I. Un rejet manifeste de la démocratie libérale
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I. Un rejet manifeste de la démocratie libérale
Les régimes totalitaires dans l'Entre-Deux-Guerres points communs et spécificités Problématiques possibles : – quels sont les points communs et les spécificités des régimes totalitaires ? – en quoi les régimes totalitaires présentent-ils, au delà de leurs spécificités, une forme commune ? – Les régimes totalitaires de l'Entre-Deux-Guerres sont-ils comparables ? … Proposition de plan Les lendemains de la Première Guerre Mondiale, marqués par les difficultés économiques, les frustrations nationales et les tensions politiques et sociales donnent naissance en Europe à un type nouveau de régimes politique : les régimes totalitaires. Caractérisés par la volonté d'imposer le contrôle de l'Etat dans les sphères publiques et privées, ils se développement en Allemagne, en Italie et en URSS selon des formes communes mais chacun avec ses spécificités. En quoi les régimes totalitaires présententils, au delà de leurs spécificités, une forme commune ? I. Un rejet manifeste de la démocratie libérale Les régimes totalitaires se définissent tout d'abord par leur rejet unanime de la démocratie libérale telle qu'elle est mise en œuvre, par exemple, en France ou au Royaume-Uni dans les années 20. Cela tient d'abord aux conditions assez proche de leur émergence A. Une base démocratique fragile ou inexistante... Dans chacun des trois pays concernés par le sujet, la démocratie est une construction récente et fragile qui ne survit pas aux troubles provoqués par la première guerre mondiale et la crise des années 30. 1. La Russie : un régime tsariste autocratique balayé par la guerre 1917 : défaite face Allemagne ; révolution d'Octobre, Lénine. 2. L'Italie : une démocratie fragile, confrontée aux troubles de l'après-guerre 1919 : « victoire mutilée », création des Faisceaux Italiens de Combat 3. L'Allemagne : une république minée par la crise des années 30 1918 : république de Weimar. 1919 : diktat de Versailles. 1929 : crise mondiale B. ...mais des modes d'accès au pouvoir variés Toutefois, les modes d'accès au pouvoir sont spécifiques à chaque régime, bien qu'ils impliquent à chaque fois l'emploi de la violence. 1. L'Italie et le coup de force mussolinien (1922) Marche sur Rome, 1922. Assassinat de Mateotti (1924) et Lois Fascistissimes (1925-26) 2. L'URSS : Staline remporte la lutte pour la succession de Lénine (1928) 1922 : création de l'URSS. 1924 : mort de Lénine. 1928 : Staline élimine ses rivaux. 3. L'Allemagne : Hitler chancelier et fossoyeur de la démocratie (1933) janvier 1933 : victoire du parti nazi aux élections ; février 33 : incendie du Reichstag ; juin 1934 : Nuit des Longs Couteaux ; août 34 : mort de Hindenburg, Hitler Reichsführer C. Des idéologies diverses qui se retrouvent pour condamner la démocratie libérale La condamnation de la démocratie libérale, notamment des régimes parlementaires, est une constante des régimes totalitaires, qui se présentent comme la solution politique de l'avenir. Toutefois, cette condamnation ne repose pas sur les mêmes bases. 1. Le fascisme et le nazisme : condamnation d'une démocratie impuissante et mise en place d'un Etat fort Fascisme et nazisme : dictatures d'extrême droite. Négation de la démocratie, volonté de mettre en place un pouvoir exécutif fort confié à un chef (führerprinzip nazi). Base nationaliste, voire raciste (nazisme). Projet de conquêtes territoriales (restauration d'un empire méditerranéen pour l'Italie, « Espace vital » (lebensraum), voire domination mondiale pour l'Allemagne). 2. Le stalinisme : condamnation d'un régime bourgeois et mise en place de la dictature du prolétariat condamnation de la démocratie libérale, régime bourgeois qui opprimerait les ouvriers. Dictature du prolétariat = étape vers la société sans classes. Base internationaliste : volonté, après consolidation de l'URSS, d'étendre le « socialisme » sur la planète. II. L'affirmation de la toute-puissance de l'Etat sur l'individu Le régime totalitaire se caractérise par la mise en place d'une dictature qui subordonne l'individu à l'intérêt supérieur de l'Etat et cherche à contrôler l'ensemble des aspects de la vie publique et privée. A. Une toute puissance du chef et du parti appuyée sur une terreur de masse Le pouvoir totalitaire suppose l'existence d'un chef unique, appuyé sur un parti qui sert de relais à son message et un appareil répressif destiné à pourchasser les opposants. 1. Vojd, Führer ou Duce : le Guide détient tous les pouvoirs chef unique (Staline, Hitler, Mussolini) détient les pouvoirs législatifs et exécutifs. Absence d'opposition par élimination des rivaux potentiels (Nuit des Longs Couteaux ou Procès de Moscou). Culte de la personnalité qui insiste sur le caractère bienveillant et infaillible du Guide (slogan fasciste : « Mussolini ha sempre ragione » = « Mussolini a toujours raison »). 2. Le Parti unique, relais du discours du chef mise en place du totalitarisme s'accompagne de l'interdiction de tous les partis excepté celui du chef (parti unique) : PNF, NSDAP ou PCUS. Parti sert de relais au message du chef. Il double toutes les administrations officielles. Adhésion quasi- obligatoire pour faire carrière => partis de masse (NSDAP > 2M adhérents ; PCUS > 6M ; PNF > 600 000). 3. La suppression des libertés individuelles et la mise en place d'une répression permanente Mise en place de l'Etat totalitaire s'accompagne d'une suppression des droits individuels (Mussolini : « l'individu n'est rien, l'Etat est tout »). Toute expression d'un avis opposé ou différent de celui du parti et du chef peut potentiellement être considéré comme trahison, notamment en URSS (où tout retard au travail est considéré comme sabotage). Police politique (Gestapo, OVRA ou NKVD) chargée de surveiller et réprimer les opposants. Mise en place d'un système permettant leur mise à l'écart : système concentrationnaire nazi, Goulag soviétique, « bagnes de feu » fascistes. B. Un contrôle de l'ensemble des aspects de la vie publique et privée Le projet totalitaire a pour caractéristique de forger un homme nouveau, dont les caractéristiques sont cependant spécifiques à chacun de ces régimes. La prise de contrôle de l'économie est également un moyen de parvenir à ce but. 1. Forger un homme nouveau : l'embrigadement de l'individu volonté de forger homme débarrassé des réflexes, opinions, habitudes, conventions... des sociétés « bourgeoises ». Bases de ce projet variant selon le régime : « Aryen idéal » pour les nazis (théories racistes, Aryens = « race supérieure ») ; valeurs guerrières pour les fascistes (slogan définissant l'homme idéal : « croire, obéir, combattre »), « ouvrier de choc » pour l'URSS (dévoué au parti, à la classe ouvrière, à l'URSS). Mais points communs : – Fidélité à l'Etat doit dépasser les autres formes d'attachement et de fidélités (religieuse, familiale...) – changement qu'on cherche à obtenir par l'embrigadement des adultes dans le cadre du travail (Front du Travail nazi), des loisirs (Dopolavoro fasciste), mais surtout encadrement de la jeunesse (Komsomols soviétiques, Hitlerjugen nazis, Balilla ou « Enfants de la Louve » fascistes) – recours massif à la propagande : censure des journaux, campagne d'affichage, émissions radio, actualités et films de cinéma... surveillance des intellectuels, voire autodafés de livres en Allemagne. 2. La recherche d'un contrôle de l'économie régimes totalitaires cherchent à contrôler la sphère économique pour achever le projet totalitaire. Mais avec objectifs différents : Grands travaux et recherche de l'autarcie en Italie et Allemagne pour employer chômeurs et préparer un conflit (« bataille du blé » en Italie à partir de 1927, « plan de 4 ans » allemand, 1936...). En URSS prise de contrôle de l'économie permet collectivisation des terres (1929-33) et industrialisation à marche forcée (plans quinquennaux impératifs, propagande stakhanoviste). C. Mais la mise en œuvre du projet totalitaire est spécifique à chaque régime Toutefois, la mise en œuvre du projet totalitaire est spécifique à chaque régime totalitaire. 1. Le projet totalitaire est inégalement achevé selon les régimes caractère inachevé du projet fasciste, qui laisse subsister des sources de légitimité extérieures à Mussolini : Eglise catholique, Grand Conseil fasciste et surtout monarchie italienne. Population peu enthousiasmée par le projet totalitaire (détournement par les Italiens du sigle PNF = Partito Nazionale Fascista => « Per Necessità Familiare » pour souligner adhésion souvent purement formelle). Projet plus aboutit en Allemagne et surtout en URSS (aucun frein ou contre-pouvoir à l'autorité de Staline, surtout après les purges de 1936-38). Population adhère bien davantage au régime dans ces deux Etats, même si des formes de résistance civile existent (refus des hitlerjugen, absentéisme au travail...). 2. Selon le régime concerné, la terreur n'a ni la même ampleur, ni les mêmes cibles terreur stalinienne frappe de façon aveugle une large part population soviétique : minorités nationales, koulaks (paysans propriétaires), membres du clergé ou noblesse, anciens compagnons de Lénine... Purges de 1936-38 font à elles seules 750 000 morts et 2M de déportés au Goulag. Terreur nazie plus ciblée : communistes, minorités religieuses, « asociaux » (malades mentaux, minorités sexuelles, pacifistes) et surtout Juifs (lois de ségrégation : Nuremberg, 1935 ; violences antisémites : Nuit de Cristal, 1938) Terreur fasciste comparativement moindre (5000 victimes en tout dont moins de 50 exécutions) principalement dirigée vers opposants politiques. Malgré adoption de lois antisémites en 1938, faible adhésion de la population à l'antisémitisme officiel. Bien que les régimes totalitaires de l'Entre-Deux-Guerres présentent des aspects communs, notamment sous l'angle du mode de fonctionnement (assujettissement de l'individu à l'Etat, rôle du chef et du parti unique), leurs spécificités restent fortes, notamment en ce qui concerne l'achèvement du projet totalitaire, l'ampleur et les cible de la terreur et, naturellement, l'idéologie qui le sous-tend. C'est pourquoi les historiens s'interrogent parfois sur la pertinence d'une comparaison entre ces régimes, notamment entre le régime fasciste et les deux autres.