Comme des poissons dans l`eau
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Comme des poissons dans l`eau
entreprise agroalimentaire Conception des locaux Comme des poissons dans l’eau Les nouveaux locaux de l’usine Capitaine Houat à Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, ont fait l’objet d’une réflexion en amont sur les conditions de travail. Inaugurée en juillet 2010, la nouvelle implantation vise notamment à réduire l’exposition des salariés aux troubles musculosquelettiques. 34 Travail & Sécurité – Juillet-août 2011 © Philippe Castano pour l’INRS I ntégrer la qualité de vie au travail, tel est le credo de la direction de Capitaine Houat. L’entreprise de découpe et de transformation de poissons frais (saumon, cabillaud, roussette ), ainsi que la société de négoce associée, Scamer, qui emploient au total 160 personnes à Boulognesur-Mer, dans le Pas-de-Calais, se sont installées dans de nouveaux locaux en juillet 2010. Initialement répartis sur quatre sites distincts, tous ses salariés ont été regroupés dans des bâtiments flambant neufs de 6 500 m2. La conception de cette nouvelle unité a été l’occasion d’intégrer très tôt dans le projet les conditions de travail des salariés et, plus largement, tous les aspects liés à la sécurité de l’usine. Car l’activité expose en particulier, à terme, ses salariés à des troubles musculosquelettiques des membres supérieurs ou à des lombalgies. Appartenant au groupement des Mousquetaires, l’usine a bénéficié de l’appui du bureau d’études interne du groupe et de ses architectes. Parmi les aménagements réalisés, les lignes de filetage ont été réagencées. « Sur le précédent site, les chaînes avaient été conçues, au fil du temps, a également été installée. Sur la ligne semi-automatique de filetage du saumon, les postes de travail sont modulables pour droitiers et gauchers, et les espaces de travail par personne sont plus larges. Les sols ont été conçus pour éviter l’accumulation d’eau, avec de légères pentes permettant l’écoulement de l’eau vers des puisards régulièrement disposés au sol. Des vitres donnant sur l’extérieur permettent de travailler à la lumière du jour, tant aux lignes de production qu’à la partie logistique. Des aménagements avec les contraintes liées au bâtiment, sans marche en avant. Ici, on a pu installer des chaînes de production linéaires. Travaillant à des températures entre 6 et 8 °C, on a fait en sorte que les opérateurs ne soient pas en contact direct avec le sol mais postés sur des caillebotis réglables en hauteur. Cela limite le contact avec le froid et l’humidité », présente Fabien Gressier, technicien sécuritéenvironnement de l’entreprise. Une ligne automatique Même si des aménagements restent encore à finaliser, la ligne « libre-service» a d’ores et déjà connu de grands changements. appréciés des opérateurs. À l’atelier « libre service », une nouvelle ligne plus ergonomique est également en cours d’aménagement. Les postes de travail, au lieu d’être face à la ligne, sont disposés de profil. Les opératrices ont ainsi les produits à conditionner devant elles et le convoyeur qui évacue les barquettes remplies sur leur côté. Selon leur taille et leur latéralité, elles peuvent choisir leur poste sur la ligne. Des aménagements restent néanmoins à finaliser : « Les caisses sont trop basses, on est obligées de se pencher en avant pour atteindre les poissons. À la longue, ça tire sur le dos », décrit Christelle Condette, une opératrice. Participation active du CHSCT Dans la partie administrative, les conditions de travail ont également été prises en compte. Un traitement phonique de la salle de télévente, une plate-forme téléphonique organisée en open space, a Formation et autoformation U n outil d’autoformation, élaboré par un groupe de travail impliquant l’Astil 62 (Association santé travail interentreprise littoral), la Carsat Nord-Picardie et le Conseil régional, le Centre de formation aux produits de la mer ainsi que des entreprises locales de la filière halieutique, est en cours de déploiement dans l’usine. Ce logiciel, qui comprend un questionnaire à choix multiples, présente en photos différentes situations de travail sur lesquelles les salariés doivent réagir. Un accompagnement des salariés (explications, commentaires) est effectué par le technicien sécurité de l’entreprise ou par le chef d’entreprise. © Philippe Castano pour l’INRS été réalisé pour maintenir une ambiance de travail feutrée : les sols et les plafonds ont été choisis pour limiter la réverbération du son, tout comme les placards qui ont été intégrés à la structure pour atténuer les nuisances sonores. Les vitres ont également été traitées contre l’éblouissement pour améliorer le confort thermique et limiter les écarts de température sur une journée. À tous les niveaux donc, les choix d’aménagements et d’organisation ont tenu compte des conditions de travail et de la sécurité des salariés. Le CHSCT a été associé au projet dès le début. Ses membres ont pu réagir aux propositions : circuit des produits, vestiaires, accessibilité au bâtiment, etc. « Toutes les pièces à risque – local à air comprimé, salle des machines – ont été installées en périphérie, par rapport au risque incendie », décrit encore Fabien Gressier. Un sens de circulation unique a été défini sur le site, autour de l’usine, pour les poids lourds. « L’entreprise a vraiment joué le jeu et pris en compte quasiment toutes les recommandations que nous lui avons faites », explique Bruno Hermetz, ingénieur-conseil à la Carsat Nord-Picardie. Les bâtiments ont été pensés en laissant des espaces libres en prévision d’éventuelles extensions, tant à la production qu’à la logistique. « Néanmoins, la nature ayant horreur du vide, on a tendance à s’étaler, on n’optimise pas l’espace pour l’heure », constate Tony Lorant, directeur du site. « Globalement, il y a un surcoût initial lié à l’achat d’équipe- ments spécifiques, poursuit-il. Mais à terme, on s’y retrouvera largement par la réduction de l’absentéisme, des accidents du travail et grâce au confort de travail. Ici, on a adapté le bâtiment à l’activité, et non l’inverse. » « L’intégration de la sécurité dès la conception est une grande force pour l’avenir, complète Fabien Gressier. Certaines de nos options retenues sont d’ailleurs devenues des standards qui seront incorporés dans les futurs projets du groupe. » « La réalisation d’un nouvel outil de travail, d’une nouvelle organisation du travail est un moment charnière pour y intégrer aussi la formation, résume Bruno Hermetz (cf. encadré). La santé et la sécurité doivent faire partie de la formation au métier. Il faut Des lignes de production au service de télévente, l’ensemble des espaces de travail de l’entreprise a bénéficié d’aménagements destinés à améliorer les conditions de travail et à réduire les risques d’accidents et de maladies professionnels. par exemple désormais que l’on s’intéresse au tutorat, lorsque les gens apprennent le métier, en veillant à ce qu’ils ne reproduisent pas certaines pratiques des anciens qui se préoccupent parfois peu de leur sécurité ou n’ont pas forcément conscience des risques auxquels ils sont exposés. Nous sommes à un carrefour, c’est une action qui s’inscrit dans le temps », conclut-il. Céline Ravallec Travail & Sécurité – Juillet-août 2011 35