Ganaderia Chez Fuente Ymbro, l`aficion est un art de vivre

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Ganaderia Chez Fuente Ymbro, l`aficion est un art de vivre
N ÎM ES FERIA
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Jeudi 8 mai 2008
W4---
Ganaderia Chez Fuente Ymbro,
ALBUM DE VOYAGE
l’aficion est un art de vivre
La traversée de Roland Durand
Mai 1968 : toute une histoire pour le Nîmois Roland Durand
(au centre). L’année des corridas - à cheval pour lui - aux
cartels partagés avec Simon Casas à Lunel ou Béziers. Les
taurinos d’un jour n’abandonnent jamais vraiment le
mundillo et se croisent ici et là, dans une arène ou une finca.
Roland Durand a choisi de conduire : chaque jour de corrida,
il transporte les toros du corral aux arènes et parfois même
de plus loin. Ce jour-là, il s’apprête à réaliser un long voyage
pour amener les novillos de Cadiz jusqu’à Nîmes : 1 500 km
à parcourir.
Le Rocio
Vierge tant aimée
qu’elle réunit des
milliers de pèlerins,
à Pentecôte, dans
un paysage qui
ressemble à ceux
de la Camargue.
Omniprésente
autour de Séville, la
vierge du Rocio n’a
pas les larmes de la
Macarena mais fait
couler beaucoup de
prières.
Ricardo Gallardo, l’homme qui innove au campo. Ses novillos d’origine Jandilla semblent aussi sérieux que des toros de 4 ans.
Ce matin-là, Los amigos de Nî-
mes (prononcer "nimès"), la
peña la plus importante d’Alicante, passe la journée au fin
fond de l’Andalousie : dès
10 heures, soleil de plomb et
tienta du côté de Jerez de la
Frontera, à San Jose del Valle. Comme par hasard, ce même jour, l’empresa nîmoise
est de passage chez Ricardo
Gallardo pour embarquer le
bétail de la novillada de la Cape d’or et, comme par hasard
encore, Alejandro Espla, fils
du maestro Espla, natif d’Alicante, est aussi de la partie.
« Dios mios, que guapo, que
guapo ! » Embrassades et
photos. Un groupe d’aficionadas, la cinquantaine, se jette
sur le jeune espoir avant de
grimper sur la remorque d’un
tracteur pour une visite de la
vaste propriété : près de
500 hectares.
Avant d’aménager cette finca en 1996, Ricardo Gallardo
a fait fortune dans le meuble,
à la tête de Tu mueble. Sa
réussite lui permet de
construire une propriété remarquable, et d’innover dans
son élevage : huit mois avant
la corrida, les cornes des toros sont enveloppées d’une
protection en résine, désormais reprise dans de nombreuses fincas. « Ce procédé
évite surtout de perdre trop
de bêtes qui se battent entre
elles et parfois, ça peut représenter 10 % d’un troupeau »,
explique l’éleveur, qui a aussi
aménagé un "taurodrome"
pour y faire courir tous les
deux jours des toros de 3 ans.
Retranchée dans la campagne andalouse, la propriété
est à la pointe de la technologie jusqu’au bout des garrochas, les lances des hommes
à cheval, fabriquées sur le modèle des perches d’athlétisme
et qui sont plus légères. La vie
aussi d’ailleurs. D’un embarquement à une tienta, Ricardo
et son épouse Maria, bonne vivante, partagent gambas, manchego, huevos de pescado,
fino et champagne…
Si un guide décernait des
étoiles aux meilleures ganaderias, Los Romerales obtiendraient les quatre trophées.
Et pas seulement pour la gas-
tronomie : sur les murs de la
petite arène s’affiche sans fin
le nom des toros indultés. Le
patron encense sans cesse Alfonso, le mayoral : « Sans lui,
je ne suis rien. » Il accueille
ceux qui portent avec leurs
muletas des rêves taurins, des
plus jeunes aux plus fous, et
les laisse approcher les vaches dans la placita.
Absents ces dernières an-
Avant la tienta, après
un embarquement,
Maria et Ricardo
apportent des
tapas en tout genre
nées pour cause de langue
bleue, l’élevage est revenu en
France en mars pour un festival
aux
Saintes-Mariesde-la-Mer (un toro fut honoré
d’un tour de piste). Ricardo a
d’abord été approché par l’empresa nîmoise pour présenter
une corrida mais l’éleveur affichait complet pour cette temporada. Pour son retour à Pen-
tecôte, il débarque avec des
novillos (toro de 3 ans), aussi
sérieux que certains adversaires de toreros. Eux aussi semblent bien nourris. « Malheureusement, on ne peut jamais savoir comment se comportera un toro. Ce lot me
plaît mais je ne m’avancerai
pas plus », confie le ganadero. Ça ne l’empêche pas de
voir l’avenir en souriant et
avec sérénité : avec l’éleveur
de Jandilla, il disposerait de
69 sementales, les toros reproducteurs. Du bas de la péninsule ibérique, dans sa spacieuse demeure conçue pour recevoir les visiteurs, les photos
de corrida, les têtes de toros
et les trophées prennent bientôt plus de place que le mobilier. Reconversion assurée
pour l’ancien pro des meubles. ●
Agathe BEAUDOUIN
Photos Stéphane BARBIER
◗ Demain : près de Salamanque,
l’embarquement bien mené des
toros Puerto de San Lorenzo,
sous l’œil attentif de l’éleveur
Lorenzo et de son fils Juan Jo.
L’espontaneo de Pepe y Maria
« Te canto mi amor. » L’embarquement est achevé, le stress
retombe. Pepe Limeño (torero de courage face aux Miura
dans les années 1970-1980) entame des paso doble et
autres cantos (chants) qui ont la beauté des faneas bien
inspirées. D’habitude si discret, Pepe emmène dans sa ronde
Maria, l’épouse du ganadero Ricardo Gallardo. Instants de
grâce qui ne durent souvent que quelques secondes.
Rencontre Cantito, 68 ans,
et la vie d’un maletilla
LES AUTRES TOROS DU JOU R
Chez Fuente Ymbro, Cantito en tienta. Presque son heure de gloire.
Avant de sortir la vache de
D’une feria sur l’autre, ils
reviennent dans les arènes de
Nîmes et la dernière
impression est plutôt bonne :
les toros de Domingo
Hernandez et Garcigrande
(photo archives Michel PIEYRE)
ont largement contribué au
succès de la corrida historique
du 16 septembre dernier,
réunissant Denis Loré,
José Tomas et Joselito Adame.
Sollicités par les maestros
vedettes, ces toros venus de la
région de Salamanque se
caractérisent pourtant par une
certaine irrégularité. Le 20 avril,
à Barcelone, dans la rencontre
José Tomas - El Juli (et Finito de
Cordoba en chef de lidia), les
Domingo Hernandez sont sortis
sans étincelle, arrêtés et
faiblards. Difficile de faire des
plans sur la comète avant
l’heure, donc. Comme dit Pepe
Limeño, qui arpente le campo
espagnol pour l’empresa
nîmoise : « Les toros, c’est
comme les hommes. Même
quand tu penses les connaître,
tu ne sais jamais comment ils
vont réagir. »
l’arène, l’éleveur Ricardo Gallardo hurle : « Vete Cantito ! » L’homme qui arrive sur
le sable jaune doré a la souplesse d’un adolescent et l’enthousiasme d’un enfant de
4 ans : Juan Vasquez, dit Cantito, 68 ans, et l’envie de toréer toujours, de frôler l’animal encore, de se poster devant ou derrière, de vibrer.
Allongé sur le sable, il attend que la vache le secoue.
Idem dans sa position à genoux, dos à l’animal qui le
prend d’un coup sec. Cantito
dessine une tauromachie qui
n’existe plus. Et alors ? De la
demeure, avec vue sur la petite arène, les éclats de rire fusent lorsque Cantito prend la
muleta ou lorsqu’il stoppe la
vache, puis s’allonge à ses cô-
tés. Les commentaires s’entremêlent sans porter les mauvaises remarques des moqueries.
Chez Fuente Ymbro, Cantito
est un maletilla qui a droit au
respect comme à sa chance.
« Je suis un bohème, un vagabond confie Cantito (petit
chant). Au final, j’ai rencontré plus de 1 000 vaches ! Vivre sans toréer, je ne l’imagine pas. » Père de trois enfants et grand-père, il vit
d’une petite retraite et passe
ses journées sur les routes
d’Andalousie.
Cantito a des espoirs sans
bornes. La tauromachie est
aussi belle parce qu’elle permet les rêves les plus fous.
« Je suis un torero pour l’éternité. » Refrain sans fin de
Cantito. ●
A. B.

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