Le web, nouveau moyen de pression

L’euro face à la dette
KEYSTONE
L’ACTU
VENDREDI 22 JUILLET 2011 LE NOUVELLISTE
BRUXELLES
Pour sortir de la crise de la dette
grecque, l’Europe ne ménage
pas ses efforts. Car derrière
les négociations de Bruxelles
se joue peu ou prou le sort
de l’euro. PAGE 22
SUISSE | MONDE | ÉCONOMIE
19
CONSOMMATION La mobilisation populaire via internet se révèle souvent
efficace. Exemples en Suisse avec la FRC et en Asie avec Greenpeace.
Le web, nouveau moyen de pression
SÉLIM BIEDERMANN
«Aujourd’hui, même les géants
ont un talon d’Achille: les entreprises sont très sensibles à leur image.
Des moyens comme Facebook
peuvent déjà influencer les choses.» Mathieu Fleury, secrétaire
général de la Fédération romande des consommateurs
(FRC), en convient: la Toile crée
de larges possibilités d’interaction. «C’est un nouvel outil extrêmement utile pour effectuer notre
travail.» Internet permet de fédérer des énergies. Une manière
de stimuler des associations
C’est
«
�
difficile
de mobiliser
les gens sur
le long terme.»
abondamment des moyens de
communication via la Toile. En
parallèle des actions en plein air,
c’est le meilleur moyen afin
d’agir collectivement. Condition
sine qua non pour mettre la
pression sur des sociétés peu
scrupuleuses de certains de
leurs agissements.
«Les actions menées sur internet
sont complémentaires à celles réalisées sur le terrain. Les consommateurs deviennent ainsi véritablement
acteurs»,
relève
Françoise Minarro, porte-parole
du service Biodiversité & toxiques de Greenpeace. L’organisation non gouvernementale
(ONG) incite régulièrement ses
adeptes et d’autres personnes
soucieuses de l’environnement à
«bombarder» de mails les sociétés incriminées. Il s’agit de maintenir l’intimidation entre deux
campagnes d’actions sur le terrain, et ceci tant que des agissements concrets ne sont pas
constatés.
«Il faut être créatif»
MATHIEU FLEURY
SECRÉTAIRE
GÉNÉRAL DE
LA FÉDÉRATION
ROMANDE DES
CONSOMMATEURS
comme la FRC.
Que ce soit au niveau des produits de consommation courante ou de causes plus générales, l’impact du web est réel.
«Pour la dissémination d’une action, internet est extraordinaire»,
souligne Mathieu Fleury. Cela
permet en effet d’interpeller un
maximum de gens en un minimum de temps. Des organismes
tels que Greenpeace usent aussi
«Ce ne sont pas seulement des
mails! Un scénario et une stratégie
internationale précèdent tout lancement de campagne.» En clair, il
faut sensibiliser les consommateurs avec une histoire en plusieurs volets quelque peu décalée. «Le démarrage d’une
campagne commence souvent
avec une vidéo. On prépare le travail pour encourager les gens à
passer à l’action», explique Françoise Minarro. «Nous utilisons
l’humour, le côté caricatural. Il
faut être créatif.» Dernier exemple en date: la vidéo de Ken quittant Barbie à cause de ses agissements au niveau de la forêt
indonésienne (lire ci-dessous).
«Ça plaît parce que l’on vit dans
«Des moyens comme Facebook peuvent déjà influencer les choses», note Mathieu Fleury. ARCHIVES CHRISTIAN GALLEY
une génération du visuel. On travaille avec les moyens actuels,
pour viser un maximum d’effets.»
Ecrire un mail demande moins
de temps à la personne qui souhaite participer à un mouvement protestataire. Et cela contribue certainement à mettre
certaines sociétés dans leurs petits souliers. Mais ce n’est pas
pour autant gage de succès. A
l’image des groupes qui se créent
sur Facebook. Mathieu Fleury
tempère: «Cela reste peu efficace si
ce n’est pas relayé par les médias
traditionnels. Il n’y a pas encore eu
de gros succès international à part
entière uniquement grâce à internet. Facebook, par exemple, est
une zone de dialogue très intéressante, mais cela ne remplace de
loin pas l’engagement sur le terrain.»
Donner de meilleures pistes
Mais les possibilités de dialogues entre les mondes virtuel et
réel sont porteuses d’espoir. Elles réduisent déjà les pratiques
de beaucoup. Et le patron de la
FRC de se convaincre d’une
chose, le poids d’internet sur les
sociétés visées ira croissant au fil
du temps. «Internet devient un
outil indispensable», assure-t-il.
C’est pourquoi la FRC remaniera
l’an prochain le contenu de son
site internet, qui est pour l’instant «passif», selon les termes
employés par Mathieu Fleury.
«Le site amènera une information
spécifique.»
Afin de donner de meilleures
pistes, pour que cela débouche
plus facilement sur les outils traditionnels. «Comme d’être actif
au Parlement, de profiter de nos
droits d’initiative.» �
PÉTITION EN LIGNE
La Fédération romande des
consommateurs vient de faire
un nouvel essai en cette année
2011: proposer de signer une
pétition en ligne. L’association
a récolté quelque 20 000 paraphes sur 38 000 au total grâce à
l’appui d’internet en faveur du
«Remboursement des lunettes
pour les enfants». «Cela prouve
qu’on est bien implanté», se réjouit Mathieu Fleury. «On ne va
pas lâcher le morceau.» � SBI
Barbie ne plie toujours pas sous le poids de la déforestation
«Est-ce que vous imaginiez Barbie en «serial killer»? Ken tombe
de haut. Sa jolie blonde en plastique l’a trahi: elle est mouillée
dans un scandale lié à la déforestation en Indonésie. Le côté décalé, voire cocasse, de la vidéo récemment postée sur internet par
Greenpeace interpelle. Le coup
de fil imaginaire de Ken à Mattel
a été visionné par plus de
130 000 personnes en un mois.
Et le fabricant de jouets a reçu
quelque 240 000 mails demandant de trouver une solution au
problème.
Mattel utilise en effet des emballages fabriqués avec un mélange de bois tropicaux. Cela au
mépris de la législation indonésienne, et sans égard aux derniers tigres de Sumatra et
orangs-outans qui peuplent les
forêts anciennes. Le fabricant
américain – qui a annoncé le
14 juillet avoir dégagé un béné-
fice net en hausse de 56% à
80,5 millions de dollars au
deuxième trimestre, grâce à une
forte progression des ventes de la
poupée Barbie – ne plie toujours
pas sous le poids des multiples
réclamations. Il a toutefois reconnu le problème et émis de
bonnes intentions, interrompant
même ses relations avec l’entreprise Asia Pulp & Paper (APP),
en l’occurrence pointée du doigt.
«Mais ce n’est qu’un arrêt provisoire. Nous souhaitons un engagement à long terme», critique Françoise Minarro.
Batailles gagnées
La porte-parole du service Biodiversité & toxiques de Greenpeace a par contre des raisons de se
réjouir. Les actions et pressions
exercées par l’organisme de défense de l’environnement sur le
groupe Lego ont porté leurs
fruits. Le combat mené était le
même que pour Mattel, s’agissant
également d’emballages conçus à
partir de bois précieux d’Indonésie. Au bout d’un mois de campagne, le 7 juillet, le fabricant de
jouets, soucieux de son image, a
fini par engager un plan d’action.
Il consent à baisser le nombre de
ses emballages, à les certifier et à
utiliser un maximum de matériel
recyclé. «C’est un point très positif
pour nous», lance, enthousiaste,
Françoise Minarro.
Autre grande réussite pour
Greenpeace: la bataille menée
contre l’entreprise Nestlé en 2010
concernant la marque de biscuits
enrobés de chocolat Kit Kat. Plus
de 300 000 mails ont été envoyés
et un million et demi de personnes ont visionné la vidéo mise en
ligne. Plusieurs activités «online»
et «offline» ont eu lieu. Et Nestlé
de retourner sa veste, imposant à
tous ses fournisseurs, après huit
semaines de pression, un ensem-
ble d’exigences au niveau de
l’huile de palme et des matériaux
d’emballage.
Mais Greenpeace a encore bien
d’autres chats à fouetter. Des analyses scientifiques réalisées dans
le laboratoire américain IPS ont
démontré que les groupes Hasbro
et Disney, actifs sur le marché du
jeu pour les enfants, se fournissaient aussi en pâte à papier chez
APP.
Et la dernière préoccupation
majeure en date de l’ONG n’est
autre que de lutter contre les
géants que sont Nike et Adidas.
Elle a publié récemment son rapport «Linge sale», montrant que
les fournisseurs des deux marques, notamment, polluent les rivières en Chine. Avec de graves
conséquences sur l’environnement et la population qui utilise
quotidiennement cette eau. � SBI
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