Enquête sur l`investissement des collectivités locales : vers un
Transcription
Enquête sur l`investissement des collectivités locales : vers un
49 DECEMBRE 2014 Enquête sur l’investissement des collectivités locales : vers un changement en profondeur ? Dans le contexte des contraintes fortes exercées sur les finances publiques en général et sur les finances locales en particulier, et alors que les collectivités réalisent entre 60 % et 70 % de l’investissement public1, il semble légitime de s’interroger sur le devenir de l’investissement local. La Caisse des Dépôts s’est associée à plusieurs associations d’élus2 pour interroger des collectivités sur ce sujet. L’objectif de cette enquête inédite est de mieux connaître leurs anticipations d’investissement, notamment concernant l’effet de la baisse des dotations de l’Etat, mais aussi de voir quelles sont leurs pratiques actuelles et quels thèmes d’investissement dominent leur politique. Le contexte budgétaire devrait amener les collectivités à réduire leurs investissements La question de la baisse des dotations de l’Etat est prégnante pour la plupart des collectivités interrogées. Les départements, s’exprimant sur les facteurs exogènes susceptibles d’avoir un impact sur le lancement ou non d’un investissement, placent les dotations en tête, devant les conditions de financement ou la législation/réglementation. Le précédent mandat des communes interrogées (20082014) semblait encore s’inscrire dans une dynamique d’expansion : 2/3 des investissements concernaient des nouveaux projets et 1/3 de l’entretien et renouvellement de patrimoine. Une anticipation de baisse des investissements en volume… Cela ne semble plus être le cas à présent. Interrogées sur l’effet de la baisse des dotations de l’Etat sur leurs projets d’investissement pour le nouveau mandat, 71 % des collectivités du bloc communal estiment qu’elle conduira 1. Le poids de l’investissement public dans le PIB est relativement limité, de l’ordre de 3 % (cf. conjoncture n°44, mai 2014) mais son impact indirect est sans doute plus large (ex. demande auprès des entreprises locales). 2. Voir encadré. 3. Les questionnaires reposent sur une base commune, mais ont été différenciés pour tenir compte des spécificités de chaque niveau de collectivités. à une réduction des nouveaux projets d’investissement et 76 % que les projets seront décalés dans le temps. Du côté des départements, 53 % ont décidé de diminuer leurs investissements en 2014 et 79 % pour les 5 prochaines années (cf. figure 1). En outre, 65 % des départements interrogés affirment que des projets déjà engagés ont été remis en cause. … et en valeur En montants, les investissements annuels des départements dans chacun des 10 thèmes jugés les plus prioritaires représentaient en moyenne 11,7 M€ pour les 5 années passées. Pour les 5 ans à venir, ce montant tombe à 10,8 M€, soit une baisse de 7,4 %. Méthodologie : une enquête en ligne L’enquête, réalisée en partenariat avec des associations du bloc communal (Assemblée des Communautés de France ; Association des Communautés Urbaines de France ; Association des Maires des Grandes Villes de France), des départements (Assemblée des Départements de France) et des régions (Association des Régions de France), repose sur des questionnaires en ligne (un pour chaque niveau de collectivité3) de type quantitatif, disponibles de juillet à octobre 2014. L’échantillon, sélectionné par les associations, se compose de leurs adhérents4. La cible des personnes interrogées était plus opérationnelle que politique : le questionnaire a été envoyé en priorité aux directeurs financiers et directeurs des services, plutôt qu’aux élus. Ces résultats sont donc issus d’avis des équipes de la collectivité et ne reflètent pas nécessairement l’opinion et l’orientation politique des élus. (…) 4. L’ensemble des départements et des régions a été sélectionné. Pour le bloc local, l’échantillon est composé de 400 EPCI (sur 2145) et communes de plus de 10 000 habitants. 1 (…) Le taux de retour de l’enquête est correct : 27 % pour le bloc communal (soit 108 sur 400 EPCI de plus de 10 000 hab. et grandes communes interrogés) ; 22 % pour les départements (21 réponses) et 32 % pour les régions (7 réponses). L’échantillon disponible s’avère toutefois trop faible pour conduire des analyses fiables sur des sous-échantillons (ex. comparaison des résultats des communautés de communes et des communautés urbaines ou des départements ruraux et non ruraux etc) et/ou croiser les résultats5 (ex. les collectivités qui investissent le plus sur les infrastructures sont-elles celles qui se financent par projet ?). Une altération de la nature même des investissements pourrait se faire jour Figure 1 – Départements : pensez-vous accroître, stabiliser ou diminuer vos dépenses d’investissement… La même question portant sur les prochaines années révèle une modification nette des thèmes d’investissements considérés comme prioritaires, avec notamment une montée en puissance du thème « infrastructures numériques » et une baisse du thème « équipements culturels et sportifs », aussi bien pour les communes que pour les départements. Cf. figure 2. ...en 2014 ? Accroître 10% Diminuer 53% Stabiliser 37% Source : Caisse des Dépôts ... au cours des 5 prochaines années ? Accroître 10% Stabiliser 11% Diminuer 79% Source : Caisse des Dépôts 5. En outre, les questions étaient facultatives, si bien que le nombre de réponses sur certaines questions pouvait être inférieur au nombre de réponses global. Les thèmes d’investissement (en direct ou via les subventions accordées à d’autres collectivités) jugés prioritaires lors des dernières années correspondent à des compétences traditionnelles : équipements liés au développement économique, transports collectifs et réseaux d’eau pour les grandes communes et les communautés ; voirie, enseignement et foncier pour les départements ; transports en commun et enseignement pour les régions. On semble ainsi assister à une modification de la composition même de la section d’investissement des collectivités. Les thèmes structurants pour le tissu économique local semblent être privilégiés, en particulier ceux susceptibles de développer la base fiscale. Les investissements moins rentables ou moins propices aux retombées économiques pour la collectivité deviennent moins prioritaires. Parmi les quelques commentaires facultatifs au fil du questionnaire, certaines collectivités du bloc communal affirmaient ainsi devoir abandonner les nouveaux projets pour privilégier l’entretien des équipements existants. Pour les départements, ce même classement des priorités pour les années à venir décomposait l’effet purement budgétaire de l’effet de la réforme territoriale. Interrogés il est vrai dans une période de grande incertitude quant à cette dernière, le classement des départements suggère que l’addition des deux facteurs va modifier largement les priorités accordées à leurs thématiques d’investissement : hors réforme territoriale, les priorités sont altérées en partie seulement. Les deux principaux thèmes, la voirie/espaces publics et l’enseignement scolaire et universitaire, restent en tête de liste. L’aménagement du foncier, les équipements sportifs et culturels sont en baisse, tandis que les infrastructures numériques et les matériels roulants de transport en commun montent en puissance (comme pour les communes). Par contre, en prenant en compte la réforme territoriale, l’ordre des priorités est massivement altéré, en raison notamment d’une large modification des compétences : une majorité des répondants estime que les thèmes jugés aujourd’hui prioritaires (voirie et enseignement) seraient remis en cause du fait de la réforme. 2 Figure 2 – Bloc communal : classement des thèmes d’investissement par priorité et évolution Ancien mandat6 + important Equipements liés au dév. économique Equipements culturels, sportifs et sociaux Réseaux d’eau potable Transports collectifs Collecte et Traitement des déchets Travaux de voirie, espaces publics Acquisitions foncières Logement locatif social et accession sociale Bâtiments publics appartenant à la collectivité Equipements scolaires Equipements de santé Habitat spécifique pour les populations les plus fragiles Infrastructures numériques Energies renouvelables / Réseaux de chaleur Logement privé Autre Risques d’inondation ‐ important Nouveau mandat + important Equipements liés au dév. économique Infrastructures numériques Transports collectifs Autre Collecte et Traitement des déchets Réseaux d’eau potable Travaux de voirie, espaces publics Logement locatif social et accession sociale Bâtiments publics appartenant à la collectivité Equipements scolaires Risques d’inondation Acquisitions foncières Equipements culturels, sportifs et sociaux Logement privé Energies renouvelables / Réseaux de chaleur Habitat spécifique pour les populations les plus fragiles Equipements de santé ‐ important Source : Caisse des Dépôts Note de lecture : chaque thème garde le code couleur de l’ancien mandat. 6. Seuls les thèmes du bloc communal sont repris ici mais les sont les mêmes dans les grandes lignes pour les enseignements départements. Les régions n’ont pas été interrogées sur ce point. Les communes représentent le plus grand nombre de réponses et le plus gros investisseur (27,4 Md€ en 2013 contre 11,2 Md€ pour les départements et 9 pour les régions). Quels changements dans les pratiques actuelles ? Dispositifs de suivi des investissements Sur la question de savoir si les collectivités ont mis en place des dispositifs de suivi de leurs investissements, une majorité, surtout parmi les communes, répond par la négative (figure 3). Les départements, disposant peutêtre en moyenne de moyens humains plus importants que les communautés, sont moins dans ce cas. La moitié a un suivi des charges d’exploitation des investissements (de même que pour 3 régions sur 6). En revanche, comme pour les communes, une majorité n’a pas de « suivi des économies réalisées grâce au nouvel équipement » ; c’est aussi le cas pour « l’efficacité au regard des objectifs initialement assignés » (ex. taux de fréquentation d’un équipement touristique) ou « l’impact économique » (ex. création d’emploi direct ou indirect). Il apparaît toutefois qu’une part notable des collectivités (entre 25 % et 30 %) a d’ores et déjà mis en place des expérimentations ou des études sur de tels dispositifs de suivi (surtout pour celui des charges d’exploitation et de l’impact économique concernant les départements). On est donc peut-être en train d’assister à une évolution dans la pratique du suivi des investissements. Figure 3 – Bloc communal : part des collectivités mettant en place des dispositifs de suivi de leurs investissements 80% Votre collectivité a‐t‐elle mis en place un dispositif dédié d'évaluation de sa politique d'investissement ? 70% 60% Non 50% 40% Oui 30% 20% 10% A l'étude/ expérimentation 0% Des charges d’exploitation Source : Caisse des Dépôts Des De l’efficacité De l’impact économies au regard des économique objectifs induites atteints Plans pluriannuels d’investissement Alors que seule une courte majorité (55 %) des communes et communautés a recours aux plans pluriannuels d’investissement (PPI), la quasi-totalité des départements (81 %) et des régions (100 %) en ont mis en place. Les thèmes suivants se dégagent principalement pour ces dernières (par ordre d’importance) : enseignement scolaire et universitaire, matériel roulant et infrastructures de transports en commun. Du côté des départements, les PPI concernent la voirie/espaces publics, l’enseignement et le logement locatif social. 3 Une motivation centrale : économique du territoire le développement L’examen des motivations propres à la collectivité derrière les décisions d’investissement révèle l’importance accordée par les départements et les régions aux priorités de politique publique : développement économique, équilibre des territoires, créations d’emplois etc. Les aspects budgétaires tels que le niveau initial d’endettement arrivent en seconde position, suivi du respect de la réglementation (mises aux normes en matière de sécurité surtout). Les collectivités s’inquiètent peu pour le financement 73 % des communes et 95 % des départements jugent que les financements sont suffisants à l’heure actuelle, mais ils sont moins confiants pour l’avenir : seuls 27 % des communes et 37 % des départements pensent que ce sera toujours le cas dans les 5 ans à venir. Figure 4 : part des répondants jugeant l’accès aux financements suffisants. 100% Même si 62 % des départements affirment que leur collectivité est en train d’évoluer sur cette question, le financement global semble être la norme. Toutefois, une grosse partie des investissements des départements et régions concerne des subventions à d’autres collectivités7. Il paraît donc logique que la part des sections d’investissements financées par projet s’accroisse à mesure que l’on descende dans les niveaux de collectivités, car proportionnellement plus de projets sont réalisés en direct. Figure 5 : Part des répondants affirmant financer la section d’investissement de manière globale 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 90% Bloc communal 80% Source : Caisse des Dépôts Départements Régions 70% Enfin, la moitié des communes et EPCI, les ¾ des départements, mais seulement 2 régions sur 5 adossent la durée de vie de leurs emprunts à celle de leurs investissements. 60% 50% 40% 30% 20% 10% Conclusion 0% Communes A l'heure actuelle ? Départements Dans les 5 ans à venir ? Parmi les critères que les collectivités jugent déterminants pour choisir un mode de financement, les taux d’intérêt arrivent en tête, suivi de la durée de financement proposée, et pour les départements, la possibilité d’obtenir un financement global de leur section d’investissement. Vers une hausse de l’endettement Cet accès facilité aux financements survient à un moment où la baisse des dotations s’accompagnerait d’un accroissement de l’endettement pour 65 % des communautés, 80 % des départements et la totalité des régions interrogées. Un mode de financement plutôt global Concernant le mode de financement de la section d’investissement, il apparaît que 50 % des communes, plus de 82 % des départements et 100 % des régions interrogées affirment la financer globalement plutôt que par projet (figure 5). Directeur de la publication : Odile Renaud-Basso - Responsable de la rédaction : Amélie Stobbart ([email protected]) - Auteur : Julien Garnier ([email protected]) Caisse des Dépôts - Direction des fonds d’épargne - 72, avenue Pierre Mendès-France - 75914 Paris Cedex 13 - Site internet : www.prets.caissedesdepots.fr rubrique « regards d’experts » - Avertissement : les travaux objets de la présente publication ont été réalisés à titre indépendant par le service des Études économiques et marketing de la direction des fonds Dans le contexte des contraintes exercées sur les finances publiques et de la perspective de réforme territoriale, les collectivités semblent s’être engagées dans un processus de redéfinition de leurs investissements, à la fois en volume, par une orientation à la baisse, mais aussi de manière structurelle, par une évolution de la nature même des investissements : altération dans l’ordre de priorité des thématiques, et, pour les régions et les départements, des subventions accordées aux autres collectivités. Ces investissements resteraient guidés par des objectifs de développement économique, d’équilibre des territoires, et de créations d’emplois. 7. Par ex. pour les régions interrogées, les montants annuels de subventions dans chacun des principaux thèmes représentent la moitié des investissements totaux (24,7 M€ contre 46,6 M€). Cette part des subventions est faible pour deux des principaux thèmes d’investissement (enseignement et foncier) mais peut atteindre presque 100 % dans d’autres domaines (transports en commun, voirie, énergies renouvelables, habitat spécifique ou réseaux d’eau). d’épargne. Les opinions et prévisions figurant dans ce document reflètent celles de son ou ses auteur(s) à la date de sa publication, et ne reflètent pas nécessairement les analyses ou la position officielle de la direction des fonds d’épargne ou, plus largement, de la Caisse des Dépôts. La Caisse des Dépôts n’est en aucun cas responsable de la teneur des informations et opinions contenues dans cette publication, 4 y compris toutes divulgation ou utilisation qui en serait faite par quiconque - Dépôt légal et ISSN en cours. Abonnement : [email protected]