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Chronique Théâtre"Politiquement correct" :
Les tortures de l’amour
"Politiquement correct" à La Pépinière Théâtre Catherine Schwaab /
Paris Match
Que faire quand, femme de gauche, on tombe amoureuse sans le
savoir d’un militant du Front National ? C'est la question posée par
Salomé Lelouch dans "Politiquement correct", une pièce qui a ravi
notre journaliste Catherine Schwaab.
Salomé Lelouch, fille de Claude et d’Evelyne Bouix (et fortement
poussée dans ses réflexions par Pierre Arditi, à n’en pas douter), s’attaque à un sujet sensible. Que faire
quand, femme de gauche, on tombe amoureuse sans le savoir d’un militant du Front National ? Elle a écrit
cette pièce pour répondre à ses propres interrogations, c’est évident. Et elle va si loin dans les arguments de
ses quatre personnages (deux filles de gauche, deux militants du Front) que le spectateur à priori antifrontiste, est poussé à s’interroger. C’est d’une diabolique justesse. Et c’est surtout servi par quatre
comédiens formidables.
Alexandra (Rachel Arditi, sœur de Pierre même si elle a l’âge d’être sa fille) est une prof d’histoire,
généreuse, ouverte, humaniste, donc… plutôt à gauche. La voilà qui craque pour ce séduisant avocat un peu
rétro, un peu puritain, soudain « décoiffé » électrisé, emballé par cette fille si attachante (Thibaut de
Montalembert). Leurs amis : Andréa, marxiste convaincue aux arguments bien rodés (Ludivine de
Chastenet) et Louis le fleuriste, amateur de « fleurs françaises », frontiste (Bertrand Combe). Chacun à sa
manière, ils ont des côtés sympathiques. Et c’est tout le problème.
Il y a parfois un silence pesant
Ça commence par un quiproquo romantique sur fond de soirée électorale et ça se poursuit en crescendo qui
nous fait rire jaune. Les théories des uns et des autres sont si convaincantes, leur profil si réaliste. La
mauvaise foi le dispute constamment à la vérité. La bassesse, à la générosité. La salle est troublée,
suspendue : entre les rires, il y a parfois un silence inquiet, pesant. Il faut un sacré talent pour réussir à
envoyer ses arguments idéologiques sans jamais lâcher l’humour et la comédie. Ces quatre acteurs ont une
partition apparemment évidente, mais rien n’est facile.
Et de fait, le spectateur ne peut s’empêcher de s’interroger. Et si cette terrible pièce de théâtre était la réalité
? Salomé Lelouch avec ses quatre mercenaires (plus le patron du bar, en ponctuation astucieuse et
drôlatique, Arnaud Pfeiffer), nous oblige à regarder les choses en face, même si ça pue.
Quand une pièce de théâtre réussit à vous troubler, vous enrichir, vous faire réfléchir … et vous divertir,
c’est gagné. On n’a pas perdu sa soirée… ni son argent. Très fort !
Catherine Schwaab