RCD11 – CR du débat Transparence 221011

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RCD11 – CR du débat Transparence 221011
RENCONTRES CINEMATOGRAPHIQUES DE DIJON
20 AU 22 OCTOBRE 2011
Production – Distribution : une transparence nécessaire
Samedi 22 octobre – 10h30 à 12h00
Table ronde animée par Cécile TELERMAN
Sylvain NIVARD prend la parole en préambule et donne lecture d’une lettre qu’il a écrite :
« Mesdames, Messieurs,
Je m’appelle Sylvain Nivard. Je suis aveugle et je travaille comme commercial chez IBM, c'est-à-dire que je
vends des systèmes informatiques aux grandes entreprises françaises, mais je travaille aussi pour la
Confédération française des principales associations d’aveugles (CFPSAA), au sein de laquelle j’anime la
Commission Culture de la CFPSAA. J’ai à ce titre l’honneur d’être l’interlocuteur des Pouvoirs Publics sur
l’ensemble des sujets liés à l’accès à la culture et je suis régulièrement au Ministère de la Culture, au CNC,
au CSA, à l’ARP, etc. Je remercie l’ARP et tout particulièrement Florence Gastaud d’avoir accepté de m’offrir
ces quelques minutes de tribune pour vous parler de l’audio-description. En effet, lorsque je ne travaille pas
je suis comme vous, j’aime me distraire et me cultiver.
Les films font partie de notre culture, au même titre que les livres. Tous nous allons au cinéma, nous
visionnons des films à la maison, nous en parlons entre amis. Tous ? Tous sauf 65 000 aveugles et plus d'un
million de personnes très malvoyantes qui en France ont été et sont encore très largement exclues de cette
source inépuisable d'enrichissement, de plaisir et de partage.
Pourtant, la solution existe : balbutiante il y a vingt ans, la technique de l'audio-description permet
aujourd'hui aux aveugles et aux malvoyants de « voir » un film comme tout un chacun, en salle avec les
spectateurs voyants ou chez soi à la télévision ou en visionnant un DVD.
Cette technique, importée des Etats-Unis à la fin des années 1980 par l’Association Valentin Haüy, permet
la description de l'image grâce à l'utilisation d'une voix s’insérant dans les « blancs » disponibles entre les
dialogues et les bruitages afin que l’aveugle ou le malvoyant puisse comprendre le film et ressentir ce que le
metteur en scène a voulu exprimer. Il s’agit donc d’une piste son spécifique où on profite des blancs dans les
dialogues pour décrire que le méchant vient de taper sur le gentil ou que les amoureux sont en train de
s’embrasser.
Le texte ne doit ni interpréter ni expliquer. C'est au spectateur aveugle ou malvoyant de recréer son propre
film à partir des informations essentielles qui lui sont délivrées en très peu de temps, en respectant la
bande-son du film, et c'est là tout l'art de l’audio-description : savoir choisir parmi les éléments visuels ceux
qui sont indispensables à la compréhension du film (où, qui, quoi ?) mais également ceux qui véhiculent au
plus près l'intention du réalisateur, les messages et les émotions qu'il a voulu transmettre, l'ambiance qu'il a
voulu créer et choisir les bons mots pour dire tout cela.
La difficulté ne s'arrête pas au choix des mots. L'art du juste ton compte aussi, entre trop de neutralité dans
la diction qui plongerait l'auditeur dans l'ennui et une interprétation trop personnelle et subjective qui
risquerait de trahir le réalisateur du film.
Chaque œuvre à décrire est un nouveau défi : comprendre les intentions de l'auteur, choisir, parmi les
informations purement visuelles, les éléments les plus pertinents à transmettre au spectateur aveugle,
trouver un style et un ton.
Depuis vingt ans, la technique de l’audio-description a fait des progrès considérables. Plus de 500
programmes ont été audio-décrits tant pour les besoins du cinéma que pour ceux de la télévision, en
majeure partie par l’AVH et maintenant par l’AFA (Association Française d’Audio-description), mais aussi
par En Aparté, MFP, filiale du Groupe France Télévisions, TITRA FILM, etc. De véritables formations
professionnelles à la description d'images se sont mises en place à l’AVH, l’ESIT, etc.
Maintenant que la technique existe, il ne devrait plus y avoir d’obstacles majeurs pour que l’audiodescription se diffuse. Il faut cependant que l’offre existe et pour cela il faut que les réalisateurs et les
producteurs comprennent ce besoin et acceptent d’audio-décrire leurs films. Pour information, l’audiodescription d’un film, c’est un budget d’environ 6 000 €. Il faudrait donc que les sociétés de production et de
distribution de films ou de DVD audio-décrivent de plus en plus leurs œuvres dès la postproduction et que
les salles de cinéma s'équipent en matériel permettant la diffusion du son audio-décrit, et c’est là que j’ai
besoin de vous.
Quand nous allons voir les exploitants de salles, ils nous disent qu’ils équiperont leurs salles dès qu’il y aura
une offre, et quand nous rencontrons des producteurs ou des réalisateurs ils nous disent : « A quoi bon
audio-décrire puisqu’il n’y a pas de salles équipées ? ». Alors, aidez-nous, s’il vous plait, à rompre ce cercle
vicieux. J’ai besoin que quelques-uns d’entre-vous amorcent la spirale vertueuse de l’audio-description en
acceptant de faire audio-décrire leur prochain film.
C’est pourquoi, grâce à l’ARP et à son partenaire Titra-Film, nous avons lancé cette campagne de
sensibilisation auprès de vous, réalisateurs et producteurs. Je serai tout à l’heure dans le foyer à la
disposition de ceux d’entre vous qui souhaitent des informations complémentaires.
Je souhaite que tous ensemble nous parvenions à rendre le monde du 7e art de plus en plus accessible aux
aveugles et malvoyants, nous permettant ainsi de partager et de mieux nous intégrer dans le monde des
voyants.
Merci pour votre attention ».
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Cécile TELERMAN demande à Michel Gomez étant donné le rapport qu’il a écrit qu’il évoque de façon
synthétique les rapports producteurs-mandataires et les solutions ou négociations qu’il préconise.
Michel GOMEZ souhaite rebondir au préalable sur l'intervention de Sylvain Nivart et mentionne ses
fonctions à la Mairie de Paris pour indiquer qu’elle construit avec l'ensemble des exploitants parisiens un
plan d'accessibilité (qu’elle présentera à la fin de l’année) de l'ensemble des salles parisiennes pour faire en
sorte que dans chaque quartier certaines puissent répondre aux différents types de handicap (personnes à
mobilité réduite, malvoyants, sourds et malentendants).
Par rapport aux sujets de préoccupation de la profession (le compte de soutien, la mutation du paysage
audioviduel, le développement de la VàD par des opérateurs transnationaux et les problèmes que cela
peut poser en termes de mandat), les problèmes de transparence sont pour lui extrêmement simples et
faciles à résoudre à partir du moment où tout le monde est de bonne foi. Les discours sur une nontransparence ou une éventuelle opacité servent à son avis de prétexte à la profession pour ne pas se poser
les vraies questions. Il pense qu’une profession mature devrait être capable de réduire ses petits
problèmes intelligemment et surtout « en faisant attention ne pas se tirer une balle dans le pied ». Il
souligne à cet égard sa capacité de la profession à se faire très mal en adoptant certaines postures.
Il explique que son rapport s'inscrit dans la continuité du Rapport Bonnell mais précise qu’il n’est pas pour
autant de même nature. Il ne pense pas que demain un texte régira les relations des producteurs et des
distributeurs et espère que la profession va arriver à des conclusions très simples en termes de code de
bonnes pratiques et de recommandations contractuelles, en laissant de la place au gré à gré.
Il a le sentiment d’une incompréhension factice sur les relations entre producteurs et distributeurs et note
que le mot mandataire est souvent utilisé, parfois péjorativement. On a l'impression que c'est un simple
intermédiaire, qui a une activité à faible valeur ajoutée, or il souligne que distribuer un film en salles, le
mettre sur le marché à l'export, en vidéo et en VàD est un métier, qui apporte une valeur ajoutée et
demande du savoir-faire.
Un minimum de respect entre les professions est pour lui nécessaire. Il note à cet égard que l’on a
l’impression que plus on s'éloigne de l'auteur, plus le métier est méprisable -certaines activités seraient
nobles et d'autres non dès lors qu’elles se rapprocheraient du marché-, alors que mettre un film sur le
marché quel qu'il soit est compliqué et risqué. Il souhaite à cet égard que son rapport puisse au moins
servir à montrer que distribuer un film est un métier dont il faut comprendre la complexité.
Il indique que par ailleurs son rapport pointe un fait très clair : le risque concerne dans la filière
cinématographique les activités de distribution, peu les activités de production et très peu les activités
d'exploitation, qui ont une capacité à mutualiser à travers le nombre de films exploités. A cet égard, il est
clair pour lui que toute idée qui contribuerait à augmenter le risque du distributeur est mauvaise, son
rapport ayant pour but de permettre une évolution des aides à la distribution justement afin de le réduire
et que les distributeurs puissent mieux exposer le cinéma français.
Il ajoute que le CNC lui a demandé de traiter le sujet des aides et qu’il a essayé, avec beaucoup de nuances
et de précautions, non pas de faire des préconisations mais d'indiquer des directions de travail afin que le
sujet soit abordé « de façon intelligente ».
Cécile TELERMAN en conclut qu’en fait cela ne va pas trop mal mais note que des points d'achoppement
entre les producteurs et les distributeurs ressortent du rapport et que dans l’économie du préfinancement
plus le distributeur intervient en amont, moins il y aurait de recettes en aval, raison pour laquelle les
producteurs ont parfois des doutes et parlent d'opacité. Elle demande aux deux intervenants prévus
comment la transparence pourrait selon eux être renforcée.
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Il est pour Jean LABADIE difficile d'être plus transparent que le marché français dans la mesure où
l'intégralité des recettes est contrôlable grâce au CNC à l'entrée près sur la France entière et où depuis la
Loi Sapin il est impossible de faire un contrat avec un afficheur ou un organe de presse sans l’accord de
trois parties et que ce soit notifié et contrôlable. Il remarque que rien n’est plus simple qu'auditer un
distributeur si l’on a un doute sur la recette et le résultat du film. Il donne l’exemple de GFK, organisme qui
pour la vidéo indique à 80 % les points de vente et le nombre de DVD vendus, ce qui donne une idée du
chiffre d’affaires. Il ajoute que c'est d'autant plus facile en termes de télévision que la plupart des
distributeurs n'ont pas accès à la recette télévisée puisqu’elle est pré-vendue pour la fabrication des films.
Il ajoute que les distributeurs sont très nombreux en France, dont beaucoup de très bons, et que si un
producteur a un problème de transparence et que son film ne lui rapporte pas d'argent il peut sans aucun
problème faire auditer le sien et en changer la fois suivante. Il souligne à cet égard qu’il existe en général
un rapport de fidélité entre les distributeurs, les producteurs et les auteurs quand les résultats sont
positifs, et que le métier est tellement petit que l’information se transmet très rapidement. Il pense que s'il
y avait dans le métier de la distribution des « mouton noirs », cela se saurait très vite.
Il rappelle par ailleurs que quand une chaîne de télévision coproduit un film cela donne lieu en termes de
commission à des blocages, et il évoque également les pourcentages dictés par les SOFICA.
Il explique ensuite que quand un distributeur s’engage après avoir donné son accord, ce qu’il fait en
général le premier, celui-ci porte à la fois sur un minimum garanti (c'est-à-dire l’avance d'argent) et le
financement des frais d'édition, en soulignant que c’est important puisque qu’un distributeur ne peut pas
sortir un film correctement au-dessous de 200 000 € minimum.
Il ajoute qu’un distributeur s’occupe d’un film parce qu’il en a envie et que plutôt que de discuter de la
commission il préfère en général négocier le minimum garanti par rapport à son appréciation du film. Il
souligne à cet égard que des couples distributeurs-producteurs durent parce qu’ils ont envie de travailler
ensemble et que les comptes sont clairs et transparents.
Il indique que les aides sont intégrées au départ, en calculant par rapport au nombre d’entrées le fonds de
soutien distributeur, qu’il ajoute lui-même à son risque, et qu’elles ne sont pas pour lui une recette
supplémentaire. Il donne l’exemple de « Drive » : 70 % de la recette va remonter au producteur américain,
qui en vérifiera le montant d'autant plus facilement que le système est d'une transparence absolue : il lui
restera donc 30 %, ce qui veut dire qu'il faut 3 films comme « Drive » pour rattraper un film qui perd.
Marc-Antoine ROBERT, producteur, s'interroge sur la raison de sa présence puisqu’il vient d'apprendre
qu’il fait un métier sans risque. Cela rejoint à sens ce qui est ressorti de la première réunion au CNC sur le
suivi du rapport de Michel Gomez, au cours de laquelle tous les distributeurs ont déclaré aux producteurs
qu'il n'y avait pas de problème.
De même, il s'interroge sur les suites du Rapport Bonnell. Il explique qu’en tant que producteur il
accompagne un auteur pendant trois ans, jusqu'à ce qu'il termine son scénario, et qu’ensuite il recherche
un financement pour le film mais qu’il n’est pas toujours idéalement positionné pour négocier les
conditions du contrat dans le détail, certains projets correspondant plus au marché que d'autres. La
position du producteur n'est pour lui pas facile et il trouve réducteur de déporter 100 % du risque sur un
distributeur et un producteur pour lequel la notion de risque s'inscrit dans un temps différent.
Il évoque ensuite des fantasmes, des non-dits et des questionnements, non pas sur les recettes –il
confirme qu’elles sont transparentes en ce qui concerne la salle- mais sur les dépenses, même s’il
reconnaît que la Loi Sapin permet d'encadrer l'achat d'espaces. Il rappelle qu’à l'époque du 35 millimètres
des discussions étaient récurrentes parce que les producteurs constataient des prix à la copie très
différents d'un interlocuteur à l'autre, mais il ajoute que des distributeurs ont été audités, ce qui a permis
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de faire remonter de l'argent. Il pense que même si ces problèmes sont à la marge un code de bonne
conduite aiderait à les appréhender, d'autant que l’on est à la veille d’un développement technique
important pour l'exploitation des films avec la vidéo à la demande.
Il note que le Rapport Bonnell donne un mode d'emploi qui n’est pas respecté par les distributeurs, après
que les producteurs ont déjà perdu une première bataille concernant le mode de rémunération de la vidéo
par royalties qui provient du disque, qu’il juge choquant parce qu’il part du postulat qu'un mandataire peut
gagner plus qu'un producteur. Il voudrait éviter que cela se reproduise pour la VOD et pense lui aussi que
les problèmes de transparence et d’opacité sont à la marge et peuvent se résoudre facilement par de
bonnes discussions.
Enfin, il précise par rapport à l’intervention de Sylvain Nivart que « La délicatesse », film qu’il a produit qui
sort le 21 décembre, sera en audio-description.
Cécile TELERMAN reprend le rapport de Michel Gomez, qui parle dans celui-ci de « nébuleuse
capitalistique » et de « remontées parfois curieuses entre différentes entités juridiques au sein d'une
même structure ». Michel GOMEZ répète que distributeur est le métier de la filière qui prend le plus de
risques, mais il faut pour lui arrêter d'opposer producteurs et distributeurs et distributeurs et exploitants.
Il explique que la raison d'être de son rapport est le fait qu’il se pose des problèmes de transparence, mais
à son avis un peu de bonne foi de la part de tous pourrait suffire à les régler en une journée, ce qui
permettra alors d’évoquer « les vrais autres sujets ». Il cite par exemple le fait que les distributeurs ont sur
le photochimique des remises de fin d'année qu’ils ne réaffectent pas dans ce qu’ils opposent aux
producteurs et la Loi Sapin, qui est bonne mais ne couvre pas tous les achats.
Il évoque notamment pour la vidéo un vrai problème d'opacité lorsque des personnes sont à la fois
distributeurs et éditeurs de vidéos, car elles peuvent « mettre la rentabilité où elles veulent ». Il pense qu’il
faut faire d’UniFrance un outil d’intelligence économique sur l'export. Le vrai sujet est pour lui de faire en
sorte que les aides à la distribution soient renforcées et viennent conforter le couple distributeurproducteur, avec par exemple une bonification sur les MG réinvestis.
Pour Cécile TELERMAN, l'intérêt du débat est, au cas où certains n'appliqueraient pas ce code de bonne
conduite, de voir comment les amener à le faire et d’identifier les problèmes.
Emilie GEORGES, qui s’occupe de l’export, qu’elle qualifie de « pièce rapportée » dans les débats sur les
relations entre producteur et mandataire, explique que pourtant les enjeux des exportateurs sont très
proches de ceux des distributeurs indépendants et qu’ils sont exposés aux mêmes risques de la même
manière. Elle reconnaît que les frais de sortie en salle sont nettement plus hauts que les frais d'exploitation
à l'international mais elle indique que, alors que la valeur des films français qui ont une capacité à
s'exporter a été pendant des années le moyen pour les producteurs d'accéder à des remontées de
recettes, la situation a bien changé : ils ont maintenant besoin de les anticiper pour obtenir des
financements de la part des exportateurs.
Elle explique que, la même manière que pour les distributeurs français, il existe différentes gammes
d'exportateurs en France, avec une très grande concurrence entre eux. Elle ajoute que leur exposition au
risque a changé du tout au tout en dix ans et qu’elle est aujourd’hui insensée. Elle indique que par exemple
le niveau des aides pour l'export est de 1,3 M€ contre presque 40 pour le soutien automatique
distributeur, même si elle reconnaît que le risque diminue un peu dès l'instant où un auteur ou un cast est
un peu connu, les films se vendant au moins un minimum à l’international.
Elle pense qu’il y a également très peu à dire sur la transparence en matière d'export, notamment du fait
de l’absence d'affichage et de campagne massive. Elle ajoute que, même si les frais de représentation dans
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les festivals sont coûteux, ils sont ventilés entre différents films et très souvent plafonnés, de même que
les frais globaux d'export. Elle évoque des montants de 3 000 à 5 000 € par film. Marc-Antoine ROBERT lui
fait remarquer que certains de ses collègues forfaitisent ces frais et qu’ils ne sont pas justifiés, ce qui est
pour lui un facteur d'opacité. Emilie GEORGES explique que justement elle a entendu parler de l'ordre de
3 000 à 5 000 € plafonné à 3 festivals ou de 20 000 dans le cas des groupes intégrés, dont les frais de
structure sont nettement plus gros et qui ont d’autres facilités. Elle ajoute que le forfait est un outil
comptable qui permet de faciliter la comptabilité et de ne pas avoir à donner aux producteurs
d’innombrables photocopies de frais comptables, et pour elle le montant en cause n’est pas un enjeu
majeur.
Elle explique que le métier d’exportateur a beaucoup évolué : il faut encadrer les contrats, connaître le
marché, analyser le potentiel des films dans chaque territoire, plafonner les frais de sortie et étudier les
remontées de recettes dans chacun en détail. Elle parle d’un travail énorme, qui constitue environ 50 % du
temps de travail des exportateurs, et serait ravie d'avoir accès à des données centralisées et groupées,
d’autant qu’ils touchent une commission sur les remontées de recettes, même si elle l’a juge souvent
minime comparée aux risques financiers auxquels ils sont exposés et au travail qu’ils font en la matière.
Elle indique à ce sujet que les audits se sont généralisés dans le secteur de l’export et sont loin d'être un
moment conflictuel entre distributeurs et exportateurs.
Victor HADIDA, distributeur et patron de la Société Métropolitan qui occupe aussi la fonction de Président
de la Fédération des distributeurs de films, abonde totalement dans le sens de Jean Labadie sur les
pratiques du métier de distributeur et souligne que par rapport aux autres pays, en Europe ou dans
d’autres continents, la France est « un îlot de vertu ».
Il pense que la méconnaissance des fonctions des uns et des autres est importante. Par exemple, il
explique que l’on a souvent l'impression que le distributeur au sens mandataire du terme a une fonction
moins noble mais souligne qu’il a en fait une fonction d'exposition et d'augmentation de la valeur de ce
que producteurs et auteurs ont créé.
Il explique ensuite que les relations qui existent entre toutes ces parties sont d'abord contractuelles, les
premières discussions intervenant au niveau du contrat. Il souligne à cet égard l’extrême concurrence du
marché français et le fait que souvent les pratiques des distributeurs vont jusqu’à l'extrême, quitte à payer
des minimums garantis énormes et à travailler pour pas grand-chose, la commission n'ayant quasiment
plus de valeur.
Il abonde dans le sens de l'analyse de Michel Gomez sur la prise de risques et la transparence et note que,
qu’il s’agisse des grandes majors américaines, des indépendants français ou de plus petites structures, les
efforts de transparence ont énormément évolué depuis quelques années. Il ajoute que le fantasme des
marges arrières sur les copies va paraître avec la notion de paiement de VPF aux exploitants.
Il note qu’il est indiqué dans le rapport de Michel Gomez que l'Internet ne sera pas incorporé et précise
que dans sa pratique on a souvent recours à des agences auxquelles l’on donne mandat pour qu’elles
puissent intervenir sur tous les supports y compris l’Internet. Il ajoute qu’il a l’habitude de travailler avec
des producteurs étrangers et que les audits sont très courants. Il pense également qu’il faut arrêter
d'opposer les distributeurs aux producteurs, qui ont pour lui « une relation de couple qui essaye de
durer », « avec le plus grand respect pour le travail de l'un et de l'autre ».
La transparence est pour lui un faux débat. En revanche, il pense qu’il faut analyser le niveau de risque et
aider la filière et la distribution en particulier à réduire ce risque pour qu'elle puisse continuer à être un
mandataire efficient pour les producteurs et donner à la notion contractuelle toute sa valeur puisqu’à son
avis c’est la notion même de contrat qui fonde la relation entre les différents partenaires.
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Il explique que quand un distributeur gagne de l’argent il gagne son salaire et que sinon il perd son actif
alors que quand le producteur a performé il gagne peut-être quelque chose qui va au-delà du coût de
fabrication et qui peut inclure ou non son salaire. Autrement dit, la prise de risque ne se fait pas au même
niveau.
Il précise enfin que les aides à la distribution sont de l'ordre de 22 M€ pour l'automatique contre 8 pour le
sélectif et pour la production de 70 M€ en tout.
Pour Olivier COTTET-PUINEL, la question est effectivement relativement simple. Ce n'est pas
spécifiquement un problème de recettes ni de répartition de recettes mais plutôt de risque, qui depuis
l'année 2000 a triplé, devenant ainsi extrêmement important. Il précise que ce risque se traite dans la
relation avec le producteur totalement de gré à gré, avec des situations extrêmement hétérogènes, des
budgets de films différents et des relations très diverses entre distributeurs et producteurs. Il explique que
certains producteurs indépendants qui travaillent avec des groupes ou des distributeurs sont extrêmement
bien payés et d'autres beaucoup moins alors que d'autres encore investissent dans les films. C’est la raison
pour laquelle il est pour lui totalement inapproprié, vain et stérile d'essayer de régler la situation via des
commissions, des cross-collatérisations et des plafonds dans le cadre d’un accord interprofessionnel ou
d’un groupe de travail.
Pour Nicolas GESSNER, de l'ARP, au moins 190 de ses 200 membres trouvent le risque du producteur et de
l'auteur considérablement plus grand car ils créent un film à partir de rien. Il pense comme Michel Gomez
que l’on est trop dans « une stratégie de devis » -puisque la remontée des recettes est aléatoire, tout le
monde essaye de prendre le maximum dès le début- et qu’elle pourrait être remplacée par une « stratégie
du revenu ». C’est la raison pour laquelle le manque de transparence par rapport à la remontée des
recettes devrait être pour lui le sujet du débat.
Jean LABADIE souligne qu’aujourd’hui les distributeurs préfinancent les films à 90 ou 100 %, Marc-Antoine
ROBERT précisant que seulement 8 % en moyenne des films français ont fait remonter les frais d'édition
sur les trois dernières années. Nicolas GESSNER met pour sa part en avant le fait que le producteur ne
touche un salaire que s'il y a un film, mais Jean LABADIE indique qu’en général les distributeurs ne se
basent que sur un scénario qui lui-même a coûté un développement. Il prend par ailleurs l’exemple des
films de Téchiné, dont le premier ne comportait qu’une ligne au générique sur ses 5 producteurs contre 6
minutes de générique dans le dernier, pour illustrer le fait qu’aujourd’hui les producteurs ne prennent pas
les mêmes risques et n’ont plus les mêmes hauts et bas qu’avant le préfinancement, ce dont d’ailleurs il se
félicite, d’autant que cela permet un cinéma français très diversifié, ce qui n’est pas le cas dans des pays où
le préfinancement n’existe que pour les grosses machines et plus pour le cinéma d’auteur.
Il note qu’à Paris il ne reste qu’un seul afficheur, Decaux, qui est propriétaire des abribus, des kiosques et
des colonnes Morris et pratique toujours le même tarif sauf entre le 15 juillet et le 15 août (- 40 %) et le 7
et le 15 juillet (- 20 %).
Concernant les copies, il reconnaît que par le passé certains facturaient 50 centimes d'euro le mètre mais
souligne que lui n’en paye que 24. Il évoque à cet égard le fait que la distribution est « en apnée de
trésorerie » et explique qu’il paie les laboratoires à 120 voire 150 jours, raison pour laquelle il ne peut pas
leur demander en plus une ristourne. Il ajoute que de toute façon il ne restera plus de copies dans un an.
Marc-Antoine ROBERT souligne cependant que les devis de frais d'édition comportent toujours une
colonne « brut » et une colonne « net ». Il pense que c’est dû à l’existence d’une marge de négociation.
Jean LABADIE explique que vis-à-vis des médias on valorise en brut la valeur de l'achat d'espaces pour
obtenir par exemple plus de messages radio gratuits, mais il répète qu’en cas de doute il suffit de
demander le double des contrats d'achat d'espaces et souligne que la Loi Sapin a servi justement à
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supprimer les abus considérables de certaines agences de publicité. Il ajoute qu’aujourd’hui l’achat
d’espaces leur rapporte en général une commission de 3,5 % ce qu’il ne trouve pas énorme.
Marc-Antoine ROBERT évoque des taux de 15 % pratiqués par certains et souligne que quelques
problèmes demeurent dont on a visiblement beaucoup de mal à parler.
Jean LABADIE est interloqué que l’on demande plus de transparence aux distributeurs alors qu’ils sont
perdants par rapport à ce qu’ils dépensent et ajoute que pour la vidéo c’est très difficile quand un film ne
fonctionne pas en salle, à raison de 3 000 DVD vendus pour 90 % des films français. Il ajoute qu’en matière
de VOD un film qui a un grand succès représente 40 000 de recettes et que pour avancer de l'argent aux
producteurs les distributeurs doivent en récupérer.
Olivier COTTET-PUINEL souligne, car il trouve que c’est méconnu, que la VOD demande des équipes très
performantes qui négocient de façon perpétuelle en termes de veille technologique et juridique, les
accords se renégociant quasiment en permanence, avec en termes administratifs une gestion des fenêtres
très compliquée par rapport à la gestion du matériel. Il ajoute qu’il faut un travail de référencement auprès
de tous les opérateurs VOD pour que les films fonctionnent et qu’au final cela demande un temps de
travail énorme aux distributeurs, et une force de travail très importante. Marc-Antoine ROBERT objecte
que la plupart des référencements sont faits par des agrégateurs auxquels on envoie des fichiers et qui
prennent une commission de 10 %.
Nicolas GESSNER souligne à quel point il est difficile d’obtenir un préfinancement, d'autant plus que l’on se
méfie par rapport à la remontée des recettes, et à son avis le débat devrait porter sur son amélioration et
la transparence en la matière.
Emilie GEORGES pense que l’exposition aux risques n’a jamais été aussi grande, parce que la pression du
préfinancemnent n’a jamais été aussi forte, les interlocuteurs de chaque branche finançant de moins en
moins, parce que les recettes diminuent de plus en plus sur chacun des supports, et les risques étant de
plus en plus importants pour ceux qui participent au préfinancement d’un film. Elle confirme que la vidéo
s'est effondrée mais précise que l'export est stable depuis des années et même en légère augmentation,
même si l’espoir de la remontée de recettes s'amenuise à son avis.
Anna SHERBININA se demande pourquoi, si la situation est aussi grave que cela en termes de ventes de
DVD, on ne développe pas plus la vidéo à la demande. Jean LABADIE explique qu’elle a en face d’elle Canal
+. Il précise que le nombre de clients est en la matière catastrophique pour le cinéma français et se montre
peu enthousiaste par rapport à l'avenir des DVD de films français à long terme.
Michel FERRY note qu’environ 600 films par an sortent en France dont un tiers sont français et 8 à 10 %
rentables. Une façon de minimiser les risques est pour lui de distribuer des films qui ne sont pas français et
il se demande comment faire pour que ce soit plus incitatif.
Jean LABADIE souligne que les distributeurs français aiment énormément les films français, la preuve étant
qu’ils les préfinancent. Il explique que ce n’est économiquement pas très logique mais qu’ils le font parce
qu’il est beaucoup plus plaisant d'exposer une œuvre à laquelle on participe dès sa naissance que d'être
l'importateur d'un film distribué ailleurs. Il ajoute qu’ils comptent très souvent sur les recettes des films
qu’ils importent pour reéquilibrer leurs bilans.
Emilie GEORGES indique qu’il en va à peu près de même pour l'export mais que 100 films français
s’exportent par an (dont une quarantaine sur plus de trois territoires) contre 200 distribués en France.
Cécile TELERMAN évoque pour terminer la proposition de Michel Gomez d’un « principe d’intelligence
économique », et le fait qu’il pourrait être utile pour toute la profession d'avoir un accès plus important à
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de nombreux types de données que chacun recherche de façon imparfaite de son côté alors
qu'énormément d'outils cohabitent. Elle ajoute qu’à l'occasion du groupe de travail qui se forme au sein du
CNC sur le rapport de Michel Gomez il est justement question de discuter de la façon dont on peut
optimiser les données d'exploitation et l’accès à celles-ci justement pour tenter de donner une réponse au
sentiment, vrai ou faux, d'absence de transparence.
Michel Gomez trouve aberrant que des entreprises de production ou de distribution achètent Télépoche
toutes les semaines pour savoir si leurs films sont diffusés à la télévision alors que le CNC, le CSA, la SACD
et la PROCIREP existent. Il ajoute que l’on ne sait pas précisément ce que vaut un film français à l'export
alors que c'est le seul moyen de dissiper des malentendus et de pouvoir établir un diagnostic partagé. Il
faut selon lui une plus grande connaissance des métiers et pratiques commerciales et publicitaires,
notamment sur Internet, et il est pense qu’il est important pour les producteurs d’avoir des informations
sur le sujet pour avoir des éléments de comparaison. Il pense que plus la connaissance sera partagée, plus
« le fantasme de l'opacité disparaîtra », même s’il reconnaît que tout ne va pas bien et l’existence de
mauvaises pratiques. Il manque simplement selon lui d’un code de bonne conduite, avec des engagements
clairs et réciproques.
Olivier COTTET-PUINEL évoque une totale transparence dans la remontée des recettes à l'international
entre producteurs et distributeurs. Quant à la possibilité d'avoir accès aux chiffres de vente, il faut se
demander selon lui si l’on ne se tirerait pas se faisant « une balle dans le pied ». Par exemple, si les chiffres
de vente d'une comédie française en Italie étaient rendus publics, il n’est pas certain que les chaînes de
télévision italiennes l’achèteraient au même prix.
Emilie GEORGES explique que tous les exportateurs sont prêts à communiquer les chiffres de vente film
par film au global et qu’une communication est faite au CNC chaque année territoire par territoire sur le
chiffre d'affaires réalisé, les contrats et les copies. Quant à l'analyse des décomptes, elle indique qu’il s’agit
d’un travail laborieux et long, obtenir un décompte d'un distributeur n'ayant rien d'automatique, en tout
cas à l'international. En revanche, elle pense aussi qu’obliger à communiquer territoire par territoire les
chiffres de vente d’un film serait très dangereux et conduirait à une harmonisation des prix, ce qui irait à
l'encontre du marché, qui est de gré à gré et permet d’exercer une pression quand un film est vraiment
désiré. Jean LABADIE ajoute que de toute façon les nouvelles négociations se font sur une nouvelle base.
Emilie GEORGES précise qu’en général on est face ailleurs qu’en France à un interlocuteur unique, voire
deux, par gamme de films.
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