MOTTE-SERVOLEX dans l`Histoire des communes savoyardes

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MOTTE-SERVOLEX dans l`Histoire des communes savoyardes
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
LA MOTIE - SERVOLEX
Appellation ancienne: la commune
actuelle est née en 1802, lors de la fu sion des deux paroisses de La Mot/eMontfort et de Servolex. La dénomination de La Motte vient naturellement de la butte originelle de la seigneurie, celle de Servolex (Charvolay
au XIIIe s.J dérive de « Silvula» (petite forêt) .
Habitants: les Motterains.
Population: en 1399, 260 feux à La
Motte et 20 à Servolex, en 1497, 200
feux à La Motte et 26 à Servolex 1729, 1 800 hab. à La Motte et 234 à
Servolex - en 1800, 2605 hab. dans la
nouvelle commune - 1848, 3848 hab.
- 1911, 2680 hab. - 1936, 2601 hab.
- 1965, 3200 hab. - 1976, 5798 hab.
- 1979, 7269 hab.
Altitude : 260 m au chef-lieu (étagement de 235 à 1 470 m ).
Superficie de 2 978 ha .
A 5 km de Chambéry.
Pendant la Révolution can ton du
Bourget - après 1800, ca nton de
Chambély-nord - après 18 16 chef-lieu
de mandement - depuis 1860 chef-lieu
de canton.
La paroisse dépendait de l'archiprêtré de Notre-Dame de Chambéry,
maintenant archiprêtré elle-même.
Hameaux et lieux-dits: Barbizet,
Barbi, Beauvoir, le Bourg, la Ca tonnière, la Champagne t, Chamoux t,
Chantabordt, la Chapelle de Chavan t, Château-Richard t, le Cheminet, les Ciseaux t, Corrieu t, la Curtine t, Fontanil t, les Granges, Laimé t (Clos), Leliaz, Montarlet, Montaugier dessus et dessous t, Montessui
dessus et dessous t, les Moulins', Janon', le Noirayt. Panloup'. les Perrousses, Pingon t, Ronjoux t, la Salle,
Servolex. la Taissonnière, le Tremblay
dessus et dessous . le Villard. VillardMarin. Villardperon, Villardphilippon t. la Villet/e.
Communes voisines: Chambéry.
Saint-Sulpice. Nances. Marcieux, Verthemex. Le Bourget, Voglans.
Un bon pays
Les commentaires so nt unanimes
sur la beauté et la bonté du terroir
motterain ; en 1832 le docteur Gouvert, après avoir dénoncé les marais
malsains, les terres lourdes, les propriétaires exigeants, n'en conclut pas
moins que c'est « une des plus
vastes, des plus belles et des plus
peuplées communes de la Basse-Savoie. Elle fut répu tée toujours
comme l'est encore aujourd'hui une
des plus riches en produits rurau x et
fixa dans tou s les temps l'ambition
des capitalistes et des propriétaires » ; en 1861 George Sand enthousiaste, trouve ici « un jardin de
rois, un des plus beaux sites de la
terre .. . », certes, le baron Raverat est
plus réservé: « une des plus opulentes communes du département.. .
on ne sa urait voir avec indifférence
cette localité et l'o n s'y arrête avec
plaisir ». Enfin en 1912, le curé Jacquier écrit encore: « les sites se succèdent, ondulés et variés, les terres
arrosées par de nombreux ruissea ux ... présentent une opulente végétation. Les céréa les, les prairies, la
vigne se mêlent et s'étagent jusque
sur les flancs de la montagne ... de
nombreux villages (23) fournissent le
gros de la population ... la population
tient au so l par des racines profondes... d'un caractère pacifique,
âpres au ga in, économes, ambitieux
d'un meilleur être, les Motterains ne
se la issent point agiter par les politiciens et les commis voyageurs
d'idées creuses ... ils jouissent d'une
certa in e aisance que leu r fournissent
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Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
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les champs fertiles et les prames
luxuriantes; mais les ressources industrielles font quelque peu défaut... ».
Souvenirs religieux
Dès le X Il e siècle, La Motte s'enorgueillit d'un prieuré consacré à
saint Jean Baptiste et desservi par six
chanoines réguliers de Saint-Augustin dépendant du chapitre cathédrale
de Belley (1274), mais assurant le service paroissial sous le contrôle de
l'évêque de Grenoble. Au XVIIe siècle, l'évêque déplore au cours d' une
visite pastorale que « le chapitre de
Belley s' acquitte mal des ornements
car il n'y envoie que les restes des
églises de Belley qui sont tout fripés ... ». La crise s'accentuant, a u
XVIIIe siècle, Rome réduit le prieuré
en paroisse et attribue ses biens (dispersés sur une vingtaine de com-
munes) au collège de Chambéry.
Quant à Servolex, ce n'était qu'une
petite paroisse enclavée dans les
terres du prieuré, dont l'église consacrée à Saint-Etienne était rattachée
au prieuré de Saint-Théodore de
l'Epine, dépendant lui-même de l' abbaye de Saint-Chef en Viennois.
L' unité paroissiale réalisée aux lendemains du Concordat dure peu, en
effet on comptait aussi au Tremblay
une chapelle consacrée à saint Christophe, pour laquelle les habitants demandai ent déjà en 1673 une messe
dominicale régulière et sur laquelle
ils obtinrent en 1836 la création
d'une paroisse indépendante, se jugeant trop éloign és de l'église du
chef- li eu et ne pouvant se résoudre à
aller à la messe au Bourget.
Une pépinière de notables
La Motte éta it trop proche de
Le côteau de la Cantonnière
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C hambéry et d' un site trop agréable
pour ne pas obtenir très tôt la fave ur
des bourgeois et des nobles de la capitale vo isin e. Au XVe siècle, on signa le au Tremblay les Favre ve nus
de Maurienne à la Cha mbre des
Co mptes; à Montfort, la seigneuri e
appartie nt aux Odd in et de C hambéry, mais le château est encore aux
mai ns de la fami ll e de La Motte déjà
bien abaissée; deux siècles plus tard ,
c'est la famille du sénateur Chev illard qui s'e n est emparé. Le pro cureur généra l Vissod habite à Servolex, les Pingon qui furent autrefois
les hommes d'affaires du prieuré et
qui ont donné au duc un hi storiograp he devenu réformateur de l'univers ité de Turin, ont mainten a nt un
châtea u près du bourg tout comme
les Co udrée d'Allinges à Villard-Marin ; les Sarde de la Forest, autrefo is
marchands à C hieri en Piémont et
maintenant magistrats à C hambéry,
déjà propriétaires à Ca ndi e à C hambéry-l e-Vieux , trônent à la Vill ette
tout près des G uillermin autrefois
hôteli ers chamb ériens, maintenant
rob in s grasse ment in stall és à la Catonni ère.
En fait , très vite, troi s fami ll es
s' imp ose nt, étroitement li ées entre
ell es par de so lides relations d'a ffaires ad roitement sa nctionnées pa r
des mari ages : les Morand, les Costa,
les Vignet vo nt donn er à La Motte
éclat et gra nd eur. Les Morand , seigne urs de Saint-Sulpice, se retrouvent dès le XVIIe siècle à VillardMarin et par mariage avec un e C hevill ard, seigneurs de la Motte-Montfort en 1746, pui s baro ns en 178 1. Un
de leurs cousins, Jose ph-Marie Morand de Co nfignon, beau-frère de Joseph de Maistre, s'i nstalle au Tremblay dans l'ancien domaine des Favre où ses descendants résident enco re. Joseph Morand avait épousé
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C lémentine Costa, d' une illustre famill e de patriciens génois établ ie en
Savoie depuis le XVIIe siècle. Pendant trois générations il s ava ient dominé la Chambre des Co mptes, Joseph-Alexis, le père de C lémen tin e,
s'était fait une so lide réputation
d'agro nome avec so n précis su r
« l' Agriculture en pays montu eux» ;
mai s l'implantation des Costa à La
Motte ne date que du début du XIXsiècle avec le neve u de C lémentin e,
Victor, marqui s de Beaurega rd qui
reçut de son beau-père le marq ui s de
Quinso n, le nouveau châtea u que Jose ph Morand de Saint-Sulpi ce ruiné
ava it dû ve ndre sa ns po uvo ir le terminer. Les Costa ont dispa ru de La
Motte qu ' il s ont pourtant marquée
d' un e empreinte indélébile, grâce
surtout à Pantaléon (I806- 1864). Le
fil s de Victor, grand parlem enta ire
fut un des auteurs de l'annex ion de
1860, mai s il s' illustra ici par le faste
de so n château, par son zèle pour le
chemin de fer reliant Chambéry au
Bourget (par La Motte bien sûr), par
ses fondations pour les frères des
Eco les chréti ennes (in sta ll és ici en
1843), pour les pompi ers, pour la reco nst ru ction de l'ég li se, etc. Quant
a ux Vi gnet, c'es t à Servolex que l'on
trou ve leurs so uve nirs; c'est ici en
effet que Xavier de Vignet , neve u de
Jose ph de Mai stre (et d e Joseph Mora nd de Co nfignon), sé nate ur, comte
puis mini stre , reçut Lam artine (qui
étai t en fai t le condisciple de son
frère Lo ui s a u collège · de Belley),
d o nt il devi nt le bea u-frère en épo usa nt sa sœ ur Hélèn e-Césarine. Cette
dernière mo urut cinq ans après so n
mariage en 1824, co mm e le rappelle
un e pl aq ue commémorative de la
chapelle du château. Tradition et relation s jouant, leur fille épouse
Eugène de Morand de MontfortSaint-Sulpice , mai s à la mo rt de ce
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dernier, le château es t vend u. Le derni er des Morand disparaît avec le
siècle, lo in de La Motte , a u moment
même où les Costa eux a uss i s'éloignent définitivement. En effet, en
1898, Cha rles-A lbert Costa, fils de
Pantaléon, tenté par les spéculat ions,
échange avec Théodore Reinach son
domaine de La Motte co ntre l'île de
Port-Cros. Le nou veau propriétaire,
fi ls et petit-fils de banqui ers , historien et hell éni ste, frère du savant Salo mon et de Joseph, l'ami de Dreyfus, rencontrera ici beaucoup d'animosité (vo us pensez, un juif D, mais
il n'en réussit pas moins à se faire
élire député radical de la circon scription de C ha mb éry- nord en 1906 - les
temps avaie nt décidément bien chan gé ...
Le développement de la commune
Jusqu 'au X IX e siècle, La Motte
so uffre des mara is de sa partie orientale, zo ne pestilentielle et déserte, où
l'on se ri squait se ul ement une fois
l'an , en été, pour e n faucher les
« ve rn es ». Dès la fin du XVIIIe siècle, les agro nomes lo ca ux pensent à
leur assèche ment e n relation avec la
ca nali sat ion de la Leysse, qui devait
mettre e n rela ti o n Ouvia le C hambéry
et Lyon et par là, doublement assurer
la prospérité de la région et de La
Motte e n particulier. Mais le docte ur
Gouvert éta it e ncore très peu optimiste en 1830, jugeant que la nature
se co njuguait ici à l'accroissement
démographique et à la structure sociale pour accumul er fièvre et mi sère
dans les cha umi ères des Motterains.
L'usine Cabaud
Les temps changent néanmoins.
En 1830, Jean Pacthod, « art iste mé-
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Le Leysse et ses marais
canicien », entend profiter du lign ite
de Servo lex « moin s terreux que celui de Sonnaz; la substance ligneuse
et végétale s'y trouve dans un plus
grand état de pureté, ce qu i rendrait
la combustion plus faci le et l'ex ploitation plus avantageuse» (journal de
la Savoie, 1823, no 29). On connaissa it le gisement depuis le XVlII e siècle, mais l'exploitation ne commence
qu'après 1830 avec une demi -douzaine d'ouvriers produisant guère
plus de 200 tonnes par an . Une
bonne partie de cette production
part pour les mines de cuivre et d'argent que le sieur Pacthod possède à
Presle avec une usine de traitement,
mais bientôt ce lui -ci acquiert le domaine de C hantabord où il in stalle
une usi ne d'acier fondu « sans cémentation , par un procédé nouveau
dont il est l' inventeur et dont il a fait
une fructueuse app lication à la
confection de lim es ... ell e n'occupe
encore que six ou vriers .. mais el le
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peut fournir de 200 à 300 kilos
d'acier par jour » (rapport du comte
Marin pour l'exposition de Turin en
1844). Hélas Pacthod a vu trop
grand, le lignite de La Motte s'ép ui se
vite et son exploitation s'éteint devant ce ll e concurrente de Sonnaz. La
métallurgie laisse place au textile. En
1847, Louis Cabaud, ancien employé
des papeteries de Leysse, et sa
femme née Marie G irod, étab li ssent
dans l'ancienne usine Pacthod une
« fabrique de draps uni s ou imprimés à l'u sage de la classe ouvrière à
partir de chiffons de laine triés, lavés
et défi lochés ». En dépit de la
concurrence étrangère, l'établissement rési ste bien au choc de l'annexion et l'érudit Barbier s'extasie en
1875, sur cette usine où 28 femmes et
12 hommes travaillent 10 heures par
jour, les plus fidèles recevant de leur
patron une maison et un petit jardin,
d'ai ll eurs « Monsieur Cabaud, qui
tout en étant un industriel des plus
capables, est un agricu lteur inte lligent, se sert des déchets de sa fabrication pour amé liorer la culture de
ses propriétés, il utilise éga lement
dans le même but le résidu des eaux
sales provenant du lavage ... »
Les frères de Sainte-Anne
Pantaléon Costa, non content
d' avoir fait venir à La Motte les religieuses de Saint-Joseph pour tenir
une école de filles, voulut créer ici un
pensionnat. Il achète donc en 1841 le
vieux manoir de Pingon près de
l'église, qui appartenait d'aill eurs à
son neveu Ferdinand, et y installe les
frères des écoles chrétiennes dirigées
par le célèbre et actif frère Libanos.
Précurseurs en la matière, ils mettent
en place un enseignement scientifique et moderne, qui leur attire vite le
succès ; en 1850, on y crée une classe
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préparatoire à l'Académie militaire
et à la Marine et en 1855, des cours
d'arpentage et de levée de plans En
1875, il n'y avait pas moins de 232
élèves à Sainte-Anne et le progrès ne
fit que croître, d'où la catastrophe de
l'expulsion de 1904. Une nou velle
fois les Costa intervinrent, Mgr Ernest Costa, petit-fils de Pantaléon,
rachète Sainte-Anne en 1908 et y ramène les frères réfugiés à Rolle .
Les mutations contemporaines
La fin du XIX- siècle voit se
co njugu er un e diminution certaine
de la population (quoique de moind re enve rgure qu'ailleurs) et un e très
nette amélioration économique avec
l'assècheme nt des derniers marais.
Le tramway relie efficacement, dès
1892, le bourg à C hambéry dont le
marché commence à être le débouché hebdomadaire des paysans locaux. En outre, la production laitière
et l'horti cu lture deviennent des spécialités locales comp létées par la céréaliculture trad itionnell e (il y a ici
deux minoteries en 1914, ce ll e des
Vuillermet et celle des Noiton). Dès
le début du XX- siècle appara issent
les carrières de sa bl e et de gravier cell e de Pouly au Tremblay servant à
l'aménagement. de l'aéroport du
Bourget- .
La Première Guerre mondiale et la
crise de 1932 avaient déjà ébranlé ces
structures économiques, ell es ne survivront pas à la Deuxième Guerre.
Les viei ll es entreprises disparaissent,
même ce ll e de Cha ntabord , et seul e
la minoterie Vuillermet se maintient.
Cependant, la tendance démographique se renverse dès 1921 et l'essor
s'amplifie dès 1962. La comm un e
s' intègre dans l' agglom éra tion cham bérienne dont ell e devient un pôle de
développement vers le nord. Le
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bourg « avale» les hameau x les plus
proches et depuis les années 1970 le
not immobilier atteint la Villette,
Barby et Servolex, tandi s que le
Tremblay connaît un développement
résidentiel autonome. La perspective
des 12 000 habitants est reportée de
1985 à la fin du siècle, mais l'agriculture ne se réduit pas moins comme
une peau de chagrin. En 25 ans, le
nombre des exploitations a baissé de
moitié (J 70 seulement en 1980), - la
surface agrico le utile est passée de
1 750 hectares à 1 120 et la surface
labourée de 484 à 260 hectares. Cependant, l'élevage progresse (2200
bovins en 1980, soit 30 % de plus
qu'en 1955) - tout comme les cultures fruitières sur les coteaux ensoleillés et abrités du Villard au Tremblay (les cerises ont laissé la place
aux pêches, aux pommes et aux
poires), l'ensemble est encadré par
les coopératives du Tremblay et du
Noiray (la première remontant à
1946).
Un pôle économique moderne
Il est loin le temps où les marais
de la Leysse servaient de cadre aux
mou vements troubles de « l'Ame
obscure» de Daniel Rops; La
Motte-Servolex les a cédés depui s
une génération au nouvel aéroport
de C hambéry/ Aix-les-Bains.
Des avantages fiscaux et une zone
art isa nale, prévue au départ pour
une vingtaine de petites entreprises,
ont donn é à La Motte une vocation
industrielle. Certes , en 1970-72, la
commune a échangé avec Chamb éry
la vénérable et centenaire usine des
pâtes Richard contre l'entreprise des
viandes Bellemin . Près d'une demidouzaine d'ateliers mécaniqu es dépasse 10 employés «( C lerc et Cardone» en utilisait même une cen-
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taine en 1973 et près de 90 encore en
1978). Dans une deuxième vague
après 1975, les bureaux et services
toujours en besoin d'espace ont atteint eux auss i La Motte ; le Crédit
Agricole, en installant ici son siège
départemental avec 275 èmployés en
1976, devient le pôle de cette nouve lle orientation .
On n'en finit pas à La Motte de
s'extas ier devant l'expansion des dernières années: un lycée agricole depuis 1965, chez les frères à SainteAnne un e école technique depuis
1951 et devenue en 1968 un lycée privé d'enseignement professionnel fort
de 400 élèves; depuis 1978 on a un
C.E.s. Au débouché de l'autoroute
de Lyon , en liaison directe avec le
Petit-Bugey, au-de là de l'Epine, La
Motte ne manque pas d'atouts ni de
motifs de fierté; faut-il encore déterminer si elle a les moyens d'un développement particulier et autonome
dans l'agglomération et si elle peut
espérer une cro issance aussi soutenue dans les dernières décennies du
siècle.
Monuments motterains
L 'église
L'église paroissiale est l'église primitive du prieuré Saint-lean-Baptiste, remaniée au début du XIX - siècle sous l'impulsion de l'actif curé
Dunoyer. La base du clocher, les
nefs du centre et de droite remontent
au Moyen-Age. Ce n'est qu'en 1809
que l'on restaura le clocher et en
1829 que l'on refit le collatéral
gauche (encombré autrefois de chapelles particulières), que l'on prolongea la nef centrale (l 'ancien chœur
devenant l'avant-chœur actuel) en
l'ouvrant par des arcades sur les bas
côtés, le tout selon les plans de
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l'architecte Trivelly (beau-frère du
généra l de Boigne) et grâce à la générosité des Costa . Seu le une vierge à
l'e nfant remonte au XVIIIe siècle, la
plus grande partie de la décoration et
du mobilier forme un ensemb le homogène du début du X IXe siècle
agréme nté encore par deux bonnes
œuvres locales : le baptême de Sai ntJean-Baptiste attribué à Peytavin et
une remise du rosai re à Sa int- Dominiqu e par Jacques Gu ill e, deux peintres savoyards qui eurent leur he ure
de gloire, le premier sous l'Empire et.
le second sous Charles-Alb ert.
Certes les fresques actuelles remontent à 1913, mais des sondages ont
fait découvrir des fresques néogothiques exécutées vers 1840 et qui devraient être restaurées. La grange et
le cim etière du prieuré ont disparu ,
mais le prieuré lui-même subsiste,
modifié et modeste dans le clos voisin de l'église « il expose en plein midi sa façade, flanquée de deux tou-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
reli es basses, couvertes en pavillon,
très simpl e et agréable résidence»
(Ga briel Péro use).
Reinach
La gloire de La Motte résid e néanmo in s dans ses châteaux et gentilho mmières. Le plus prestigieux en
est assuréme nt le château de Reinach. Sa co nstru ction remonte à la
famille Morand au XVIIIe siècle,
mais les Costa le terminèrent seu lement a u XIXe siècle et ce so nt les
Rein ach, qui rem a ni ère nt la façade
en style Louis X III, selon un genre
inconnu en Savo ie. Ach eté par le dépa rtement en 1936, le château devint
un temps préve ntorium et depuis
1965 lycée agricole (on reprenait ainsi la tradition de l'école d'a pplication
agri co le fondée à La Motte un siècle
a uparavant par le comte M a rin et la
Société Centrale d'Agriculture);
l'ensemble demeure majestueux,
mais se uls quelques décors intérieurs
pe uvent donner une id ée d'antan;
où so nt les pièces d'eau , la chapelle
néogothique du pa rc, l' immense musée qui regroupait les tableau x, les
antiquités, les monnai es et les richesses min éralogiques et ornithologiqu es des comtes Costa ? La biblioth èq ue, qui était une des plu s importan tes et des plu s bell es non seulement de toute la Savoie mai s de
toute la région, a été dispersée, vendue, détruite.
Ronjoux
L'église priorale el paroissiale
Ronjou x est ce rtes d'une a rchitecture moins prestigieu se quoiqu e remontant a u XVIIIe siècle. Le châtea u a ppa rtint d'abord a ux Aubriot
d a la Palme, dont un membre s'i llustre co mme chanoine, vicaire général
de C hambéry so us la Révolution ,
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Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le château Reinach
écrivain religieux pro li xe et assez célèbre en so n temps, qui mourut évêque d'Aoste en 1826. Le domaine
passa d'ailleurs bientôt à François
Buloz, l'actif Savoyard fondateur et
d irecte ur de la Revue d es Deux
Mondes, et propri étaire un temps de
la Revue de Paris, qui y reçut George
Sand en juin 1861 : « la maison est
vaste et bien divisée ... la propriété est
superbe pittoresquement parlant, des
bois jetés à pic dans les précipices,
des torrents, des cascades, des prairies , des châtaigneraies admirables,
des arbres monstru eux ... ». Les descendants des Bu loz, les Bourget-Pailleron vécurent ici jusqu'à la derni ère
guerre. Le parc a été loti, la mai so n a
pe rdu de son charme, seule la vue
« imm ense et belle toujours» (G .
Sand) demeure.
Servolex
Le châtea u d e Servolex remonte
po ur sa plus grande partie au début
du XIXe siècle, so n aspect actuel et
les to urs so nt l'œu vre essentiell e de
Xavier de Vignet. Son intérêt est
principalement littéraire avec les
so uvenirs des Maistre et surtout de
Lamartine, tel qu e le poète nou s l'a
décrit dans les « Confidences» :
« Je vivrais un siècle que je n'oublierai s jamais les journées dignes des
entretiens de Boccace à la campagne
pendant la peste de Florence, que
nous passions pendant tout un été
dans la maiso n de Bissy chez le colonel de Maistre ou dans le petit castel
de Servolex chez mon am i Louis de
Vignet. Le salon était en plein
champ ... un e allée de hautes charmill es au fond du jardin de Servolex,
allée élevée en terrasses sur un va llon
noyé de feuill ages et de hautes
vign es entrelacées aux noyers ... »
Ce rtes, il y a beaucoup d'autres immeubl es remarquables à La Motte;
le château Pingon près du chef-lieu
est un e aimable co nstruction du
XVIe siècle avec ses quatre tourelles
que les Pingon se co nstrui sirent
après avoir renoncé à leur maison
près
du
prieuré
(qui
abrite
aujourd' hui en partie le lycée SainteAnne). Devenu pour quelque temps
propriété des de Boigne, le château
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servit ensuite au grand séminaire
chassé de Chambéry en 1905. Il faudrait aussi signaler la maison forte
de la Catonnière (habitée par les
GuiIlermin au XVIIIe siècle, puis par
les Perrin de La Motte) ; au XIXe
siècle on y vit l'avocat Burnier, qui
so us le pseudonyme de Lebrun écrivit un petit roman célèbre en son
temps, « Les sorciers de La Motte ».
N'oublions pas non plus la maison
de la C urtin e à Villard-Peron, des
Montfort à Villardmarin et les belles
maisons bourgeoises de la Villette ou
de la Pérouse. Le Tremblay s'enorgueillit de so n côté de deux châteaux
du XVII e siècle, celui du comte Verney (maintenant loti) et celui des
Morand. Ce dernier ava it appartenu
a uparavan t aux Favre et à Mgr Laurent de Sainte-Agnès, archevêque de
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Tarentaise, qui y mourut en 1783 en fait le souvenir le plus intéressant
en est le puits d'où l'on ramenait
l'eau par une gigantesque roue de
bois mue par le seul mouvement humain.
Le charme de La Motte hélas!
aujourd'hui bien menacé par l'univers pavillonnaire est, dans ces hameaux un peu touffus et confus, cadre d'une vie plantureuse et simple
en pleine intimité avec la campagne
environnante. Tout est plein de souvenirs historiques, non pas d' une
grande histoire mais d'une solide his. toire sociale et locale, agrémentée de
souven irs littéraires, qui eux ne sont
pas minces. Mais du fait du déclin de
la société rurale et de la frénésie de
la société industrielle et urbaine,
qu 'e n restera-t-il bientôt?
Le châTeau de Servole..r (Collec tion el cliché M usée Savoisien)
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Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
9 sur 9