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CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 1 QUESTION CHYPRIOTE LA Brève Introduction Tr o i s i è m e E d i t i o n 2010 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 2 Supervision éditoriale: Miltos Miltiadou Mises à jour de la troisième édition: Miltos Miltiadou, Polly Lyssiotis Texte original: Van Coufoudakis, Miltos Miltiadou Assistante de recherche: Angeliki Nicolaidou Traduction en français: Dominique Tsouris Imprimé par: Konos Ltd P.I.O. 298/2010 - 3.000 ISBN 978-9963-38-771-7 Publié par le Bureau de Presse et d’Information, République de Chypre Toute vente ou autre exploitation commerciale de cette publication ou d’une partie de celle-ci est strictement interdite. La reproduction d’extraits est autorisée sous réserve de faire référence à la publication comme source de matériel utilisé. Les publications du Bureau de Presse et d’Information sont distribuées gratuitement. CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 3 TABLE DES MATIERES PREFACE ...................................................................................................... 7 INTRODUCTION ........................................................................................... 9 APERCU POLITIQUE ................................................................................... 12 Recherche d’une solution négociée ........................................................... 12 Questions en discussion depuis 1974 ...................................................... 13 Négociations de l’ONU, 2002-2004 ........................................................... 15 Les référendums du 24 avril 2004 – La décision du peuple ..................... 17 Le prétendu isolement des Chypriotes turcs ............................................. 20 Relance du processus de paix – 2005-2006 ............................................. 22 L’accord du 8 juillet 2006 .......................................................................... 24 Les nouvelles initiatives en 2008 produisent des résultats ........................ 26 Négociations directes à part entière .......................................................... 29 Chypre et l’Union européenne ................................................................... 33 Conclusion ................................................................................................. 36 HISTORIQUE ................................................................................................ 37 De l’indépendance à l’invasion turque, I960 - 1974 .................................. 37 L’invasion turque de 1974 et ses conséquences ....................................... 41 CARTES ....................................................................................................... 44 ANNEXES ..................................................................................................... 47 1. Initiatives politiques en faveur des Chypriotes turcs ............................. 47 2. Importantes décisions judiciaires sur la question chypriote .................. 49 3. Conséquences de l’invasion et de l’occupation turques: Faits et chiffres ...................................................................................... 54 CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS CLES .............................................. 56 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 4 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 5 Président Demetris Christofias Assemblée générale de l’ONU (24 septembre 2008) … Dès les premiers jours de son indépendance, Chypre a été forcée de faire appel au soutien de la communauté internationale afin de défendre et de sauvegarder son indépendance, sa souveraineté et son intégrité territoriale. Elle est devenue la victime d’interventions étrangères qui ont semé les germes de problèmes intérieurs pour le nouvel Etat. Ces difficultés, exploitées pour servir des intérêts stratégiques étrangers à notre indépendance et à notre intégrité territoriale, ont abouti au coup d'Etat militaire fomenté par la junte militaire d'Athènes et l'invasion militaire turque de juillet-août 1974. Néanmoins, Chypre a survécu. La volonté de la communauté internationale de voir Chypre survivre se retrouve dans la pléthore de résolutions du Conseil de Sécurité et de l'Assemblée générale, dont la plupart n'ont malheureusement pas été appliquées. Mais, forte du soutien moral et de l'attitude résolue, Chypre a pu rester et continuera de rester un pays non divisé et indépendant, doté d'une souveraineté, d'une citoyenneté et d'une personnalité internationale uniques. En outre, les résolutions des Nations unies sur Chypre contiennent deux autres éléments. Elles prévoient un processus de négociations sous la forme d'une mission de bons offices du Secrétaire général et – ce qui est le plus important – elles définissent le cadre juridicopolitique sur lequel se fonderont les discussions pour l'architecture fédérale de l'Etat chypriote. Ces deux éléments sont cruciaux et notre succès, dans le nouvel effort qui commence à présent, dépendra – j'en suis fermement convaincu – du respect de ces conditions essentielles. … Il importe de se rappeler qu'une fédération bizonale et bicommunautaire a été la seule base mutuellement convenue [pour une solution] datant de 1977 et réaffirmée il y a à peine quelques semaines. Elle représente un compromis et, en réalité, le seul compromis possible sur lequel pourra se construire un arrangement politique. Les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité aussi bien que la Constitution de Chypre excluent la partition, la sécession ou l'union avec un autre pays. … Le 3 septembre, un nouvel effort intensif a été entrepris en vue de surmonter les impasses du passé et de réaliser des progrès menant à la réunification de Chypre selon des modalités convenues d'un commun accord et au retrait des troupes étrangères après 34 ans de division et d'occupation étrangère. Le succès de cet effort exige une volonté politique de la part des Chypriotes, mais également l'engagement positif d'autres protagonistes importants qui, pour des raisons historiques, font partie du problème et doivent faire partie de la solution. Pour ma part, je tiens à vous assurer de ce podium que ma volonté politique de faire tout le nécessaire afin de résoudre le problème est ferme et profondément enracinée. … Le rôle des Chypriotes est de se mettre d'accord sur ce qu'ils veulent. C'est ce que nous devons nous efforcer de réaliser avec le dirigeant de la communauté chypriote turque… Mais cela ne saurait suffire pour parvenir à une solution. La Turquie devrait contribuer au processus d’une manière positive. La Turquie maintient toujours plus de 40 000 soldats et des dizaines de milliers de colons à Chypre et peut, sans nul doute, déterminer l'issue des questions en discussion. … 5 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 6 "Nous sommes tous prisonniers du savoir. Savoir comment Chypre a été trahie et avoir étudié le dossier de cette trahison, c’est se rendre malheureux et gâcher, pour toujours peut-être, le plaisir ressenti en visitant l’une des îles les plus enchanteresses au monde. Rien ne rétablira jamais les trésors pillés, les familles endeuillées, les villages saccagés et les bocages et collines brûlés au napalm. Et rien non plus n’atténuera le dossier des hommes politiques insensibles et cruels qui ont considéré Chypre comme quelque chose sur lequel ils pourraient griffonner leurs desseins ineptes et vaniteux. Mais le fatalisme serait la pire des trahisons. L’acceptation, la légitimation de ce qui a été commis – ces actes sont à répudier. La valeur d’un tel refus ne vaut pas uniquement pour Chypre, en montrant que l’acquiescement à l’injustice ne saurait être qualifié de 'réalisme'. Lorsque l’injustice a été consignée et décrite, et appelée par son vrai nom, l’acquiescement en soi devient impossible. C’est pour cette raison qu’écrire sur Chypre nous remplit de chagrin mais – bien plus encore – de colère". Christopher Hitchens, Hostage to History: Cyprus from the Ottomans to Kissinger (London and New York: Verso, 1997). "La séparation politico-démographique de fait, imposée à Chypre depuis 1974, menace ainsi non seulement l’unité et l’intégrité d’un Etat-nation moderne, mais aussi l’intégrité culturelle millénaire et la continuité de l’île qui a été le carrefour de la civilisation de la Méditerranée orientale". Michael Jansen, “Chypre: La Perte d’un patrimoine culturel”, Annuaire d’études grecques modernes, 2 (1986): 314-323. 6 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 7 PREFACE En juillet 1974, la Turquie a envahi la République de Chypre en violation de la Charte de l’ONU et des principes fondamentaux du droit international. Les conséquences de l’invasion militaire et de l’occupation consécutive de presque quarante pour cent du territoire souverain de la République se font encore ressentir de nos jours. L’agression turque se poursuit avec la même intensité depuis plus de trois décennies. Elle s’est accompagnée de l’occupation militaire, de la division forcée, du déplacement de la population, de la ségrégation ethnique, de la violation massive des droits de l’homme, de la colonisation, de la tentative de sécession, de la destruction culturelle et de l’usurpation de biens. Ce conditions, imposées par la Turquie, constituent une situation inacceptable qui persiste dans l’île depuis 1974. Dans son discours d'investiture du 28 février 2008, le président Demetris Christofias a souligné que: «Le problème n'a pas été résolu en raison du refus de la Turquie d'accepter une solution qui serait au bénéfice de tout le peuple de Chypre». Le président Christofias a poursuivi: «le temps est venu de résoudre le problème d'une façon juste, viable et fonctionnelle et de rétablir les principes du droit international, principes que la Turquie viole par l'invasion qu'elle a perpétrée en 1974 et par l'occupation d'une grande partie de notre patrie». A présent, la Turquie, candidate à l'adhésion à l'Union européenne, demeure coupable d'agression contre Chypre, un Etat-membre de l'Union. La communauté internationale se doit de mettre fin au statu quo de l'occupation militaire étrangère et de la division forcée d'un Etat souverain indépendant. Cette brochure informative, mise à jour pour la présente édition, est destinée à présenter au lecteur les aspects fondamentaux d'une question internationale majeure, la question chypriote ou le problème chypriote, comme on la dénomme communément, ainsi que les perspectives d'un règlement viable en accord avec les normes européennes et la primauté du droit. Il s’agit d’un bref guide à un conflit prolongé, apparemment difficile à résoudre, apportant des informations sur l’historique du problème afin d’aider à placer la situation actuelle et les nouveaux développements dans une perspective historique appropriée. La phase la plus récente du problème chypriote, tel qu'il a évolué depuis 1974, est traitée dans la première section, ''Aperçu politique'', tandis que ''l'Historique'' de la question est abordé dans la section suivante de la 7 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 8 brochure. Les annexes et la chronologie des événements clés qui suivent apportent des renseignements utiles concernant le texte principal. Il importe de se rappeler que, tout au long du texte, les termes ''Chypriotes turcs'' et ''communauté chypriote turque'' se réfèrent spécifiquement et exclusivement aux citoyens chypriotes turcs légitimes, indigènes et natifs de la République de Chypre qui sont d'origine ethnique turque. Ces termes ne se réfèrent pas aux dizaines de milliers de colons illégaux importés de Turquie dans la partie occupée de Chypre après 1974 et les excluent résolument. L’afflux de ces colons, entrés et demeurant illégalement dans l’île, fait partie de l’effort systématique déployé par Ankara en vue de changer la structure démographique de la république. Il est possible de trouver plus d’informations sur les diverses dimensions de la question sur le site web www.moi.gov.cy/pio et dans de nombreuses publications du Bureau de Presse et d’Information (PIO). C’est un site commode et complet où figurent les développements actuels, la documentation de base et les liens utiles vers de nombreuses autres sources pertinentes. Le lecteur est vivement invité à explorer cette ressource précieuse en vue d’approfondir les questions discutées dans cette brochure. 8 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 9 INTRODUCTION Chypre est devenue une République indépendante le 16 août 1960. Malheureusement, depuis l’invasion de 1974 et l’occupation militaire par la Turquie, qui continue jusqu’à ce jour, la République insulaire reste divisée par la force. L’invasion, l’occupation et la division forcée ont entraîné des conséquences tragiques, à savoir des violations des droits de l’homme, la colonisation massive des régions sous occupation, l’usurpation de biens, la destruction de l’héritage culturel et la séparation ethnique. La question chypriote n’est toujours pas résolue et demeure un affront à l’ordre juridique international et une menace à la stabilité de la région. Les actes de la Turquie ont été condamnés par des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU adoptées à l’unanimité, des résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU*, des décisions de tribunaux internationaux, et des décisions d’autres organismes internationaux et régionaux importants. A notre grand regret, la plupart de ces résolutions et décisions n’ont jamais été appliquées. En conséquence, la République de Chypre reste, depuis la fin de la Guerre froide, le seul pays d’Europe divisé par la force en raison de l’occupation militaire étrangère. Le 1er mai 2004, la République de Chypre est devenue membre de l’Union européenne sans réaliser le but désiré de l’adhésion en tant que pays unifié. Le gouvernement et le peuple de Chypre restent, cependant, engagés à parvenir à un règlement viable qui permette la réunification véritable, pacifique et en toute sécurité de leur pays, conformément aux normes européennes. Alors seulement, tous les Chypriotes pourront bénéficier des avantages de l’adhésion à l’UE. Le 24 avril 2004, la communauté chypriote grecque a massivement rejeté une proposition soumise par le Secrétaire général des Nations unies pour le règlement du problème parce qu’elle ne prévoyait pas de réunification véritable de Chypre, de sa société, de son économie et de ses institutions. Cependant, le gouvernement et la communauté chypriote grecque restent fortement engagés à soutenir la mission de bons offices du Secrétaire général sur Chypre et à œuvrer en faveur d’un processus de paix durable qui facilitera un règlement global du problème par les deux communautés elles-mêmes. * Cf. Ministère des Affaires étrangères de la République de Chypre, Résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies sur Chypre 1960-2006 (Nicosie: Bureau de Presse et d’Information, République de Chypre 2006). 9 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 10 Le président Christofias a réitéré cet engagement dans son discours d’investiture et a exposé les grandes lignes des paramètres de la solution qu’il envisage en déclarant que : «Le règlement du problème chypriote sera la première des priorités de mon gouvernement. L´objectif de notre présidence est de parvenir à un règlement équitable, viable et fonctionnel qui mettra fin à l´occupation et à la colonisation de notre pays. Un règlement qui rétablira la souveraineté, l´indépendance, l´intégrité territoriale et l´unité de la République de Chypre et exclura tout droit d´intervention militaire et d´ingérence étrangère dans les affaires internes du pays. Un règlement qui réunifiera le territoire, le peuple, les institutions et l´économie de notre pays dans le cadre d´une fédération bizonale et bicommunautaire. La République de Chypre fédérale, bizonale et bicommunautaire doit être dotée d´une seule souveraineté, d´une seule personnalité internationale et d´une seule citoyenneté. Le règlement doit être conforme aux résolutions des Nations unies sur Chypre et compatible avec le droit international et communautaire ainsi qu´avec les conventions internationales des droits de l´homme. Nous demandons que la solution rétablisse et sauvegarde les droits de l´homme et les libertés fondamentales de tout le peuple de Chypre, des Chypriotes grecs, des Chypriotes turcs, des Maronites, des Arméniens et des Latins, y compris le droit au retour et le droit à la propriété pour tous les réfugiés. Nous demandons que la solution prévoie le retrait des troupes d´occupation turques et la démilitarisation de la République de Chypre. Notre but ultime demeure la démilitarisation de toute l´île. Nous soutenons systématiquement l’égalité politique des deux communautés dans le cadre d’une fédération, telle que définie dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU». Le Président a fermement précisé, à de nombreuses reprises, que le règlement recherché prévoirait une évolution de la République unitaire de Chypre en une république fédérale. Le 19 juin 2008, il a déclaré : «Je rejette catégoriquement certaines idées promues par la Turquie et d’autres en faveur d’une prétendue «naissance virginale» ou d’un «nouvel Etat de partenariat». L’adhésion de Chypre à l’UE est une raison supplémentaire, alors qu’il y en a bien d’autres, pour laquelle il ne peut pas y avoir de naissance virginale ou de nouveau partenariat entre deux Etats. Ce que nous pouvons envisager avec réalisme, c’est la continuation de la République de Chypre, qui 10 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 11 évoluera en un Etat fédéral s’inscrivant dans le cadre convenu d’une fédération bizonale et bicommunautaire». Après avoir pris une série d’initiatives, le président Christofias a eu plusieurs entretiens avec le dirigeant de la communauté chypriote turque, M. Mehmet Ali Talat, entre mars et juin 2008. Ces réunions ont permis de déterminer la base d’un règlement. Lors de leur quatrième rencontre, le 25 juillet 2008, il a été décidé que des négociations directes à part entière entre les deux dirigeants, sous les auspices des Nations unies, commenceraient le 3 septembre dans un effort en vue de parvenir à un règlement global de la question chypriote. Les négociations officielles furent lancées à Nicosie par une rencontre entre le président Christofias et le dirigeant chypriote turc, M. Talat, en présence du Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU pour Chypre, M. Alexander Downer, et du Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU à Chypre, M. Tayé-Brook Zerihoun. Dans son message sur le lancement des pourparlers, le Secrétaire général de l’ONU a déclaré que : «Les Nations unies soutiennent et encouragent les deux parties au moment où ils prennent cette mesure historique ensemble, afin de parvenir à un règlement négocié destiné à réunifier l’île au profit de tout le peuple de Chypre». Il a également assuré que les Nations unies apporteraient un «soutien inébranlable» au processus. Le président Christofias avait auparavant expliqué que : «Les principaux protagonistes dans le processus en cours sont les dirigeants des deux communautés. Le processus s’inscrit dans le cadre des Nations unies, où le Secrétaire général de l’ONU et ses collaborateurs jouent un rôle d’assistance. Sans oublier les expériences tragiques que nous avons vécues en 2004 – avec le processus de délais serrés et d’arbitrage – nous avons indiqué de manière claire à la communauté internationale que les dirigeants des deux communautés continueraient d’être les principaux interlocuteurs dans le dialogue. De la sorte, nous éviterons de répéter les erreurs du passé récent. Nous recherchons un règlement par les Chypriotes pour les Chypriotes, et c’est ce que comprend également la communauté internationale». Le président a réitéré sa position dans son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, le 24 septembre 2008, où il a déclaré que : «Les Chypriotes doivent construire eux-mêmes l’Etat qu’ils envisagent pour leur société. Le rôle du Secrétaire général et de la communauté internationale est d’aider et de soutenir». «Le peuple de Chypre rejettera», a-t-il affirmé, «toute tentative d’imposer ou d’importer des modèles de règlement inspirés ou improvisés par des non-Chypriotes». 11 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 12 APERCU POLITIQUE Recherche d’une solution négociée A la suite de l’invasion de Chypre par la Turquie en 1974, la partie turque a demandé une solution gardant les deux communautés séparées, en tant que deux Etats souverains séparés ou deux Etats séparés sous une confédération souple. Les deux communautés sont convenues en 1977 et 1979 de réunir Chypre en une république bicommunautaire et fédérale, dont les paramètres avaient évolué au fil des ans. Pour les Chypriotes grecs, qui avaient fortement préconisé le concept d’un Etat unitaire, l’acceptation d’une fédération bizonale et bicommunautaire constituait l’ultime concession et un compromis historique dans leur effort en vue de mettre fin à l’occupation militaire turque et de parvenir à la réunification de Chypre. Comme l’a souligné le président Christofias dans sa déclaration d’ouverture des négociations officielles, le 3 septembre 2008, «une solution fondée sur une fédération bizonale et bicommunautaire avait été une concession majeure de la part du président Makarios en 1977, et il convient de reconnaître le mérite de cette concession. J’aimerais être clair dès le début des présentes négociations : avec cette concession, la partie chypriote grecque a épuisé ses limites et ne peut pas aller plus loin. Elle ne peut accepter ni une confédération, ni un nouveau partenariat de deux Etats par la «naissance virginale». La solution fédérale sera un partenariat de deux communautés». Le processus de paix engagé sous l’égide de l’ONU cherche depuis 1977 à définir le cadre d’une telle solution fédérale. Les négociations ont tenté de concilier les intérêts et les préoccupations des deux parties sous un seul gouvernement central. Les questions de définition des objectifs et des façons de mettre en œuvre un règlement fédéral global sont devenues des problèmes sérieux en raison principalement de l’intransigeance de la Turquie, la puissance occupante, qui détient la clé d’un règlement final et devrait faire l’objet de pressions l’incitant à adopter une attitude constructive à l’égard de l’effort de paix. La résolution 367 du Conseil de sécurité de l’ONU, en date du 12 mars 1975, a réactivé la mission de bons offices du Secrétaire général de l’ONU, interrompue en 1974. Depuis lors, des négociations intermittentes se sont déroulées sous les auspices de l’ONU. Il y a eu des rencontres de haut niveau entre les présidents successifs de la République de Chypre et 12 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 13 les dirigeants chypriotes turcs, des pourparlers de proximité, des propositions de mesures de confiance et divers plans de l’ONU et d’émissaires étrangers. Toutes ces actions n’ont pas permis de résoudre le problème chypriote pour un certain nombre de raisons, y compris: • La non-application des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU • La prévalence de considérations stratégiques, économiques et politiques de tierces parties sur une solution viable et fonctionnelle répondant aux préoccupations de l’Etat de Chypre et de tous les Chypriotes • Les politiques intransigeantes des gouvernements successifs en Turquie, prétendant que le problème chypriote a été « résolu » en 1974 • Les conditions politiques subsistant dans la communauté chypriote turque et l’insistance, de la part des dirigeants tucs, sur la reconnaissance de la prétendue «RTNC» • Le fait que toutes les concessions majeures dans le processus de paix proviennent de la partie chypriote grecque • Le mépris du droit international, du droit européen et des décisions de tribunaux régionaux et nationaux faisant jurisprudence dans les «solutions» proposées au problème de Chypre. L’absence de progrès dans la mission de bons offices du Secrétaire général a incité les dirigeants du G-8 à inviter les parties, le 20 juin 1999, à entamer des négociations sur toutes les questions, sans conditions préalables, et à s’engager à négocier jusqu’à l’obtention d’un règlement respectant pleinement les résolutions et les traités pertinents de l’ONU. Cette formule a également été reprise par la résolution 1250 du Conseil de Sécurité du 29 juin 1999. Après avoir passé par différents stades, ce processus a abouti à la proposition connue en tant que «Plan Annan» qui a été soumise aux parties tout d’abord en novembre 2002 et, par la suite, dans sa forme finale («Annan V») en mars 2004. Questions en discussion depuis 1974 Le problème chypriote est, depuis 1974, un problème d’invasion militaire et d’occupation continue, en violation des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité de l’ONU adoptées à l’unanimité. Les négociations avaient pour but, notamment après le 16 janvier 2002, l’obtention d’une solution globale pour la réunification de Chypre. Tout au long de ce processus, le gouvernement de Chypre et les dirigeants chypriotes grecs 13 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 14 ont recherché une solution reflétant les normes démocratiques, les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, le droit international, le droit de l’Union européenne et les décisions judiciaires pertinentes. Les questions spécifiques en discussion comprennent: • La mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et des accords de haut niveau préconisant une fédération bizonale et bicommunautaire • Une nouvelle formule de partage des pouvoirs sous un gouvernement fédéral doté de pouvoirs adéquats pour une gouvernance efficace, pour la sauvegarde de l’unité de la République, et pour répondre à ses obligations internationales et communautaires • La continuation d’une République dotée d’une souveraineté, d’une personnalité internationale et d’une citoyenneté uniques • Des garanties assurant l’indépendance et l’intégrité territoriale de la République et l’exclusion d’une union totale ou partielle avec tout autre pays ou de toute forme de partition ou de sécession • L’égalité politique entre les communautés chypriotes grecque et turque, telle que définie dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité • Des garanties contre les ingérences étrangères et le droit unilatéral d’intervention par un pays tiers • Le retrait des forces étrangères au titre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU • Le retour des personnes déplacées et un système de restitution des biens conformément à la Convention européenne et aux décisions judiciaires • Le droit d’acquérir des biens et de résider n’importe où à Chypre, sans quotas restrictifs fondés sur des critères ethniques ou religieux • Le plein respect des droits de l’homme de tous les Chypriotes au titre de la Convention européenne • Le rapatriement en Turquie des colons illégaux, à l’exception d’un nombre restreint en vertu de considérations spéciales d’ordre humanitaire • La compatibilité de tout règlement avec les obligations et les droits de la République de Chypre au sein de l’UE • La démilitarisation complète de l’Etat chypriote. 14 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 15 Négociations de l’ONU, 2002-2004 Cette période marque l’effort le plus soutenu, sous la mission de bons offices du Secrétaire général de l’ONU, pour un règlement global du problème chypriote. Tous les efforts déployés précédemment, en particulier ceux de 1999-2000, avaient abouti à une impasse en raison de la demande chypriote turque, soutenue par la Turquie, de reconnaissance de leur “Etat” illégal dans les régions de la République occupées par la Turquie. Les pourparlers directs entre le président Glafcos Clérides et le dirigeant chypriote turc Rauf Denktash, qui avaient commencé le 16 janvier 2002, n’ont pas réussi à réaliser des progrès substantiels. Dans une tentative en vue de parvenir à un accord avant le sommet de l’UE de Copenhague, les 12-13 décembre 2002, qui devait décider de l’adhésion de Chypre à l’UE en 2004, le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a présenté, le 11 novembre 2002, un plan détaillé pour un règlement global (Annan I). A la suite de la réaction des parties, le plan fut révisé le 10 décembre 2002 (Annan II) et le 26 février 2003 (Annan III). Le Secrétaire général a rencontré les dirigeants des deux communautés à la Haye les 10 et 11 mars 2003, afin de s’assurer qu’ils étaient prêts à soumettre ses propositions les plus récentes (Annan III) à des référendums séparés et simultanés. Le président nouvellement élu de la République de Chypre, Tassos Papadopoulos, a accepté, à condition qu’un cadre complet de règlement juridique et politique soit proposé pour examen au public chypriote; que la Grèce et la Turquie parviennent à un accord sur des questions vitales de sécurité ; et qu’un délai suffisant soit prévu pour la discussion et une campagne publique avant le référendum. La partie chypriote turque a rejeté la proposition du Secrétaire général. En janvier-février 2003, des manifestations massives de Chypriotes turcs se sont déroulées dans les régions occupées contre le dirigeant chypriote turc, Rauf Denktash, et ses politiques soutenues par Ankara. La République de Chypre a signé, comme prévu, le Traité d’adhésion à l’UE le 16 avril 2003. Le 23 avril 2003, face au mécontentement croissant des Chypriotes turcs à propos de la situation régnant dans la partie occupée de Chypre, la Turquie et les dirigeants chypriotes turcs ont été forcés de lever partiellement les restrictions qu’ils avaient imposées depuis 1974, le long de la ligne de cessez-le feu de l’ONU, au mouvement des Chypriotes grecs et turcs. Depuis, des milliers de Chypriotes grecs et turcs 15 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 16 franchissent régulièrement la ligne de cessez-le-feu. De plus, des milliers de Chypriotes turcs franchissent chaque jour la ligne pour travailler dans les régions libres, demander des passeports et d’autres documents délivrés par les autorités de la République de Chypre, et bénéficier de soins médicaux gratuits. Ces franchissements pacifiques ont détruit le mythe cultivé pendant des années par la propagande turque affirmant que les deux communautés ne peuvent pas vivre ensemble. Mais, évidemment, ces mesures ne sauraient remplacer une solution globale. Le gouvernement américain désirait vivement capitaliser sur l’empressement de la partie chypriote grecque à participer à de nouvelles négociations. A la suite du consensus qui avait émergé lors de rencontres avec le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Washington, en janvier 2004, les Etats-Unis ont convaincu le Secrétaire général Kofi Annan d’inviter à une reprise des négociations à New-York. Le 13 février 2004, les parties se sont mises d’accord pour entamer des négociations de bonne foi à Nicosie à propos de changements s’inscrivant dans les paramètres du plan Annan III. En cas d’impasse prolongée, même après l’implication de la Grèce et de la Turquie dans le processus, le Secrétaire général finaliserait un texte qui serait ensuite présenté aux deux communautés de Chypre, lors de référendums séparés et simultanés. Il s’agissait d’un changement important survenu dans la mission de bons offices du Secrétaire général, telle qu’elle avait été conçue depuis 1964. Sans l’autorisation du Conseil de sécurité, le Secrétaire général a assumé le pouvoir d’arbitrage comme condition préalable pour le nouveau tour de pourparlers. En acceptant cette formule, la partie chypriote grecque a supposé que le Secrétariat conserverait son objectivité et son engagement à respecter les principes fondamentaux de l’ONU. Il s’est avéré qu’elle avait tort. Lors des pourparlers en Suisse, fin mars 2004, le Secrétariat était devenu une partie partiale au conflit en promouvant la plupart des positions de la Turquie sur le problème chypriote. Le changement de rôle du Secrétaire général, associé à des délais de négociations très serrés, a contribué à l’absence de négociations sérieuses à Nicosie et par la suite à Bürgenstock, en Suisse. En vue d’obtenir le consentement de la Turquie, pratiquement toutes les exigences de cette dernière furent incluses arbitrairement dans les deux plans (Annan IV et V) présentés par le Secrétaire général. Le plan Annan V fut présenté aux deux parties le 31 mars 2004. La Turquie, les Etats- 16 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 17 Unis et les Nations unies étaient convenus de n’accorder à l’UE qu’un rôle d’observateur dans les pourparlers, tandis que l’UE s’était engagée à s’accommoder des dérogations du droit européen comprises dans le plan Annan V. Le plan du Secrétaire général était un document d’ensemble composé de près de 10 000 pages. Ce document juridique complexe n’avait été disponible dans sa totalité sur le site web de l’ONU que quelques heures à peine avant le référendum. Les Chypriotes furent appelés à voter sur le document le 24 avril 2004, quelques jours seulement avant l’adhésion de la République de Chypre à l’UE, le 1er mai. Les Référendums du 24 avril 2004 – La décision du peuple* A la suite d’un débat public animé, les électeurs chypriotes grecs ont massivement rejeté le plan Annan V, par 75,8% contre 24,2% des voix. Par contre, 64,9% des électeurs chypriotes turcs ont approuvé le plan. Il convient de noter que les colons venus de Turquie, qui n’étaient pas habilités juridiquement à voter, ont été autorisés à le faire. Le "non" chypriote grec n’était pas un vote contre la réunification ou la réconciliation. C’était le rejet d’un processus menant à un plan unilatéral, perçu comme étant préjudiciable aux droits légitimes de la communauté chypriote grecque et à la survie de l’Etat de Chypre en soi. C’était le rejet d’un plan comportant de sérieux défauts et ne prévoyant pas la réunification véritable de Chypre, de ses institutions, de son peuple et de son économie. Ce vote négatif a été exprimé par des Chypriotes grecs de tous âges, partis politiques et sexes. Le vote positif des Chypriotes turcs s’explique facilement: • C’était un rejet des politiques autoritaires de Rauf Denktash • Il garantissait la continuation de «l’Etat» chypriote turc illégal • Il assurait la légitimation du statut de pratiquement tous les colons venus illégalement de Turquie dans «l’Etat» composant chypriote turc • Il y aurait une présence permanente de troupes turques à Chypre • La Turquie aurait le droit d’intervenir à Chypre * Cf. Claire Palley, An International Relations Debacle: The UN Secretary-General’s Mission of Good Offices in Cyprus 1999–2004 (Oxford and Portland, Oregon: Hart Publishing, 2005). 17 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 18 Enfin, le vote des Chypriotes turcs était motivé par l’anticipation d’avantages économiques substantiels émanant de l’adhésion de Chypre à l’UE et du soutien économique attendu de la communauté chypriote grecque. Diverses raisons légitimes expliquent le vote négatif chypriote grec, y compris: • Les délais rigides imposés aux négociations, pas de temps réel pour discuter d’un document juridique des plus complexes, et les menaces profanées ou sous-entendues par certains des interlocuteurs en cas de refus des Chypriotes grecs d’accepter le plan de l’ONU • D’importantes dérogations à la Convention européenne des droits de l’homme, privant tous les Chypriotes de droits fondamentaux, alors que les autres ressortissants de l’UE résidant à Chypre jouiraient de tous leurs droits au titre de la Convention • La République de Chypre, internationalement reconnue, serait dissoute et remplacée par une confédération lâche de deux Etats fortement autonomes • La fonctionnalité du nouvel Etat serait contestable, vu les dispositions à propos des branches exécutives, législatives et judiciaires et la présence de droits de veto renforcés de la minorité. (Des tiers non chypriotes, n’ayant aucun lien avec le peuple chypriote, auraient des voix décisives dans des domaines clés de la politique) • La nature confédérale de la constitution proposée se reflétait dans l’absence d’une disposition sur la hiérarchie des lois. (Cela comportait le risque de conflits juridictionnels qui accentueraient la nature divisionniste de la nouvelle entité politique proposée) • L’absence de garanties adéquates pour assurer que les engagements pris par les parties et, en particulier, par la Turquie seraient effectivement réalisés • Le coût économique du règlement proposé - convergence, reconstruction, indemnisation des propriétés, indemnisations versées aux colons turcs, politique monétaire - serait supporté en grande partie par les Chypriotes grecs. (La Turquie, dont l’agression miliaire a divisé l’île, était absoute de toute responsabilité financière pour ses actes à Chypre) • Les questions de sécurité impliquant une réduction progressive et la présence continue des troupes turques avec des droits d’intervention 18 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 19 étendus, même après l’adhésion de la Turquie à l’UE. (La République de Chypre «unifiée» était exclue de la politique commune de défense européenne et serait totalement démilitarisée. Les garanties proposées par la Turquie violaient l’obligation de non-intervention dans les affaires internes d’Etats et le respect de l’intégrité territoriale de tous les Etats) • Des questions de définition de la nationalité et le fait que pratiquement tous les colons venus de Turquie resteraient à Chypre • Les violations des droits à la propriété qui sont des droits essentiels au titre de la Convention européenne et le renversement d’importantes décisions précédentes de la Cour européenne • L’augmentation des droits de la Grande-Bretagne dans les régions des bases souveraines et dans les eaux territoriales de la République • La suppression de la ratification par la République de Chypre du Traité de Montreux de 1936 (Chypre est une grande puissance maritime. Le plan accordait aussi à la Turquie des droits proches du droit de veto sur la plate-forme continentale de Chypre) • Le plan violait la Convention européenne en refusant aux Chypriotes leur droit d’acquérir des biens et de vivre à l’endroit de leur choix, comme pouvaient le faire d’autres ressortissants communautaires, sans quotas restrictifs fondés sur l’ethnicité et la religion. Finalement, le plan fut rejeté parce que la grande majorité des Chypriotes estimaient qu’il n’était pas dans le meilleur intérêt des Chypriotes grecs ni des Chypriotes turcs. Comme l’a déclaré le président Papadopoulos au moment du référendum «alors que toutes les demandes formulées par la Turquie ont été adoptées le dernier jour dans le plan final, les préoccupations fondamentales des Chypriotes grecs ont été méconnues. Toutes les parties impliquées dans les pourparlers étaient impatientes de faire monter la Turquie à bord et d’obtenir un 'oui' de la communauté chypriote turque, et elles ont ignoré le fait que la communauté chypriote grecque, bien plus importante en nombre, avait elle aussi besoin d’être convaincue de voter 'oui' sur le Plan. Ainsi, ce processus n’a pas su répondre aux préoccupations légitimes, aux besoins et aux intérêts des deux côtés». L’issue négative du référendum a rendu le Plan Annan nul et non avenu. 19 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 20 Le prétendu «isolement» des Chypriotes turcs* A la suite du rejet du Plan Annan, la Turquie a lancé une campagne de propagande avec, comme slogans, «l’allègement», «la levée» ou «la fin» de l'isolement des Chypriotes turcs et le comblement des «disparités économiques» entre les deux communautés de l'île. Malheureusement, ce fait a conduit à une désinformation très répandue concernant la situation à Chypre et à certaines propositions discutables, dans le but ostensible d’améliorer les conditions économiques des Chypriotes turcs. La Turquie a même tenté d’induire la communauté internationale en erreur en lui faisant croire que le gouvernement de Chypre était, en quelque sorte, responsable de la situation difficile des Chypriotes turcs. La Turquie a utilisé cette approche pour deux raisons: détourner, en vue de ses aspirations européennes, l'attention de son agression militaire continue contre Chypre et valoriser le régime illégal dans les régions de Chypre sous occupation turque. Ankara cherchait principalement à obtenir, pour le régime sécessionniste, les attributs économiques d'une entité indépendante, sans reconnaissance internationale officielle. Cela aurait permis au régime illégal d’exister sans aucune incitation à une participation constructive au processus de paix pour la réunification de l'île. Dans leurs efforts déployés en vue de gagner l'appui international pour leur propagande, les dirigeants turcs ont adopté, comme argument principal, le slogan trompeur de la «levée de l'isolement économique» des Chypriotes turcs alors que, en réalité, leur objectif n’a toujours été que politique. Cependant, tous les actes promouvant la reconnaissance de facto de l'entité sécessionniste illégale seraient en violation directe du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, notamment des résolutions 541 (1983) et 550 (1984). Ces actes mineraient également les efforts pour la réunification de Chypre, qui est la position déclarée de l’ONU, de l'UE, de la communauté internationale dans son ensemble, aussi bien que des deux communautés chypriotes elles-mêmes. La situation difficile de la communauté chypriote turque est le résultat direct de l'agression de la Turquie, qui maintient Chypre, son peuple, ses institutions et son économie divisés par la force. Elle résulte également * Cf. Miltos Miltiadou, Vers une Chypre unifiée: Le mythe de «l’isolement» des Chypriotes turcs, deuxième édition (Nicosie: Bureau de Presse et d’Information de la République de Chypre, 2008). 20 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 21 des politiques mal orientées, adoptées par les dirigeants chypriotes turcs, qui ont constamment promu les intérêts de la Turquie au détriment de leur propre communauté et de Chypre dans son ensemble. Le prétendu «isolement» des Chypriotes turcs constitue avant tout une blessure autoinfligée. Il n'est en aucun cas le résultat de mesures prises par le gouvernement de la République de Chypre, qui a la souveraineté sur tout le territoire de l’Etat, y compris les régions occupées, et qui respecte son obligation de défendre ses droits souverains et la primauté du droit. En réponse à l’agression militaire de la Turquie, la République de Chypre a introduit un certain nombre de mesures défensives afin de sauvegarder son indépendance, sa souveraineté, son intégrité territoriale et son économie. L’une de ces mesures a été de déclarer illégaux tous les ports maritimes et aéroports situés dans la partie de la République occupée par la Turquie. Ces mesures se sont avérées nécessaires en raison de ce que le gouvernement se trouvait dans l’impossibilité d’exercer un contrôle efficace dans les régions sous contrôle militaire turc. Aux termes du droit international, la République de Chypre est la seule autorité légale et reconnue, ayant la responsabilité exclusive en ce qui concerne les transports, le commerce, la sécurité et la sûreté aériens et maritimes ainsi que des questions similaires sur son territoire souverain. Pareillement, aux termes du droit international, le régime établi par la Turquie dans la partie occupée de Chypre est illégal et, de ce fait, tous ses prétendus documents, institutions et décisions sont dépourvus de toute validité politique ou juridique à Chypre et sur le plan international. Comme l’ont affirmé les Tribunaux européens et le Conseil de sécurité de l’ONU, le régime chypriote turc n’a pas de statut légal dans la communauté internationale. La Cour européenne des Droits de l’Homme a déclaré ce régime illégal, en tant qu’«administration locale subordonnée» de la Turquie dans la partie occupée de Chypre (cf. Annexe 2). Le rapport montre clairement que l'occupation militaire turque a fait des communautés chypriotes grecque et turque des victimes, quoique de différentes façons. L’occupation continue par la Turquie est directement responsable de tout sentiment quelconque «d’isolement» que les Chypriotes turcs ont pu éprouver. En fait, la Turquie empêche les Chypriotes turcs de réaliser leur plein potentiel et de bénéficier des avantages et des facilités auxquels ils ont droit en tant que citoyens de Chypre et de l’UE. 21 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 22 Le gouvernement chypriote s’est toujours préoccupé de la situation économique des Chypriotes turcs. Il est mieux en mesure de fournir des services aux Chypriotes turcs depuis la levée partielle, en 2003, des restrictions illégales imposées par les militaires turcs à la libre circulation des personnes de part et d’autre de la ligne de cessez-le-feu de 1974 de l’ONU, qui traverse toute l’île. Les Chypriotes turcs peuvent depuis lors travailler, en nombres croissants, dans les régions contrôlées par le gouvernement, gagnant un revenu estimé à plus de 800 millions de dollars jusqu'à présent, et bénéficier d’une gamme étendue d’avantages, y compris des soins médicaux gratuits (Cf. Annexe 1). La réintégration des Chypriotes turcs dans la communauté internationale et l’amélioration de leur bien-être politique et économique ne peuvent se faire, légalement et complètement, que par la réunification de Chypre. Les tendances séparatistes sous la fausse bannière de la «levée de l'isolement des Chypriotes turcs» et d'autres plans politiquement motivés, promus par la Turquie, ne sauraient favoriser le développement du bienêtre de la communauté chypriote turque ni le processus de paix. Par contre, ces idées détournent l'attention de l'agression continue de la Turquie contre Chypre et du manquement d'Ankara à ses obligations envers l'UE, y compris l'ouverture de ses ports aux navires et aux avions battant pavillon chypriote. Elles inhibent également la volonté politique de la partie turque, décourageant de ce fait les initiatives en vue d’aborder la question principale qui nous concerne, à savoir la solution à la division de Chypre. En outre, ces idées aident à solidifier la situation illégale créée par la Turquie dans la partie septentrionale de Chypre, perpétuant la victimisation des Chypriotes turcs. Enfin, elles font obstacle à la cause de la réconciliation et de la paix durable dans l'île et dans la région. Relance du processus de paix 2005-2006 Bien que les efforts menés par l’ONU en 2002-2004 n’aient pas permis de résoudre le problème, le référendum n’était pas la fin du chemin. En fait, le résultat du référendum sur le Plan Annan doit agir comme catalyseur pour la réunification et non pas comme prétexte pour diviser l’île davantage encore. Les Chypriotes grecs et le gouvernement de la République de Chypre ont prouvé à maintes reprises qu’ils demeuraient engagés à obtenir une solution apportant un avenir prospère et sûr pour 22 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 23 tous les Chypriotes et garantissant le respect de leurs droits de l’homme et de leurs libertés fondamentales au sein de l’UE. Nombreux sont ceux, dans la communauté internationale, qui ignoraient les dispositions détaillées du Plan Annan non adopté et ses incidences sur l’avenir de l’Etat de Chypre et de ses citoyens. Il n’était donc pas étonnant qu’ils aient exprimé leur déception à propos du résultat du référendum. Ce qui était à vrai dire regrettable et décevant, c’est le fait que le Plan présenté au peuple ne permettait pas aux deux communautés de l’approuver. Alors que d’autres parties désiraient simplement une solution quelconque ou une clôture du problème chypriote aussi rapidement que possible, les Chypriotes grecs ont toujours insisté sur l’obtention d’un règlement global, fonctionnel et viable. Une solution apte à résister à l’épreuve du temps doit être conçue comme juste par ceux qui seront appelés à vivre avec elle. Ainsi, aucune solution ne saurait réussir si elle ne répond pas aux préoccupations légitimes qui ont empêché les Chypriotes grecs d’approuver le Plan Annan en 2004. Chypre étant un petit Etat faible, il importe d’autant plus que tous les Chypriotes puissent bénéficier des droits fondamentaux dont jouissent tous les autres ressortissants européens, aux termes du droit européen et de la Convention européenne, et qu’il n’y ait pas de discrimination fondée sur l’ethnicité ou la religion. Afin de relancer le processus de paix, le président Tassos Papadopoulos a échangé ses points de vue avec le Secrétaire général à New York, le 16 septembre 2005, concernant la préparation d’un effort renouvelé à propos de Chypre de la part de l’ONU. Le Secrétaire général a également rencontré le dirigeant chypriote turc, Mehmet Ali Talat, le 31 octobre. Dans son rapport au Conseil de Sécurité en date du 20 novembre 2005, le Secrétaire général a noté que les deux dirigeants et de nombreux pays lui demandaient instamment d’envisager d’entamer de nouveaux pourparlers dans le contexte de sa mission de bons offices. Le président Papadopoulos a rencontré par la suite le Secrétaire général à Paris, le 28 février 2006, où ils ont fait le point sur la situation à Chypre et examiné les modalités en vue de faire avancer le processus de réunification de l’île. Ils sont également convenus que la reprise du processus de négociations dans le cadre de la mission de bons offices du Secrétaire général devait se faire en temps opportun et se fonder sur une préparation soigneuse. 23 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 24 L’accord du 8 juillet 2006 Le résultat de cette rencontre a donné un nouvel élan à la reprise du processus de paix à Chypre. Le 3 juillet, le président Papadopoulos et le dirigeant chypriote turc, M. Talat, se sont rencontrés en marge d’une réunion du Comité sur les personnes portées disparues, et en présence du Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU à Chypre. En outre, le Secrétaire-général adjoint de l’ONU aux affaires politiques, M. Ibrahim Gambari, s’est rendu en Grèce, en Turquie et à Chypre du 3 au 9 juillet. A l’issue d’une réunion conjointe avec le président Papadopoulos et M. Talat, le 8 juillet, le sous-secrétaire de l’ONU a présenté «l’Ensemble de principes» suivants, convenu par les parties : 1. Engagement en faveur de la réunification de Chypre fondée sur une fédération bizonale et bicommunautaire et l’égalité politique, telle qu’énoncée dans les résolutions pertinentes de l’ONU. 2. Reconnaissance du fait que le statu quo est inacceptable et que sa prolongation aurait des conséquences négatives pour les Chypriotes grecs et turcs. 3. Engagement en faveur de la proposition selon laquelle un règlement global est à la fois souhaitable et possible et ne devrait pas être retardé davantage. 4. Accord en vue de commencer immédiatement un processus comportant une discussion bicommunautaire sur des questions concernant la vie quotidienne du peuple et, simultanément, sur celles concernant des questions de fond, qui contribueront toutes deux à un règlement global. 5. Engagement à garantir que règne une «climat propice» au succès du processus. A cet égard, il importe de mettre en œuvre des mesures permettant de renforcer la confiance, en termes d’amélioration du climat et de la vie de tous les Chypriotes turcs et grecs. Dans ce cadre, il convient également de cesser de se renvoyer la balle. Par ailleurs, les deux dirigeants ont décidé que des Comités techniques se concentrant sur des aspects de la vie quotidienne commenceraient à travailler, à condition d’avoir échangé simultanément une liste de questions de fond dont le contenu serait examiné par des groupes bicommunautaires d’experts et finalisé par les dirigeants. 24 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 25 L’accord du 8 juillet a réaffirmé l’engagement du gouvernement chypriote à réunifier l’île sur la base d’une fédération bizonale et bicommunautaire. Le 29 août 2006, le Conseil de sécurité de l’ONU a demandé la mise en œuvre, sans plus tarder, de l’accord du 8 juillet et a exprimé son soutien en faveur de l’effort continu mené par le Secrétaire général afin de parvenir à un règlement global à propos de Chypre. En vue de faciliter le processus, le Secrétaire-général adjoint de l’ONU aux affaires politiques a proposé, le 15 novembre 2006, des suggestions pour la mise en œuvre de l’accord du 8 juillet. Malheureusement, des difficultés sont survenues durant la phase préparatoire parce que la partie turque a remis en cause les éléments fondamentaux de l’accord. Dans une lettre adressée au Secrétaire général en avril 2007, le dirigeant chypriote turc a cherché à modifier le cadre convenu de l’accord du 8 juillet. Dans son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, le 26 septembre, le président Papadopoulos a réitéré l’engagement du gouvernement envers l’accord du 8 juillet et l’obtention d’un règlement fondé sur une fédération bizonale et bicommunautaire. Notant que le statu quo de l’occupation militaire étrangère et de la division de l’île par la force ne devaient pas être maintenus, le président Papadopoulos a demandé un «processus significatif et innovateur» afin d’obtenir des résultats concrets et une solution globale. Il a également discuté de la nécessité d’une accélération de la mise en œuvre du processus de l’ONU avec le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, le 23 septembre à New York. Pour le gouvernement de Chypre aussi bien que pour les Nations unies, la procédure de l’Accord du 8 juillet est devenue le seul moyen disponible permettant de parvenir à une solution mutuellement acceptable. Cependant, sa mise en œuvre fut minée par les prévarications de la partie turque. Le 8 mars 2007, le gouvernement chypriote a démoli la structure de barricades de la rue Ledra, à Nicosie, dans un effort destiné à faciliter les 8 points de passage le long de la ligne de cessez-le-feu de l’ONU, dont le gouvernement propose l’ouverture depuis 2005. Le 3 avril 2008 a marqué l’ouverture du point de passage dans la rue Ledra en vue d’aider la circulation des personnes entre les zones contrôlées par le gouvernement et les zones sous occupation militaire turque. Par la suite, le 29 mars 2010, ont commencé les travaux de construction pour l’ouverture du point de passage de Kato Pyrgos-Limnitis sur la ligne de cessez-le feu de l’ONU reliant la région reculée de Pyrgos à Nicosie à travers la zone tampon. 25 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 26 Les nouvelles initiatives en 2008 donnent des résultats Malgré le revers provoqué par le refus turc d’honorer l’accord du 8 juillet, le président nouvellement élu, Demetris Christofias, a cherché à rencontrer le dirigeant chypriote turc immédiatement après son investiture, le 28 février 2008, dans un effort supplémentaire pour faire avancer les choses et activer un processus pouvant mener à des négociations directes entre les deux communautés. Il a également entrepris une campagne mondiale en vue de réengager la communauté internationale dans un nouveau processus de paix, dans lequel les deux communautés auraient les rôles principaux. Dans son discours d’investiture, le président Christofias a affirmé que le règlement du problème chypriote serait la première des priorités de son administration et qu’il prendrait d’intenses initiatives au niveau national et international à cette fin. Il a également déclaré que : «Le point de départ pour sortir de l’impasse et créer les conditions requises en vue d’une négociation globale du problème chypriote est la mise en œuvre de l’Accord du 8 juillet, qu’adoptent et soutiennent les cinq membres permanents du Conseil de sécurité». Lors de leur première rencontre, qui s’est déroulée le 21 mars 2008, le président Christofias et M. Talat ont décidé de mettre en place un certain nombre de groupes de travail et de comités techniques et ont établi leurs agendas respectifs. Ils ont également décidé de se rencontrer trois mois plus tard pour évaluer le travail accompli par les groupes de travail et les comités techniques, en vue d’entamer des négociations à part entière sous les auspices du Secrétaire général de l’ONU. Ils sont par ailleurs parvenus à un accord sur l’ouverture du point de passage de la rue Ledra. A la suite d’un compte-rendu du Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires politiques, Lynn Pascoe, qui s’était rendu à Chypre au début du mois, le Conseil de sécurité de l’ONU a publié une déclaration le 17 avril 2008. Le Conseil a salué ces développements et exprimé le souhait qu’ils produisent des résultats et préparent le terrain pour le commencement de négociations à part entière, sous les auspices de la mission de bons offices du Secrétaire général de l’ONU. La déclaration a réaffirmé l’engagement du Conseil de sécurité en faveur d’une réunification de Chypre fondée sur une fédération bizonale et bicommunautaire et l’égalité politique, comme en font état les résolutions pertinentes du Conseil. Il a également salué l’empressement du Secrétaire général à aider les parties à Chypre et son intention de nommer, après l’achèvement d’une période 26 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 27 préparatoire et, en fonction des progrès réalisés, un conseiller spécial pour faciliter le cheminement vers un règlement global. Entre-temps, six groupes de travail et sept comités techniques ont commencé leurs travaux le 22 avril, dans le but de réaliser les progrès nécessaires pour permettre aux deux dirigeants d’entamer des négociations à part entière. Dans cet esprit, le président Christofias a proposé une seconde rencontre avec le dirigeant chypriote turc, qui s’est déroulée le 23 mai 2008. Lors de cette rencontre, en présence du nouveau représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU à Chypre, M. Tayé-Brook Zerihoun, les deux dirigeants ont «réaffirmé leur engagement pour une fédération bizonale et bicommunautaire, basée sur l’égalité politique telle que définie dans les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce partenariat aura un gouvernement fédéral ayant une seule personnalité internationale…». Ils sont également convenus d’une nouvelle rencontre où seraient évalués les progrès accomplis et leur compatibilité avec la base prédéfinie. Ils ont décidé que leurs représentants se réuniraient au préalable pour une évaluation du travail des comités techniques et sont convenus de rechercher l’ouverture d’autres points de passage ainsi que d’envisager la possibilité de l’adoption de mesures de confiance. Le 5 juin 2008, le président Christofias a rencontré à Londres le Premier ministre britannique, M. Gordon Brown, avec qui il a discuté du problème de Chypre. Les deux dirigeants ont signé un protocole d'accord faisant état de leur désir mutuel de parvenir à une solution du problème chypriote, fondée sur les accords de haut niveau et les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. En outre, dans le protocole d’accord, le Royaume-Uni réitère son engagement à respecter ses obligations en tant que puissance garante de la République de Chypre, notant que «le Royaume-Uni ne soutiendra aucun mouvement menant à la partition de l'île ou la reconnaissance ou la revalorisation d’une entité politique distincte dans l’île». Le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires politiques, M. Lynn Pascoe, a rencontré séparément les dirigeants des deux communautés à Chypre, le 17 juin 2008. Le président Christofias, a réitéré son engagement à œuvrer pour un règlement du problème chypriote. Il a souligné que «le but doit être de transformer la République de Chypre en une République fédérale de Chypre unie, bizonale et bicommunautaire dotée d’une souveraineté, d’une citoyenneté et d’une personnalité internationale uniques», en ajoutant que «Ces positions dérivent 27 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 28 également des positions convenues avec la communauté chypriote turque». M. Pascoe a noté que «les deux dirigeants s’engagent résolument à aller de l’avant et à résoudre enfin le problème chypriote afin d’obtenir une Chypre unifiée». Le 20 juin 2008, les représentants du président de Chypre et du dirigeant chypriote turc ont annoncé un ensemble de mesures convenues en ce qui concerne le patrimoine culturel, la sécurité routière, la santé, et l'environnement. Entre-temps, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est félicité de l’accord du 21 mars et de la déclaration commune du 23 mai 2008. Ces développements, a-t-il affirmé, «ont montré une volonté politique renouvelée de soutenir les efforts de l’Organisation des Nations unies et d’y participer pleinement et de bonne foi, réaffirmé l’attachement des dirigeants à une fédération bicommunautaire et bizonale avec égalité politique, telle que prévue par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, et manifesté l’intention d’envisager de nouvelles mesures de confiance civiles et militaires». Le président Christofias et M. Talat se sont rencontrés à nouveau le 1er juillet 2008 et ont émis la déclaration commune suivante: «La rencontre d’aujourd’hui des deux dirigeants s’est déroulée dans un climat constructif et un esprit de coopération. Ils ont procédé à un premier passage en revue des travaux accomplis par les groupes de travail et les comités techniques. Ils ont abordé les questions de la souveraineté unique de Chypre et de la nationalité unique des Chypriotes, pour lesquelles ils ont donné leur accord de principe. Ils sont convenus d’en examiner les modalités d’application précises lors des négociations à part entière. Ils ont décidé de se rencontrer le 25 juillet pour procéder à l’examen final de l’avancée des travaux des groupes de travail et des comités techniques». Le 16 juillet 2008, le président Christofias a déclaré une nouvelle fois que: «Notre but final est de parvenir à un règlement du problème chypriote qui mettra fin à l’occupation turque et à la colonisation et réunifiera l’île». Il a souligné que «Nous recherchons un règlement permettant aux Chypriotes grecs et turcs, les vrais maîtres de notre pays, de coexister dans des conditions de paix permanente, de coopération et de sécurité». Le président a également expliqué que la création des groupes de travail et 28 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 29 des comités techniques et le commencement de leurs travaux, qui avaient été convenus avec les Chypriotes turcs afin d’ouvrir la voie pour des négociations globales «constituent au fond la mise en œuvre de l’Accord du 8 juillet 2006». Le président Christofias a discuté de l’évolution de la question chypriote avec le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, à Paris, le 13 juillet 2008, rencontre au cours de laquelle le Secrétaire général a assuré le dirigeant chypriote de l’intention des Nations unies de rechercher une solution du problème chypriote à travers le dialogue entre les deux communautés. Le président a déclaré qu’ils avaient également confirmé que les Chypriotes eux-mêmes seraient chargés de la procédure et que le rôle des Nations unies serait de faciliter les conditions propices aux négociations, et il a ajouté «nous avons souligné notre volonté de travailler dur, avec patience et persistance, tout en défendant les principes énoncés par les résolutions de l’ONU» pour un règlement du problème chypriote. Entre-temps, le Secrétaire général a informé le Conseil de sécurité de son intention de désigner, à partir du 14 juillet 2008, l'ancien ministre des Affaires étrangères australien, M. Alexandre Downer, en tant que son conseiller spécial sur Chypre avec le statut de sous-secrétaire général. Les initiatives entreprises par le président Christofias ont commencé à donner des résultats positifs et à gagner le soutien de la communauté internationale, y compris de l'UE et des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Washington, par exemple, a envoyé le soussecrétaire d'Etat aux affaires européennes et eurasiennes à Chypre pour «démontrer le soutien des Etats-Unis en faveur des efforts des deux dirigeants» comme il l'a déclaré à la fin de sa visite, le 7 juillet, en ajoutant que : «Les Etats-Unis veulent voir une île réunifiée. Nous soutenons une fédération bizonale et bicommunautaire. Une nation, une citoyenneté, un pays non divisé». Négociations directes à part entière Le 25 juillet 2008, le Président Christofias et le dirigeant chypriote turc, M. Talat, ont procédé à l’examen final du travail des comités techniques et des groupes de travail. Se fondant sur les progrès réalisés et la clarification concernant la base de la solution à laquelle ils sont parvenus durant leurs réunions, ils ont décidé «d’entamer des négociations à part entière le 3 septembre 2008, sous la mission de bons offices du Secrétaire général des Nations unies». 29 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 30 Ils ont émis la déclaration commune suivante sur les résultats de leur rencontre: «Les deux dirigeants ont entrepris aujourd’hui l'examen final des travaux des groupes de travail et des comités techniques. Ils ont pris acte des progrès réalisés et félicité leurs membres pour le travail accompli. A l’issue de cet examen final, les dirigeants ont décidé d’engager des négociations à part entière le 3 septembre 2008, sous les auspices de la mission de bons offices du Secrétaire général des Nations unies. Les négociations à part entière visent à parvenir à un règlement mutuellement acceptable de la question chypriote, dans le respect des droits et des intérêts fondamentaux et légitimes des Chypriotes grecs et des Chypriotes turcs. L’accord obtenu sera soumis simultanément à deux référendums distincts. S’agissant des Comités techniques, les dirigeants ont adopté aujourd’hui seize mesures supplémentaires dans les domaines de l’environnement, du patrimoine culturel, de la gestion de crise, ainsi que de la criminalité et des questions pénales; ils ont transmis leurs instructions pour qu’elles soient pleinement et immédiatement mises en œuvre. Afin de témoigner de leur engagement résolu, les dirigeants ont décidé de mettre en place une ligne téléphonique sécurisée qui facilitera un contact direct entre eux. Les dirigeants saluent la nomination de M. Alexander Downer en qualité de Conseiller spécial du Secrétaire général pour Chypre et se réjouissent de travailler avec lui et l’équipe des Nations unies au cours de la période à venir. Ils ont également demandé à leurs représentants de se saisir de la question de Liminitis/Yilirmak et des autres points de passage». Le lancement des négociations à part entière sur la question chypriote par les deux communautés chypriotes a été chaleureusement salué par la communauté internationale, y compris les Nations unies, les membres permanents du Conseil de sécurité et l’UE. M. Downer a qualifié le début des négociations de «journée historique pour Chypre, de journée très importante pour Chypre», ajoutant que «le 30 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 31 règlement sera une inspiration pour un monde troublé». Notant qu’il y aurait certainement des difficultés et des défis dans les discussions à venir, M. Downer a souligné : «En même temps, le problème chypriote n’est pas insurmontable et les négociations que vous entamez aujourd’hui peuvent et doivent avoir une issue heureuse». Il a promis l’aide constante des Nations unies tout en déclarant aux deux dirigeants que: «Ce processus vous appartient et, en conséquence, il vous appartient pleinement d’assurer sa réussite. A cet égard, il s’avèrera primordial de convaincre les Chypriotes que la réunification de l'île apportera le bonheur et la prospérité à tous les Chypriotes». Exprimant l'espoir que les deux communautés chypriotes laisseront de côté les conflits du passé, le président Christofias a déclaré que: «Le moment est venu de mettre un terme au problème chypriote de longue date et d’apporter au peuple de Chypre un avenir meilleur qu’il mérite». Il a invité le dirigeant chypriote turc à «prendre des mesures communes et répondre à l’appel de l’histoire en vue de réaliser la vision d’une patrie réunifiée, appartenant à son peuple, le peuple de Chypre, qui peut et désire décider de son propre sort sans l’intervention de tiers et sans prétendus gardiens de nos communautés». Il a également répété que «les fondements d’un accord sont décrits dans les Accords de haut niveau de 1977 et de 1979, qui prévoient la transformation de l’Etat unitaire en un Etat fédéral». Il a souligné ensuite que les deux parties se devaient de sauvegarder les principes fondamentaux qui ont guidé le processus jusqu’à présent et d’adhérer constamment à la base commune convenue pour un règlement, qui a été réaffirmée lors de la réunion entre les deux dirigeants, à savoir : «une fédération bizonale et bicommunautaire dotée de l’égalité politique, telle que définie dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité avec une souveraineté, une citoyenneté et une personnalité internationale uniques». Etant donné que Chypre est membre à part entière de l’Union européenne, le président a déclaré que «la solution doit respecter et mettre en œuvre les principes sur lesquels est fondée l’Union européenne». Les commentaires du dirigeant chypriote turc au début des pourparlers, qui réitéraient les positions intransigeantes turques, telles que l'insistance sur le maintien des garanties et des droits d'intervention de la Turquie à Chypre, ont suscité de vives préoccupations. En outre, au lieu de considérer la solution fédérale comme un «partenariat de deux communautés», il s’est référé à «un nouveau partenariat» de deux Etats, une formulation suggérant un arrangement «confédéral» et une déviation 31 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 32 de la base fédérale convenue pour une solution. Le manque de référence de la part de M. Talat aux principes convenus qui guideraient le processus de paix et formeraient la base pour un règlement - tels qu’une fédération, les résolutions de l’ONU, la souveraineté et la personnalité internationale uniques pour Chypre unifiée - a soulevé des questions supplémentaires quant aux intentions réelles de la partie turque à propos de la solution recherchée par cette dernière dans la suite des négociations. Ses commentaires ultérieurs préconisant un «droit distinct à l’autodétermination» pour la communauté chypriote turque dans le cadre d'un règlement ont suscité des préoccupations similaires. Cette attitude, de même que les déclarations intransigeantes des dirigeants turcs à propos de Chypre jettent une ombre sur les négociations. Elles vont à l’encontre de l’esprit positif, constructif, coopératif et conciliant apporté à ce nouvel effort par le président de Chypre et la partie chypriote grecque, esprit exigé pour le succès du processus de paix. Entre-temps, afin de mettre l’accent sur l’importance attachée par l’ONU aux négociations de paix, le Secrétaire général est arrivé à Chypre pour une visite de trois jours le 31 janvier 2010, pour exprimer son soutien personnel et encourager les deux dirigeants à mener ces négociations à bien. Le Secrétaire général a souligné que « ce processus appartient à Chypre. Les Nations unies sont ici à l’invitation des deux parties pour apporter leur aide. Votre destinée est entre vos mains. Vous avez pris la responsabilité de trouver une solution. Vous êtes aux commandes de ce processus et vous êtes ceux qui bénéficieront des avantages et des opportunités énormes qu’un règlement de la question ouvrirait pour l’île». A l’issue de ses rencontres avec le président Christofias et le dirigeant chypriote turc Mehmet Ali Talat le 1er février 2010, le Secrétaire général a lu une déclaration de la part des deux dirigeants en soulignant qu’ils ont travaillé sur la base de l’approche d’ensemble intégrée selon laquelle «rien n’est convenu tant que tout n’a pas été convenu». Dans la déclaration, les dirigeants ajoutent : « Nous sommes déjà parvenus à un grand degré de convergence dans certains chapitres. Pour le reste, nous sommes déterminés à travailler dur pour réaliser les progrès désirés. ..... Nous réaffirmons notre ferme engagement à continuer de travailler dans ce sens et sur le reste des chapitres. Nous exprimons notre conviction qu’en faisant preuve de bonne volonté et de détermination nous pouvons parvenir à une solution dans les meilleurs délais». 32 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 33 La dernière rencontre entre le Président Christofias et M. Talat a eu lieu le 30 mars 2010. A l’issue de la rencontre, une déclaration conjointe a été publiée soulignant que les deux dirigeants ont été encouragés par les progrès importants réalisés jusqu’à présent sur les chapitres de la gouvernance et du partage du pouvoir, des questions relatives à l’UE et à l’économie et qu’ils sont certains qu’en persévérant ils parviendront à un règlement global. Les pourparlers ont repris le 26 mai 2010 entre le président Christofias et M. Dervish Eroglu, qui a succédé à M. Talat en qualité de dirigeant de la communauté chypriote turque. Le gouvernement de Chypre demeure déterminé à parvenir à un règlement du problème chypriote qui permettra aux Chypriotes grecs aussi bien que turcs de jouir pleinement des bénéfices et des avantages de l’appartenance à l’Union européenne. Un tel règlement permettra à Chypre de fonctionner effectivement au sein de l’UE, garantira le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous les Chypriotes et apportera un avenir pacifique, prospère et sûr. A cette fin, le gouvernement a œuvré systématiquement en vue de créer des conditions propices au nouveau processus de négociations directes entre les deux communautés. Ces négociations peuvent mener à un règlement mutuellement acceptable dans le cadre du nouveau contexte politique résultant de l’adhésion de Chypre à l’Union européenne. Chypre et l’Union européenne La République de Chypre a signé un Accord d’association avec la Communauté économique européenne (CEE) en décembre 1972 et déposé une demande d’adhésion aux Communautés européennes en 1990. La Commission européenne a émis un avis positif en juin 1993, reconnaissant l’importance de l’adhésion de Chypre pour la sécurité et la prospérité de l’île et pour le règlement du problème chypriote. Le Conseil européen est convenu en mars 1995 que les négociations d’adhésion avec Chypre commenceraient six mois après la conclusion de la conférence intergouvernementale de l’UE de 1996. Lors de la Conférence européenne de Londres, le 12 mars 1998, le président de Chypre a invité la communauté chypriote turque à se joindre à l’équipe chypriote de négociations avec l’UE, mais les dirigeants chypriotes turcs ont rejeté l’invitation. En décembre 2002, tous les chapitres des négociations avec l’UE étaient clos et le processus d’harmonisation était achevé. 33 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 34 Chypre a signé le traité d’adhésion à Athènes le 16 avril 2003, est devenue membre de l’UE le 1er mai 2004, a participé aux élections de 2004 pour le Parlement européen et a adhéré à la zone euro le 1er janvier 2008. Au titre du Protocole 10 annexé au Traité d’adhésion, l’application de l’acquis dans les zones de Chypre occupées par la Turquie serait suspendue jusqu’à la solution du problème chypriote. Le même protocole affirme que l’UE «est prête à prendre en considération les conditions d’un tel règlement global, conformément aux principes qui sous-tendent l’Union européenne». Alors que la mission de bons offices du Secrétaire général de l’ONU a fourni le cadre pour un arrangement négocié du problème chypriote, l'UE doit à présent assumer un rôle central en veillant à ce que tout règlement proposé se conforme à ses principes et à ses normes juridiques. Ce rôle contraste fortement avec celui auquel l’UE a été reléguée pendant la présentation du plan du Secrétaire général sur Chypre en 2004. Le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE fournit également de nouvelles occasions d’aborder quelques-uns des aspects les plus épineux du problème de Chypre, tels que la protection des droits de l'homme, la non-intervention, la souveraineté de la République et la fonctionnalité des institutions gouvernementales. Malheureusement, la déclaration unilatérale de la Turquie sur la nonreconnaissance de la République de Chypre lors de la ratification du protocole d'union douanière de la Turquie, soulève des questions sérieuses à propos du respect par la Turquie des normes de l’UE et de ses obligations envers cette dernière ainsi que de ses intentions dans la recherche d'un règlement viable du problème chypriote. L’UE a répondu à cette déclaration unilatérale en invitant la Turquie à se conformer à ses obligations et a réitéré cette position à maintes reprises, mais en vain. Les mois et les années à venir mettront à l’épreuve non seulement les intentions de la Turquie, mais également la capacité de l'UE à maintenir des principes fondamentaux, tout en continuant de s’élargir. La Turquie refuse toujours l'accès à ses ports, aéroports et couloirs aériens aux avions et navires en provenance de la République de Chypre. Il convient de rectifier cette situation embarrassante et anormale, où un Etat candidat à l'UE refuse de reconnaître l'un des Etats membres de l'UE qui votera sur les perspectives d'adhésion de la Turquie. En décembre 2006, l'UE a sanctionné la Turquie en imposant un gel partiel de ses négociations d'adhésion en raison de son refus de se 34 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 35 conformer à ses obligations envers Chypre. Il a été décidé de suspendre les travaux dans huit des 35 domaines politiques (chapitres) en lesquels sont divisées les négociations d'adhésion. Il a été convenu en outre de ne pas conclure les négociations sur les questions non touchées par ce gel, jusqu'à ce que la Turquie se conforme à son obligation d'ouvrir ses ports et ses aéroports au trafic en provenance de Chypre. Cette position se reflète dans les rapports de la Commission européenne de 2007, 2008 et 2009 sur les progrès accomplis par la Turquie déclarant que la Turquie n’a réalisé aucun progrès dans la mise en œuvre du protocole additionnel et l’invitant à remplir son obligation dans les plus brefs délais. Les rapports observent que la Turquie continue d’opposer son veto à l’adhésion de Chypre à plusieurs organisations et à l’accord de Wassenaar sur le Code de conduite en matière d’exportation d’armements et de biens à double usage. En outre, le Rapport de 2009 précise que «Comme le soulignent les conclusions du Conseil du 8 décembre 2008 et conformément au cadre de négociation, le Conseil attend de la Turquie qu’elle soutienne activement les négociations en cours et qu’elle prenne des mesures pratiques visant à contribuer à la création d’une climat propice à un règlement juste, global et viable de la question chypriote dans le cadre des Nations unies, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité et dans le respect des principes sur lequel l’Union est fondée». La même position se reflète également dans la résolution du Parlement européen du 10 Février 2010 sur le rapport 2009 sur les progrès accomplis par la Turquie. Spécifiquement, la résolution «invite la Turquie à favoriser un climat propice aux négociations en retirant immédiatement ses troupes de Chypre, en s'employant à apporter une réponse au problème de la colonisation de l'île par des citoyens turcs et en permettant la restitution de la zone bouclée de Famagouste à ses habitants légitimes, conformément à la résolution 550(1984) du Conseil de sécurité des Nations unies». La résolution appelle en outre le gouvernement turc à cesser de faire obstacle aux navires civils de prospection pétrolière qui opèrent pour le compte de la République de Chypre en Méditerranée orientale. La résolution déplore par ailleurs le fait que la Turquie n'a toujours pas mis en œuvre, pour la quatrième année consécutive, le protocole additionnel à l'accord d'association CE-Turquie; prie le gouvernement turc d'appliquer, sans plus attendre, ces dispositions dans tous leurs éléments et de façon 35 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 36 non discriminatoire, et rappelle que, dans le cas contraire, le processus de négociation en serait sérieusement affecté. Le gouvernement de Chypre a été déçu de ce que le cours de l’adhésion de la Turquie à l'UE, soutenu par Chypre, n'ait pas eu l'effet catalytique espéré sur Ankara en ce qui concerne le problème chypriote. En fait, non seulement la Turquie poursuit son agression contre Chypre, mais elle refuse aussi résolument de mettre en oeuvre des obligations qu'elle a entreprises envers l'UE, des obligations portant directement atteinte aux intérêts de Chypre. Conclusion Après l’adhésion réussie de Chypre à l’UE, les habitants de l’île aspirent toujours à la réunification de leur pays. Le gouvernement de Chypre est déterminé à poursuivre sa recherche d'une solution viable et fonctionnelle, dans les paramètres des résolutions de l’ONU ainsi que du nouveau contexte politique créé par l'adhésion de Chypre à l'UE, afin de sauvegarder les droits de tous les Chypriotes. De cette manière, tous les Chypriotes jouiront pleinement des bénéfices et des avantages de l'adhésion à l'UE et réaliseront la réunification de leur pays après plus de trois décennies de division artificielle. Les initiatives du président Papadopoulos pour réactiver le processus de paix au lendemain de l’échec du plan Annan ont mené à l'Accord du 8 juillet 2006 entre les deux communautés. Malheureusement, la mise en oeuvre de l’Accord a été minée par la partie turque. Les nouvelles initiatives prises par le président Christofias ont brisé l'impasse, fait avancer le processus et abouti à l’ouverture de négociations à part entière entre les deux communautés en septembre 2008, en vue d’un règlement global. Ses efforts ont également ravivé l'intérêt de la communauté internationale pour le processus de paix de Chypre, se traduisant par un large soutien en faveur de négociations directes et de la recherche de la paix permanente dans l'île. 36 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 37 HISTORIQUE De l'indépendance à l'invasion par la Turquie, 1960-1974 Chypre a été proclamée République indépendante le 16 août 1960, en vertu des accords de Zurich et de Londres de 1959, négociés par la Grèce, la Turquie et le Royaume-Uni. Ces accords comprenaient une Constitution et trois traités : le Traité de garantie, le Traité d’alliance et le Traité d’établissement. Ils ont mis fin à 82 ans de domination britannique après de nombreuses années d’un mouvement de libération nationale qui comprenait des protestations et des manifestations anticoloniales, massives et pacifiques, des appels lancés aux Nations unies afin d’obtenir l’autodétermination des habitants de l’île pour décider de leur propre avenir et, finalement, une lutte armée de quatre ans (1955-1959). L'opposition active à la domination coloniale venait de la communauté chypriote grecque, dont la majorité aspirait alors à l'union de Chypre avec la Grèce. La Turquie et les dirigeants chypriotes turcs, quant à eux, incités par les Britanniques, préconisaient la partition de l'île, avec un secteur chypriote turc s'unissant à la Turquie. (Ces visions diamétralement opposées ont été spécifiquement interdites par la suite par les accords de 1959 qui ont établi l’indépendance de Chypre). La domination britannique n'a pas encouragé l'émergence d'une identité nationale chypriote. Au contraire, la Grande-Bretagne a utilisé la politique consistant à «diviser et régner» comme instrument permettant de contrôler le sentiment anticolonial dans l'île. Elle a rallié les Chypriotes turcs à ses côtés, contre le mouvement de libération chypriote grec, semant ainsi les graines de la discorde intercommunautaire et de la polarisation entre les Chypriotes grecs et turcs, développement qui devait s'avérer préjudiciable à leur coopération en faveur de l'indépendance. Bien qu'elles aient finalement signé les accords de Zurich et de Londres, les communautés chypriotes grecque et turque n’ont pas eu de rôle important à jouer dans leur rédaction ni dans la rédaction de la Constitution pour la nouvelle république. En fait, l’occasion n’a jamais été donnée aux personnes les plus concernées par ces documents complexes de voter à leur propos. En effet, les accords et la constitution de cette république naissante ont été imposés au peuple de Chypre. Par conséquent, le destin de la nouvelle république a été compromis in vitro. Au lieu de promouvoir la paix par le biais de la solidarité intercommunautaire et la loyauté pour un Etat commun ainsi que le 37 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 38 respect de la souveraineté de la nouvelle république, certaines dispositions des accords et de la constitution se sont avérées propices à un conflit interne et à l’ingérence étrangère. Il s’est rapidement avéré que l’on avait octroyé à Chypre une indépendance restreinte et des dispositions constitutionnelles dysfonctionnelles. La constitution faisait ressortir les différences entre les Chypriotes grecs et turcs, contrecarrant ainsi les tendances intégratives et encourageant un comportement séparatiste entre les deux communautés. Les accords prévoyaient un arrangement complexe de partage des pouvoirs entre les deux communautés (la communauté chypriote grecque à majorité numérique de 82% de la population et la communauté chypriote turque à minorité numérique de 18% de la population) et accordaient des pouvoirs extraordinaires de veto à la communauté chypriote turque. Des droits vaguement définis d’ingérence dans les affaires chypriotes à certaines conditions ont été octroyés aux trois puissances garantes (la Grèce, la Turquie et le Royaume-Uni). En outre, le Royaume-Uni a conservé «des bases souveraines» correspondant à 2,7% du territoire de l'île ainsi que d’importants équipements de collecte de renseignements, tandis que la Grèce et la Turquie devaient faire stationner des petits contingents militaires (s’élevant à 950 et 650 hommes respectivement) sur l'île. La nature divisionniste de la constitution et la rigidité de ses articles principaux ont rendu difficile le fonctionnement d’un gouvernement démocratique et ont provoqué une amertume croissante parmi les Chypriotes grecs et turcs. La constitution s’est rapidement révélée inapplicable. En 1963, une série d’impasses concernant les budgets de l'Etat, l'imposition, les municipalités et d'autres questions a mené à une crise constitutionnelle qui a menacé de paralyser le fonctionnement du gouvernement et de l'Etat.* Le président de la République s’est senti obligé de proposer, le 30 novembre, un certain nombre d'amendements constitutionnels à débattre, en vue de «supprimer les obstacles au bon fonctionnement et au développement de l'Etat». Le gouvernement turc a cependant catégoriquement rejeté les amendements constitutionnels proposés. Les dirigeants chypriotes turcs en ont fait de même et se sont alignés sur la politique de la Turquie de division de l’île à long terme. Le vice-président de la République, qui était un Chypriote turc, a affirmé le 30 décembre 1963 que la constitution chypriote était morte et qu’il n'y avait aucune possibilité pour les Chypriotes grecs et turcs de vivre et * Cf. Stanley Kyriakides, Chypre: Constitutionalisme et Gouvernement de crise (Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 1968). 38 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 39 travailler ensemble. «Appelez cela partition, si vous voulez» a-t-il déclaré aux médias étrangers. Le climat à Chypre est devenu tendu et explosif. Les relations entre les deux communautés se sont détériorées, tandis qu’une série d'événements en avalanche ont abouti à une crise s’étendant au-delà des frontières de Chypre. Des incidents mineurs isolés ont donné lieux à des affrontements intercommunautaires. Sous la pression de leurs dirigeants, les Chypriotes turcs venus de tous les coins de l'île ont commencé à se concentrer dans certaines régions, conformément à la politique de la Turquie visant à former des enclaves turques sous son contrôle afin de séparer les deux communautés comme premier pas vers la séparation de Chypre selon des critères ethniques. Les ministres chypriotes turcs se sont retirés du gouvernement, les membres chypriotes turcs de la Chambre des représentants se sont retirés du Parlement et les fonctionnaires chypriotes turcs ont cessé de se présenter au travail. En définitive, les Chypriotes turcs se sont retirés de toutes les institutions de l'Etat et des organismes gouvernementaux. Des flambées soudaines de violence intercommunautaire se sont produites en 1963-64 et, à nouveau, en 1967. La Turquie a menacé d'intervenir militairement à Chypre mais la pression internationale a empêché une invasion militaire en 1964 et 1967. A la suite des menaces proférées par la Turquie contre Chypre, le gouvernement de la République a saisi le Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité la résolution 186 du 4 mars 1964, dont les principes fondamentaux ont guidé depuis lors les actions internationales à propos de Chypre. Cette résolution a : • établi la mission de bons offices du Secrétaire général de l’ONU en vue d’une solution pacifique, sur la base d'un règlement convenu conformément à la Charte de l’ONU • crée l’UNFICYP, la force de maintien de la paix de l’ONU à Chypre • réaffirmé la souveraineté et l'existence continue de la République de Chypre • réaffirmé la continuité du gouvernement de la République de Chypre. Malgré les appels lancés par le Conseil de sécurité invitant les parties intéressées à respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République de Chypre et à s’abstenir de toute menace ou de l'emploi de la force contre elle, les forces aériennes turques ont bombardé des villages chypriotes en août 1964. 39 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 40 Le 26 mars 1965, le Dr Galo Plaza, médiateur de l’ONU pour Chypre, a publié l’un des rapports les plus importants jamais élaborés à propos de Chypre (S/6253). Le rapport Plaza a qualifié l’arrangement de 1959 de «bizarrerie constitutionnelle», remis en cause la fonctionnalité du fédéralisme exigé par la partie turque en raison des difficultés et de la nature inhumaine inhérentes aux mouvements de population ; critiqué les droits de veto disproportionnés de la minorité et conçu la protection des droits des minorités dans les instruments internationaux tels que la Convention européenne. Plaidant fortement contre la séparation géographique des deux communautés préconisée par la partie turque, le Dr Plaza a déclaré que «si le but d'un règlement de la question chypriote doit être la préservation plutôt que la destruction de l'Etat et s'il est appelé à stimuler plutôt que militer contre le développement d’un peuple paisiblement uni, je ne peux pas m’empêcher de me demander si la division physique de la minorité par rapport à la majorité ne devrait pas être considérée comme un pas désespéré dans la mauvaise direction». La Turquie a immédiatement rejeté le rapport et ses recommandations et déclaré qu’elle ne traiterait pas avec le médiateur de l’ONU. La médiation de l’ONU a pris fin et, par la suite, la participation de l’ONU au processus de paix à Chypre a été menée sous la mission de bons offices du Secrétaire général. Dans son rapport S/6426 du 10 juin 1965, le Secrétaire général de l’ONU a décrit la politique de la partie turque à cette époque de la manière suivante: «Les dirigeants chypriotes turcs ont adopté une position rigide contre toute mesure susceptible d’impliquer que les membres des deux communautés vivent et travaillent ensemble, ou pouvant placer les Chypriotes turcs dans des situations dans lesquelles ils seraient obligés de reconnaître l'autorité des agents du gouvernement. En effet, les dirigeants chypriotes turcs sont déterminés à réaliser la séparation physique et géographique des communautés comme objectif politique, il est peu probable qu’ils encouragent les activités de Chypriotes turcs pouvant être interprétées comme démontrant le bien-fondé d'une politique alternative. Il en est résulté une politique apparemment délibérée d’auto-ségrégation de la part des Chypriotes turcs». Le gouvernement de Chypre a pris différentes mesures visant à rétablir la normalité dans l'île. Ces dispositions ont abouti à l'élimination de la 40 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 41 violence intercommunautaire et à la réduction spectaculaire des tensions entre les deux communautés. Le gouvernement a également offert des incitations économiques aux Chypriotes turcs, forcés par leurs dirigeants de se déplacer dans les enclaves turques, pour les encourager à regagner leurs domiciles. La partie turque n’a pas rendu la pareille, maintenant au contraire des barrages routiers afin d’empêcher les Chypriotes grecs de se rendre dans les enclaves turques. En 1968, le gouvernement a entamé des négociations avec les dirigeants chypriotes turcs sous les auspices de l’ONU, en vue d’un accord négocié sur un système constitutionnel plus fonctionnel pour la République de Chypre. Ces pourparlers avaient réalisé des progrès considérables et, selon certains rapports, étaient sur le point d’aboutir quand ils ont été interrompus par les événements tragiques de 1974. L'invasion turque de 1974 et ses conséquences* En 1967, une junte militaire a pris le pouvoir en Grèce. Les relations entre ce régime et le président Makarios de Chypre étaient tendues et sont devenues de plus en plus crispées. Le président Makarios proclamait qu’il était convaincu que la junte d’Athènes était impliquée dans les efforts destinés à miner son autorité et ses politiques, par le biais d’organisations extrémistes clandestines à Chypre conspirant contre son gouvernement et contre sa vie. Le 15 juillet 1974, la junte militaire au pouvoir en Grèce et ses collaborateurs chypriotes ont perpétré un coup d’Etat contre le gouvernement démocratiquement élu de Chypre. Utilisant cet acte criminel comme prétexte, la Turquie a envahi Chypre cinq jours plus tard. Dans une invasion en deux étapes en juillet et en août et malgré les appels du Conseil de sécurité de l’ONU [Résolution 353 (1974)] et le rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel dans l’île, la Turquie a occupé 36,2% du territoire souverain de la République** et expulsé par la force plus de 180 000 Chypriotes grecs de leurs foyers. D’autres Chypriotes grecs, au nombre de 20 000, qui étaient restés dans les zones occupées, ont également été forcés d'abandonner leurs foyers et de chercher refuge dans la sécurité des zones contrôlées par le gouvernement. En 2008, il restait moins de 500 Chypriotes grecs enclavés dans les zones occupées (Voir Annexe 3). * Cf. Annexe 3. ** Superficie à peu près identique figurant sur les cartes de Chypre divisée, distribuées par la partie turque dans les années 1950. Voir les cartes à la page 45. 41 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 42 La Turquie continue de priver les Chypriotes grecs déplacés de leur droit de retourner dans leurs maisons et leurs propriétés. Ce fait a donné lieu à des recours auprès de la Cour européenne des Droits de l'Homme, qui a rendu des décisions importantes sur les violations de la Convention européenne par la Turquie (Voir Annexe 2). Outre la dévastation économique causée par l'invasion et le déplacement forcé de la population, plus de 3000 personnes ont été tuées pendant l'invasion, tandis que 1400 Chypriotes grecs sont toujours portés disparus. L’occupation turque a entraîné la ruine économique de la partie de l'île qui, avant 1974, était la plus riche et la plus développée. Les conditions économiques précaires résultant de la mauvaise gestion turque et de la colonisation systématique par la Turquie des régions occupées, par l’implantation de colons illégaux, ont forcé les Chypriotes turcs à émigrer en Europe et ailleurs. Les colons sont actuellement pratiquement deux fois plus nombreux que les Chypriotes turcs indigènes. Les observateurs indépendants ont documenté cette question pour l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, en 1992 et en 2003 respectivement. Enfin, plus de 43 000 soldats turcs, lourdement armés, sont encore stationnés dans les zones occupées. Il convient de noter que, commençant par la Résolution 353 du Conseil de Sécurité du 20 juillet 1974, l’ONU a exigé «qu’il soit mis fin immédiatement à toute intervention militaire étrangère dans la République de Chypre» et «le retrait sans délai du territoire de la République de Chypre de tous les militaires étrangers qui s’y trouvent autrement qu’en vertu d’accords internationaux». En violation du droit international et des résolutions de l’ONU, la Turquie et les dirigeants chypriotes turcs ont systématiquement tenté d’éradiquer le patrimoine culturel grec dans les zones occupées. On a donné aux villes et aux villages des noms turcs, tandis que les sites archéologiques, les églises et les cimetières ont été pillés, endommagés ou utilisés à d'autres fins. En novembre 1983, la Turquie a encouragé et approuvé la déclaration d'indépendance unilatérale dans la région occupée par les dirigeants chypriotes turcs. La dénommée «République turque de Chypre du nord» («RTCN») n'a été reconnue par personne à part la Turquie, qui exerce un contrôle virtuel sur elle (voir «décisions judiciaires»). Les résolutions 541 (1983) et 550 (1984) du Conseil de sécurité de l’ONU ont catégoriquement condamné cette action unilatérale, l'ont déclarée invalide, ont demandé son retrait et invité tous les Etats membres de l’ONU à ne pas reconnaître 42 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 43 cette entité illégale. L'UE et tous les autres organismes internationaux et régionaux ont adopté des positions similaires. A toutes les fins juridiques et politiques, la communauté internationale ne reconnaît que la République de Chypre créée en 1960 et son gouvernement, bien que le gouvernement ne puisse pas exercer actuellement son autorité dans les régions sous occupation militaire turque. Les décisions judiciaires de cours régionales et nationales en Europe occidentale, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni fournissent un important dossier indépendant sur les conséquences de l'invasion de 1974 par la Turquie et de son occupation continue de Chypre. Elles affirment également la légitimité de la République de Chypre et de son gouvernement. Ces décisions constituent un fondement important pour tout règlement global à venir du problème chypriote (Voir Annexe 2). 43 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 44 C A RT E S 27 Etats membres de l’UE «L’Union européenne peut et doit jouer un rôle dans les efforts en vue de résoudre le problème chypriote. Nous comptons sur la solidarité de nos partenaires européens et espérons qu'ils contribueront à briser l'impasse et à résoudre le problème chypriote … En tant que membre de l'Union européenne, la République de Chypre participera activement aux développements en Europe, dans le but de réaliser la vision d’une Europe socialement sensible. Chypre peut devenir un pont entre l'Europe et les pays de notre région ainsi que les pays avec lesquels notre île maintient des relations au sein du Mouvement des non-alignés». [Président Demetris Christofias, discours d’investiture, 28 février 2008] « …Il faudrait toujours garder à l’esprit que Chypre est membre à part entière de l’Union européenne et que la solution doit respecter et mettre en œuvre les principes sur lesquels est fondée l’Union européenne». [Président Demetris Christofias, allocution d’ouverture lors du lancement des négociations directes avec le dirigeant chypriote turc sur le problème de Chypre, 3 septembre 2008] 44 Carte montrant la ligne de cessez-le-feu de l’ONU de 1974 qui divise la République de Chypre et les zones de la République sous occupation militaire turque. CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 45 45 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 46 KYRENIA NICOSIE FAMAGOUSTE POLIS AMIANDOS LARNACA PAPHOS LIMASSOL La partition de Chypre, telle que proposée en 1957 par le dirigeant chypriote turc, le Dr Fazil Kuchuk, dans son pamphlet "La question chypriote: une solution permanente", le long de la ligne représentée sur la carte. La "partie turque" proposée est la zone ombragée dans le nord de l'île. KYRENIA NICOSIE FAMAGOUSTE POLIS AMIANDOS LARNACA PAPHOS LIMASSOL La ligne de démarcation, telle qu’établie par l'armée d’invasion turque en 1974. La zone ombragée dans le nord se trouve toujours sous occupation militaire turque. 46 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 47 ANNEXES 1. Initiatives politiques en faveur des Chypriotes turcs Tout en recherchant activement une solution au problème chypriote, le gouvernement a introduit, le 30 avril 2003, une série de mesures visant à fournir aux Chypriotes turcs, résidant principalement dans les régions occupées, l’occasion de jouir, autant que possible dans les circonstances actuelles, des droits et bénéfices que la République de Chypre offre à ses citoyens. La mise en oeuvre de ces initiatives et mesures de confiance entre dans le contexte des lois de la République de Chypre, du droit international et de l'acquis communautaire de l'UE. Les initiatives du gouvernement concernent entre autres: • Le mouvement de marchandises, de personnes et de véhicules • L’emploi de Chypriotes turcs dans les régions contrôlées par le gouvernement • La formation professionnelle des Chypriotes tucs et leur participation aux événements sportifs et autres à l’étranger • La délivrance aux Chypriotes turcs de certificats et autres documents officiels, tels que les passeports et cartes d'identité de la République • La protection du patrimoine culturel chypriote turc • Le déminage de la zone tampon le long de la ligne de cessez-le-feu de l’ONU • L’assistance aux familles des Chypriotes turcs portés disparus et des non-combattants tués durant la période 1963-67 et en 1974. Le gouvernement verse des pensions de sécurité sociale aux Chypriotes turcs y ayant droit, paie les frais de scolarité des élèves chypriotes turcs dans les écoles privées et offre des soins médicaux gratuits à des dizaines de milliers des Chypriotes turcs. Les Chypriotes turcs travaillant dans les régions contrôlées par le gouvernement touchent des centaines de milliers d'euros en tant que revenus, tandis que les Chypriotes grecs se rendant dans les territoires occupés y dépensent des millions d'euros. Enfin, pendant des décennies, l'Autorité de l'électricité de Chypre a 47 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 48 également fourni l'électricité gratuite à la communauté chypriote turque dans les zones occupées. Durant la seule période 1974-2006, l’approvisionnement en électricité fourni aux Chypriotes turcs s’est élevé à environ 300 millions d’euros. L'eau leur est également fournie gratuitement. L'augmentation de l'activité économique à travers la ligne de cessez-lefeu depuis 2003 a été un facteur important dans la hausse du revenu par habitant des Chypriotes turcs, qui a plus que doublé au cours de ces dernières années. En outre, jusqu'à juin 2010, près de 94.000 Chypriotes turcs ont acquis des actes de naissance officiels de la République de Chypre, environ 88.000 ont acquis des cartes d'identité et plus de 59.000 ont acquis des passeports. Afin d’aider à promouvoir la réunification et la réconciliation, le gouvernement a constamment poursuivi, malgré les obstacles posés par la partie turque, des politiques destinées à améliorer la situation économique des Chypriotes turcs. C'est dans cet esprit qu'il a consenti au règlement de l'UE sur l’aide financière de deux cent cinquante-neuf millions d'euros en faveur de la communauté chypriote turque. Pour faciliter l'attribution de l'aide aux Chypriotes turcs, le gouvernement a retiré, en mars 2008, son appel à la Cour de justice des Communautés européennes pour l'annulation des offres soumises en vertu des dispositions du règlement de l'UE, après la modification par la Commission européenne du texte trompeur pertinent. En juillet 2004, le gouvernement a également proposé des mesures supplémentaires comprenant l'extension du déminage des champs de mines situés dans la zone tampon, en coopération avec l’ONU. Bien que la partie turque n'ait pas encore respecté toutes ses obligations à cet égard, le gouvernement a procédé unilatéralement, dans ses efforts en vue d’atténuer les tensions et de créer un meilleur climat politique, au déminage de ses champs de mines à l'intérieur de la zone tampon. Avec la destruction de la dernière mine antipersonnel, le 10 juillet 2007, Chypre a entièrement fait face à ses obligations découlant de la convention d'Ottawa. En outre, le gouvernement a proposé d’offrir des dispositions spéciales en faveur des Chypriotes turcs, leur permettant d’utiliser le port de Larnaca pour l'exportation de leurs produits. Il a proposé par ailleurs l’exploitation légale (à la fois par les Chypriotes grecs et turcs) du port de Famagouste 48 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 49 sous la surveillance de l'UE, à condition que le secteur de Varosha soit rendu à ses habitants légitimes chypriotes grecs sous le contrôle du gouvernement de Chypre. L'approche constructive globale du gouvernement à l’égard des Chypriotes turcs, unilatéralement aussi bien que par le biais de l'UE, est conçue pour stimuler la coopération et la confiance entre les deux communautés. Le gouvernement continuera à promouvoir la réconciliation et la réintégration par des moyens tangibles, ouvrant ainsi la voie à un règlement global et viable du problème chypriote. 2. Importantes décisions judiciaires sur la question chypriote* • Chypre c. Turquie (6780/74) et (6950/75) - Commission européenne des droits de l'homme, 1976 Dans un rapport commun (1976) en vertu de l'ancien article 31 de la Convention européenne, la Turquie a été reconnue coupable de violations des articles 2 (droits à la vie), 5 (liberté et sécurité de la personne), 8 (respect de la vie privée et familiale, du domicile, etc.), 13 (recours effectifs pour les violations de droits et de libertés), et de l’article I du Protocole I (jouissance pacifique de la propriété). Le 20 janvier 1979, le Comité des Ministres a adopté la résolution DH (79) demandant la protection durable des droits de l'homme par le biais de pourparlers intercommunautaires menant à une solution du conflit. • Chypre c. Turquie (8007/77) - Commission européenne des droits de l'homme, 1983 La Commission a constaté, en vertu de l'ancien article 31 de la Convention européenne, que la Turquie avait enfreint ses obligations au titre de l'article 5 (liberté et sécurité de la personne), de l'article 8 (respect de la vie privée et familiale, du domicile, etc.) et de l'article I du Protocole I (jouissance paisible des biens). Le 2 avril 1992, le Comité des Ministres a adopté la résolution DH (92)12 en ce qui concerne le rapport de la Commission et a rendu public le rapport de 1983. * Voir Van Coufoudakis, Violations des droits de l’homme à Chypre par la Turquie, (Nicosie: Bureau de presse et d’information, République de Chypre, 2008) 49 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 50 • Eglise orthodoxe grecque autocéphale de Chypre c. Goldberg & Feldman Fine Arts Inc., 917 F.2d 278, Cour d’appel des Etats-Unis pour le 7ème circuit, Décision du 24 octobre 1990 Par sa décision, la Cour d’appel fédérale de circuit a confirmé le verdict du 3 août 1989 du tribunal d'arrondissement américain à Indianapolis. L’affaire concernait la propriété des mosaïques du VIème siècle, pillées de l'église de Kanakaria dans la zone occupée de Chypre. Les mosaïques avaient été arrachées par des contrebandiers d'antiquités turcs et vendues à un marchand d'art américain pour la somme de 1,2 millions de dollars. Les mosaïques ont été rendues à leur propriétaire légitime, l'église de Chypre. Cette décision a constitué un précédent important aux Etats-Unis pour la protection des biens culturels. Bien qu'elle ait ratifié les conventions de l'UNESCO de 1954 et de 1970 pour la protection des biens culturels, la Turquie n’a pratiquement rien fait pour arrêter les actes de vandalisme, la destruction et le pillage des biens culturels chypriotes grecs se trouvant dans les zones contrôlées par l'armée turque. • Cour de justice des Communautés européennes - Affaire C-439/92, 5 juillet 1994 La Cour a décrété que seuls les certificats d’importation et les certificats phytosanitaires délivrés par les autorités compétentes de la République de Chypre pouvaient être acceptés par les Etats membres de la Communauté européenne. La décision a déclaré que la République de Chypre était le seul Etat chypriote reconnu par la Communauté européenne. Les certificats d’importation et les certificats phytosanitaires délivrés par les "autorités" chypriotes turques sont exclus parce que "l’entité telle qu’établie dans la partie nord de Chypre…n’est reconnue ni par la Communauté ni par les Etats membres". La Cour de justice a examiné la question à la demande de la Cour Suprême de Grande-Bretagne, après une action introduite au RoyaumeUni par des exportateurs chypriotes d'agrumes et de pommes de terre. La Cour Suprême a demandé une interprétation des dispositions pertinentes de l'Accord d'association CE-Chypre de 1972 et de la directive 77/93/CEE du Conseil. La Cour Suprême de Grande-Bretagne a confirmé la décision de la Cour de justice en novembre 1994. Cette décision importante a reconnu la souveraineté de la République de Chypre sur la totalité de l'île en ce qui concerne ses relations avec la Communauté européenne. 50 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 51 • Loizidou c. Turquie - Cour européenne des droits de l'homme, 18 décembre 1996 et 28 juillet 1998 La Cour européenne des droits de l'homme a constaté que la requérante, Mme Titina Loizidou, citoyenne de la République de Chypre, demeurait la propriétaire de plein droit de sa propriété située dans les zones occupées par l'armée turque. La Cour a rendu trois jugements : sur les objections préliminaires (23 mars 1995) ; sur le fond de l’affaire (18 décembre 1996) et sur la "satisfaction équitable" (28 juillet 1998). Dans une décision faisant jurisprudence, la Cour a considéré la Turquie comme une puissance d'occupation responsable des politiques et des actes des autorités dans les zones occupées. Les "autorités" chypriotes turques ont été décrites comme "l’administration locale subordonnée" de la Turquie. La Turquie a été jugée coupable de violation de l'article I, Protocole I de la Convention par son déni continu à la requérante de l'accès à ses biens et par sa prétendue expropriation sans indemnisation. Le 28 juillet 1998, la Cour a ordonné à la Turquie de verser des indemnités à Mme Loizidou. Le refus de la Turquie de se conformer au jugement a abouti aux résolutions du Conseil des Ministres du Conseil de l'Europe. Ces résolutions ont déploré la non-conformité de la Turquie, rappelé à la Turquie son acceptation de la Convention et de la juridiction obligatoire de la Cour et invité le Conseil à prendre les mesures appropriées pour assurer la conformité. Avec les décisions en suspens sur la candidature de la Turquie à l'UE et sous la menace de sanctions, la Turquie a versé en décembre 2003 la somme de 641 000 livres chypriotes (approximativement 1,5 millions de dollars), à Titina Loizidou. Cependant, la Turquie n’a pris aucune mesure menant à la restitution des biens de Mme Loizidou. • Chypre c. Turquie, Requête no. 25781/94 Cour européenne des droits de l'homme, 10 mai 2001 Il s’agit de la décision ayant la plus grande portée sur les requêtes introduites par le gouvernement de la République de Chypre contre la Turquie. La décision a confirmé les requêtes interétatiques précédentes, introduites par Chypre en vertu de l'ancien article 31 de la Convention (le 10 juillet 1976 et le 4 octobre 1983). Les affaires précédentes avaient documenté différentes violations de la Convention par la Turquie depuis l'invasion de 1974. 51 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 52 Par des votes à la majorité, cette décision a statué: - Que la Turquie violait de façon continue les articles 2,3, et 5 de la Convention par son manquement à réaliser des enquêtes efficaces sur les circonstances et le sort des personnes chypriotes grecques portées disparues. - Que, par son refus de permettre aux personnes déplacées chypriotes grecques de retourner dans leurs foyers, la Turquie violait de façon continue l'article 8 de la Convention. De telles violations continues concernent l'article I, Protocole I (déni d’accès, de contrôle, d’usage, de jouissance des droits de propriété); et l’article 13 (absence de recours effectifs pour les droits de propriété des Chypriotes grecs déplacés). - La Turquie a violé les droits des Chypriotes grecs vivant "dans la partie nord" de Chypre. Il s’agit de violations de l'article 9 (traitement respectueux) ; de l’article 10 (censure des livres scolaires) ; de l’article I, Protocole I (droit à la jouissance pacifique des biens) ; de l’article 2 (aucun équipement approprié pour les écoles secondaires) ; de l’article 3 (discrimination équivalent à un traitement dégradant) ; article 13 (absence de voies de recours). - Violation des droits des Chypriotes turcs dans les zones occupées en vertu de l'article 6 (procès des civils devant des juridictions militaires). En présentant des observations dans l’affaire, la Cour a également confirmé l’affaire Loizidou contre la Turquie (1996 et 1998) ; l'illégalité de la proclamation de la prétendue "RTCN" en 1983 et de sa "constitution" (1985) ; et les décisions précédentes sur les requêtes interétatiques formulées par la République de Chypre (6780/74, 6950/75 et 8007/77). La Cour a déclaré la Turquie responsable de toutes ces violations puisqu'elle exerçait un "contrôle global effectif sur Chypre du nord". La Cour a également affirmé que le gouvernement de la République était l’unique gouvernement légitime de l'île. • Affaire Varnava et autres c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, 10 janvier 2008 Le 10 janvier 2008, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un jugement dans l’affaire Varnava et autres c. Turquie (Requêtes n° 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/90, 16072/90 et 16073/90), par lequel la Turquie a été reconnue 52 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 53 coupable d’avoir violé les droits de neuf Chypriotes grecs disparus et de leurs proches parents. Les neuf étaient des combattants, à l’exception de Savvas Hadjipanteli, dont les restes ont été identifiés. Ils ont tous été vus vivants après leur capture par l'armée turque à Chypre et également en Turquie, où ils avaient été transportés en tant que prisonniers de guerre. Le collège de sept juges de la troisième section de la CEDH avec un seul juge dissident, celui de la Turquie, a déclaré la Turquie responsable de la violation des articles 2, 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans sa décision, la CEDH a souligné que la Turquie était obligée, en vertu des traités internationaux, de respecter les blessés, les prisonniers de guerre et les civils; plus particulièrement, en vertu de la convention européenne des droits de l'homme, elle était tenue de prendre les mesures raisonnables en vue de protéger la vie des personnes n’étant pas engagées dans les hostilités ou celles ne l’étant plus. Le jugement rejette également catégoriquement la position turque selon laquelle les personnes ayant disparu pendant l'invasion turque de 1974 et étant toujours portées disparues, doivent être présumées décédées. En ce qui concerne les proches parents des personnes qui ont disparu alors qu’elles étaient détenues par la Turquie, la CEDH constate qu’ils "ont sans doute souffert de l'incertitude et de l'anxiété les plus pénibles et en outre leur souffrance morale ne s’est pas estompée avec le temps". • Affaire Apostolides c. Orams, (Affaire n° A2/2006/2114) Cour d’appel britannique (Chambre civile), 19 janvier 2010 La Cour d’appel britannique a décrété qu’il convenait d’exécuter un jugement rendu par un tribunal chypriote, à propos de revendications relatives à des biens immobiliers appartenant à un Chypriote grec dans les zones de Chypre occupées par la Turquie. La décision a fait suite à un appel formulé par le couple Orams devant la Court d’appel britannique contre un jugement d’un tribunal chypriote ordonnant aux Orams de verser des dommages et intérêts à M. Apotolides, de démolir la maison de vacances qu’ils avaient érigée sur son terrain dans le village de Lapithos occupé par la Turquie, de cesser toute intervention dans la propriété en question et de la remettre à son propriétaire légitime. Meletis Apostolides avait traduit le couple Orams devant le tribunal, faisant valoir ses droits de propriété dans la zone occupée où les Orams avaient illégalement érigé une maison de vacances. 53 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 54 • Jugement de la Cour européenne des Droits de l’Homme sur la requête de ‘’Demopoulos c. Turquie et 7 autres affaires, 5 mars 2010 La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu son jugement sur l’affaire ‘’Demopoulos c. Turquie et 7 autres affaires’’ décrétant que la prétendue commission des biens immobiliers (CBI), instituée dans les zones de Chypre occupées par la Turquie, constitue un recours interne efficace. Le jugement précise que la CBI constitue un recours interne du gouvernement turc et non pas du régime illégal dans la partie occupée de Chypre. Selon la décision de la Cour, les Chypriotes grecs devront tout d’abord s’adresser à la CBI avant de recourir à la CEDH. Le porte-parole du Gouvernement a déclaré que le jugement sera respecté mais qu’il représente une évolution négative, soulignant que la Cour ne peut pas renvoyer des propriétaires de biens immobiliers à des voies de recours étant essentiellement le produit d’une illégalité, s’ils veulent demander la restitution de leur droit à leurs biens se trouvant sous occupation militaire turque. 3. Conséquences de l´invasion et de l´occupation turques: Faits et Chiffres • Plus d’un tiers (36,2%) du territoire souverain de la République de Chypre reste occupé par la Turquie. • Près de 200 000 Chypriotes grecs - environ un tiers de la population totale de l’époque - ont été expulsés de force de la partie nord de l'île occupée, où ils constituaient environ 70% de la population, et sont toujours privés du droit de retourner dans leurs foyers et propriétés. Les Chypriotes turcs vivant dans les zones libres ont été forcés par leurs dirigeants de se déplacer vers les zones occupées. • Quelque 1400 personnes (dont plusieurs centaines de civils) sont toujours portées disparues, mais la partie turque refuse de coopérer pleinement afin de déterminer leur sort. • Moins de 500 Chypriotes grecs et maronites enclavés dans leurs villages dans les zones occupées vivent toujours sous l'oppression, la 54 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 55 privation et l’intimidation. (A la fin de 1974, il y avait 20 000 enclavés, la plupart d’entre eux ont été forcés, par le régime illégal, d'abandonner leurs foyers et devenir des réfugiés). • Une force de plus de 43 000 soldats, soutenue par la force aérienne et marine turque, stationne toujours dans les régions occupées de Chypre. • Plus de 160 000 colons venus de Turquie ont illégalement colonisé les zones occupées de Chypre, dans le cadre de la politique turque de modifier la structure démographique de l'île. • Plus de 57 000 Chypriotes turcs sur un total de 116 000 ont émigré depuis l'invasion, selon des sources Chypriotes turques, en raison de la situation économique, sociale et morale prévalant dans les zones occupées. • Il y a eu une usurpation, un détournement et une exploitation systématiques des propriétés situées dans les zones occupées et appartenant aux Chypriotes grecs déplacés de force par l'invasion turque en 1974. • La Turquie et le régime d’occupation illégal ont systématiquement détruit, dans les régions occupées, le patrimoine culturel et historique de 11 000 ans. Quelques exemples : § Les fouilles et la contrebande illégales d’antiquités ont lieu ouvertement et toujours avec la participation, ou du moins l’acquiescement, des forces d'occupation; § D’innombrables icônes, objets de culte et trésors archéologiques ont été volés et exportés illégalement à l'étranger; § Les cimetières d'au moins 25 villages ont été profanés et détruits; § Des centaines d’églises et de monastères ont été pillés. Parmi ceux-ci: – 125 ont été transformés en mosquées, une vieille tradition ottomane, dans les territoires occupés; – 67 ont été transformés en écuries ou en entrepôts de foin; – 57 sont devenus des musées, des centres culturels et des hôtels; – 17 sont devenus des auberges, des restaurants ou des entrepôts militaires; – 25 ont été démolis; – 229 ont été entièrement profanés. 55 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 56 CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS CLES L’histoire de Chypre remonte au 11e millénaire av. J.-C. 2e et 1er millénaire av. J.-C. Les Grecs mycéniens et achéens s’installent à Chypre, apportant la culture grecque sur l’île. 30 av. J.-C. – 330 apr. J.-C. Chypre est une province de l’Empire romain. 330 – 1191 Chypre est une province de l’Empire byzantin. 1191 – 1571 Chypre sous la domination des Croisés, de l’Ordre des Templiers, des Lusignan (1192-1489) et des Vénitiens (1489-1571). 1571-1878 Chypre sous la domination ottomane. 1878 Chypre est louée à la Grande-Bretagne par l’Empire ottoman. 1914 Annexion de Chypre par la Grande-Bretagne suite à l’entrée en guerre de la Turquie aux côtés de l’Allemagne durant la 1ère GM. 1923 Aux termes du Traité de Lausanne, la Turquie renonce à toute revendication sur Chypre. 1925 Chypre est proclamée colonie de la couronne britannique. 1931 Premier soulèvement chypriote grec contre la domination britannique. 1950 Makarios III est élu archevêque de Chypre. 1954 La Grèce soulève la question de l’autodétermination de Chypre à l’Assemblée générale de l’ONU. 1955-1959 Lutte armée anticoloniale menée par les Chypriotes grecs. 1959 Chypre obtient son indépendance en vertu des accords négociés à Zurich et à Londres par la Grèce, la Turquie et la Grande-Bretagne. 1960 - 16 août Proclamation de la République de Chypre. 1963 - 30 novembre Le président Makarios propose des amendements constitutionnels visant à «supprimer les obstacles au fonctionnement régulier et au développement de l’Etat» qui sont rejetés par la Turquie et les dirigeants chypriotes turcs. 1964 - 4 mars Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 186 dont les dispositions fondamentales ont guidé depuis les actes internationaux concernant Chypre (missions de 56 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 57 - Mars - mai - Août 1965 - 26 mars 1967 1968 1972 1974 - 15 juillet - 20 juillet - 20 juillet - 23 juillet - 14 août - 1er novembre bons offices du Secrétaire général de l’ONU; création de la force de maintien de la paix de l’ONU à Chypre; réaffirmation de l’indépendance, de la souveraineté et de l’existence de la République de Chypre et du gouvernement chypriote). Arrivée de la force de maintien de la paix de l’ONU (UNFICYP) à Chypre. La Turquie lance des attaques aériennes contre Chypre tandis que le président américain conseille à Ankara de ne pas envahir l’île. Le Médiateur de l’ONU Galo Plaza, dans un rapport au Conseil de sécurité, rejette la position turque en faveur d’une séparation géographique des communautés chypriotes. – La junte militaire prend le pouvoir en Grèce. – Des conflits intercommautaires éclatent à Chypre et la Turquie se prépare à envahir Chypre: la crise est dissipée après la médiation des Etats-Unis. Début des négociations sous l’égide de l’ONU entre les communautés chypriotes grecque et turque. Accord d’association Chypre – CEE. Coup d’Etat contre le gouvernement de la République de Chypre fomenté par la junte militaire en Grèce. La Turquie lance la première phase de l’invasion de Chypre avec d’importantes forces maritimes et aériennes. Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 353 qui «exige la fin immédiate de l’intervention militaire étrangère dans la République de Chypre». Le régime du Coup d’Etat s’effondre et l’ordre constitutionnel est rétabli à Chypre. La Turquie lance la deuxième phase de l’invasion militaire de Chypre et occupe 36,2% de son territoire. La résolution unanime 3212 de l’Assemblée générale de l’ONU (y compris la voix de la Turquie) demande le retrait des forces étrangères de Chypre, le respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République, l’arrêt de l’ingérence dans ses affaires internes et le retour des réfugiés dans leurs foyers dans des conditions de sécurité. 57 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 58 1977 - 12 février - 3 août 1983 - 15 novembre - 18 novembre 1987 1990 - 4 juillet 1992 - 2 avril - 27 avril 1996 - 18 décembre 1998 - 31 mars 1999 - 11 décembre 2001 - 10 mai Accord en quatre points sur un règlement chypriote conclu entre le président Makarios et le dirigeant chypriote turc Rauf Denktash. Mort du président Makarios, à qui succède M. Spyros Kyprianou. «Déclaration unilatérale d’indépendance» («DUI») par les dirigeants chypriotes turcs en vue de fonder la «République turque de Chypre du Nord» («RTCN») dans les territoires de Chypre occupés par la Turquie. Le Conseil de sécurité de l’ONU condamne la «DUI», la qualifie de juridiquement invalide, demande son retrait et appelle tous les Etats à ne pas la reconnaître et à respecter l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République de Chypre (Résolution 541/83). Protocole d’union douanière Chypre – CE. Chypre fait acte de candidature pour adhérer à la CEE. Le Conseil de l’Europe publie le rapport du 4 octobre 1983 de la Commission européenne des Droits de l’Homme condamnant la Turquie pour violations massives des droits de l’homme à Chypre. Le rapport du Rapporteur du Conseil de l’Europe Alfons Cuco sur la structure démographique des communautés chypriotes confirme la colonisation importante de la région occupée par des colons illégaux venus de Turquie. La Cour européenne des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe – à la suite d’une requête contre la Turquie introduite par une Chypriote grecque, Titina Loizidou, pour violation de son droit d’accès à ses biens dans la ville de Kyrénia, occupée par la Turquie – déclare que la Turquie est responsable de la violation des droits de l’homme dans la partie de Chypre occupée par la Turquie. Début des négociations d’adhésion entre Chypre et l’UE. Les conclusions de la présidence du Conseil européen d’Helsinki soulignent que le règlement préalable de la question chypriote n’est pas une condition requise pour l’adhésion de Chypre à l’UE.. La Cour européenne des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe déclare la Turquie coupable de violations massives des droits de l’homme dans les régions de la République qu’elle occupe depuis 1974. 58 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 59 2002 - 11 novembre - 13 décembre 2003 - 16 avril - 23 avril 2004 - 24 avril - 1er mai 2006 - 8 juillet 2008 - 1er janvier - 28 février - 3 septembre 2009 - 28 avril 2010 - 31 janvier 2010 - 10 février Le Secrétaire générale de l’ONU, Kofi Annan, soumet un plan pour un règlement global du problème chypriote. Le Conseil européen décide à Copenhague d’admettre Chypre comme membre de l’Union européenne le 1er mai 2004. Chypre signe le Traité d’Adhésion à l’UE à Athènes. Le régime d’occupation turc annonce la levée partielle des restrictions qu’il avait imposées depuis 1974 à la libre circulation des personnes à travers la ligne de cessez-lefeu de l’ONU. Les communautés chypriotes grecque et turque votent sur le Plan Annan V : 75,83 % des Chypriotes grecs votent «Non» au plan tandis que 24,17% votent «Oui»; 64,91% des Chypriotes turcs votent en faveur du plan tandis que 35,09% votent contre. Le Plan Annan échoue et est rendu nul et non avenu. La République de Chypre adhère à l’Union européenne. Le président de Chypre et le dirigeant chypriote turc se mettent d’accord sur un ensemble de principes (L’Accord du 8 juillet) destiné à guider le processus de paix sur Chypre. Chypre adopte l’euro comme monnaie officielle. Dans son discours d’investiture, le nouveau président de Chypre, Demetris Christofias, s’engage à prendre d’importantes initiatives en vue de réactiver le processus de paix bloqué. Le président de Chypre et le dirigeant chypriote turc lancent des négociations directes sur la question chypriote. La Cour de Justice des Communautés européennes décrète qu’un jugement rendu par un tribunal de la République de Chypre doit être reconnu et appliqué par les autres Etats de l’UE, même s’il concerne des terres situées dans les zones de Chypre occupées par la Turquie. Le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon arrive à Chypre pour une visite de trois jours afin d’exprimer son soutien aux négociations. Le Parlement européen adopte une résolution sur le Rapport 2009 sur les progrès accomplis par la Turquie 59 CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 60 - 5 mars - 26 mai invitant, entre autres, la Turquie à favoriser un climat propice aux négociations en retirant immédiatement ses troupes de Chypre. La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) décrète que la prétendue commission des biens immobiliers (CBI), instituée dans les zones de Chypre occupées par la Turquie constitue un recours interne efficace du gouvernement turc et non pas du régime illégal dans la partie occupée de Chypre. Les négociations intercommunautaires directes reprennent entre le Président Christofias et M. Dervish Eroglu, qui a succédé à M. Talat en tant que dirigeant de la communauté chypriote turque en avril. 60