaux provoquerait alors une hausse des taux d’intérêt en affectant la masse monétaire en circulation. On peut citer plusieurs causes pour expliquer cet effet. Premièrement le niveau de l’endettement aurait des répercussions notables sur la prime de risque contenue dans le taux d’intérêt réel. En effet, le taux d’intérêt réel est mesuré d’après les obligations d’Etat. Ainsi une augmentation du niveau d’endettement des collectivités publiques ferait aussitôt augmenter le risque d’insolvabilité de l’emprunteur ce qui naturellement lui ferait demander en retour une prime de risque plus élevé. On peut souligner aussi comme deuxième cause le fait qu’une augmentation des dettes publiques augmente également la probabilité d’une augmentation future des taux d’imposition. Là aussi, en retour, les investisseurs exigeraient un rendement plus élevé. Une autre explication possible pourrait être simplement le fait qu’une ponction sur le marché de l’épargne provoque une raréfaction des fonds empruntables et donc comme on l’a vu précédemment une hausse de leur prix. Dans le cas de la Suisse il ne semble pas y avoir de lien clair entre le niveau de l’endettement des collectivités publiques et le niveau des taux d’intérêt réel. On peut seulement observer que l’augmentation des taux d’intérêt réels de la deuxième moitié des années 1980 a précédé les difficultés budgétaires du début des années 1990, déficit chronique entraînant une explosion de la dette publique. Page 43 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Ceci est particulièrement visible lorsque l’on met en parallèle la dette de la confédération et le niveau des taux d’intérêt réel. Evolution des taux d'intérêt réel à long terme de la Suisse en % et le niveau de la dette de la confédération en milliard de chf : données annuelles 1980 2000 (sources : institut Créa) 120 4 100 3 80 2 60 1 40 20 0 80 82 84 86 88 90 92 DETTE_GLOBALE_CH 94 96 98 00 IR_CH On pourrait se demander comment cette accélération des dépenses publiques en Suisse, a pu être perçue par les marchés financiers. Ils auraient pu anticiper pour l’avenir qu’une partie de ces dépenses serait financée par de l’endettement supplémentaire et des hausses d’impôts conséquentes, ce qui aurait tiré vers le haut le niveau des taux d’intérêts réels. On peut voir empiriquement qu’il n’en est rien, les taux d’intérêt sont comme on le voit restés stables pendant la forte croissance de la dette globale de la confédération. Ceci peut s’expliquer par un endettement relativement bas en comparaison des autres pays. On sait en effet que les dettes publiques suisses sont en moyenne et en termes relatifs deux fois moins élevées que les dettes cumulées des collectivités publiques étrangères. En conclusion, on peut penser que la politique budgétaire ne semble pas être un facteur explicatif des plus convaincant pour justifier en Suisse un phénomène d’îlot des taux d’intérêt. On peut toutefois dire que même si ce facteur tout comme celui de l’excès de l’épargne ou encore la fiscalité, ne semblent pas à eux seuls justifier le phénomène, on peut dire sans nul doute que si la Suisse avait connu une épargne nationale très faible, un endettement public Page 44 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. plus important que celui de ses voisins européens ou encore une fiscalité de l’épargne très restrictive, cela aurait considérablement changé le phénomène et l’îlot suisse n’aurait peut être tout simplement pas existé. Page 45 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Evolution du taux d’intérêt réel de long terme en Suisse : Afin d’avoir une vue plus claire sur les évolutions futures de chacune des causes exposées, nous allons les résumer dans un tableau : Symbolique : évolution : + : effet positif sur le taux d’intérêt ( le taux augmente ; le différentiel s’effrite ) 0 : aucun effet, neutre sur le taux d’intérêt donc sur le différentiel - : effet négatif sur le taux d’intérêt (le taux diminue ; le différentiel persiste) pondération : + + : grande importance de la cause 0, + : faible importance de la cause voir aucune 0 : aucune importance de la cause Tableau 1: évolution: causes: pondération: à court-terme: à long-terme: à court-terme: reverse peso effect 0 0 0 Franc suisse: diversification - - ++ secret bancaire - 0, + ++ crédibilité de la BNS - 0, - ++ Appréciation réelle du chf excès d'épargne 0, 0 + + ++ 0, + politique budgétaire 0, + 0, + 0, + A court terme : Les trois causes que nous jugeons importantes pour déterminer l’évolution du taux d’intérêt réel sont : le franc suisse comme monnaie de diversification, le secret bancaire et l’appréciation réelle tendancielle du franc suisse. Ces trois causes vont dont le sens de conserver l’îlot suisse des taux d’intérêt. La politique budgétaire devrait selon nous avoir un effet moindre. Néanmoins, si cette cause doit faire évoluer le différentiel dans un sens, elle tendrait à l’amenuiser. L’excès d’épargne ainsi que le « reverse peso effect » n’ont à notre sens pas d’influence sur le différentiel à court terme. Nous pensons donc qu’à court terme , le différentiel ne devrait pas s’effriter et pourrait même encore légèrement se renforcer. Page 46 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. A long terme : Donner des prévisions à long terme sur un tel sujet est chose particulièrement périlleuse surtout sans analyse économétrique approfondie. Nous pensons que vu la grande incertitude qui touche l’évolution des variables considérées, une analyse de long terme n’aurait que peu de sens et n’apporterait aucune information assez solide pour être décrite. Sans aller dans le détail et comme nous l’avons mentionné dans l’analyse spécifique de chaque cause, deux d’entre elles qui favorisaient grandement l’îlot suisse ne devrait pas pouvoir garder la même pertinence sur dix ans ( en l’occurrence : l’opacité actuelle du secret bancaire et l’appréciation réelle tendancielle du franc suisse). En ce qui concerne le franc suisse comme monnaie de diversification, tant que la suisse gardera son indépendance donc son franc, cette option de sécurité pour les investisseurs devrait persister. La crédibilité de la BNS ne devrait pas s’amoindrir dans l’absolu et pourrait même augmenter. Néanmoins nous pensons que relativement à la BCE, la BNS ne devrait pas garder un « avantage concurrentiel » sur le long terme. L’excès d’épargne que connaît la Suisse pourrait, si il ne reste pas à un niveau aussi élevé, influer négativement sur le différentiel. La politique budgétaire est aussi difficile à prévoir. Le conseillé fédéral G. Villiger a lancé une vaste politique de frein à l’endettement. Néanmoins la dette actuelle de l’état avoisine les 60 % du PIB ce qui est loin de l’état de la dette il y a dix ans ( mais est faible relativement à la plupart des autres pays industrialisés). Il est donc impossible de sérieusement donner une prévision à ce sujet. Nous pensons toutefois que la dette devrait continuer à augmenter donc s’il fallait donner un avis, ce serait que cette variable tendrait, à long terme, à faire diminuer le différentiel ( pour être plus précis, il faudrait analyser l’évolution potentielle de la dette européenne entre autre). Toutes ces constatations vont dans le sens d’un effritement du différentiel sur le long terme. Cet effritement n‘a pas forcément pour signification une mauvaise gestion de ces variables par la Suisse mais plutôt une convergence générale sur les fondamentaux des pays industrialisés et sur un compétence accrue de l’Union Européenne. Page 47 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Quelles sont les conséquences d’une augmentation des taux d’intérêts en Suisse ? Un taux d’intérêt bas présente-t-il des avantages ou des désavantages ? Dans le cadre européen, si le niveau des taux d’intérêts réels continue d’être influencé à la baisse, en raison notamment des progrès réalisés dans le domaine des finances publiques, il est envisageable que progressivement l’avantage relatif de taux d’intérêt réel de la Suisse se résorbe, voire disparaisse, même si les taux suisses ne progressent pas. Cette convergence est mise en évidence en annexe. On peut penser qu’une telle évolution va générer un environnement conjoncturel plus favorable, ce qui profiterait pleinement à la Suisse, puisque sous cette hypothèse, la convergence des taux d’intérêts européens se sera effectuée au ni veau des taux suisses, et non l’inverse. Dans ce contexte, la Suisse a tout intérêt à conserver des taux bas et à attendre que les choses se passent (wait and see). Avantages et désavantages intrinsèques d’un taux bas : • Évaluation des prix des actifs : La valeur actuelle des actifs est calculée (actualisée) avec le taux d’intérêt à chaque période. Donc, une hausse tendancielle de l’ensemble de la structure des taux d’intérêt selon les échéances aura pour première conséquence de déclencher des moins-values en capital. Cette tendance impliquerait une réévaluation à la baisse des portefeuilles obligataires et d’autres actifs. Ainsi, une importante perte de richesse devrait être considérée pour les détenteurs de tels actifs si les taux d’intérêt en Suisse viennent effectivement à augmenter. • Effet global sur l’économie Suisse : Des modèle très complexes ont été mis en place pour étudier l’effet d’une augmentation des taux d’intérêt (résultant de l’adhésion de la Suisse à l’union monétaire européenne) sur les indicateurs clés de l’économie suisse. On peut citer les travaux de différents instituts sur l’intégration de la Suisse dans l’union européenne : LEA (laboratoire d’économie appliquée à Genève) ; ECOPLAN (Büro für Wirtschafts- und Umweltstudien à Berne) ; KOF (Konjonkturforschungsstelle à Zurich) ; BAK (Konjonkturforschung à Bâle). L’approche de Page 48 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. modèle utilisée et la formulation du modèle jouent un rôle important dans les résultats obtenus. Ainsi l’institut LEA arrive à un effet de prospérité clairement positif et à l’augmentation de la consommation privée due notamment à l’augmentation du revenu de la fortune des agents privé favorisée par des intérêts plus hauts. Dans le sens opposé, les instituts BAK et KOF arrivent à un effet négatif sur le PNB et sur la consommation privée.¹ • Effet sur l’épargne des ménages et l’investissement des entreprises : Selon certains auteurs (Shaw, McKinnon) et d’après le modèle de l’économie Keynesienne, une hausse des taux d’intérêt favoriserait une augmentation de l’épargne et l’accumulation de rentes de capital, au détriment d’un comportement de consommation et d’investissement. Dans le cas de la Suisse il est intéressant de constater que malgré la présence d’un îlot suisse de taux d’intérêt, la quote-part d’épargne en % du revenu disponible est pendant longtemps demeurée plus élevée que dans les pays voisins qui ont pourtant des intérêt plus hauts. Compte tenu de cette quote-part élevée de l’épargne en Suisse et en prenant en ligne de mire le vieillissement progressif de la population suisse, une tendance à la désépargne ou un recul de la propension marginale à épargner ne pourront certainement pas être compensées par une incitation découlant de l’augmentation modeste du rendement réel des placements. Bien qu’il ne soit pas la seule variable explicative des décisions d’investissement, le taux d’intérêt est souvent cité comme influence notable. On peut donc penser que les entreprises investiront moins à la suite de la disparition des l’îlot. En ce sens aussi, les taux bas sont un avantage. Il ne faut pas négliger que le taux d’intérêt ne représente pas la seule variable qui relie le monde financier à celui de l’économie réelle et de l’investissement. Un élément important à prendre en compte est la disposition des banques à prendre des risques, autrement dit, leur motivations à pratiquer le rationnement du crédit. Effectivement, il se peut très bien que les banques commerciales suisses maximisent leur profit à un taux d’intérêt plus bas que le taux d’équilibre du marché mais qu’elles préfèrent refuser de prêter de l’argent pour des projets risqués qui justifient un taux plus haut et conservent ainsi en Suisse des taux bas (cf graph. page suivante). Les personnes qui ont des projets plus risqués vont ainsi se financer à l’étranger et la Suisse conserve son îlot des taux d’intérêt. ¹Nous pouvons aussi citer l’étude de Laxton- Prasad (2001) : « Possible effects of European Monetary Union on Switzerland » dans laquelle les auteurs examinent l’effet de chocs extérieurs d’appreciation du franc suisse sur l’économie suisse avec et sans adhésion à l’EMU. Page 49 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. (sur l’axe horizontal : taux d’intérêt d’équilibre ; sur l’axe vertical profit attendu ex ante des banques ; source : AFF Doc. N°OT/2000/5) L’avantage c’est que les banques suisses se défont ainsi des projets à risque élevé mais le désavantage, comme l’a signalé le FMI lors de sa consultation annuelle avec la Suisse, c’est que le niveaux plus bas des taux d’intérêt en Suisse aurait favorisé le financement de projets d’investissement à très faible rentabilité, ce qui aurait conduit à une mauvaise allocation du capital. Dans ce contexte, une augmentation permanente du taux d’intérêt pourrait avoir comme conséquence de diminuer le niveau de profit escompté des banques de par l’augmentation de la prise de risque. Cet effet est illustré sur le graphique ci dessus : on reste sur une des trois courbes (banques différentes ou pays différents) mais le taux d’intérêt r(i) est supérieur à r*(i) et on se déplace sur la courbe. L’augmentation du taux d’intérêt peut aussi mener à repenser la sélection des projets finançables et déboucher sur un déplacement de l’effet de rationnement de crédit. Nous passerions alors d’une courbe de profit à l’autre (de A à B par exemple). • Effet sur les collectivités publiques : Si les taux d’intérêt convergent vers un niveau plus élevé, cela va poser de sérieux problèmes pour la gestion de la dette des collectivités publiques qui sont fortement endettées (considérons par exemple certains cantons suisses). L’AFF soutient qu’une augmentation d’un point de pourcentage (en termes nominaux) des taux d’intérêt à long terme aurait comme Page 50 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. conséquence une charge supplémentaire d’intérêt sur la dette de l’ordre de 700 à 800 millions de francs par année pour la Confédération. (Pour infirmation, la Confédération détient 104 milliards de capital étranger et 30 milliards d’actifs portant intérêt soit un endettement net de 70 milliards environ). Dans ce sens là c’est un avantage pour la Suisse de conserver un taux d’intérêt bas et d’attendre avant tout que la convergence des pays européen se poursuive vers le bas. Un autre avantage du taux bas est qu’il limite l’entrée massive de capitaux en Suisse pour des raisons décrites auparavant. Dès lors, en cas de convergence, nous pourrions nous attendre à un afflux de capitaux en Suisse avec des effets inflationnistes. Mais un avantage incontestable alors serait que les entrées fiscales de la Confédération augmenteraient sensiblement. Ces effets sont cependant difficiles à quantifier. • Effets sur différents secteurs de l’économie : Il est clair que des intérêts plus élevés rendent le facteur capital plus cher pour les entreprises. Sont particulièrement touchées les branches qui ont des ratios de capitaux étrangers élevés et donc une part de la charge financière importante par rapport au chiffre d’affaire brut (indiquée par la suite en %). Nous pouvons citer les branches de l’énergie (23%), de l’immobilier (18.1%) qui sont particulièrement touchées. Dans une moindre mesure on cite la construction (7.8%) et l’hôtellerie (7%). (Source : Crédit Suisse, Economic Research 2000). • Effet pour l’immobilier : Pour voir les avantages et désavantages d’un augmentation des taux pour ce secteur nous partons d’une constatation simple : la valeur présente d’un bien immobilier est calculée en actualisant les productions futures (loyers) du bien. Il ressort de cette constatation que le prix des biens immobiliers est abaissé (toutes choses égales par ailleurs). Sont particulièrement concernés les propriétaires qui vont subir une perte de valeur. De plus ce taux d’intérêt plus haut pourrait augmenter la valeur du seuil des investissements en bien immobilier, c’est à dire que les agents vont être plus hésitants à investir dans l’immobilier. Une autre conséquence importante est que la perte valeur des biens sera probablement répercutée sur les locataires à long terme (en dépit des loi qui existent pour les protéger) car il y aura simplement un excès de demande par rapport à l’offre jusqu’à retrouver un nouvel équilibre à un prix (loyer) plus Page 51 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. élevé. De plus, dans le secteur, le paiement des intérêts représente 17.3% des dépenses totales et le passif se compose à 82% de capital emprunté²: les profits seraient donc réduits massivement. Des études du début des années 1990 ont montré que 28% des locataires dépensaient plus de 30% de leur revenu pour la location de leur logement. Il faut cependant nuancer le fardeau que les locataires auront à porter. Effectivement, si les locataires disposent d’un capital de réserve (épargne), ils vont profiter des augmentations d’intérêt, ce qui va modérer la hausse des loyers. Il faut aussi signaler qu’un facteur d’influence important est la situation économique. Si l’augmentation des taux d’intérêt vient dans une période de croissance économique, elle serait fortement facilitée. Quoi qu’il en soit, les locataires devraient compter sur des loyers plus élevés. • Effet pour la construction : Le coût du facteur de production capital va bien sûr augmenter pour la branche et dans le même temps le prix de sa production (l’output) va aussi augmenter comme nous venons de le voir. Bref, les marges bénéficiaires seraient largement affectées et le secteur de la construction serait en difficulté. Un des avantages que l’on peut voir à cette augmentation c’est que, similairement à ce que nous avons suggéré pour le secteur bancaire, elle pourrait faire naître un pression pour corriger les faiblesses structurelles de la construction en Suisse. En effet , à l’heure actuelle, pour différentes raisons, il n’existe pas d’incitation favorable à la construction en Suisse. • Effet pour l’hôtellerie : Le secteur est aussi passablement endetté avec 80% du capital étant emprunté et les dépenses relatives en paiement d’intérêt s’élevant à 8.3 % du total. Si convergence il y a, l’hôtellerie va certainement connaître une période difficile dans la mesure où elle est presque incapable de répercuter la baisse de ses marges bénéficiaires sur les touristes. En effet, la concurrence accrue et le besoin de transparence de l’euro limitent la possibilité pour l’hôtellerie suisse d’offrir ses service à des prix plus élevés. L’existence d’une partie du secteur serait ainsi menacée. ² Bundesamt für Statistik (BfS), 1999 Page 52 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Il faut tout de même signaler que des intérêts plus hauts en Suisse s’accompagnerait par une dépréciation ou en tout cas une plus faible appréciation du franc suisse ce qui permettrait de répercuter une certaine hausse des prix d’autant plus que l’hôtellerie suisse est contrainte par le marché à accepter des paiements en euro. Pour la plupart des secteurs de l’économie, nous pouvons dire que l’augmentation des taux d’intérêt aurait pour effet de raccourcir l’existence d’entreprises qui connaissent des problèmes structurel de fonctionnement et économiquement faibles aujourd’hui déjà. Mais cela n’est pas évident, car dans l’agriculture par exemple, en plus des entreprises déjà en difficulté, les personnes les plus touchées seront les jeunes agriculteurs très endettés et les entreprises biologiques Page 53 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Conclusion : Nous avons mentionné dans la partie introductive que les résultats obtenus en matière de différentiel des taux d’intérêts en Suisse et à l ‘étranger sont fortement dépendants des taux considérés. Cependant, en prenant comme élément de comparaison les taux d’intérêt à long terme (obligations d’État à 5-10 ans en fonction du pays), nous avons effectivement constaté un différentiel significatif entre les taux réel et nominaux suisses et étrangers. Nous avons ensuite vu qu’il existe un certain nombre d’arguments pour expliquer ce différentiel. Chacun est plus ou moins crédible et laisse entrevoir des perspectives différentes. Comme dans tous les problèmes macroéconomiques il est difficile de se prononcer sur la cause précise d’un événement car souvent les causes sont multiples. Dans le cas de l’explication du différentiel du taux d’intérêt il est plus réaliste de se faire à l’idée qu’il s’agit d’un problème à aborder de manière systémique et non pas à découper de manière analytique en causes séparées comme l’on fait certains auteurs en y perdant quelque peu leur temps. Il est tout autant difficile de se prononcer quand au futur de ce différentiel. Mais, comme nous l’avons résumé dans le tableau 1, il apparaît, à notre sens, que le différentiel va persister dans le court terme sous l’effet de l’appréciation tendancielle du franc suisse, les avantages perçus par les investisseurs sur le secteur bancaire suisse et dans le cadre de la zone euro comme monnaie de diversification pour les investisseurs risque averses. Mais dans le moyen et long terme, nous ne pouvons pas vraiment soutenir le fait que ce différentiel va demeurer. Il tendrait même plutôt à disparaître en vue des différents éléments à considérer : le secret bancaire va probablement s’effriter sous les nombreuses pressions de l’extérieur ; la banque centrale européenne, à en juger par ses objectifs, si elle les respecte, va y gagner en crédibilité effritant ainsi l’avantage comparatif de la BNS ; les objectifs de la BNS et la réaction anticipée du secteur exportateur suisse nous laissent penser que sur le long terme le franc suisse ne connaîtra plus une telle appréciation tendancielle. Dans le cas où les taux d’intérêt en Suisse auraient à augmenter au niveau européen, il y aurait un certain nombre de conséquences sur l’économie suisse. Ainsi , nous avons montré que les taux d’intérêt bas en vigueur en Suisse représentent des avantages certains pour quelques secteur de l’économie et que surtout, une augmentation permanente de ces taux aurait des conséquences visiblement pénalisante sur ces secteurs. Les collectivités publique sont Page 54 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. particulièrement concernées dans la mesure où elles sont fortement endettées. Mais il faut signaler qu’une grande partie des dépenses publiques peuvent avoir pour conséquence de soutenir, comme dans l’agriculture, certains prix dans le secteur des biens non échangeables et contribuer ainsi à la valorisation tendancielle du franc suisse telle que décrite par Balassa Samuelson. Ainsi par enchaînement, la hausse des taux en Suisse provoquerait une compression des dépenses publiques dans le court terme et par raisonnement inverse (à la phrase précédente) une nouvelle augmentation des taux d’intérêt. Page 55 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Annexes Annexe 1 Taux d'intérêt à long terme nominaux et réels : Comparaisons entre la Suisse et 12 autres nations Taux d'intérêt à long terme nominaux et réels en % servis sur les obligations d’Etat (échéances 5 à 10 ans) Données trimestrielles 1980 :1 2001 :4 (sources : institut Créa) 1.1) Taux nominaux : pays de l'UEM : Autriche, Belgique, France, Allemagne, Italie 20 16 12 8 4 0 80 82 84 86 88 90 IN_CH IN_A UT IN_B E L 92 94 96 IN_FRA IN_GE R IN_IT A Page 56 98 00 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. 1.2) Taux réel : pays de l'UEM : Autriche, Belgique, France, Allemagne, Italie 10 8 6 4 2 0 -2 80 82 84 86 88 90 92 94 IR_CH IR_AUT IR_BEL 96 98 00 IR_FRA IR_GER IR_ITA 2.1) Taux nominaux : pays hors UEM : Angleterre, Suède, Norvège 18 16 14 12 10 8 6 4 2 80 82 84 86 88 90 IN_CH IN_UK 92 94 96 IN_S W E IN_NOR Page 57 98 00 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. 2.2) Taux réel : pays hors UEM : Angleterre, Suède, Norvège 10 8 6 4 2 0 -2 80 82 84 86 88 90 92 IR_CH IR_UK 94 96 98 00 IR_SWE IR_NOR 3.1) Taux nominaux : pays hors de l’Europe : Canada, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande, Japon 20 15 10 5 0 80 82 84 86 88 90 IN_CH IN_CA N IN_US A 92 94 96 IN_NZ IN_J A P Page 58 98 00 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. 3.2) Taux réel : pays hors de l’Europe : Canada, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande, Japon 10 8 6 4 2 0 -2 -4 80 82 84 86 88 90 92 IR_CH IR_CAN IR_USA 94 96 98 00 IR_NZ IR_JAP Annexe 2 1. Uncovered interest parity (UIP). La parité d’intérêt non couverte se traduit par l’égalité: 1+i(t) = 1/S(t) . (1+i*(t)) . Se(t+1) Si nous prenons les log, nous obtenons : i(t) – i*(t) = se(t+1) – s(t) = ∆se(t+1), c’est une question de notation. En réalité il est impossible de connaître s(t+1), nous prendrons donc se(t+1) = s(t+1) + ε(t+1) Fama propose d’utiliser une simple régression linéaire de la forme : ∆ s(t+1) = α + β (i – i*) + ε(t), Page 59 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. où ε(t) n’est que du bruit blanc (ou la prime de risque demandée par les investisseurs suisses) : effectivement, 1+i(t) = S(t+1)/S(t) . (1+i*(t)) + RP(t) en logs, i(t) - s(t+1) + s(t) = i*(t) + RP(t) , pour i(t) et i*(t) + RP(t) ~ 0 on retrouve, s(t+1) – s(t) = ∆ s(t+1) = i(t) – i*(t) – RP(t) Nous nous attendons donc à ce que α = 0, β = 1 et E(ε(t)) = Constante < 0 (pour cela il faudra estimer le modèle sans constante). Nous construisons d’abord les séries nécessaires puis nous effectuons cette régression sur Eviews. ∆ s(t+1) est DCHUS ou DCHEC (i - i*) est DICHUS ou DICHEC Nous obtenons : • Pour la zone euro : Dependent Variable: DCHEC Method: Least Squares Sample(adjusted): 1986:10 2002:02 Included observations: 185 after adjusting endpoints Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob. α -0.006941 0.002468 -2.811783 0.0055 β -0.002590 0.000961 -2.694377 0.0077 R-squared 0.038157 Mean dependent var -0.000750 Adjusted R-squared 0.032901 S.D. dependent var 0.012482 Sum squared resid 0.027575 Schwarz criterion -5.916891 Log likelihood 552.5327 F-statistic 7.259670 Durbin-Watson stat 1.937427 Prob(F-statistic) 0.007708 Page 60 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Nous réalisons que la constante α du modèle est significativement différente de zéro ( T-Stat > 2 ) mais il est possible que cela soit dû comme nous l’attendons au fait que E(ε) = constante négative. De plus nous voyons que β est aussi significativement différent de zéro mais pas de manière très convaincante. Nous devinons déjà que H0 : β = 1 sera rejetée tout comme H0 : α = 0. Nous pouvons tout de même effectuer un test de Wald pour vérifier : Wald Test: Equation: Untitled Null Hypothesis: β=1 F-statistic 1088158. Probability 0.000000 Chi-square 1088158. Probability 0.000000 Effectivement on peut rejeter β = 1 avec aucune chance de nous tromper ! Essayons d’effectuer le test conjoint suivant : H0 : α = 0 et β = 1 Nous obtenons : Wald Test: Equation: Untitled Null Hypothesis: α =0 β =1 F-statistic 4049685. Probability 0.000000 Chi-square 8099370. Probability 0.000000 H0 est largement rejetée. Effectuons à présent les mêmes calculs pour les Etats Unis : • Pour la zone dollar : Page 61 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Dependent Variable: DCHUS Method: Least Squares Sample(adjusted): 1986:10 2002:02 Included observations: 185 after adjusting endpoints Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob. α -0.001863 0.002981 -0.624861 0.5328 β -0.001258 0.000945 -1.330861 0.1849 R-squared 0.009586 Mean dependent var 0.000228 Adjusted R-squared 0.004174 S.D. dependent var 0.034530 S.E. of regression 0.034458 Akaike info criterion -3.887422 Sum squared resid 0.217281 Schwarz criterion -3.852608 Log likelihood 361.5866 F-statistic 1.771191 Durbin-Watson stat 1.839436 Prob(F-statistic) 0.184891 Dans ce cas au moins α n’est pas significativement différent de zéro, dons α = 0 est vérifiée mais nous sommes loin du compte en ce qui concerne β = 1 dans la mesure où le modèle donne un β = 0 ! Sous cette forme là, le modèle ne semble pas exister. Dans les deux cas (euro et dollar) l’équilibre UIP n’est pas vérifié. De plus, nous pouvons relever que pour l’euro, où le modèle existe statistiquement (coeff. différents de zéro), la valeur du β a tendance à être négative, à l’opposé de ce que l’on attendait. Il semble quoi qu’il en soit que l’hypothèse UIP est difficilement vérifiable dans ce cas précis là. Page 62 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Annexe 3 MODELE DES CRISES AVEC DUMMIES Dependent Variable: D_IQN1_CH Method: Least Squares Sample(adjusted): 1973:3 2001:1 Included observations: 111 after adjusting endpoints Convergence achieved after 13 iterations Backcast: 1973:2 Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob. D_IQN1_USA 0.065559 0.059371 1.104215 0.2723 D_IQN1_GER 0.357660 0.077783 4.598177 0.0000 D_IQN1_FRA 0.072009 0.062984 1.143294 0.2558 D_M_CH -0.054541 0.018214 -2.994415 0.0035 DUM1 0.003999 0.003296 1.213239 0.2281 DUM2 -9.10E-05 0.001420 -0.064129 0.9490 DUM3 0.001242 0.001199 1.035655 0.3030 DUM4 -0.001540 0.001343 -1.147480 0.2541 DUM5 0.002391 0.001858 1.287383 0.2011 DUM6 -0.002306 0.002337 -0.986724 0.3263 DUM7 0.001272 0.002336 0.544385 0.5875 DUM8 -0.002118 0.002326 -0.910879 0.3647 D_APCH1_GER 0.000684 0.002402 0.284692 0.7765 D_APCH1_USA 0.001090 0.000951 1.145484 0.2549 D_APCH1_FRA -0.000661 0.002089 -0.316409 0.7524 AR(1) 0.330508 0.387464 0.853002 0.3958 MA(1) -0.123304 0.402684 -0.306206 0.7601 R-squared 0.587420 Mean dependent var -0.000175 Adjusted R-squared 0.517194 S.D. dependent var 0.003384 S.E. of regression 0.002352 Akaike info criterion -9.127404 Sum squared resid 0.000520 Schwarz criterion -8.712431 Log likelihood 523.5709 Durbin-Watson stat 1.978202 Inverted AR Roots .33 Inverted MA Roots .12 Page 63 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Annexe 4 REGRESSION CHF / OR Dependent Variable: ECH_USA Method: Least Squares Sample(adjusted): 1961:1 2001:2 Included observations: 162 after adjusting endpoints Convergence achieved after 8 iterations Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob. C 0.429084 0.115218 3.724093 0.0003 PQ_GOLD 0.000427 0.000163 2.621814 0.0096 AR(1) 1.155900 0.078649 14.69697 0.0000 AR(2) -0.177908 0.078416 -2.268771 0.0246 R-squared 0.982829 Mean dependent var 0.478851 Adjusted R-squared 0.982503 S.D. dependent var 0.200492 S.E. of regression 0.026520 Akaike info criterion -4.397459 Sum squared resid 0.111122 Schwarz criterion -4.321222 Log likelihood 360.1942 F-statistic 3014.605 Durbin-Watson stat 1.962743 Prob(F-statistic) 0.000000 Inverted AR Roots .97 .18 0.10 0.05 0.00 -0.05 -0.10 65 70 75 80 85 90 ECH_USA Residuals Page 64 95 00 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. White Heteroskedasticity Test: F-statistic 14.27664 Probability 0.000002 Obs*R-squared 24.66302 Probability 0.000004 Test Equation: Dependent Variable: RESID^2 Method: Least Squares Date: 12/27/01 Time: 23:51 Sample: 1961:1 2001:2 Included observations: 162 Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob. C -0.000247 0.000217 -1.136585 0.2574 PQ_GOLD 6.63E-06 2.32E-06 2.862165 0.0048 PQ_GOLD^2 -7.94E-09 4.80E-09 -1.653760 0.1001 R-squared 0.152241 Mean dependent var 0.000686 Adjusted R-squared 0.141577 S.D. dependent var 0.001256 S.E. of regression 0.001164 Akaike info criterion -10.65571 Sum squared resid 0.000215 Schwarz criterion -10.59854 Log likelihood 866.1128 F-statistic 14.27664 Durbin-Watson stat 2.024200 Prob(F-statistic) 0.000002 Page 65 06 /0 9 07 /20 /0 01 9 08 /20 /0 01 9 09 /20 /0 01 9 10 /20 /0 01 9 11 /20 /0 01 9 12 /20 /0 01 9 13 /20 /0 01 9 14 /20 /0 01 9 15 /20 /0 01 9 16 /20 /0 01 9 17 /20 /0 01 9 18 /20 /0 01 9 19 /20 /0 01 9 20 /20 /0 01 9 21 /20 /0 01 9/ 20 01 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. 11 Septembre 2001 Annexe 5a 1,73 1,71 1,69 1,67 1,65 1,63 1,61 1,59 1,57 1,55 Page 66 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Annexe 5b 1,85 1,8 1,75 1,7 1,65 1,6 Page 67 21/01/2002 21/12/2001 21/11/2001 21/10/2001 21/09/2001 21/08/2001 21/07/2001 21/06/2001 1,55 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Bibliographie : 1 : Peter Kugler, Beatrice Weder; 22 mars 2000; The Swiss Interset Rate Puzzle: Why are Returns on Swiss Assets so low?; Department of Economics, University of Basle; Bâle. 2: Joseph E. Gagnon; December 1996; Net foreign assets and equilibrium exchange rates: panel evidence; Boards of Governors of the Federal Reserve System; International Finance Discussion Paper, number 574. 3: T. Haniotis, B. Jeitzinier, B. Parnisari, J. Schumacher,W. Weber ; aôut 2001; La Suisse, un îlot de taux d’intérêt ? Analyse et perspective; Administration fédérale des Finances ; Berne 4: Anastassios Gagales; September 2002; Groth in Switzerland: Can Better Groth Be Sustained?; IMF Working Paper, European I Department; IMF; Washington. 5: Claudio Sfreddo; 2002; Pourquoi les taux réels sont-ils si bas en Suisse? Une première analyse ; Institut Créa, Université de Lausanne. 6 :Giovanni P. Olivei ; Second Quarter 2002 ; Switzerland’s Approach to Monetary Policy ; Federal Reserve Bank of Boston; Boston. 7: IMF Staff; June 2002; Exchange Rate Regimes in an Increasingly Integrated World Economy; IMF; Washington. 8: Ronald MacDonald, Jun Nagayasu; March 1999; The Long-Run Relationship Between Real Exchange Rates and Real Interset Rate Differentials: A Panel Study; Moneatary and Exchange Affairs Department IMF Working Paper (WP/99/37), IMF; Washington. 9: Dr. Willem F. Duisenberg; 10 September 1999; Speech by the President of the European Central Bank at the Swiss Banking Congress In Zurich; Zurich. 10: Dr. Anne Kleinewefers Lehner; 21 novembre 2001; La Banque nationale suisse et sa politique monétaire ; Exposé à l’Université de Lausanne ; Banque nationale suisse ; Berne. 11 : World Gold Council ; 2002 ; Switzerland’s gold : Ten key questions about Switzerland’s gold; Public Policy Centre of the WGC; London. 12: Adam S. Posen Senior Fellow; september 23 2002; Deflation and the Bank of Japan; Article from “Business Insights” The Japan Times; Institute for International Economics. Page 68 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. 13: Jan Marc Berk, Klaas H.W.Knot; June 1999; Co-Movements in Long-Term Interest Rates and the Role of PPP-Based Exchange Rate Expectations; IMF Working Paper(WP/99/81); European I Department (WP/99/81); IMF; Washington. 14: Jean-Christian Lambelet, Alexander Mihailov; 2000; The Triple-Parity Law; Deep / HEC and Créa Institute; University of Lausanne. 15: Douglas Laxton, Eswar Prasad; 2001; Possible effects of European Monetary Union on Switzerland; Journal of Policy Modeling; Research Department, IMF; Washington. 16: Larry A. Sjaastad; 1998; On exchange rates, nominal and real; Journal of International Money and Finance; Department of Economics, University of Chicago. 17: Hans Genberg, Arjan Kadareja; 2001; The swiss franc and the Euro; from: R.E. Baldwin, A. Brunetti (eds); 2001; Economic Impact of EU Membership on Entrants; Kluwer Academic Publishers; Printed in the Netherlands. 18: Niklaus Blattner, Member of the Governing Board of the Swiss National Bank; 22 October 2002; The euro- implications for Switzerland and for the monetary policy of the Swiss National Bank; Speech at the Banking Studies Center Colloquium; Lugano. 19: Professor Burt Neuborne; 1999; Holocaust Victim Assets Litigation ( Swiss Banks Litigation); United States District Court for the Eastern District of New-York; Master Docket No. CV-96-4849; New-York. Page 69 L'îlot suisse des taux d'intérêt: explication et perspectives. Sites Internets: Banque nationale suisse: www.snb.ch Banque de France : www.banque-france.fr FMI : www.imf.org Pour aller directement aux cahiers de recherche du FMI sur la Suisse : www.imf.org/external/np/sec/pn/2000/pn0014.htm www.imf.org/external/np/sec/pn/2001/pn0149.htm www.imf.org/external/np/ms/2002/030402.htm www.imf.org/external/np/sec/pn/2002/pn0257.htm William Lee, Eswar Prasad ; 1994 ; Changes in the Relationship Between the Long-Term Interest Rate and Its Determinants; Working Paper (WP/94/124-EA), IMF; Washington. www.imf.org/external/pubs/cat/doctext.cfm?docno=WPIEA1241994 OCDE : www.oecd.org Banking Secrecy and Nazi Gold : http://cypherpunks.venona.com/date/1997/05/msg00299.html MG Financial Group: Factors affecting USD / CHF: www.forex-mg.com/resource/guides/default.asp?loc=CHF UBS; October 24 2000; Shadowing the euro is a hazardous course; Zurich / Basel. www.ubs.com/e/index/media/media_switzerland/archive/20001024b.html Journaux utilisés: The Wall Street Journal Europe; Tuesday / Wednesday December 31, 2002 Autres… Page 70