le cameroun de 1884 a 1939

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le cameroun de 1884 a 1939
LE CAMEROUN DE 1884 A 1939
24 décembre 2013
LECON 13
LES CONQUTES ET LES RESISTANCES AU CAMEROUN
- Présenter les principales puissances européennes présentes sur la côte « Cameroons »
et leurs attitudes ;
- Décrire le processus qui a conduit à l’annexion du « Cameroons » par l’Allemagne ;
- Présenter les guerres de conquête territoriale menées par l’Allemagne ;
- Présenter les réactions des populations locales à l’occupation allemande du
« Kamerun ».
INTRODUCTION
La conquête coloniale allemande du Cameroun fut un évènement inattendu, qui prit de court
plusieurs observateurs avertis de la scène internationale de l’époque. D’où l’appellation
« coup allemand ». Il en est ainsi car, des principales puissances européennes présentes sur la
côte du « Cameroons », la Grande-Bretagne fut la plus active. Mais, c’est l’Allemagne qui
finit par annexer et conquérir le « Kamerun ». A cette conquête, les populations locales
opposèrent des résistances plus ou moins vives, même si certaines ont plutôt collaboré avec
l’occupant.
I- LES PRINCIPALES PUISSANCES EUROPEENNES
« CAMEROONS » ET LEURS ATTITUDES
SUR
LA
COTE
DU
Les Portugais furent la première puissance européenne à s’implanter sur la côte
« Cameroons » ; c’était au XVe siècle. Ils furent rejoints plus tard par le Hollandais, Anglais,
Français et Allemands.
1- La présence portugaise au Cameroun
En 1472, à la recherche de la Route des Indes, un navigateur portugais, Fernando Po1, arriva à
l’Ile qui porte aujourd’hui son nom (Fernando Po, en espagnol)2. Ses caravelles accostèrent
sur le fleuve Wouri. Le nombre élevé de crevettes trouvées dans le Wouri émerveilla les
navigateurs qui donnèrent au fleuve le nom de Rio dos Cam aroes.
Les Portugais établirent des liens commerciaux avec les chefs douala. En effet, ces Portugais
apportaient du sel, des tissus, des récipients, du cuivre, de l’alcool, et recevaient en retour du
poivre blanc, du poisson, l’or (dans les mines d’El Mina ou du Monomotapa), de l’ivoire. Les
européens n'y fonderont cependant pas d´établissements permanents comme Luanda ou SaintLouis à cause des côtes marécageuses, difficiles d'accès et infestées de malaria.
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(Aujourd’hui Bioko, Guinée Équatoriale)
L’île de Fernando-Po, au large de la côte camerounaise fut découverte en 1472 par un navigateur portugais du
nom de Fernâo Do Poo. Des colons portugais venus de San Thomé l’occupèrent au début du XVIIIème siècle
avant de l’abandonner aux espagnols en 1777.
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A la fin du XVe siècle, pour mettre en valeur les îles de Madère et de São Tomé, les Portugais
inaugurèrent la déportation massive d’Africains. Percevant les Africains qu’ils rencontrent
comme une main-d’œuvre gratuite pour leurs plantations de sucre des îles Canar.ies (des îles
situées au large du Portugal, dans l’océan Atlantique), les Portugais commencent à les enlever
pour en faire leurs esclaves.
Après la découverte de l’Amérique en 1492, le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre et la France
y fondent des colonies et y installent de grandes plantations de sucre, café, riz, tabac et coton.
Pour planter, cultiver et récolter, les colons européens décident d’embarquer des milliers
d’Africains vers les Amériques pour en faire une main-d’œuvre gratuite, des esclaves. Le 7
juin 1494, les couronnes de Castille et d'Aragon et du Portugal, puissances maritimes et
colonialistes, s'accordent sur le partage du Nouveau Monde encore inexploré. Par le traité de
Tordesillas, la Castille et l'Aragon obtiennent la propriété de toute terre située à plus de 370
lieues à l'ouest des îles du Cap-Vert. Grâce à cet accord, le Portugal a donc pu jouir de sa
découverte du Brésil en 1500. A la faveur du traité de Tordesillas, la fourniture d’esclaves
revenait au Portugal.
Au Cameroun, la traite a eu lieu dans les villages de la côte actuelle de victoria, les villages de
l’estuaire du Wouri, Douala et Bonabéri mais, s’est beaucoup pratiquée autour de l’estuaire du
Wouri. Les besoins de main-d’œuvre ne cessant d’augmenter dans les colonies d’Amérique, le
commerce des esclaves africains prit de l’envergure au cours des XVIe et XVIIe siècles et
finit par enrichir considérablement le Portugal et l’Espagne. Cette richesse suscita des
convoitises : de nouvelles puissances apparurent en Europe. C’est ainsi que tour à tour
Hollandais (1578), Anglais et Français (1650) et Allemands (1868)3 prirent part au commerce
en implantant des comptoirs en Afrique.
2- Le dynamisme britannique sur la côte « Cameroons » au XIXe siècle
Les Britanniques s’installent sur la côte camerounaise dès le 17e siècle. Comme les Portugais,
les Espagnoles, les Hollandais, ils fondèrent des campagnes commerciales pour acheter de
l’ivoire, du caoutchouc sans oublier les esclaves, et pour vendre de l’alcool, des produits
manufacturés, de la poudre, … Les habitants de la région côtière leur servaient
d’intermédiaires et c’est eux qui achetaient les produits aux européens pour aller les vendre à
l’intérieur aux populations du Cameroun à qui ils achetaient à bas prix les marchandises qu’ils
revendaient sur la côte aux européens. Ceux-ci payaient alors des taxes aux chefs des pays
côtiers en échange du droit d’utiliser leurs territoires comme comptoirs.
Mais au 19e siècle, l’attitude britannique sur la côte camerounaise changea. En effet, au XIXe
siècle, l’Europe est en pleine Révolution industrielle. Elle n’a donc plus besoin d’esclaves. De
plus, les puissances industrielles européennes se livrent à une concurrence acharnée pour le
contrôle du marché européen qui s’avère déjà étroit. Il naît donc en Europe des doctrines
impérialistes. Dès lors, les puissances industrielles européennes (la Grande-Bretagne en tête)
vont d’abord s’activer à éradiquer l’esclavage et la traite des noirs sur les côtes africaines;
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Installation de négociants allemands
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ensuite dépêcher des agents de pénétration en Afrique qui vont préparer le terrain pour les
futures conquêtes coloniales.
La Grande-Bretagne dépêcha donc des officiels sur la côte « Cameroons4 » dans l’optique
d’appliquer l’interdiction de la traite négrière en encourageant le commerce ; ce qui n'était pas
du goût des chefs Doualas de l'époque qui allèrent jusqu'à écrire à la reine Victoria pour lui
signifier leur mécontentement. Puisque ce commerce était pour les chefs de la côte une source
importante de revenus, cela n’a pas été facile de parler d’abolition ; il leur a fallu la promesse
d’une indemnité pour qu’ils acceptent de l’interdire. Pour lutter efficacement contre la traite,
les Britanniques vont imposer sa suppression aux chefs de la côte du Cameroun en signant
avec eux des traités à savoir :

le traité du 10 Juin 1840
ce traité stipule que les rois Akwa et Bell acceptent ne plus consentir ou permettre à leur
peuple de faire la traite des esclaves ; et même s’ils voient un bateau négrier arriver dans le
fleuve, ils en informeront un des croiseurs du gouvernement anglais se trouvant dans le
voisinage à condition que ce gouvernement leur donne annuellement le « dash » ; le dash était
constitué de 60 fusils, 100 pièces de toile, 2 barils de poudre, 2 tonneaux de rhum, 1 uniforme
écarlate avec épaulette, 1 sabre. Ce traité fut signé par king Akwa, king Bell et les témoins
anglais.

le traité du 7 Mai 1841
Ce second traité est signé dans le même but entre William Simpson Blount qui commandait
le vaisseau anglais « pluto » et le roi Bell de Bell’s Town ; malgré ces deux traités, la traite
des esclaves continue clandestinement.

Le traité du 29 Avril 1852
Ce traité reste le plus important de tous puisqu’il aborde plusieurs questions à la fois :
abolition de la traite, interdiction des sacrifices humains, liberté religieuse, protection des
missionnaires, création d’un cimetière chrétien ; ce traité est signé entre le consul anglais John
Beecroft représentant du gouvernement britannique. Peu à peu, la traite des esclaves cesse
mais non l’esclavage ; en effet, l’esclavage existait avant la traite des esclaves puisqu’on
distinguait les hommes libres, les serviteurs au service des hommes libres, les esclaves qui
n’avaient aucun droit ; malheureusement, la femme avait une condition inférieure, on la
considérait comme un objet d’échange, une source ou un signe de richesse ; c’est sous la
colonisation allemande et française, que des mesures ont été prises pour supprimer l’esclavage
de l’homme et améliorer la condition de la femme.
Dans cette période, les anglais ont beaucoup œuvré sur les côtes camerounaises. En 1849, le
consul John Beecroft règle un problème entre les populations et les commerçants anglais. En
1850, il préside une importante conférence qui aboutit au traité du 17 Décembre 1850 ; ce
traité est une véritable charte qui organise le commerce, le trafic du port, le péage, la police de
la ville. Il achèvera son œuvre avec le traité de 1852.
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En 1827, les anglais s’installent à Fernando-po où ils fondent une colonie sous la conduite du capitaine Owens ;
pour lutter efficacement contre la traite.
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Les commerçants britanniques qui s’installèrent sur la côte du Cameroun exerçaient
individuellement ou dans le cadre des compagnies de commerce. Au sujet de ces dernières,
nous pouvons citer la John Holt and company limited, fondée en 1867 par John Holt et la
Ambas Bay company, qui avaient chacune de nombreux comptoirs sur la côte de Douala et de
Victoria. Ces commerçants firent rayonner l’influence britannique en s’associant aux officiels
pour signer des accords avec les chefs et commerçants du Cameroun. Certains de ces accords
permirent l’institution de deux cours d’équité, l’une à Douala et l’autre à Victoria, avec
chacune pour charge d’arbitrer les conflits commerciaux entre les différents partenaires
opérant dans ce secteur.
En janvier 1841, les premiers missionnaires protestants de la Mission Baptiste de Londres,
Joseph Merrick (fils d’ancien esclave jamaïcain) et Alfred Saker (anglais) arrivèrent à
Fernando Po. Plus tard, en 1845, ils s'installèrent à Douala, qui entra de fait dans la zone
d'influence de la Grande-Bretagne. Alfred Saker est à Douala depuis le 10 juin 1947. En1858,
A. Saker et J. Merrick plus un petit groupe d’esclaves s’installaient au Cameroun et A. Saker
acheta au roi Bakweri de Bimbia une grande propriété en bord de mer de 16 km sur 8 km. Le
petit groupe bâtit une école, une église et des bâtiments pour la mission mais ils durent aussi
affronter des problèmes de santé ou l’hostilité des populations. Ils ouvrirent des églises, des
dispensaires et des centres de soins et formèrent un grand nombre de pasteurs camerounais,
des tailleurs, des cordonniers, des maçons et aussi des charpentiers qui les aidèrent à
construire l’église de Béthel en 1860 ; entre 1862 et 1872 Saker entreprit de traduire la Bible
en langue Douala.
On peut ainsi résumer l’œuvre anglaise sur la côte camerounaise :





abolition de la traite des esclaves par les traités et la lutte contre les bateaux négriers;
abolition des coutumes barbares, notamment l’exécution des prisonniers de guerre;
développement du commerce;
intervention
anglaise
dans
la
politique
locale ;
c’est le consul John Beecroft qui préside l’élection du nouveau chef d’Akwa en 1852 ;
le 14 Janvier1856, est créée la cour d’équité de Douala qui est un tribunal de
commerce réglementant tous les cas possibles de conflits entre les navires anglais et la
population de Douala.
l’œuvre grandiose des missionnaires.
Les missionnaires, commerçants et officiels britanniques firent si bien rayonner5 l’influence
britannique que les chefs côtiers sollicitèrent la protection de la Grande-Bretagne. Pur faire
face aux difficultés d’administration qu’ils avaient, les chefs côtiers demandèrent, à plusieurs
reprises, aux autorités britanniques, d’annexer6 leur territoire. En 1864, le Roi Bell écrit à la
reine Victoria. Le 7 août 1879, le Roi Akwa avec tous ces sous chefs en firent de même. Le 8
mars 1881, une lettre fut envoyée au consul britannique Edward Hyde Hewett. Le
06 Novembre 1881, les deux Rois, Akwa et Bell se mettent ensemble pour écrire une lettre
commune au premier Ministre Britannique, William Gladstone. Cependant, les chefs côtiers
5
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Exercer influence et prestige Exemple : rayonner dans le monde
Incorporer à son propre territoire (un pays ou un autre territoire) Exemple : annexer une ville frontalière
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ne furent pas les seuls à demander l’annexion du Cameroun aux autorités britanniques. De
nombreux commerçants soutenaient l’idée de cette annexion. Il en fut de même des
missionnaires baptistes, Jackson Fuller et Quinton Thompson, qui écrivirent aux autorités
britanniques en ce sens, en présentant les avantages commerciaux qui en découleraient. Face à
ces sollicitations, la Grande-Bretagne présenta une attitude double. Les officiels britanniques
présents sur la côte du Cameroun étaient favorables à l’idée d’annexion tandis qu’à Londres,
un avis négatif se dégageait dans l’ensemble. Quand le Foreign Office demanda son avis à
Edward Hyde Hewett, celui-ci, vivant les réalités du terrain, soutint l’idée de l’annexion
britannique en indiquant les avantages économiques qui en découleraient. Mais le 1er mars
1882 le Gouvernement Anglais fit connaitre sa position en refusant d’assurer le protectorat
du Cameroun.
3- Une présence tardive et moins influente de la France et de l’Allemagne sur la côte
« Cameroons »
C’est dans les années 1860-1870 que les Français et les Allemands commencèrent à
s'intéresser au Cameroun.
Les Allemands arrivent au Cameroun en 1860 ; en 1861 un botaniste allemand nommé Mann
fait l’ascension du mont Cameroun et étudie la flore. De plus, ce sont les Allemands qui ont
ouvert la voie dans la pénétration européenne au Nord-Cameroun par leurs explorateurs
notamment Barth et Nachtigal.
Henri Barth : Il est né à Hambourg en 1821 et part avec Overweg pour la grande aventure qui
devait aboutir en 1851 à la découverte du Lac Tchad. Le 07 mai 1851, il part pour
L’Adamaoua en passant par UBA, Mubi, Sorao, Demsa. Le 18 Juin, il est sur la Bénoué et il
atteint Yola le 20 juin. Soupçonné par l’Emir Lawal de Yola de faire l’espionnage, il est
expulsé du Pays. Il voyage alors dans le Kansem, le Baghirmi Sokoto. En 1885, il passe par
Tombouctou et atteint Tripoli.
Gustave Nachtigal : Il est né à Eichs tedt en 1834, Médecin Militaire de Profession, il est venu
en 1862 en Afrique du Nord. Après de grands voyages, il arrive le 20 Juin 1870 aux bords du
Lac Tchad ; le 06 Juillet 1870, il entre dans la capitale du Bornou (Kukwa) ; C’est le 12 Juillet
1884 qu’il arrive à Douala et sa mission est accomplie ; il meurt en mer au cours de son
voyage retour.
Ces premiers explorateurs et surtout le gouvernement de leurs pays d’origine s’intéressaient
beaucoup au développement du commerce. D’ailleurs, en 1868, Adolph Woermann, un
marchand de Hambourg, fonde une maison de commerce à Douala. Le 30 janvier 1883, le
représentant de Woermann, Edouard Schmidt, signe avec le roi Akwa un accord de
commerce.
Les Français, de leurs positions du Gabon, faisaient le commerce avec la côte du Cameroun.
Progressivement, ils établirent des stations de commerce dans de nombreuses localités, situées
au Nord du fleuve Campo. De cette zone, ils progressaient en direction du Nord vers les
régions sous influence britannique et allemande. C’est de la sorte qu’ils arrivèrent à GrandBatanga. Les Français ne se contentèrent pas uniquement du commerce. Ils signèrent des
traités avec les chefs locaux. Il en va ainsi du traité qu’ils signent avec Mukoko A Manyane,
alias Pass All, le roi, de Malimba. Ils se comportaient ainsi en droite ligne avec la politique de
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leur gouvernement qui lança les français dans la conquête des débouchés outre-mer à travers
la signature des traités avec les chefs locaux. Cette attitude inquiétait les Britanniques et les
Allemands, car la France, partout où elle se trouvait introduisait toujours des tarifs douaniers
tellement élevés et discriminatoires que les produits non français ne pouvaient soutenir la
concurrence.
Telle se présentait, jusqu’en 1884, la côte du Cameroun où l’Allemagne n’avait aucune
intention coloniale. Elle était la moins influente des puissances en présence, et pourtant c’est
elle qui devait annexer le Cameroun.
II- L’ANNEXION DU « CAMEROONS » PAR L’ALLEMAGNE OU LE TRANSFERT DE
SOUVERAINETE AUX ALLEMANDS
A- L’annexion du « Cameroons » par l’Allemagne : une surprise
L’annexion du Cameroun par l’Allemagne fut une surprise. En effet, de toutes les puissances
européennes présentes sur la côte du Cameroun, l’Allemagne était la moins attendue. Cela
était lié à sa position au sujet des questions coloniales et surtout à la grande influence que la
Grande-Bretagne avait dans cette zone.
Il est de notoriété publique que, jusqu’en 1884, le chancelier allemand Otto Von Bismarck,
était opposé à l’entreprise coloniale. Le chancelier croyait fermement qu’il n’était pas bon
pour son pays de prendre une part active à l’administration des colonies. Il était de l’avis selon
lequel les intérêts privés pouvaient prendre de pareilles initiatives, l’Etat ne devant jouer
qu’un rôle subordonné. Sa vision était celle d’une Allemagne, puissance européenne et non
puissance mondiale. Le temps, les circonstances et les pressions eurent raison de ses
convictions.
Les explorateurs allemands, après leurs aventures, rapportèrent des mémoires et même des
projets de colonisation précis déjà bien ficelés. Toutes ces idées aboutirent à la formation de
la deutscher kolonialverein qui devait mieux faire pression sur les autorités allemandes. La
pression vint aussi du Cameroun. Les commerçants allemands de la côte du Cameroun,
voyant l’hésitation de la Grande-Bretagne face aux propositions d’annexion présentées par les
chefs locaux, commencèrent à demander à leur gouvernement à réfléchir dans le sens de
l’occupation de cette zone. Bismarck fut obligé, par les pressions, à se convertir à la
colonisation. Il s’agit du mémorandum présenté au chancelier par Adolf Woermann, président
de la firme du même nom e président de la chambre de commerce de Hambourg, et du
mémoire adressé au chancelier par Henri Kusserow.
En 1883, dans son mémorandum, Adolf Woermann, après avoir brossé le tableau des
possessions européennes sur la côte occidentale de l’Afrique, énuméra les maisons
allemandes qui s’y trouvaient. Il montra comment ces maisons étaient maltraitées dans ces
territoires où les Allemands étaient des étrangers. Il montra la valeur des établissements
coloniaux que l’Allemagne pouvait y créer. Le mémorandum s’achevait par un programme de
mesures à exécuter, allant de la nomination d’un consul à l’acquisition de territoires en
passant par la signature des traités avec la France et la Grande-Bretagne pour un traitement
équitable des ressortissants allemands.
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Dans son mémoire du 8 avril 1884, Henri de Kusserow, conseiller intime de légation aux
affaires étrangères, montrait que, par le biais des compagnies à chartes, l’Allemagne pouvait
acquérir des colonies sans que l’Etat ait à charge leur mise en valeur et leur administration.
Cette formule avait déjà été expérimentée avec succès par la Grande-Bretagne.
Ces deux mémoires plurent tellement au chancelier Bismarck qu’il décida de mettre ben
pratique les propositions qu’ils contenaient. C’est dans ce sens que, le 17 avril 1884, Gustav
Nachtigal, fut désigné comme commissaire impérial pour l’Afrique de l’Ouest. Il fut envoyé
en Afrique en juin 1884 pour signer des traités d’amitié, de commerce et de protectorat devant
permettre un soutien efficace des sujets allemands. Les Allemands de la côte du Cameroun
furent secrètement instruits de préparer l’arrivée de Nachtigal en obtenant des chefs locaux la
cession de la souveraineté de leurs territoires. Les commerçants allemands ne tardèrent pas à
agir selon les instructions reçues. Ils firent aux chefs des propositions d’accord. En effet, la
procédure de la signature des traités dans la baie de Biafra consistait en ceci que les chefs
locaux devaient parapher les accords avec les commerçants allemands, ces derniers devant par
la suite transférer les droits acquis par cet acte à l’Etat allemand. Cette procédure fut adoptée
afin d’éviter les conditions exorbitantes que les Africains devaient poser au gouvernement
allemand s’il était interlocuteur direct dans la transaction. Les instructions du gouvernement
allemand furent suivies à la lettre, tout comme les consignes de confidentialité.
Gustav Nachtigal arriva sur la côte du Cameroun le 11 juillet 1884. Le 12 juillet, à Douala, les
rois Akwa et Bell signèrent le traité avec la maison Woermann. Par ce traité, ils cédèrent la
souveraineté sur leurs territoires à cette dernière. Le 13 juillet, dans une convention signée par
les commerçants allemands et le commissaire du gouvernement, la maison Woermann cédait
ses droits au profit de l’empereur allemand. Le 14 juillet 1884, lors d’une cérémonie
officielle, le drapeau allemand fut hissé, marquant l’annexion du Cameroun par l’Allemagne,
à la grande surprise des acteurs européens de la côte du Cameroun, sauf les Allemands. Le
coup avait été joué avec le concours de la naïveté et de la lenteur britanniques.
B- Une multitude de traités de transfert de souveraineté
Il n’a pas eu un, mais environ 95 traités de transfert de souveraineté.
Le premier traité de transfert de souveraineté de la région « Cameroons » a été signé par Jim
Ekwala, King Dido, soit Deido, le 11 juillet 1884. « Cameroons » désignait à l’époque la
sphère de souveraineté et d’influence des rois duala. Les King Bell (Ndum’a Lobe) et King
Akwa (Dika Mpondo) signeront le 12 juillet deux traités identiques, mais séparés, même si les
deux rois contresignent le traité de l’autre. Tous ces trois traités ont le même contenu, seuls
les noms des signataires camerounais changent, et le traité avec King Dido se limitait à son
seul petit territoire, tandis que les traités du 12 juillet englobait tout le territoire sous influence
des trois monarques. D´autres traités consécutifs seront signés par exemple le 15 juillet par les
princes de Jeballé et Sodiko qui stipuleront qu’ils se trouvent sous l’autorité de King Bell. A
Bimbia, cependant, un autre traité fut déjà signé le 11 juillet par les princes Money, Quaan,
Ekongolo, etc. Il est important de noter que ce n’est pas, contrairement à une opinion très
répandue, seulement le traité du 12 juillet qui a, après négociations, transféré la souveraineté
des potentats camerounais à l’Allemagne. Certes, ce traité est celui qui a été le plus mûrement
négocié et qui a connu les plus grandes répercussions locales et internationales. Cependant, en
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dehors de ceux déjà mentionnés, d’autres traités négociés furent signés à Yoko déjà le 29
octobre 1883 (!), à Small Batanga le 18 juillet 1884, à Malimba le 20 juillet, à Ndoo et
Bakundu le 5 novembre, à Kribi le 27 juillet, à Campo River le 30 juillet, à Bota le 27 juillet,
à Bénita le 2 août 1884, etc. Tous ces traités ont été négociés de commun accord. Mais il y
aura aussi des traités de vente et de cession de petites parcelles de terrain, comme par exemple
l’île Nicol vers Bimbia appartenant à King Bell. Sur les 95 traités recensés, 8 seulement seront
des traités de vente, les autres sont des traités négociés et plus tard, dès que l’Allemagne
commencera la conquête militaire du nouveau Cameroun, des traités imposant par la force des
armes la souveraineté allemande seront appelés traités de paix, comme ce fut le cas pour le
traité de Hickorytown (Bonabéri) le 13 janvier 1885, de Victoria le 25 mars 1895, de Banyo le
7 mai 1899, de Ngaoundéré le 20 septembre 1901 ou de Garoua le 5 et 28 décembre 1901, etc.
C- Les conditions camerounaises de transfert de souveraineté aux Allemands
Ce qui est peu connu, c’est qu’avant que les traités en question ne
furent signés, les rois du « Cameroons » exigèrent un engagement écrit du Reich sur un
document distinct du traité et signé par le consul allemand Emil Schulze, afin de s’assurer
l’engagement futur du Reich pour le respect des conditions stipulées par les rois camerounais.
Ce texte intitulé « Wünsche der Kamerunleute » « Souhaits des Camerounais » fut signé
uniquement par le consul allemand comme garantie le 12 juillet 1884 et stipulait :
Le monopole commercial restera entre les mains des Camerounais, 2 – Les Camerounais ne
demandent ni protection, ni annexion aux Européens, 3- Les Camerounais demandent le
respect de leurs coutumes, 4- Les terres cultivées sont inaliénables, 5- Les Camerounais ne
veulent pas de douane (allemande) chez eux – Celle-ci devant rester sous l’autorité des rois,
6- Pas d’impôts sur les animaux domestiques, 7-Pas de bastonnades ou d’emprisonnement
sans faute, surtout pas à propos des transactions de commerce de troc, et ceci sans décision de
justice.
C’est après cette garantie allemande que le texte même du traité du 12 juillet 1884 sera signé.
Dans le corps de ces traités, le transfert de souveraineté des territoires du « Cameroons » au
Reich allemand sera restreint par les clauses suivantes : 1- Le territoire dénommé Cameroons
est géographiquement délimité, 2-Les droits de souveraineté, de législation et
d’administration sont cédés aux firmes privées allemandes – qui rétrocéderont ces droits au
Reich allemand, 3- les droits des tiers sont préservés, 4- la validité des traités d’amitié et de
commerce signés auparavant avec d’autres puissances étrangères est préservée, 5-le droit des
Camerounais et de leurs héritiers sur les terres cultivées et habitées sont maintenus, 6- le droit
de douane au profit des rois demeure, 7- le respect des coutumes camerounaises est acquis.
III- LES GUERRES DE CONQUETE TERRITORIALE
Par le traité du 12 juillet 1884, la portion de terre qui passait sous le contrôle allemand était
une bande côtière ainsi décrite : « …situé le long du fleuve Cameroun, entre le fleuve Bimbia
au Nord et Kwakwa au Sud et jusqu’au 4010’ N ». C’était un territoire extrêmement petit que
les Allemands durent agrandir au prix des guerres. Avant d’agrandir le territoire, il fallait
d’abord y imposer son autorité.
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A- Le refus de signature de Lock Priso (Kum’a Mbape) et la première guerre anticoloniale ou
la pacification de Bonabéri
La population était-elle d’accord avec la signature de ce traité? Non. Le commerçant Edouard
Woermann, signataire du traité et frère de Adolf Woermann, directeur de la société, notait le 9
juillet 1884, donc trois jours avant la signature officielle du traité : « Les deux rois Bell et
Akwa voudraient bien signer le traité, mais leurs puissants vassaux ne veulent pas accepter et
s’opposent véhément contre toute signature de contrat avec les Allemands ». Dans une note au
nouveau gouverneur du « Kamerun » Von Soden, l’assistant du Dr. Nachtigal et chargé des
affaires allemandes au Cameroun, le Dr. Max Buchner, écrira en juillet 1885 : « Notre
acquisition (du Cameroun) a engendré tellement de désagréments pour tous les rois et chefs
camerounais qu’ils aimeraient, s’ils le pouvaient, annuler ces traités ».
A cause de toutes ces résistances, ces traités ne seront pas signés sur terre ferme
camerounaise, mais sur le bateau de guerre allemand « Möwe ». Lock Priso (Kum’a Mbape),
qui régnait de l’autre côté du fleuve à Bonabéri, fut le seul potentat à refuser la signature du
Traité, le considérant comme une escroquerie monnayée. King Bell (Ndumb’a Lobe) rassura
les Allemands en disant que Lock Priso, faisant partie de sa famille, serait sous son autorité, et
que la signature de King Bell engageait aussi Bonabéri. Les Allemands ne pouvant pas
acquérir « Cameroons » sans l’autre côté du fleuve, Hickorytown, procédèrent après maintes
hésitations à la cérémonie de hissage de drapeau allemand à Bonabéri le 28 août 1884. Lock
Priso réagit le même jour, en adressant une lettre au consul allemand : « Je vous prie de
descendre ce drapeau, personne ne nous a achetés, vous vouliez nous corrompre par beaucoup
d’argent, nous avons refusé, je vous prie de nous laisser notre liberté et de ne pas apporter du
désordre chez nous ». Comme les Allemands ne vont pas s’exécuter, le drapeau allemand est
descendu du mât et arraché. Un commerçant allemand de la firme Woermann, Pantänius est
assassiné en représailles par le chef Elame Joss. La guerre éclate. Lock Priso a des alliés aussi
bien chez les Bonapriso, Bonanjo que chez certains Akwa et Deido. La pression est mise sur
les commerçants allemands pour qu’ils ne livrent plus d’armes à King Bell. Le 16 décembre,
les Bonapriso et Bonabéri mettent le feu à Bonanjo (territoire de King Bell). Le commerce
import-export menace de s’arrêter complètement. La guerre n’est pas seulement entre les
différentes parties duala, pro- ou contre le traité, les Allemands sont directement impliqués.
Le 20 décembre, les bateaux de guerre allemands « Bismarck » et « Olga » arrivent au secours
et débarquent 331 soldats bien armés sous la direction de l’amiral Knorr. Du 20 au 22
décembre, le « Olga » bombarde Bonabéri, Bonapriso est mis à sac. Les marins allemands
descendent à Bonabéri et brûlent une ville vidée de ses habitants. Le butin le plus précieux des
Allemands est la proue princière, le « tangue » de Kum’a Mbape, jusqu’aujourd’hui en otage
au musée ethnographique de la ville de Munich. Le premier traité de soumission sera ainsi
signé le 13 janvier 1885.
B- Les raisons des guerres de conquête territoriale
Au-delà de la préoccupation allemande d’agrandir le territoire nouvellement acquis, il existait
d’autres soucis.
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Le premier de ces soucis était de briser le monopole d’intermédiaire commercial avec
l’intérieur détenu par certains peuples indigènes. Par leur position, ils vendaient plus cher aux
Allemands les produits en provenance de l’intérieur.
Le deuxième souci pour les Allemands était de pouvoir contrôler les flux commerciaux qui
étaient détournés au profit des Français et des Britanniques. En effet, les produits de l’arrièrepays du Cameroun étaient charriés, à travers la Bénoué et le Niger, vers la colonie
britannique. Du côté Sud-Est, d’autres produits empruntaient la Boumba et la Sangha, pour
être vendus dans la zone d’influence française. Toit cela créait des pertes aux Allemands.
C’est pour résoudre tous ces problèmes que des expéditions guerrières furent organisées par
les Allemands.
C- Les expéditions guerrières allemandes
L’armée allemande s’empara de Kribi le 15 octobre 1887. L’expédition menée par Kundt et
Tappenbeck, partie de Grand-Batanga, atteignit Yaoundé, à la fin de 1887. De Yaoundé, le
major Hans Dominik conquit les pays du centre. En 1894, le Major Hans Dominik établit son
poste militaire à Yaoundé puis des relations amicales furent créées avec plusieurs chefs
comme Charles Atangana, Nanga Eboko. Les expéditions menées par Zintgraff permirent de
soumettre la région des Grassfields. L'est ne sera colonisé et pacifié qu'en 1907 par le major
Hans Dominik. En direction du Nord, de nombreuses guerres furent menées, notamment celle
qui opposa les Allemands aux lamidat de Ngaoundéré et de Tibati. Ils atteignirent
l'Adamaoua en 1899 et le Lac Tchad en 1902, après des guerres meurtrières qui laminèrent les
États Foulbés et le royaume Mandara (déjà très affaibli contre les incessantes guerres contre
les Peuls et le royaume du Kanem-Bornou). Seul le royaume Bamoun, avec son souverain
Njoya (1875-1933), évita la guerre en négociant avec les Allemands. Le sultan Njoya ouvrit
son pays aux innovations politiques et économiques qu'ils proposaient pour ne pas être demis
de son pouvoir.
L’occupation de la côte
En 1891, les Allemands attaquèrent les Bakweri à Buéa. Les Bakweri, commandés par le roi
Kuva Likenye, résistèrent. Les Allemands furent battus et durent se rabattre sur la côte.
L'officier Allemand Gravenreuth qui conduisait l'expédition fut tué. En 1894, Von Stetten et
Hans Dominik attaquèrent par surprise les Bakweri qui furent vaincus. Les villages de Soppo
et Buéa sont soumis.
Les Allemands essayèrent de pénétrer dans l’intérieur en remontant la Sanaga. Les peuples
Bassa et Bakoko, commandés par les chefs Toko de Bona Ngan, Ngange de Pongo et Janje se
battirent vaillamment contre les Allemands. Les Bassa et les Bakoko réussirent à arrêter les
Allemands en bloquant la route de Yaoundé pendant longtemps.
L’occupation du centre et de l’Est
Des expéditions conduites par Kurt Von Morgen; Hans Dominik; Hans Tappenbeck; Von
Kamptz; Zimmermann sont lancées contre les Baya (1900). En effet, du centre, Dominik
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lance des expéditions vers l'Est contre les Maka et les Njem. Le roi Bertoua de la tribu Baya
et le roi Nguele Menduga de la tribu Maka menèrent la lutte contre les Allemands à l’Est. En
1907, ils furent vaincus par Dominik. Des expéditions sont lancées contre les Bafia (1905) et
les Banen (1910). Vers 1911, Dominik conquit les Bafia qui avaient résisté aux Allemands
pendant de nombreuses années. Avec la création du poste de Bafia en 1911, le Sud, le Centre,
l'Est, l'Ouest sont pratiquement occupés.
L’occupation du septentrion
En 1888 Zintgraff, parti de Yaoundé, veut gagner l'Adamaoua par Tibati. Mais il est vaincu
par le Lamido de Tibati. en 1893 Von Morgen et Von Stetten sont à leur tour repoussés
devant Tibati. L'expédition "Kamerun Komité" du Dr Passage atteint Maroua en 1894, après
avoir rencontré une farouche résistance du Lamido Bouba Ndjida de Rey Bouba et traverse
Garoua et Guider. C’est sous le gouverneur Von Puttkamer que le feu vert pour l’occupation
du Nord-Cameroun a été donné. En 1895 une nouvelle expédition marche sur Tibati et
détrône le Lamido Mohaman. Tibati tombée, la route du Nord est ouverte et Ngaoundéré
occupée en 1901. En 1889, les Allemands construisirent un fort à Yoko. En janvier 1899, le
capitaine Von Kamptz quitta Douala avec les troupes coloniales. Le lieutenant Hans Dominik
et lui partirent pour une mission d’expansion. De Yoko, ils attaquèrent et remportèrent une
victoire à Tibati. Ils attaquèrent Ngaoundéré en 1901, Garoua en 1902. Ils conquièrent le
lamidat de Banyo en 1902 et exécutèrent le lamido Oumarou et les siens. Ce succès des
Allemands leur donna le contrôle de l’Adamaoua et mit momentanément fin à l’influence des
Foulbé dans la région. Le lamido Amadou de Maroua s’allia à l’émir de Yola mais ils
perdirent à cause des canons ennemis. Dans les monts Mandara, le sultan de Mora se battit lui
aussi contre les Allemands. Il fut vaincu. Les Allemands allèrent jusqu’à Kousséri qui venait
de perdre son chef Rabah, conquérant arabe. Privés des chefs organisateurs, les habitants de
cette région furent facilement vaincus par les Allemands.
Ces guerres allemandes de conquête territoriale se poursuivirent jusqu’en 1902. A cette date,
l’Allemagne estimait que la conquête du Cameroun était achevée. Mais, cette date ne
marquait pas la fin des résistances et des révoltes vécues par les Allemands au Cameroun.
IV- LES RESISTANCES LOCALES FACE A L’OCCUPATION ALLEMANDE
Les populations du Cameroun n’ont pas accueilli avec joie et enthousiasme le colonisateur
allemand. Partout et même dans les coins les plus reculés, elles se sont opposées à la
pénétration dans le pays, à son occupation, à son administration et à sa domination.
A- Les raisons des résistances locales
- La politique du travail forcé ;
- Une bonne partie des révoltes contre les Allemands avait pour cause la façon cruelle dont
certains travailleurs étaient traités dans les plantations ;
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- La disparition du monopole commercial des populations côtières consécutive à l’installation
sur l’ensemble du territoire des postes de commerce allemands ; cas des Bakoko, Bassa, Bulu,
Kaka, Douala…
- La volonté de préserver les coutumes et traditions locales. Dans leur entreprise coloniale au
Cameroun, les Allemands voulaient jouer le rôle de civilisateur, en poussant les populations
indigènes à l’acculturation. Ils s’opposèrent aux mœurs des indigènes qui ne voulaient pas
comprendre ces choses de cette oreille-là. Il en découla des guerres de résistance. Le tout
premier exemple de ce type de guerre nous est venu des Bakweri.
- Le refus de s’acquitter des impôts que la variété rendait lourds pour les indigènes.
B- Quelques noms célèbres des chefs qui ont héroïquement résisté aux Allemands
- Lock Priso de Hickory Town et le chef Elame du plateau Joss (1884)
- Le chef de Lionn Ngila (1895) ;
- La révolte des Ewondo conduite par Omgba Bisogo (« Man Mvog Betsi ») et vite réprimée
par Hans Dominik (1895-196) ;
- La révolte des Bene avec comme chef de file Amougou Baana (1897-1898à ;
- La révolte des Bulu sous la conduite d’Oba’a Mbeti (1899-1900) ;
- La résistance du roi Fontem des Bafut et des Bandeng (1901) ;
- Le lamido Soulé de Rey-Bouba défait par le lieutenant Padke (1901) ;
- Le lamido Oumarou de Banyo (1902) ;
- L’émir de Yola, Soubeirou, chassé par les troupes britanniques du colonel Morland et vaincu
par les Allemands qui le poursuivirent de Garoua à Maroua (1902) ;
Le lamido Hamadou de Maroua assassiné par les envoyés de son frère Soulé que Dominik a
nommé à sa place (1902);
- Le chef Simekoa en pays Béti (Nanga Eboko, 1902) ;
- Le chef Bertoua en pays Maka (1902) ;
- Les chefs Bangwa dans l’Ouest du pays ;
- La révolte des Mbidambani conduite par le chef Mbida Mengue (1903-1904) ;
- Le chef des Djem, Ngoamana, tué à Adjela (Lomié), le 11 avril 1904 ;
- Le chef des Maka, Nguele Mendouga (1906) ;
- L’insurrection mahdiste, provoquée à Maroua par un certain Ahladji (1907) ;
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- La seconde révolte des Ewondo dirigée par le chef Onambélé Nkou (1907)
- Rudolph Douala Manga Bell et Ngoso Din, pendus le 8 août 1914 pour avoir pris la tête du
mouvement de protestation et de résistance des Douala à l’expropriation.
V- LA COLLABORATION DES PEUPLES LACAUX AVEC L’OCCUPANT
Il faut toutefois dire que dans leur entreprise de conquête du Cameroun, les Allemands se
firent aider par certains individus du Cameroun dont les plus célèbres furent: Fon Galega 1er
de Bali, Ibrahim Njoya, sultan des Bamoun, Martin Paul Samba, soldat de l'armée allemande
et Charles Atangana qui fut plus tard nommé Oberhaüpling (chef supérieur) des Yaoundé et
Bané.
A- La collaboration de Martin Paul Samba
Martin Paul Samba : Né vers 1870 près du village de Biba, dans l’arrondissement d’Ebolowa ;
peu après sa naissance, sa famille émigre vers la côte et s’installe au village d’Akok, dans
l’Arrondissement de Kribi. En 1889, de passage à Kribi un allemand Von Curt Morgen prend à son
service Martin et embarque avec lui d’abord pour Buéa, ensuite pour l’Allemagne. Là, Samba étudie
pendant 3 ans dans une école allemande, puis pendant 3 ans encore, il fait des études d’Officier dans
l’armée impériale, il en sort avec le grade de Lieutenant. Il est au service de l’empereur Guillaume II
et pendant son séjour, il obtient le grade de Capitaine (Hauptmann).
En 1895, le Capitaine revient au Cameroun avec la promesse de l’empereur, selon les vieux
notables de l’époque de devenir gouverneur du Cameroun à la place du Gouverneur allemand
Von Putt Kamer. Trahi par ses compagnons de voyage, Samba perdit toutes les lettres qui le
nommaient à ce poste au cours du voyage, ce qui fit à ce que le gouverneur allemand ne lui
donne pas sa place (NB : Ceci fait tant de légende et n’a pas été vérifié)
Entre 1880 et 1910, lorsque les tribus au Cameroun se soulèvent en plusieurs points du pays,
samba prend part comme Officier de l’armée allemande à la pacification du pays. Partant de
l’Ouest où il crée dit-on, la ville de Nkongsamba qui pourrait signifier "la ville de Samba" ou
« la ville aux sept collines » il n’est pas prouvé que Samba soit venu à Nkongsamba mais
l’opinion de tout temps lui a attribué la fondation de cette ville. Samba parcourt le Pays
Jusqu’en 1920.
Samba quitte l’armée Allemande et s’installe à Ebolowa avec la résolution de chasser les
allemands du Cameroun ; avec la collaboration de Rudolph Douala Mange Bell Chef
supérieur de Douala, Madola chef à Kribi, Edande Mbita Chef du village Adjap (30 km de
kribi)
il
organise
la
révolte.
Des armes commandées en Europe sont entreposées à Adjap chez Edandé en secret, Samba
entraine les jeunes Boulou. Le 03 Août 1914, lorsque la France entre en guerre contre
l’Allemagne, samba envoie un message au gouverneur de Brazzaville lui faisant part de son
intention d’attaquer l’armée allemande au Cameroun. Malheureusement, cette lettre tomba
entre les mains du Chef de région allemand Von Hagen qui résidait à Ebolowa. Ce dernier fit
arrêter immédiatement Samba. 37 jours après son arrestation il fut fusillé devant la prison
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d’Ebolowa le 08 Août 1914. Avant de mourir sur le poteau d’exécution il cria "vous n’aurez
pas le Cameroun". Le même jour Rudolph Douala manga était pendu à Douala, Madola et
Edandé à Kribi.
Samba est entré dans la légende de son vivant et un récit répété de bouche en bouche l’aurait
rendu héros avant sa mort. Selon ce récit, il se pourrait que Samba aurait refusé d’avoir les
yeux bandés le jour de son exécution il aurait marché de lui-même pour le lieu où il devait
être exécuté car il n’avait pas peur de mourir. Debout, il attendit le signal ; le commandant
cria "Feu" à ce moment Samba aurait tiré de sa poche un mouchoir qu’il agita et les balles
passèrent en sifflotant autour de lui, aucune ne le toucha. Le Commandant ordonna au 1er
soldat de tirer, le coup partit le mouchoir s’agita et les balles s’envolèrent en sifflant ; il en fut
de même pour le second, bref, tous auraient tiré, mais, Samba restait toujours debout et
souriant.
Soudain, il plia le mouchoir et dit je n’ai pas peur de la mort, vous pouvez tirer maintenant,
les fusils crépitèrent et Samba s’écroula ; il était mort.
B- La collaboration de Charles Atangana
Charles Atangana : de son vrai nom Charles Atangana-Ntasama, il est né vers 1885 à Mvolyé
son père s’appelait Atangana Essomba.
En 1896 son Oncle le confia, lui-même et ses frères au major Dominik. Il accompagne celuici à Kribi où il fait ses études primaires en Allemand ; Il sera ensuite employé successivement
comme maître d’école, infirmier, interprète d’abord à Buéa puis à Yaoundé il fut l’un des
premiers Chrétiens de Yaoundé, encouragea l’évangélisation et offrit un terrain à Mvolyé aux
Missionnaires Catholiques ; il intercéda en faveur de certains chefs locaux menacés
d’exécution comme Nnanga-Eboko et Zoa Mbede.
En 1911 Monsieur Kirschof, haut fonctionnaire de l’Administration coloniale allemande
l’emmène en Allemagne, c’est pour lui l’occasion de mieux apprendre la civilisation
Européenne. Il est reçu par Kaiser et est retenu à Hambourg pour enseigner la langue Ewondo
aux Blancs ; il se rend à Rome où il est reçu par le pape PIE X. A son retour au Cameroun en
1911, il est nommé chef supérieur des Ewondo et des Bene ; après la défaite des Allemands
lors de la 1er guerre mondiale, les allemands se replient vers le Sud et trouve un refuge en
Guinée Espagnole, l’armée allemande entraine avec elle plusieurs chefs et notables
Camerounais qui leur sont fidèles et Charles en fait partie. Charles regagne le Cameroun en
1919 après que le traité de paix ait été signé. La nouvelle Administration Française l’assigna à
résidence à Dschang. En 1921 il est reconnu chef supérieur des Ewondo et s’adapte vite au
nouveau régime et leur donne satisfaction.
Charles Atangana œuvra beaucoup au Cameroun comme médiateur, homme pacifique, il aida
le Docteur Jamot dans la lutte contre la maladie du sommeil, il participe aux travaux pour
l’achèvement du chemin de fer de Douala-Yaoundé ; il meurt à Yaoundé à l’âge de 60 ans
environ, le 1er Septembre 1943 à Mvolyé.
C- La collaboration du Fon Galega 1er de Bali et Ibrahim Njoya
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Voir page 77, Victor Julius Ngoh, History of Cameroon since 1800,
CONCLUSION
Les contrats des 11 et 12 juillet 1884 ont été un marché de dupes. Ils ont permis, ainsi que les
autres contrats négociés entre Camerounais et Allemands, au Reich de Bismarck de mettre
pied sur terre camerounaise sans provoquer une résistance généralisée, de s’installer et de se
préparer alors pour une conquête militaire globale de tout notre pays. La dimension de la
volonté européenne de se saisir de l’Afrique et de ses biens dans un style colonial a échappé à
nos rois signataires qui pensaient préserver des acquis dans une situation où ils étaient euxmêmes déjà très fragilisés. Douala Manga Bell, Ngoso Din et les autres payeront plus tard de
leur vie cette erreur d’appréciation des données internationales de l’époque. Les succès
enregistrés par les Allemands leur permirent de procéder à certaines réalisations dans le pays.
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