Novembre 2015 : Le lion l`imaginaire et le "gender" (genre)

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Novembre 2015 : Le lion l`imaginaire et le "gender" (genre)
Novembre 2015
La chronique @
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Le lion, l’imaginaire et le « gender » (genre)
Cette chronique @ de Toussaint pourrait en surprendre plus d’un ! Que vient faire en effet cet
apparent fait divers en automne, qui plus est, à la fête de « tous les saints » ? N’étant pas
spécialisé en sociologie puisque je suis médecin, je m’interroge régulièrement sur la société dans
laquelle mes patients, ma femme, mes enfants et moi évoluons. J’ai été interpellé mi-octobre par
un article du Figaro intitulé « Au Danemark, les enfants assistent à la dissection d’un lion1. En fait
d’article, c’est d’abord à une succession de photographies auxquelles est confronté le lecteur et…
quelles photos ! Des enfants de 3 à 5 ans, grimaçant, se bouchant le nez et détournant
systématiquement le regard devant un spectacle de dépeçage. La scène est justifiée par la
direction du zoo qui y décèle un « choix valable à forte valeur éducative » !
Outre les réserves concernant un aspect pédagogique même minime, il suffit de connaître
l'enfance pour savoir que les animaux et notamment le lion, avec sa force, sa majesté, sa
suprématie, sa domination sur le règne animal, occupent une place toute spéciale dans
l’imaginaire et dans le psychisme en cours de construction. On rappellera à quelques-uns qu’on
imitera naturellement plus un lion qui rugit qu'un hippopotame qui rumine.
Si l’enfant a du mal à distinguer le virtuel du réel, il est illusoire de le voir séparer le réel de
l’imaginaire.
Qu’en est-il de la place du lion ? Symbole de la tribu de Juda ou représentant l’évangéliste
Marc, le lion a une forte valeur symbolique dans de nombreuses cultures. Les enfants le
connaissent avant tout comme le héros, le « Roi Lion » empreint de force et de sagesse. Alors
devant ces images de lion dépecé, d’enfants dégoutés, on peut se demander quel intérêt pouvaiton bien trouver à dépecer un lion.
Toute interprétation est évidemment sujette à caution. Elle expose son auteur dans sa façon de
regarder le monde. Aussi, elle n’engage que moi.
Pour autant, il n’est pas interdit de s’interroger sur la symbolique de ce véritable « découpage »
du lion qui se trouve ainsi à la merci des instruments de l’homme ; sa force anéantie, sa
domination mise à terre sans possibilité aucune de se défendre. J’y ai perçu l’anéantissement du
1
http://www.lefigaro.fr/international/2015/10/15/01003-20151015ARTFIG00329-au-danemark-les-enfants-assistenta-la-dissection-d-un-lion.php
désir de force, de puissance qui pourrait selon moi être perçu par l’enfant comme des prérogatives
désormais sujettes au risque de l’agression, de la destruction, de se voir…coupées !
En avançant que le lion a pu, dans nos cultures, symboliser force et puissance, je ne veux pas
signifier ces notions comme venues de l'extérieur mais propres à l'homme, à ce que certains
nomment « l'âme masculine »2. La culture occidentale a su mettre en avant d'autres figures
symboliques de justiciers, et de sauveurs non tant comme modèles (qu'il faudrait alors imiter)
mais comme figures d'appropriation de l'enfant. Pourquoi tant de garçons s'identifient à Zorro ou
à Superman? Simplement parce qu'ils font écho à leurs puissants désirs de justice, de réparation,
de protection du plus faible. Bien souvent la petite fille et future femme, en montrant son
admiration au petit garçon aimera à se placer sous la protection d'une telle figure masculine.
Tuer le lion et le dépecer est une vraie violence faite aux enfants : au petit garçon qui voit son
identité masculine « dépecée » (le lion, dans son imaginaire, c'est le Roi Lion qui fait écho à cette
identité, il ne peut mourir, il ressuscite même dans le dessin animé), il finira par douter de son
identité et la craindre. À la petite fille enfin qui, voyant le justicier, l'intouchable dépecé, doutera,
elle aussi de sa capacité à la protéger. Évidemment, tout cela est de l'ordre du symbole mais c'est
comme cela qu'on se construit et s'identifie. Ce sont nos modèles culturels qui font écho à notre
nature qui est déjà là, d'où l'importance de la culture comme médiateur de nos émotions. D'où
l'importance de protéger la culture comme mode d'expression3 (3).
En tant que chrétien, je me trouve doublement interpellé devant le Christ, notre Roi dont on
célébrera la solennité dans quelques jours. Dénoncé, accusé, flagellé, crucifié, il tombe à terre,
meurt crucifié… Où est sa victoire ? Ses proches sont anéantis, tout est fini, c’est le Vendredi Saint.
Le troisième jour, il est ressuscité et c’est désormais la mort qu’on interpelle comme le fait
saint Paul : « Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? » (1 Co 15, 55). La mort
du Christ n’a de sens qu’à la lumière de la Résurrection qui vient, et il faut mourir pour ressusciter.
Si l’esprit du monde cherche à anéantir toute espérance, à nier ce qui fait l’Homme à l’image et
à la ressemblance de Dieu, à gommer la complémentarité homme-femme, à lisser notre identité
sexuée dès le plus jeune âge, nous devons, nous chrétiens, nous interroger sur le sens de notre
engagement dans le monde, prendre le risque d’exprimer nos doutes, nos points de vue et de se
tromper et d’avancer, toujours.
À tous, je souhaite une heureuse fête en cette solennité de la Toussaint et en ce mois consacré
aux âmes du purgatoire.
Dokétik
2
3
Indomptable, le secret de l’âme masculine J ELDREDGE, Ed. Farel.
Les Déshérités, FX BELLAMY, Ed. Plon.

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