CR mars - Universität Erfurt

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CR mars - Universität Erfurt
Les enjeux religieux du discours historique à l’époque moderne = Histoire –
Pouvoir – Religion (II), Paris, Université Paris IV-La Sorbonne
Organisateurs :
Date :
Lieu :
Avec le concours de:
Gérard Laudin (professeur, université de Paris IV-La Sorbonne) ; Susanne
Rau (professeure, université d’Erfurt).
18-19 mars 2011,
Centre Malesherbes et Maison de la Recherche de Paris-Sorbonne (Paris)
Université d’Erfurt, Université Paris IV-La Sorbonne, groupe de recherche
international « Histoire et pouvoir » du Centre de Recherche du Château de
Versailles (CRCV), Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur
l’Allemagne (CIERA)
Compte rendu rédigé par Jean-Claude Colbus (Université Paris IV-La Sorbonne)
L’ouverture de ces deux journées de travail en atelier est assurée par Monsieur GÉRARD LAUDIN
(Paris) et Madame SUSANNE RAU (Erfurt) qui rappellent que ce séminaire s’inscrit dans la
perspective des travaux du « workshop » qui s’est tenu les 3 et 4 décembre 2010 au
Forschungszentrum Gotha der Universität Erfurt et que l’ensemble de ce travail de recherche doit se
conclure par un colloque international sur le même thème prévu au printemps 2012 .
Les trois communications du vendredi 18 mars ont été consacrées à des aires géographiques
très variées : la résistance confessionnelle par l’historiographie saxonne à l’époque thérésienne, le
va-et-vient historique comme modèle interprétatif à l’époque de la Réforme et le Syllabus de Jean
Hotman dans la France du début du XVIIe siècle ont tour à tour fait l’objet d’analyses précises.
La première communication de Sever CRISTIAN OANCEA (Francfort-sur-le-Main) intitulée
« Résistance confessionnelle dans l’historiographie. Georg Jeremias Haner et l’historiographie
saxonne à l’époque thérésienne » s’intéressait plus particulièrement aux Etats transylvains qui,
malgré la reconnaissance confessionnelle obtenue avec le Leopoldinum (1691), sont confrontés au
militantisme confessionnel habsbourgeois. Dans ce contexte, le discours historiographique saxon
devint de plus en plus polémique, car il servait à défendre et à justifier les libertés confessionnelles,
mais aussi les privilèges et l’identité luthérienne face aux agressions du pouvoir catholique. C’est
Georg Jeremias Haner 1707-1777), évêque de l’Eglise luthérienne transylvaine, qui incarne la
résistance à cet « attentat » contre la foi des Saxons, pour reprendre ses propres termes. Son
ouvrage, De scriptoribus rerum Hungaricarum et Transilvanicarum… paru en 1774 à Vienne, est un
véritable plaidoyer en faveur des privilèges du clergé et les libertés des Saxons. Historiographie très
polémique au service des droits légitimes du clergé saxon, son œuvre s’oppose aussi à la politique
fiscale autrichienne et au militantisme catholique de Marie-Thérèse d’Autriche.
La seconde communication, présentée par MARC MUDRAK (Paris/Heidelberg) et intitulée
« Geschichte als Deutungsmuster für das Jetzt – das Jetzt als Deutungsmuster für die Geschichte.
Altgläubige Wahrnehmungen der frühen Reformation in Deutschland » s’intéresse à la construction
de l’histoire à travers le va-et-vient interprétatif entre passé et présent qui caractérise les premières
années de la Réforme. Le discours historique des partisans de l’Eglise romaine présente en effet
plusieurs caractéristiques : d’une part, l’histoire, sur la base des anciennes hérésies de Wycliffe et de
Hus, offre des modèles interprétatifs qui permettent de s’en prendre à la nouvelle hérésie
luthérienne, d’autre part l’idéalisation du passé de l’Eglise et de la tradition offre une vision
particulièrement sombre de l’époque actuelle sur fond de certitude eschatologique. Mais les
victoires sur les hérésies passées constituent autant de preuves de victoires de l’Eglise catholique qui
promettent aussi la victoire sur l’hérésie actuelle. Et l’intégration eschatologique de l’époque
contemporaine fait de l’hérésie luthérienne un des signes de fin des temps envoyés par Dieu à une
Eglise romaine qui tire de son histoire même la certitude de son élection divine.
La communication de MONA GARLOFF (Francfort-sur-le Main) nous transporte en France au
début du XVIIe siècle : « Jean Hotmans Bibliographie des Syllabus als Projekt einer
Geschichtsschreibung der Irenik um 1600 ». Jean Hotman (1552-1636) se situe dans une perspective
irénique qui débute avec l’humanisme (Erasme notamment) et dont on trouve de nombreux
exemples en France à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. Dans son Syllabus, il remet au goût du
jour des auteurs déjà anciens afin de trouver dans ce recours au passé des modèles susceptibles
d’apporter des solutions aux conflits actuels. La bibliographie du Syllabus devient ainsi une sorte de
‘lieu de mémoire’ dans lequel le compilateur tente d’utiliser l’historiographie comme moyen d’influer
sur le présent : les éléments historiographiques constituent alors les pierres d’un édifice censé
dépasser les clivages confessionnels.
La seconde journée de l’atelier a été consacrée d’abord aux relations complexes
qu’entretiennent l’index, la censure et l’historiographie, puis à la recherche historique dans le cadre
de l’érudition monastique au début du XVIIIe siècle et enfin aux enjeux confessionnels, scientifiques
et pédagogiques de l’historiographie chez les jésuites.
La communication d’ANDREEA BADER (Münster) s’intéresse plus particulièrement à
l’historiographie dans le contexte de l’index, de l’Inquisition et de la censure : « Index, Zensur und
Historiographie in der Res publica literaria catholica ». L’écriture de l’histoire et la réception des
schémas historiques dépend en effet des autorités romaines qui se veulent l’instance unique qui
décide de la vérité historique. Mais l’acte même de « censure » conduit à une nécessaire et
permanente adaptation de la notion d’histoire qui est ainsi intimement liée au présent. A partir de
l’institution d’une Congrégation de l’Index en 1571, l’écriture de l’histoire prend un caractère
nouveau : une analyse de l’influence de cet organe de censure grâce à une détermination
systématique des critères élaborés, une étude des auteurs et de leurs réactions face à cette censure
permet de mettre en évidence leur participation active à la construction historique, voire leur
instrumentalisation au bénéfice de cette Res publica literaria catholica.
L’exposé de THOMAS WALLNIG (Vienne) « Geschichtsforschung und Ordensgelehrsamkeit in
‘Österreich’, ca. 1700 – ca. 1750 » porte sur la recherche historique et l’érudition monastique en
‘Autriche’ et s’intéresse à la correspondance des frères Pez dans le cadre d’un projet plus global
intitulé : « Lumières monastiques et la république des lettres bénédictines ». Au début du XVIIIe
siècle, les Etats des Habsbourg sont en quête d’identité historique : dans ce contexte, la religion
constitue en quelque sorte une substructure métaphysique qui permet une mise en scène massive et
efficace de la ‘Pietas Austriaca’, l’Eglise constituant un allié de plus en plus important. Les couvents et
les ordres religieux jouent un rôle essentiel dans cette évolution. L’analyse critique des sources les
amène à formuler la question de la conception de l’histoire, la problématique de l’historicité. En
effet, la critique historique entraîne la nécessité de considérer la possibilité d’un développement
humain : en perdant sa place d’objet de considération théologique, l’histoire devient peu à peu
dynamique.
Présentée par AURORE ARNAUD (Paris), la dernière communication s’intéresse aux jésuites
allemands : « De la Germania sacra à la Weltgeschichte : les jésuites allemands dans l’historiographie
catholique du XVIIIe siècle : enjeux confessionnels, scientifiques et pédagogiques. » Etudiant plus
particulièrement la place des Rudimenta Historica de Maximilian Dufrène parus à Augsbourg en
1726, cette contribution montre que ce manuel destiné aux classes des collèges de la Province
Germanique Supérieure révèle un positionnement historiographique particulier et présente les
enjeux auxquels sont confrontés les collèges jésuites qui, marqués par le fort centralisme romain,
s’insèrent dans les réseaux catholiques européens : ils sont ainsi indissociables des évolutions du
Saint-Empire (confessionnalisation) et du XVIIIe siècle (Aufklärung). L’insertion dans les courants
catholiques romains, la spécificité germanique de l’ouvrage et le tournant marqué par ce manuel
dans le sens de la Frühaufklärung constituent les axes principaux de cette ultime communication.
Ces deux journées se sont achevées sur un commentaire de JEAN-CLAUDE COLBUS (Paris) qui,
après avoir repris les arguments des différentes contributions, a mis l’accent sur l’importance de ces
études historiographiques qui révèlent la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité de voir échapper
l’écriture de l’histoire à une instrumentalisation à des fins partisanes : la légitimation du présent a
conduit bien souvent à une volonté de régulation du discours historique où la force de l’imaginaire
joue un rôle prépondérant. Car quelles que soient les époques, le travail historique ne reflète-t-il pas
plus que d’autres l’histoire de l’historien et sa propre époque ?
A la fin de ces deux jours de travaux, les participants ont évoqué pour finir, dans le cadre d’un
tour de table informel, un certain nombre d’aspects de l’historiographie susceptibles de faire l’objet
des prochaines réunions et du colloque qui doit se tenir au printemps 2012.
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Vue d’ensemble:
Gérard Laudin (Paris) et Susanne Rau (Erfurt): Introduction
Cristian Oancea (Francfort-sur-le-Main): « Résistance confessionnelle par historiographie. Georg
Jeremia Haner et l’historiographie transylvaine saxonne à l’époque thérésienne »
Marc Mudrak (Paris/Heidelberg): « Geschichte als Deutungsmuster für das Jetzt – das Jetzt als
Deutungsmuster für die Geschichte. Altgläubige Wahrnehmungen der frühen Reformation in
Deutschland »
Mona Garloff (Francfort-sur-le-Main): « Jean Hotmans Bibliographie des Syllabus als Projekt einer
Geschichts-schreibung der Irenik um 1600 »
Andreea Badea (Munster): « Index, Zensur und Historiographie in der Res publica literaria catholica »
Thomas Wallnig (Vienne): « Geschichtsforschung und Ordensgelehrsamkeit in ‚Österreich‘, ca. 1700 –
ca. 1750 »
Aurore Arnaud (Paris) : « De la Germania sacra à la Weltgeschichte: les jésuites allemands dans
l'historiographie catholique européenne au 18e siècle – enjeux confessionnels, scientifiques et
pédagogiques »
Jean-Claude Colbus (Paris): commentaire

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