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QUESTION
CHYPRIOTE
LA
Brève Introduction
Tr o i s i è m e E d i t i o n
2010
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Supervision éditoriale: Miltos Miltiadou
Mises à jour de la troisième édition: Miltos Miltiadou, Polly Lyssiotis
Texte original: Van Coufoudakis, Miltos Miltiadou
Assistante de recherche: Angeliki Nicolaidou
Traduction en français: Dominique Tsouris
Imprimé par: Konos Ltd
P.I.O. 298/2010 - 3.000
ISBN 978-9963-38-771-7
Publié par le Bureau de Presse et d’Information, République de Chypre
Toute vente ou autre exploitation commerciale de cette publication ou
d’une partie de celle-ci est strictement interdite.
La reproduction d’extraits est autorisée sous réserve de faire référence à
la publication comme source de matériel utilisé.
Les publications du Bureau de Presse et d’Information sont distribuées
gratuitement.
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TABLE DES MATIERES
PREFACE ...................................................................................................... 7
INTRODUCTION ........................................................................................... 9
APERCU POLITIQUE ................................................................................... 12
Recherche d’une solution négociée ........................................................... 12
Questions en discussion depuis 1974 ...................................................... 13
Négociations de l’ONU, 2002-2004 ........................................................... 15
Les référendums du 24 avril 2004 – La décision du peuple ..................... 17
Le prétendu isolement des Chypriotes turcs ............................................. 20
Relance du processus de paix – 2005-2006 ............................................. 22
L’accord du 8 juillet 2006 .......................................................................... 24
Les nouvelles initiatives en 2008 produisent des résultats ........................ 26
Négociations directes à part entière .......................................................... 29
Chypre et l’Union européenne ................................................................... 33
Conclusion ................................................................................................. 36
HISTORIQUE ................................................................................................ 37
De l’indépendance à l’invasion turque, I960 - 1974 .................................. 37
L’invasion turque de 1974 et ses conséquences ....................................... 41
CARTES ....................................................................................................... 44
ANNEXES ..................................................................................................... 47
1. Initiatives politiques en faveur des Chypriotes turcs ............................. 47
2. Importantes décisions judiciaires sur la question chypriote .................. 49
3. Conséquences de l’invasion et de l’occupation turques:
Faits et chiffres ...................................................................................... 54
CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS CLES .............................................. 56
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Président Demetris Christofias
Assemblée générale de l’ONU (24 septembre 2008)
…
Dès les premiers jours de son indépendance, Chypre a été forcée de faire appel au soutien
de la communauté internationale afin de défendre et de sauvegarder son indépendance, sa
souveraineté et son intégrité territoriale. Elle est devenue la victime d’interventions étrangères
qui ont semé les germes de problèmes intérieurs pour le nouvel Etat. Ces difficultés,
exploitées pour servir des intérêts stratégiques étrangers à notre indépendance et à notre
intégrité territoriale, ont abouti au coup d'Etat militaire fomenté par la junte militaire d'Athènes
et l'invasion militaire turque de juillet-août 1974.
Néanmoins, Chypre a survécu. La volonté de la communauté internationale de voir Chypre
survivre se retrouve dans la pléthore de résolutions du Conseil de Sécurité et de l'Assemblée
générale, dont la plupart n'ont malheureusement pas été appliquées. Mais, forte du soutien
moral et de l'attitude résolue, Chypre a pu rester et continuera de rester un pays non divisé
et indépendant, doté d'une souveraineté, d'une citoyenneté et d'une personnalité
internationale uniques.
En outre, les résolutions des Nations unies sur Chypre contiennent deux autres éléments.
Elles prévoient un processus de négociations sous la forme d'une mission de bons offices du
Secrétaire général et – ce qui est le plus important – elles définissent le cadre juridicopolitique sur lequel se fonderont les discussions pour l'architecture fédérale de l'Etat
chypriote. Ces deux éléments sont cruciaux et notre succès, dans le nouvel effort qui
commence à présent, dépendra – j'en suis fermement convaincu – du respect de ces
conditions essentielles.
…
Il importe de se rappeler qu'une fédération bizonale et bicommunautaire a été la seule base
mutuellement convenue [pour une solution] datant de 1977 et réaffirmée il y a à peine
quelques semaines. Elle représente un compromis et, en réalité, le seul compromis possible
sur lequel pourra se construire un arrangement politique. Les résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité aussi bien que la Constitution de Chypre excluent la partition, la sécession
ou l'union avec un autre pays.
…
Le 3 septembre, un nouvel effort intensif a été entrepris en vue de surmonter les impasses du
passé et de réaliser des progrès menant à la réunification de Chypre selon des modalités
convenues d'un commun accord et au retrait des troupes étrangères après 34 ans de division
et d'occupation étrangère. Le succès de cet effort exige une volonté politique de la part des
Chypriotes, mais également l'engagement positif d'autres protagonistes importants qui, pour
des raisons historiques, font partie du problème et doivent faire partie de la solution.
Pour ma part, je tiens à vous assurer de ce podium que ma volonté politique de faire tout le
nécessaire afin de résoudre le problème est ferme et profondément enracinée.
…
Le rôle des Chypriotes est de se mettre d'accord sur ce qu'ils veulent. C'est ce que nous
devons nous efforcer de réaliser avec le dirigeant de la communauté chypriote turque… Mais
cela ne saurait suffire pour parvenir à une solution. La Turquie devrait contribuer au processus
d’une manière positive. La Turquie maintient toujours plus de 40 000 soldats et des dizaines
de milliers de colons à Chypre et peut, sans nul doute, déterminer l'issue des questions en
discussion.
…
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"Nous sommes tous prisonniers du savoir. Savoir comment Chypre a été
trahie et avoir étudié le dossier de cette trahison, c’est se rendre
malheureux et gâcher, pour toujours peut-être, le plaisir ressenti en visitant
l’une des îles les plus enchanteresses au monde. Rien ne rétablira jamais
les trésors pillés, les familles endeuillées, les villages saccagés et les
bocages et collines brûlés au napalm. Et rien non plus n’atténuera le
dossier des hommes politiques insensibles et cruels qui ont considéré
Chypre comme quelque chose sur lequel ils pourraient griffonner leurs
desseins ineptes et vaniteux. Mais le fatalisme serait la pire des trahisons.
L’acceptation, la légitimation de ce qui a été commis – ces actes sont à
répudier. La valeur d’un tel refus ne vaut pas uniquement pour Chypre, en
montrant que l’acquiescement à l’injustice ne saurait être qualifié de
'réalisme'. Lorsque l’injustice a été consignée et décrite, et appelée par son
vrai nom, l’acquiescement en soi devient impossible. C’est pour cette
raison qu’écrire sur Chypre nous remplit de chagrin mais – bien plus
encore – de colère".
Christopher Hitchens, Hostage to History: Cyprus from the Ottomans
to Kissinger (London and New York: Verso, 1997).
"La séparation politico-démographique de fait, imposée à Chypre depuis
1974, menace ainsi non seulement l’unité et l’intégrité d’un Etat-nation
moderne, mais aussi l’intégrité culturelle millénaire et la continuité de l’île
qui a été le carrefour de la civilisation de la Méditerranée orientale".
Michael Jansen, “Chypre: La Perte d’un patrimoine culturel”,
Annuaire d’études grecques modernes, 2 (1986): 314-323.
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PREFACE
En juillet 1974, la Turquie a envahi la République de Chypre en violation
de la Charte de l’ONU et des principes fondamentaux du droit
international. Les conséquences de l’invasion militaire et de l’occupation
consécutive de presque quarante pour cent du territoire souverain de la
République se font encore ressentir de nos jours. L’agression turque se
poursuit avec la même intensité depuis plus de trois décennies. Elle s’est
accompagnée de l’occupation militaire, de la division forcée, du
déplacement de la population, de la ségrégation ethnique, de la violation
massive des droits de l’homme, de la colonisation, de la tentative de
sécession, de la destruction culturelle et de l’usurpation de biens. Ce
conditions, imposées par la Turquie, constituent une situation
inacceptable qui persiste dans l’île depuis 1974.
Dans son discours d'investiture du 28 février 2008, le président Demetris
Christofias a souligné que: «Le problème n'a pas été résolu en raison du
refus de la Turquie d'accepter une solution qui serait au bénéfice de tout
le peuple de Chypre». Le président Christofias a poursuivi: «le temps est
venu de résoudre le problème d'une façon juste, viable et fonctionnelle et
de rétablir les principes du droit international, principes que la Turquie
viole par l'invasion qu'elle a perpétrée en 1974 et par l'occupation d'une
grande partie de notre patrie».
A présent, la Turquie, candidate à l'adhésion à l'Union européenne,
demeure coupable d'agression contre Chypre, un Etat-membre de l'Union.
La communauté internationale se doit de mettre fin au statu quo de
l'occupation militaire étrangère et de la division forcée d'un Etat souverain
indépendant.
Cette brochure informative, mise à jour pour la présente édition, est
destinée à présenter au lecteur les aspects fondamentaux d'une question
internationale majeure, la question chypriote ou le problème chypriote,
comme on la dénomme communément, ainsi que les perspectives d'un
règlement viable en accord avec les normes européennes et la primauté
du droit. Il s’agit d’un bref guide à un conflit prolongé, apparemment
difficile à résoudre, apportant des informations sur l’historique du
problème afin d’aider à placer la situation actuelle et les nouveaux
développements dans une perspective historique appropriée.
La phase la plus récente du problème chypriote, tel qu'il a évolué depuis
1974, est traitée dans la première section, ''Aperçu politique'', tandis que
''l'Historique'' de la question est abordé dans la section suivante de la
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brochure. Les annexes et la chronologie des événements clés qui suivent
apportent des renseignements utiles concernant le texte principal.
Il importe de se rappeler que, tout au long du texte, les termes
''Chypriotes turcs'' et ''communauté chypriote turque'' se réfèrent
spécifiquement et exclusivement aux citoyens chypriotes turcs légitimes,
indigènes et natifs de la République de Chypre qui sont d'origine ethnique
turque. Ces termes ne se réfèrent pas aux dizaines de milliers de colons
illégaux importés de Turquie dans la partie occupée de Chypre après 1974
et les excluent résolument.
L’afflux de ces colons, entrés et demeurant illégalement dans l’île, fait
partie de l’effort systématique déployé par Ankara en vue de changer la
structure démographique de la république.
Il est possible de trouver plus d’informations sur les diverses dimensions
de la question sur le site web www.moi.gov.cy/pio et dans de
nombreuses publications du Bureau de Presse et d’Information (PIO).
C’est un site commode et complet où figurent les développements actuels,
la documentation de base et les liens utiles vers de nombreuses autres
sources pertinentes. Le lecteur est vivement invité à explorer cette
ressource précieuse en vue d’approfondir les questions discutées dans
cette brochure.
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INTRODUCTION
Chypre est devenue une République indépendante le 16 août 1960.
Malheureusement, depuis l’invasion de 1974 et l’occupation militaire par la
Turquie, qui continue jusqu’à ce jour, la République insulaire reste divisée
par la force. L’invasion, l’occupation et la division forcée ont entraîné des
conséquences tragiques, à savoir des violations des droits de l’homme, la
colonisation massive des régions sous occupation, l’usurpation de biens,
la destruction de l’héritage culturel et la séparation ethnique.
La question chypriote n’est toujours pas résolue et demeure un affront à
l’ordre juridique international et une menace à la stabilité de la région. Les
actes de la Turquie ont été condamnés par des résolutions du Conseil de
sécurité de l’ONU adoptées à l’unanimité, des résolutions de l’Assemblée
générale de l’ONU*, des décisions de tribunaux internationaux, et des
décisions d’autres organismes internationaux et régionaux importants. A
notre grand regret, la plupart de ces résolutions et décisions n’ont jamais
été appliquées. En conséquence, la République de Chypre reste, depuis
la fin de la Guerre froide, le seul pays d’Europe divisé par la force en
raison de l’occupation militaire étrangère.
Le 1er mai 2004, la République de Chypre est devenue membre de
l’Union européenne sans réaliser le but désiré de l’adhésion en tant que
pays unifié. Le gouvernement et le peuple de Chypre restent, cependant,
engagés à parvenir à un règlement viable qui permette la réunification
véritable, pacifique et en toute sécurité de leur pays, conformément aux
normes européennes. Alors seulement, tous les Chypriotes pourront
bénéficier des avantages de l’adhésion à l’UE.
Le 24 avril 2004, la communauté chypriote grecque a massivement rejeté
une proposition soumise par le Secrétaire général des Nations unies pour
le règlement du problème parce qu’elle ne prévoyait pas de réunification
véritable de Chypre, de sa société, de son économie et de ses institutions.
Cependant, le gouvernement et la communauté chypriote grecque restent
fortement engagés à soutenir la mission de bons offices du Secrétaire
général sur Chypre et à œuvrer en faveur d’un processus de paix durable
qui facilitera un règlement global du problème par les deux communautés
elles-mêmes.
* Cf. Ministère des Affaires étrangères de la République de Chypre, Résolutions du Conseil
de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies sur Chypre 1960-2006 (Nicosie:
Bureau de Presse et d’Information, République de Chypre 2006).
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Le président Christofias a réitéré cet engagement dans son discours
d’investiture et a exposé les grandes lignes des paramètres de la solution
qu’il envisage en déclarant que :
«Le règlement du problème chypriote sera la première des priorités
de mon gouvernement. L´objectif de notre présidence est de parvenir
à un règlement équitable, viable et fonctionnel qui mettra fin à
l´occupation et à la colonisation de notre pays. Un règlement qui
rétablira la souveraineté, l´indépendance, l´intégrité territoriale et
l´unité de la République de Chypre et exclura tout droit d´intervention
militaire et d´ingérence étrangère dans les affaires internes du pays.
Un règlement qui réunifiera le territoire, le peuple, les institutions et
l´économie de notre pays dans le cadre d´une fédération bizonale et
bicommunautaire.
La République de Chypre fédérale, bizonale et bicommunautaire doit
être dotée d´une seule souveraineté, d´une seule personnalité
internationale et d´une seule citoyenneté. Le règlement doit être
conforme aux résolutions des Nations unies sur Chypre et
compatible avec le droit international et communautaire ainsi qu´avec
les conventions internationales des droits de l´homme.
Nous demandons que la solution rétablisse et sauvegarde les droits
de l´homme et les libertés fondamentales de tout le peuple de
Chypre, des Chypriotes grecs, des Chypriotes turcs, des Maronites,
des Arméniens et des Latins, y compris le droit au retour et le droit à
la propriété pour tous les réfugiés.
Nous demandons que la solution prévoie le retrait des troupes
d´occupation turques et la démilitarisation de la République de
Chypre. Notre but ultime demeure la démilitarisation de toute l´île.
Nous soutenons systématiquement l’égalité politique des deux
communautés dans le cadre d’une fédération, telle que définie dans
les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU».
Le Président a fermement précisé, à de nombreuses reprises, que le
règlement recherché prévoirait une évolution de la République unitaire de
Chypre en une république fédérale. Le 19 juin 2008, il a déclaré :
«Je rejette catégoriquement certaines idées promues par la Turquie
et d’autres en faveur d’une prétendue «naissance virginale» ou d’un
«nouvel Etat de partenariat». L’adhésion de Chypre à l’UE est une
raison supplémentaire, alors qu’il y en a bien d’autres, pour laquelle
il ne peut pas y avoir de naissance virginale ou de nouveau
partenariat entre deux Etats. Ce que nous pouvons envisager avec
réalisme, c’est la continuation de la République de Chypre, qui
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évoluera en un Etat fédéral s’inscrivant dans le cadre convenu d’une
fédération bizonale et bicommunautaire».
Après avoir pris une série d’initiatives, le président Christofias a eu
plusieurs entretiens avec le dirigeant de la communauté chypriote turque,
M. Mehmet Ali Talat, entre mars et juin 2008. Ces réunions ont permis de
déterminer la base d’un règlement. Lors de leur quatrième rencontre, le 25
juillet 2008, il a été décidé que des négociations directes à part entière
entre les deux dirigeants, sous les auspices des Nations unies,
commenceraient le 3 septembre dans un effort en vue de parvenir à un
règlement global de la question chypriote.
Les négociations officielles furent lancées à Nicosie par une rencontre
entre le président Christofias et le dirigeant chypriote turc, M. Talat, en
présence du Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU pour
Chypre, M. Alexander Downer, et du Représentant spécial du Secrétaire
général de l’ONU à Chypre, M. Tayé-Brook Zerihoun. Dans son message
sur le lancement des pourparlers, le Secrétaire général de l’ONU a
déclaré que : «Les Nations unies soutiennent et encouragent les deux
parties au moment où ils prennent cette mesure historique ensemble, afin
de parvenir à un règlement négocié destiné à réunifier l’île au profit de tout
le peuple de Chypre». Il a également assuré que les Nations unies
apporteraient un «soutien inébranlable» au processus.
Le président Christofias avait auparavant expliqué que :
«Les principaux protagonistes dans le processus en cours sont les
dirigeants des deux communautés. Le processus s’inscrit dans le
cadre des Nations unies, où le Secrétaire général de l’ONU et ses
collaborateurs jouent un rôle d’assistance. Sans oublier les
expériences tragiques que nous avons vécues en 2004 – avec le
processus de délais serrés et d’arbitrage – nous avons indiqué de
manière claire à la communauté internationale que les dirigeants des
deux communautés continueraient d’être les principaux
interlocuteurs dans le dialogue. De la sorte, nous éviterons de
répéter les erreurs du passé récent. Nous recherchons un règlement
par les Chypriotes pour les Chypriotes, et c’est ce que comprend
également la communauté internationale». Le président a réitéré sa
position dans son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, le 24
septembre 2008, où il a déclaré que : «Les Chypriotes doivent
construire eux-mêmes l’Etat qu’ils envisagent pour leur société. Le
rôle du Secrétaire général et de la communauté internationale est
d’aider et de soutenir». «Le peuple de Chypre rejettera», a-t-il
affirmé, «toute tentative d’imposer ou d’importer des modèles de
règlement inspirés ou improvisés par des non-Chypriotes».
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APERCU POLITIQUE
Recherche d’une solution négociée
A la suite de l’invasion de Chypre par la Turquie en 1974, la partie turque
a demandé une solution gardant les deux communautés séparées, en tant
que deux Etats souverains séparés ou deux Etats séparés sous une
confédération souple.
Les deux communautés sont convenues en 1977 et 1979 de réunir Chypre
en une république bicommunautaire et fédérale, dont les paramètres
avaient évolué au fil des ans. Pour les Chypriotes grecs, qui avaient
fortement préconisé le concept d’un Etat unitaire, l’acceptation d’une
fédération bizonale et bicommunautaire constituait l’ultime concession et
un compromis historique dans leur effort en vue de mettre fin à
l’occupation militaire turque et de parvenir à la réunification de Chypre.
Comme l’a souligné le président Christofias dans sa déclaration
d’ouverture des négociations officielles, le 3 septembre 2008, «une
solution fondée sur une fédération bizonale et bicommunautaire avait été
une concession majeure de la part du président Makarios en 1977, et il
convient de reconnaître le mérite de cette concession. J’aimerais être clair
dès le début des présentes négociations : avec cette concession, la partie
chypriote grecque a épuisé ses limites et ne peut pas aller plus loin. Elle
ne peut accepter ni une confédération, ni un nouveau partenariat de deux
Etats par la «naissance virginale». La solution fédérale sera un partenariat
de deux communautés».
Le processus de paix engagé sous l’égide de l’ONU cherche depuis 1977
à définir le cadre d’une telle solution fédérale. Les négociations ont tenté
de concilier les intérêts et les préoccupations des deux parties sous un
seul gouvernement central. Les questions de définition des objectifs et
des façons de mettre en œuvre un règlement fédéral global sont devenues
des problèmes sérieux en raison principalement de l’intransigeance de la
Turquie, la puissance occupante, qui détient la clé d’un règlement final et
devrait faire l’objet de pressions l’incitant à adopter une attitude
constructive à l’égard de l’effort de paix.
La résolution 367 du Conseil de sécurité de l’ONU, en date du 12 mars
1975, a réactivé la mission de bons offices du Secrétaire général de
l’ONU, interrompue en 1974. Depuis lors, des négociations intermittentes
se sont déroulées sous les auspices de l’ONU. Il y a eu des rencontres de
haut niveau entre les présidents successifs de la République de Chypre et
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les dirigeants chypriotes turcs, des pourparlers de proximité, des
propositions de mesures de confiance et divers plans de l’ONU et
d’émissaires étrangers. Toutes ces actions n’ont pas permis de résoudre
le problème chypriote pour un certain nombre de raisons, y compris:
•
La non-application des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU
•
La prévalence de considérations stratégiques, économiques et
politiques de tierces parties sur une solution viable et fonctionnelle
répondant aux préoccupations de l’Etat de Chypre et de tous les
Chypriotes
•
Les politiques intransigeantes des gouvernements successifs en
Turquie, prétendant que le problème chypriote a été « résolu » en 1974
•
Les conditions politiques subsistant dans la communauté chypriote
turque et l’insistance, de la part des dirigeants tucs, sur la
reconnaissance de la prétendue «RTNC»
•
Le fait que toutes les concessions majeures dans le processus de paix
proviennent de la partie chypriote grecque
•
Le mépris du droit international, du droit européen et des décisions de
tribunaux régionaux et nationaux faisant jurisprudence dans les
«solutions» proposées au problème de Chypre.
L’absence de progrès dans la mission de bons offices du Secrétaire
général a incité les dirigeants du G-8 à inviter les parties, le 20 juin 1999,
à entamer des négociations sur toutes les questions, sans conditions
préalables, et à s’engager à négocier jusqu’à l’obtention d’un règlement
respectant pleinement les résolutions et les traités pertinents de l’ONU.
Cette formule a également été reprise par la résolution 1250 du Conseil
de Sécurité du 29 juin 1999. Après avoir passé par différents stades, ce
processus a abouti à la proposition connue en tant que «Plan Annan» qui
a été soumise aux parties tout d’abord en novembre 2002 et, par la suite,
dans sa forme finale («Annan V») en mars 2004.
Questions en discussion depuis 1974
Le problème chypriote est, depuis 1974, un problème d’invasion militaire
et d’occupation continue, en violation des résolutions pertinentes du
Conseil de Sécurité de l’ONU adoptées à l’unanimité. Les négociations
avaient pour but, notamment après le 16 janvier 2002, l’obtention d’une
solution globale pour la réunification de Chypre. Tout au long de ce
processus, le gouvernement de Chypre et les dirigeants chypriotes grecs
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ont recherché une solution reflétant les normes démocratiques, les
résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, le droit international, le droit
de l’Union européenne et les décisions judiciaires pertinentes. Les
questions spécifiques en discussion comprennent:
•
La mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et
des accords de haut niveau préconisant une fédération bizonale et
bicommunautaire
•
Une nouvelle formule de partage des pouvoirs sous un gouvernement
fédéral doté de pouvoirs adéquats pour une gouvernance efficace,
pour la sauvegarde de l’unité de la République, et pour répondre à ses
obligations internationales et communautaires
•
La continuation d’une République dotée d’une souveraineté, d’une
personnalité internationale et d’une citoyenneté uniques
•
Des garanties assurant l’indépendance et l’intégrité territoriale de la
République et l’exclusion d’une union totale ou partielle avec tout autre
pays ou de toute forme de partition ou de sécession
•
L’égalité politique entre les communautés chypriotes grecque et
turque, telle que définie dans les résolutions pertinentes du Conseil de
sécurité
•
Des garanties contre les ingérences étrangères et le droit unilatéral
d’intervention par un pays tiers
•
Le retrait des forces étrangères au titre des résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU
•
Le retour des personnes déplacées et un système de restitution des
biens conformément à la Convention européenne et aux décisions
judiciaires
•
Le droit d’acquérir des biens et de résider n’importe où à Chypre, sans
quotas restrictifs fondés sur des critères ethniques ou religieux
•
Le plein respect des droits de l’homme de tous les Chypriotes au titre
de la Convention européenne
•
Le rapatriement en Turquie des colons illégaux, à l’exception d’un
nombre restreint en vertu de considérations spéciales d’ordre
humanitaire
•
La compatibilité de tout règlement avec les obligations et les droits de
la République de Chypre au sein de l’UE
•
La démilitarisation complète de l’Etat chypriote.
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Négociations de l’ONU, 2002-2004
Cette période marque l’effort le plus soutenu, sous la mission de bons
offices du Secrétaire général de l’ONU, pour un règlement global du
problème chypriote. Tous les efforts déployés précédemment, en
particulier ceux de 1999-2000, avaient abouti à une impasse en raison de
la demande chypriote turque, soutenue par la Turquie, de reconnaissance
de leur “Etat” illégal dans les régions de la République occupées par la
Turquie.
Les pourparlers directs entre le président Glafcos Clérides et le dirigeant
chypriote turc Rauf Denktash, qui avaient commencé le 16 janvier 2002,
n’ont pas réussi à réaliser des progrès substantiels. Dans une tentative en
vue de parvenir à un accord avant le sommet de l’UE de Copenhague, les
12-13 décembre 2002, qui devait décider de l’adhésion de Chypre à l’UE
en 2004, le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a présenté, le 11
novembre 2002, un plan détaillé pour un règlement global (Annan I). A la
suite de la réaction des parties, le plan fut révisé le 10 décembre 2002
(Annan II) et le 26 février 2003 (Annan III).
Le Secrétaire général a rencontré les dirigeants des deux communautés à
la Haye les 10 et 11 mars 2003, afin de s’assurer qu’ils étaient prêts à
soumettre ses propositions les plus récentes (Annan III) à des
référendums séparés et simultanés. Le président nouvellement élu de la
République de Chypre, Tassos Papadopoulos, a accepté, à condition
qu’un cadre complet de règlement juridique et politique soit proposé pour
examen au public chypriote; que la Grèce et la Turquie parviennent à un
accord sur des questions vitales de sécurité ; et qu’un délai suffisant soit
prévu pour la discussion et une campagne publique avant le référendum.
La partie chypriote turque a rejeté la proposition du Secrétaire général.
En janvier-février 2003, des manifestations massives de Chypriotes turcs
se sont déroulées dans les régions occupées contre le dirigeant chypriote
turc, Rauf Denktash, et ses politiques soutenues par Ankara. La
République de Chypre a signé, comme prévu, le Traité d’adhésion à l’UE
le 16 avril 2003.
Le 23 avril 2003, face au mécontentement croissant des Chypriotes turcs
à propos de la situation régnant dans la partie occupée de Chypre, la
Turquie et les dirigeants chypriotes turcs ont été forcés de lever
partiellement les restrictions qu’ils avaient imposées depuis 1974, le long
de la ligne de cessez-le feu de l’ONU, au mouvement des Chypriotes
grecs et turcs. Depuis, des milliers de Chypriotes grecs et turcs
15
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franchissent régulièrement la ligne de cessez-le-feu. De plus, des milliers
de Chypriotes turcs franchissent chaque jour la ligne pour travailler dans
les régions libres, demander des passeports et d’autres documents
délivrés par les autorités de la République de Chypre, et bénéficier de
soins médicaux gratuits. Ces franchissements pacifiques ont détruit le
mythe cultivé pendant des années par la propagande turque affirmant que
les deux communautés ne peuvent pas vivre ensemble. Mais,
évidemment, ces mesures ne sauraient remplacer une solution globale.
Le gouvernement américain désirait vivement capitaliser sur
l’empressement de la partie chypriote grecque à participer à de nouvelles
négociations. A la suite du consensus qui avait émergé lors de rencontres
avec le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Washington, en
janvier 2004, les Etats-Unis ont convaincu le Secrétaire général Kofi
Annan d’inviter à une reprise des négociations à New-York.
Le 13 février 2004, les parties se sont mises d’accord pour entamer des
négociations de bonne foi à Nicosie à propos de changements s’inscrivant
dans les paramètres du plan Annan III. En cas d’impasse prolongée,
même après l’implication de la Grèce et de la Turquie dans le processus,
le Secrétaire général finaliserait un texte qui serait ensuite présenté aux
deux communautés de Chypre, lors de référendums séparés et
simultanés.
Il s’agissait d’un changement important survenu dans la mission de bons
offices du Secrétaire général, telle qu’elle avait été conçue depuis 1964.
Sans l’autorisation du Conseil de sécurité, le Secrétaire général a assumé
le pouvoir d’arbitrage comme condition préalable pour le nouveau tour de
pourparlers. En acceptant cette formule, la partie chypriote grecque a
supposé que le Secrétariat conserverait son objectivité et son
engagement à respecter les principes fondamentaux de l’ONU. Il s’est
avéré qu’elle avait tort. Lors des pourparlers en Suisse, fin mars 2004, le
Secrétariat était devenu une partie partiale au conflit en promouvant la
plupart des positions de la Turquie sur le problème chypriote.
Le changement de rôle du Secrétaire général, associé à des délais de
négociations très serrés, a contribué à l’absence de négociations
sérieuses à Nicosie et par la suite à Bürgenstock, en Suisse. En vue
d’obtenir le consentement de la Turquie, pratiquement toutes les
exigences de cette dernière furent incluses arbitrairement dans les deux
plans (Annan IV et V) présentés par le Secrétaire général. Le plan Annan
V fut présenté aux deux parties le 31 mars 2004. La Turquie, les Etats-
16
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Unis et les Nations unies étaient convenus de n’accorder à l’UE qu’un rôle
d’observateur dans les pourparlers, tandis que l’UE s’était engagée à
s’accommoder des dérogations du droit européen comprises dans le plan
Annan V. Le plan du Secrétaire général était un document d’ensemble
composé de près de 10 000 pages. Ce document juridique complexe
n’avait été disponible dans sa totalité sur le site web de l’ONU que
quelques heures à peine avant le référendum. Les Chypriotes furent
appelés à voter sur le document le 24 avril 2004, quelques jours
seulement avant l’adhésion de la République de Chypre à l’UE, le 1er mai.
Les Référendums du 24 avril 2004 – La décision du peuple*
A la suite d’un débat public animé, les électeurs chypriotes grecs ont
massivement rejeté le plan Annan V, par 75,8% contre 24,2% des voix.
Par contre, 64,9% des électeurs chypriotes turcs ont approuvé le plan. Il
convient de noter que les colons venus de Turquie, qui n’étaient pas
habilités juridiquement à voter, ont été autorisés à le faire.
Le "non" chypriote grec n’était pas un vote contre la réunification ou la
réconciliation. C’était le rejet d’un processus menant à un plan unilatéral,
perçu comme étant préjudiciable aux droits légitimes de la communauté
chypriote grecque et à la survie de l’Etat de Chypre en soi. C’était le rejet
d’un plan comportant de sérieux défauts et ne prévoyant pas la
réunification véritable de Chypre, de ses institutions, de son peuple et de
son économie. Ce vote négatif a été exprimé par des Chypriotes grecs de
tous âges, partis politiques et sexes.
Le vote positif des Chypriotes turcs s’explique facilement:
•
C’était un rejet des politiques autoritaires de Rauf Denktash
•
Il garantissait la continuation de «l’Etat» chypriote turc illégal
•
Il assurait la légitimation du statut de pratiquement tous les colons
venus illégalement de Turquie dans «l’Etat» composant chypriote turc
•
Il y aurait une présence permanente de troupes turques à Chypre
•
La Turquie aurait le droit d’intervenir à Chypre
* Cf. Claire Palley, An International Relations Debacle: The UN Secretary-General’s Mission
of Good Offices in Cyprus 1999–2004 (Oxford and Portland, Oregon: Hart Publishing,
2005).
17
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Enfin, le vote des Chypriotes turcs était motivé par l’anticipation
d’avantages économiques substantiels émanant de l’adhésion de Chypre
à l’UE et du soutien économique attendu de la communauté chypriote
grecque.
Diverses raisons légitimes expliquent le vote négatif chypriote grec, y compris:
•
Les délais rigides imposés aux négociations, pas de temps réel pour
discuter d’un document juridique des plus complexes, et les menaces
profanées ou sous-entendues par certains des interlocuteurs en cas de
refus des Chypriotes grecs d’accepter le plan de l’ONU
•
D’importantes dérogations à la Convention européenne des droits de
l’homme, privant tous les Chypriotes de droits fondamentaux, alors que
les autres ressortissants de l’UE résidant à Chypre jouiraient de tous
leurs droits au titre de la Convention
•
La République de Chypre, internationalement reconnue, serait
dissoute et remplacée par une confédération lâche de deux Etats
fortement autonomes
•
La fonctionnalité du nouvel Etat serait contestable, vu les dispositions
à propos des branches exécutives, législatives et judiciaires et la
présence de droits de veto renforcés de la minorité. (Des tiers non
chypriotes, n’ayant aucun lien avec le peuple chypriote, auraient des
voix décisives dans des domaines clés de la politique)
•
La nature confédérale de la constitution proposée se reflétait dans
l’absence d’une disposition sur la hiérarchie des lois. (Cela comportait
le risque de conflits juridictionnels qui accentueraient la nature
divisionniste de la nouvelle entité politique proposée)
•
L’absence de garanties adéquates pour assurer que les engagements
pris par les parties et, en particulier, par la Turquie seraient
effectivement réalisés
•
Le coût économique du règlement proposé - convergence,
reconstruction, indemnisation des propriétés, indemnisations versées
aux colons turcs, politique monétaire - serait supporté en grande partie
par les Chypriotes grecs. (La Turquie, dont l’agression miliaire a divisé
l’île, était absoute de toute responsabilité financière pour ses actes à
Chypre)
•
Les questions de sécurité impliquant une réduction progressive et la
présence continue des troupes turques avec des droits d’intervention
18
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étendus, même après l’adhésion de la Turquie à l’UE. (La République
de Chypre «unifiée» était exclue de la politique commune de défense
européenne et serait totalement démilitarisée. Les garanties
proposées par la Turquie violaient l’obligation de non-intervention
dans les affaires internes d’Etats et le respect de l’intégrité territoriale
de tous les Etats)
•
Des questions de définition de la nationalité et le fait que pratiquement
tous les colons venus de Turquie resteraient à Chypre
•
Les violations des droits à la propriété qui sont des droits essentiels au
titre de la Convention européenne et le renversement d’importantes
décisions précédentes de la Cour européenne
•
L’augmentation des droits de la Grande-Bretagne dans les régions des
bases souveraines et dans les eaux territoriales de la République
•
La suppression de la ratification par la République de Chypre du Traité
de Montreux de 1936 (Chypre est une grande puissance maritime. Le
plan accordait aussi à la Turquie des droits proches du droit de veto sur
la plate-forme continentale de Chypre)
•
Le plan violait la Convention européenne en refusant aux Chypriotes
leur droit d’acquérir des biens et de vivre à l’endroit de leur choix,
comme pouvaient le faire d’autres ressortissants communautaires,
sans quotas restrictifs fondés sur l’ethnicité et la religion.
Finalement, le plan fut rejeté parce que la grande majorité des Chypriotes
estimaient qu’il n’était pas dans le meilleur intérêt des Chypriotes grecs ni
des Chypriotes turcs. Comme l’a déclaré le président Papadopoulos au
moment du référendum «alors que toutes les demandes formulées par la
Turquie ont été adoptées le dernier jour dans le plan final, les
préoccupations fondamentales des Chypriotes grecs ont été méconnues.
Toutes les parties impliquées dans les pourparlers étaient impatientes de
faire monter la Turquie à bord et d’obtenir un 'oui' de la communauté
chypriote turque, et elles ont ignoré le fait que la communauté chypriote
grecque, bien plus importante en nombre, avait elle aussi besoin d’être
convaincue de voter 'oui' sur le Plan. Ainsi, ce processus n’a pas su
répondre aux préoccupations légitimes, aux besoins et aux intérêts des
deux côtés».
L’issue négative du référendum a rendu le Plan Annan nul et non avenu.
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Le prétendu «isolement» des Chypriotes turcs*
A la suite du rejet du Plan Annan, la Turquie a lancé une campagne de
propagande avec, comme slogans, «l’allègement», «la levée» ou «la fin»
de l'isolement des Chypriotes turcs et le comblement des «disparités
économiques» entre les deux communautés de l'île. Malheureusement, ce
fait a conduit à une désinformation très répandue concernant la situation
à Chypre et à certaines propositions discutables, dans le but ostensible
d’améliorer les conditions économiques des Chypriotes turcs. La Turquie
a même tenté d’induire la communauté internationale en erreur en lui
faisant croire que le gouvernement de Chypre était, en quelque sorte,
responsable de la situation difficile des Chypriotes turcs.
La Turquie a utilisé cette approche pour deux raisons: détourner, en vue
de ses aspirations européennes, l'attention de son agression militaire
continue contre Chypre et valoriser le régime illégal dans les régions de
Chypre sous occupation turque.
Ankara cherchait principalement à obtenir, pour le régime sécessionniste,
les attributs économiques d'une entité indépendante, sans
reconnaissance internationale officielle. Cela aurait permis au régime
illégal d’exister sans aucune incitation à une participation constructive au
processus de paix pour la réunification de l'île. Dans leurs efforts déployés
en vue de gagner l'appui international pour leur propagande, les dirigeants
turcs ont adopté, comme argument principal, le slogan trompeur de la
«levée de l'isolement économique» des Chypriotes turcs alors que, en
réalité, leur objectif n’a toujours été que politique.
Cependant, tous les actes promouvant la reconnaissance de facto de
l'entité sécessionniste illégale seraient en violation directe du droit
international et des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU,
notamment des résolutions 541 (1983) et 550 (1984). Ces actes
mineraient également les efforts pour la réunification de Chypre, qui est la
position déclarée de l’ONU, de l'UE, de la communauté internationale
dans son ensemble, aussi bien que des deux communautés chypriotes
elles-mêmes.
La situation difficile de la communauté chypriote turque est le résultat
direct de l'agression de la Turquie, qui maintient Chypre, son peuple, ses
institutions et son économie divisés par la force. Elle résulte également
* Cf. Miltos Miltiadou, Vers une Chypre unifiée: Le mythe de «l’isolement» des Chypriotes
turcs, deuxième édition (Nicosie: Bureau de Presse et d’Information de la République de
Chypre, 2008).
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des politiques mal orientées, adoptées par les dirigeants chypriotes turcs,
qui ont constamment promu les intérêts de la Turquie au détriment de leur
propre communauté et de Chypre dans son ensemble. Le prétendu
«isolement» des Chypriotes turcs constitue avant tout une blessure autoinfligée. Il n'est en aucun cas le résultat de mesures prises par le
gouvernement de la République de Chypre, qui a la souveraineté sur tout
le territoire de l’Etat, y compris les régions occupées, et qui respecte son
obligation de défendre ses droits souverains et la primauté du droit.
En réponse à l’agression militaire de la Turquie, la République de Chypre
a introduit un certain nombre de mesures défensives afin de sauvegarder
son indépendance, sa souveraineté, son intégrité territoriale et son
économie. L’une de ces mesures a été de déclarer illégaux tous les ports
maritimes et aéroports situés dans la partie de la République occupée par
la Turquie. Ces mesures se sont avérées nécessaires en raison de ce que
le gouvernement se trouvait dans l’impossibilité d’exercer un contrôle
efficace dans les régions sous contrôle militaire turc.
Aux termes du droit international, la République de Chypre est la seule
autorité légale et reconnue, ayant la responsabilité exclusive en ce qui
concerne les transports, le commerce, la sécurité et la sûreté aériens et
maritimes ainsi que des questions similaires sur son territoire souverain.
Pareillement, aux termes du droit international, le régime établi par la
Turquie dans la partie occupée de Chypre est illégal et, de ce fait, tous ses
prétendus documents, institutions et décisions sont dépourvus de toute
validité politique ou juridique à Chypre et sur le plan international. Comme
l’ont affirmé les Tribunaux européens et le Conseil de sécurité de l’ONU,
le régime chypriote turc n’a pas de statut légal dans la communauté
internationale. La Cour européenne des Droits de l’Homme a déclaré ce
régime illégal, en tant qu’«administration locale subordonnée» de la
Turquie dans la partie occupée de Chypre (cf. Annexe 2).
Le rapport montre clairement que l'occupation militaire turque a fait des
communautés chypriotes grecque et turque des victimes, quoique de
différentes façons. L’occupation continue par la Turquie est directement
responsable de tout sentiment quelconque «d’isolement» que les
Chypriotes turcs ont pu éprouver. En fait, la Turquie empêche les
Chypriotes turcs de réaliser leur plein potentiel et de bénéficier des
avantages et des facilités auxquels ils ont droit en tant que citoyens de
Chypre et de l’UE.
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Le gouvernement chypriote s’est toujours préoccupé de la situation
économique des Chypriotes turcs. Il est mieux en mesure de fournir des
services aux Chypriotes turcs depuis la levée partielle, en 2003, des
restrictions illégales imposées par les militaires turcs à la libre circulation
des personnes de part et d’autre de la ligne de cessez-le-feu de 1974 de
l’ONU, qui traverse toute l’île. Les Chypriotes turcs peuvent depuis lors
travailler, en nombres croissants, dans les régions contrôlées par le
gouvernement, gagnant un revenu estimé à plus de 800 millions de dollars
jusqu'à présent, et bénéficier d’une gamme étendue d’avantages, y
compris des soins médicaux gratuits (Cf. Annexe 1).
La réintégration des Chypriotes turcs dans la communauté internationale
et l’amélioration de leur bien-être politique et économique ne peuvent se
faire, légalement et complètement, que par la réunification de Chypre.
Les tendances séparatistes sous la fausse bannière de la «levée de
l'isolement des Chypriotes turcs» et d'autres plans politiquement motivés,
promus par la Turquie, ne sauraient favoriser le développement du bienêtre de la communauté chypriote turque ni le processus de paix.
Par contre, ces idées détournent l'attention de l'agression continue de la
Turquie contre Chypre et du manquement d'Ankara à ses obligations
envers l'UE, y compris l'ouverture de ses ports aux navires et aux avions
battant pavillon chypriote. Elles inhibent également la volonté politique de
la partie turque, décourageant de ce fait les initiatives en vue d’aborder la
question principale qui nous concerne, à savoir la solution à la division de
Chypre. En outre, ces idées aident à solidifier la situation illégale créée
par la Turquie dans la partie septentrionale de Chypre, perpétuant la
victimisation des Chypriotes turcs. Enfin, elles font obstacle à la cause de
la réconciliation et de la paix durable dans l'île et dans la région.
Relance du processus de paix 2005-2006
Bien que les efforts menés par l’ONU en 2002-2004 n’aient pas permis de
résoudre le problème, le référendum n’était pas la fin du chemin. En fait,
le résultat du référendum sur le Plan Annan doit agir comme catalyseur
pour la réunification et non pas comme prétexte pour diviser l’île
davantage encore. Les Chypriotes grecs et le gouvernement de la
République de Chypre ont prouvé à maintes reprises qu’ils demeuraient
engagés à obtenir une solution apportant un avenir prospère et sûr pour
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tous les Chypriotes et garantissant le respect de leurs droits de l’homme
et de leurs libertés fondamentales au sein de l’UE.
Nombreux sont ceux, dans la communauté internationale, qui ignoraient
les dispositions détaillées du Plan Annan non adopté et ses incidences sur
l’avenir de l’Etat de Chypre et de ses citoyens. Il n’était donc pas étonnant
qu’ils aient exprimé leur déception à propos du résultat du référendum. Ce
qui était à vrai dire regrettable et décevant, c’est le fait que le Plan
présenté au peuple ne permettait pas aux deux communautés de
l’approuver. Alors que d’autres parties désiraient simplement une solution
quelconque ou une clôture du problème chypriote aussi rapidement que
possible, les Chypriotes grecs ont toujours insisté sur l’obtention d’un
règlement global, fonctionnel et viable.
Une solution apte à résister à l’épreuve du temps doit être conçue comme
juste par ceux qui seront appelés à vivre avec elle. Ainsi, aucune solution
ne saurait réussir si elle ne répond pas aux préoccupations légitimes qui
ont empêché les Chypriotes grecs d’approuver le Plan Annan en 2004.
Chypre étant un petit Etat faible, il importe d’autant plus que tous les
Chypriotes puissent bénéficier des droits fondamentaux dont jouissent
tous les autres ressortissants européens, aux termes du droit européen et
de la Convention européenne, et qu’il n’y ait pas de discrimination fondée
sur l’ethnicité ou la religion.
Afin de relancer le processus de paix, le président Tassos Papadopoulos
a échangé ses points de vue avec le Secrétaire général à New York, le 16
septembre 2005, concernant la préparation d’un effort renouvelé à propos
de Chypre de la part de l’ONU. Le Secrétaire général a également
rencontré le dirigeant chypriote turc, Mehmet Ali Talat, le 31 octobre. Dans
son rapport au Conseil de Sécurité en date du 20 novembre 2005, le
Secrétaire général a noté que les deux dirigeants et de nombreux pays lui
demandaient instamment d’envisager d’entamer de nouveaux pourparlers
dans le contexte de sa mission de bons offices.
Le président Papadopoulos a rencontré par la suite le Secrétaire général
à Paris, le 28 février 2006, où ils ont fait le point sur la situation à Chypre
et examiné les modalités en vue de faire avancer le processus de
réunification de l’île. Ils sont également convenus que la reprise du
processus de négociations dans le cadre de la mission de bons offices du
Secrétaire général devait se faire en temps opportun et se fonder sur une
préparation soigneuse.
23
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L’accord du 8 juillet 2006
Le résultat de cette rencontre a donné un nouvel élan à la reprise du
processus de paix à Chypre. Le 3 juillet, le président Papadopoulos et le
dirigeant chypriote turc, M. Talat, se sont rencontrés en marge d’une
réunion du Comité sur les personnes portées disparues, et en présence
du Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU à Chypre. En
outre, le Secrétaire-général adjoint de l’ONU aux affaires politiques, M.
Ibrahim Gambari, s’est rendu en Grèce, en Turquie et à Chypre du 3 au 9
juillet. A l’issue d’une réunion conjointe avec le président Papadopoulos et
M. Talat, le 8 juillet, le sous-secrétaire de l’ONU a présenté «l’Ensemble
de principes» suivants, convenu par les parties :
1. Engagement en faveur de la réunification de Chypre fondée sur une
fédération bizonale et bicommunautaire et l’égalité politique, telle
qu’énoncée dans les résolutions pertinentes de l’ONU.
2. Reconnaissance du fait que le statu quo est inacceptable et que sa
prolongation aurait des conséquences négatives pour les
Chypriotes grecs et turcs.
3. Engagement en faveur de la proposition selon laquelle un
règlement global est à la fois souhaitable et possible et ne devrait
pas être retardé davantage.
4. Accord en vue de commencer immédiatement un processus
comportant une discussion bicommunautaire sur des questions
concernant la vie quotidienne du peuple et, simultanément, sur
celles concernant des questions de fond, qui contribueront toutes
deux à un règlement global.
5. Engagement à garantir que règne une «climat propice» au succès
du processus. A cet égard, il importe de mettre en œuvre des
mesures permettant de renforcer la confiance, en termes
d’amélioration du climat et de la vie de tous les Chypriotes turcs et
grecs. Dans ce cadre, il convient également de cesser de se
renvoyer la balle.
Par ailleurs, les deux dirigeants ont décidé que des Comités techniques se
concentrant sur des aspects de la vie quotidienne commenceraient à
travailler, à condition d’avoir échangé simultanément une liste de
questions de fond dont le contenu serait examiné par des groupes
bicommunautaires d’experts et finalisé par les dirigeants.
24
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L’accord du 8 juillet a réaffirmé l’engagement du gouvernement chypriote
à réunifier l’île sur la base d’une fédération bizonale et bicommunautaire.
Le 29 août 2006, le Conseil de sécurité de l’ONU a demandé la mise en
œuvre, sans plus tarder, de l’accord du 8 juillet et a exprimé son soutien
en faveur de l’effort continu mené par le Secrétaire général afin de
parvenir à un règlement global à propos de Chypre.
En vue de faciliter le processus, le Secrétaire-général adjoint de l’ONU aux
affaires politiques a proposé, le 15 novembre 2006, des suggestions pour
la mise en œuvre de l’accord du 8 juillet. Malheureusement, des difficultés
sont survenues durant la phase préparatoire parce que la partie turque a
remis en cause les éléments fondamentaux de l’accord. Dans une lettre
adressée au Secrétaire général en avril 2007, le dirigeant chypriote turc a
cherché à modifier le cadre convenu de l’accord du 8 juillet.
Dans son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, le 26 septembre, le
président Papadopoulos a réitéré l’engagement du gouvernement envers
l’accord du 8 juillet et l’obtention d’un règlement fondé sur une fédération
bizonale et bicommunautaire. Notant que le statu quo de l’occupation
militaire étrangère et de la division de l’île par la force ne devaient pas être
maintenus, le président Papadopoulos a demandé un «processus
significatif et innovateur» afin d’obtenir des résultats concrets et une
solution globale. Il a également discuté de la nécessité d’une accélération
de la mise en œuvre du processus de l’ONU avec le Secrétaire général de
l’ONU, Ban Ki-moon, le 23 septembre à New York.
Pour le gouvernement de Chypre aussi bien que pour les Nations unies, la
procédure de l’Accord du 8 juillet est devenue le seul moyen disponible
permettant de parvenir à une solution mutuellement acceptable. Cependant,
sa mise en œuvre fut minée par les prévarications de la partie turque.
Le 8 mars 2007, le gouvernement chypriote a démoli la structure de
barricades de la rue Ledra, à Nicosie, dans un effort destiné à faciliter les
8 points de passage le long de la ligne de cessez-le-feu de l’ONU, dont le
gouvernement propose l’ouverture depuis 2005.
Le 3 avril 2008 a marqué l’ouverture du point de passage dans la rue
Ledra en vue d’aider la circulation des personnes entre les zones
contrôlées par le gouvernement et les zones sous occupation militaire
turque. Par la suite, le 29 mars 2010, ont commencé les travaux de
construction pour l’ouverture du point de passage de Kato Pyrgos-Limnitis
sur la ligne de cessez-le feu de l’ONU reliant la région reculée de Pyrgos
à Nicosie à travers la zone tampon.
25
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Les nouvelles initiatives en 2008 donnent des résultats
Malgré le revers provoqué par le refus turc d’honorer l’accord du 8 juillet,
le président nouvellement élu, Demetris Christofias, a cherché à
rencontrer le dirigeant chypriote turc immédiatement après son
investiture, le 28 février 2008, dans un effort supplémentaire pour faire
avancer les choses et activer un processus pouvant mener à des
négociations directes entre les deux communautés. Il a également
entrepris une campagne mondiale en vue de réengager la communauté
internationale dans un nouveau processus de paix, dans lequel les deux
communautés auraient les rôles principaux.
Dans son discours d’investiture, le président Christofias a affirmé que le
règlement du problème chypriote serait la première des priorités de son
administration et qu’il prendrait d’intenses initiatives au niveau national et
international à cette fin. Il a également déclaré que : «Le point de départ
pour sortir de l’impasse et créer les conditions requises en vue d’une
négociation globale du problème chypriote est la mise en œuvre de
l’Accord du 8 juillet, qu’adoptent et soutiennent les cinq membres
permanents du Conseil de sécurité».
Lors de leur première rencontre, qui s’est déroulée le 21 mars 2008, le
président Christofias et M. Talat ont décidé de mettre en place un certain
nombre de groupes de travail et de comités techniques et ont établi leurs
agendas respectifs. Ils ont également décidé de se rencontrer trois mois
plus tard pour évaluer le travail accompli par les groupes de travail et les
comités techniques, en vue d’entamer des négociations à part entière
sous les auspices du Secrétaire général de l’ONU. Ils sont par ailleurs
parvenus à un accord sur l’ouverture du point de passage de la rue Ledra.
A la suite d’un compte-rendu du Secrétaire général adjoint de l’ONU aux
affaires politiques, Lynn Pascoe, qui s’était rendu à Chypre au début du
mois, le Conseil de sécurité de l’ONU a publié une déclaration le 17 avril
2008. Le Conseil a salué ces développements et exprimé le souhait qu’ils
produisent des résultats et préparent le terrain pour le commencement de
négociations à part entière, sous les auspices de la mission de bons
offices du Secrétaire général de l’ONU. La déclaration a réaffirmé
l’engagement du Conseil de sécurité en faveur d’une réunification de
Chypre fondée sur une fédération bizonale et bicommunautaire et l’égalité
politique, comme en font état les résolutions pertinentes du Conseil. Il a
également salué l’empressement du Secrétaire général à aider les parties
à Chypre et son intention de nommer, après l’achèvement d’une période
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préparatoire et, en fonction des progrès réalisés, un conseiller spécial
pour faciliter le cheminement vers un règlement global.
Entre-temps, six groupes de travail et sept comités techniques ont
commencé leurs travaux le 22 avril, dans le but de réaliser les progrès
nécessaires pour permettre aux deux dirigeants d’entamer des
négociations à part entière. Dans cet esprit, le président Christofias a
proposé une seconde rencontre avec le dirigeant chypriote turc, qui s’est
déroulée le 23 mai 2008.
Lors de cette rencontre, en présence du nouveau représentant spécial du
Secrétaire général de l’ONU à Chypre, M. Tayé-Brook Zerihoun, les deux
dirigeants ont «réaffirmé leur engagement pour une fédération bizonale et
bicommunautaire, basée sur l’égalité politique telle que définie dans les
résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce partenariat
aura un gouvernement fédéral ayant une seule personnalité
internationale…». Ils sont également convenus d’une nouvelle rencontre
où seraient évalués les progrès accomplis et leur compatibilité avec la
base prédéfinie. Ils ont décidé que leurs représentants se réuniraient au
préalable pour une évaluation du travail des comités techniques et sont
convenus de rechercher l’ouverture d’autres points de passage ainsi que
d’envisager la possibilité de l’adoption de mesures de confiance.
Le 5 juin 2008, le président Christofias a rencontré à Londres le Premier
ministre britannique, M. Gordon Brown, avec qui il a discuté du problème de
Chypre. Les deux dirigeants ont signé un protocole d'accord faisant état de
leur désir mutuel de parvenir à une solution du problème chypriote, fondée
sur les accords de haut niveau et les résolutions du Conseil de sécurité de
l’ONU. En outre, dans le protocole d’accord, le Royaume-Uni réitère son
engagement à respecter ses obligations en tant que puissance garante de
la République de Chypre, notant que «le Royaume-Uni ne soutiendra aucun
mouvement menant à la partition de l'île ou la reconnaissance ou la
revalorisation d’une entité politique distincte dans l’île».
Le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires politiques, M. Lynn
Pascoe, a rencontré séparément les dirigeants des deux communautés à
Chypre, le 17 juin 2008. Le président Christofias, a réitéré son
engagement à œuvrer pour un règlement du problème chypriote. Il a
souligné que «le but doit être de transformer la République de Chypre en
une République fédérale de Chypre unie, bizonale et bicommunautaire
dotée d’une souveraineté, d’une citoyenneté et d’une personnalité
internationale uniques», en ajoutant que «Ces positions dérivent
27
CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 28
également des positions convenues avec la communauté chypriote
turque». M. Pascoe a noté que «les deux dirigeants s’engagent
résolument à aller de l’avant et à résoudre enfin le problème chypriote afin
d’obtenir une Chypre unifiée».
Le 20 juin 2008, les représentants du président de Chypre et du dirigeant
chypriote turc ont annoncé un ensemble de mesures convenues en ce qui
concerne le patrimoine culturel, la sécurité routière, la santé, et
l'environnement.
Entre-temps, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est félicité de l’accord du
21 mars et de la déclaration commune du 23 mai 2008. Ces
développements, a-t-il affirmé, «ont montré une volonté politique
renouvelée de soutenir les efforts de l’Organisation des Nations unies et
d’y participer pleinement et de bonne foi, réaffirmé l’attachement des
dirigeants à une fédération bicommunautaire et bizonale avec égalité
politique, telle que prévue par les résolutions pertinentes du Conseil de
sécurité, et manifesté l’intention d’envisager de nouvelles mesures de
confiance civiles et militaires».
Le président Christofias et M. Talat se sont rencontrés à nouveau le 1er
juillet 2008 et ont émis la déclaration commune suivante:
«La rencontre d’aujourd’hui des deux dirigeants s’est déroulée dans
un climat constructif et un esprit de coopération.
Ils ont procédé à un premier passage en revue des travaux accomplis
par les groupes de travail et les comités techniques.
Ils ont abordé les questions de la souveraineté unique de Chypre et
de la nationalité unique des Chypriotes, pour lesquelles ils ont donné
leur accord de principe. Ils sont convenus d’en examiner les
modalités d’application précises lors des négociations à part entière.
Ils ont décidé de se rencontrer le 25 juillet pour procéder à l’examen
final de l’avancée des travaux des groupes de travail et des comités
techniques».
Le 16 juillet 2008, le président Christofias a déclaré une nouvelle fois que:
«Notre but final est de parvenir à un règlement du problème chypriote qui
mettra fin à l’occupation turque et à la colonisation et réunifiera l’île». Il a
souligné que «Nous recherchons un règlement permettant aux Chypriotes
grecs et turcs, les vrais maîtres de notre pays, de coexister dans des
conditions de paix permanente, de coopération et de sécurité». Le
président a également expliqué que la création des groupes de travail et
28
CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 29
des comités techniques et le commencement de leurs travaux, qui avaient
été convenus avec les Chypriotes turcs afin d’ouvrir la voie pour des
négociations globales «constituent au fond la mise en œuvre de l’Accord
du 8 juillet 2006».
Le président Christofias a discuté de l’évolution de la question chypriote
avec le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, à Paris, le 13 juillet
2008, rencontre au cours de laquelle le Secrétaire général a assuré le
dirigeant chypriote de l’intention des Nations unies de rechercher une
solution du problème chypriote à travers le dialogue entre les deux
communautés. Le président a déclaré qu’ils avaient également confirmé
que les Chypriotes eux-mêmes seraient chargés de la procédure et que le
rôle des Nations unies serait de faciliter les conditions propices aux
négociations, et il a ajouté «nous avons souligné notre volonté de travailler
dur, avec patience et persistance, tout en défendant les principes énoncés
par les résolutions de l’ONU» pour un règlement du problème chypriote.
Entre-temps, le Secrétaire général a informé le Conseil de sécurité de son
intention de désigner, à partir du 14 juillet 2008, l'ancien ministre des
Affaires étrangères australien, M. Alexandre Downer, en tant que son
conseiller spécial sur Chypre avec le statut de sous-secrétaire général.
Les initiatives entreprises par le président Christofias ont commencé à
donner des résultats positifs et à gagner le soutien de la communauté
internationale, y compris de l'UE et des membres permanents du Conseil
de sécurité de l’ONU. Washington, par exemple, a envoyé le soussecrétaire d'Etat aux affaires européennes et eurasiennes à Chypre pour
«démontrer le soutien des Etats-Unis en faveur des efforts des deux
dirigeants» comme il l'a déclaré à la fin de sa visite, le 7 juillet, en ajoutant
que : «Les Etats-Unis veulent voir une île réunifiée. Nous soutenons une
fédération bizonale et bicommunautaire. Une nation, une citoyenneté, un
pays non divisé».
Négociations directes à part entière
Le 25 juillet 2008, le Président Christofias et le dirigeant chypriote turc,
M. Talat, ont procédé à l’examen final du travail des comités techniques et
des groupes de travail. Se fondant sur les progrès réalisés et la
clarification concernant la base de la solution à laquelle ils sont parvenus
durant leurs réunions, ils ont décidé «d’entamer des négociations à part
entière le 3 septembre 2008, sous la mission de bons offices du Secrétaire
général des Nations unies».
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Ils ont émis la déclaration commune suivante sur les résultats de leur
rencontre:
«Les deux dirigeants ont entrepris aujourd’hui l'examen final des
travaux des groupes de travail et des comités techniques. Ils ont pris
acte des progrès réalisés et félicité leurs membres pour le travail
accompli.
A l’issue de cet examen final, les dirigeants ont décidé d’engager des
négociations à part entière le 3 septembre 2008, sous les auspices
de la mission de bons offices du Secrétaire général des Nations
unies.
Les négociations à part entière visent à parvenir à un règlement
mutuellement acceptable de la question chypriote, dans le respect
des droits et des intérêts fondamentaux et légitimes des Chypriotes
grecs et des Chypriotes turcs. L’accord obtenu sera soumis
simultanément à deux référendums distincts.
S’agissant des Comités techniques, les dirigeants ont adopté
aujourd’hui seize mesures supplémentaires dans les domaines de
l’environnement, du patrimoine culturel, de la gestion de crise, ainsi
que de la criminalité et des questions pénales; ils ont transmis leurs
instructions pour qu’elles soient pleinement et immédiatement mises
en œuvre.
Afin de témoigner de leur engagement résolu, les dirigeants ont
décidé de mettre en place une ligne téléphonique sécurisée qui
facilitera un contact direct entre eux.
Les dirigeants saluent la nomination de M. Alexander Downer en
qualité de Conseiller spécial du Secrétaire général pour Chypre et se
réjouissent de travailler avec lui et l’équipe des Nations unies au
cours de la période à venir.
Ils ont également demandé à leurs représentants de se saisir de la
question de Liminitis/Yilirmak et des autres points de passage».
Le lancement des négociations à part entière sur la question chypriote par
les deux communautés chypriotes a été chaleureusement salué par la
communauté internationale, y compris les Nations unies, les membres
permanents du Conseil de sécurité et l’UE.
M. Downer a qualifié le début des négociations de «journée historique
pour Chypre, de journée très importante pour Chypre», ajoutant que «le
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règlement sera une inspiration pour un monde troublé». Notant qu’il y
aurait certainement des difficultés et des défis dans les discussions à
venir, M. Downer a souligné : «En même temps, le problème chypriote
n’est pas insurmontable et les négociations que vous entamez aujourd’hui
peuvent et doivent avoir une issue heureuse». Il a promis l’aide constante
des Nations unies tout en déclarant aux deux dirigeants que:
«Ce processus vous appartient et, en conséquence, il vous
appartient pleinement d’assurer sa réussite. A cet égard, il s’avèrera
primordial de convaincre les Chypriotes que la réunification de l'île
apportera le bonheur et la prospérité à tous les Chypriotes».
Exprimant l'espoir que les deux communautés chypriotes laisseront de
côté les conflits du passé, le président Christofias a déclaré que: «Le
moment est venu de mettre un terme au problème chypriote de longue
date et d’apporter au peuple de Chypre un avenir meilleur qu’il mérite». Il
a invité le dirigeant chypriote turc à «prendre des mesures communes et
répondre à l’appel de l’histoire en vue de réaliser la vision d’une patrie
réunifiée, appartenant à son peuple, le peuple de Chypre, qui peut et
désire décider de son propre sort sans l’intervention de tiers et sans
prétendus gardiens de nos communautés». Il a également répété que «les
fondements d’un accord sont décrits dans les Accords de haut niveau de
1977 et de 1979, qui prévoient la transformation de l’Etat unitaire en un
Etat fédéral». Il a souligné ensuite que les deux parties se devaient de
sauvegarder les principes fondamentaux qui ont guidé le processus
jusqu’à présent et d’adhérer constamment à la base commune convenue
pour un règlement, qui a été réaffirmée lors de la réunion entre les deux
dirigeants, à savoir : «une fédération bizonale et bicommunautaire dotée
de l’égalité politique, telle que définie dans les résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité avec une souveraineté, une citoyenneté et une
personnalité internationale uniques». Etant donné que Chypre est
membre à part entière de l’Union européenne, le président a déclaré que
«la solution doit respecter et mettre en œuvre les principes sur lesquels
est fondée l’Union européenne».
Les commentaires du dirigeant chypriote turc au début des pourparlers,
qui réitéraient les positions intransigeantes turques, telles que l'insistance
sur le maintien des garanties et des droits d'intervention de la Turquie à
Chypre, ont suscité de vives préoccupations. En outre, au lieu de
considérer la solution fédérale comme un «partenariat de deux
communautés», il s’est référé à «un nouveau partenariat» de deux Etats,
une formulation suggérant un arrangement «confédéral» et une déviation
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de la base fédérale convenue pour une solution. Le manque de référence
de la part de M. Talat aux principes convenus qui guideraient le processus
de paix et formeraient la base pour un règlement - tels qu’une fédération,
les résolutions de l’ONU, la souveraineté et la personnalité internationale
uniques pour Chypre unifiée - a soulevé des questions supplémentaires
quant aux intentions réelles de la partie turque à propos de la solution
recherchée par cette dernière dans la suite des négociations. Ses
commentaires
ultérieurs
préconisant
un
«droit
distinct
à
l’autodétermination» pour la communauté chypriote turque dans le cadre
d'un règlement ont suscité des préoccupations similaires.
Cette attitude, de même que les déclarations intransigeantes des
dirigeants turcs à propos de Chypre jettent une ombre sur les négociations.
Elles vont à l’encontre de l’esprit positif, constructif, coopératif et conciliant
apporté à ce nouvel effort par le président de Chypre et la partie chypriote
grecque, esprit exigé pour le succès du processus de paix.
Entre-temps, afin de mettre l’accent sur l’importance attachée par l’ONU
aux négociations de paix, le Secrétaire général est arrivé à Chypre pour
une visite de trois jours le 31 janvier 2010, pour exprimer son soutien
personnel et encourager les deux dirigeants à mener ces négociations à
bien. Le Secrétaire général a souligné que « ce processus appartient à
Chypre. Les Nations unies sont ici à l’invitation des deux parties pour
apporter leur aide. Votre destinée est entre vos mains. Vous avez pris la
responsabilité de trouver une solution. Vous êtes aux commandes de ce
processus et vous êtes ceux qui bénéficieront des avantages et des
opportunités énormes qu’un règlement de la question ouvrirait pour l’île».
A l’issue de ses rencontres avec le président Christofias et le dirigeant
chypriote turc Mehmet Ali Talat le 1er février 2010, le Secrétaire général a
lu une déclaration de la part des deux dirigeants en soulignant qu’ils ont
travaillé sur la base de l’approche d’ensemble intégrée selon laquelle
«rien n’est convenu tant que tout n’a pas été convenu». Dans la
déclaration, les dirigeants ajoutent : « Nous sommes déjà parvenus à un
grand degré de convergence dans certains chapitres. Pour le reste, nous
sommes déterminés à travailler dur pour réaliser les progrès désirés.
.....
Nous réaffirmons notre ferme engagement à continuer de travailler dans
ce sens et sur le reste des chapitres. Nous exprimons notre conviction
qu’en faisant preuve de bonne volonté et de détermination nous pouvons
parvenir à une solution dans les meilleurs délais».
32
CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 33
La dernière rencontre entre le Président Christofias et M. Talat a eu lieu le
30 mars 2010. A l’issue de la rencontre, une déclaration conjointe a été
publiée soulignant que les deux dirigeants ont été encouragés par les
progrès importants réalisés jusqu’à présent sur les chapitres de la
gouvernance et du partage du pouvoir, des questions relatives à l’UE et à
l’économie et qu’ils sont certains qu’en persévérant ils parviendront à un
règlement global. Les pourparlers ont repris le 26 mai 2010 entre le
président Christofias et M. Dervish Eroglu, qui a succédé à M. Talat en
qualité de dirigeant de la communauté chypriote turque.
Le gouvernement de Chypre demeure déterminé à parvenir à un
règlement du problème chypriote qui permettra aux Chypriotes grecs
aussi bien que turcs de jouir pleinement des bénéfices et des avantages
de l’appartenance à l’Union européenne. Un tel règlement permettra à
Chypre de fonctionner effectivement au sein de l’UE, garantira le respect
des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous les
Chypriotes et apportera un avenir pacifique, prospère et sûr. A cette fin, le
gouvernement a œuvré systématiquement en vue de créer des conditions
propices au nouveau processus de négociations directes entre les deux
communautés. Ces négociations peuvent mener à un règlement
mutuellement acceptable dans le cadre du nouveau contexte politique
résultant de l’adhésion de Chypre à l’Union européenne.
Chypre et l’Union européenne
La République de Chypre a signé un Accord d’association avec la
Communauté économique européenne (CEE) en décembre 1972 et
déposé une demande d’adhésion aux Communautés européennes en
1990. La Commission européenne a émis un avis positif en juin 1993,
reconnaissant l’importance de l’adhésion de Chypre pour la sécurité et la
prospérité de l’île et pour le règlement du problème chypriote.
Le Conseil européen est convenu en mars 1995 que les négociations
d’adhésion avec Chypre commenceraient six mois après la conclusion de
la conférence intergouvernementale de l’UE de 1996. Lors de la
Conférence européenne de Londres, le 12 mars 1998, le président de
Chypre a invité la communauté chypriote turque à se joindre à l’équipe
chypriote de négociations avec l’UE, mais les dirigeants chypriotes turcs
ont rejeté l’invitation. En décembre 2002, tous les chapitres des
négociations avec l’UE étaient clos et le processus d’harmonisation était
achevé.
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Chypre a signé le traité d’adhésion à Athènes le 16 avril 2003, est
devenue membre de l’UE le 1er mai 2004, a participé aux élections de
2004 pour le Parlement européen et a adhéré à la zone euro le 1er janvier
2008. Au titre du Protocole 10 annexé au Traité d’adhésion, l’application
de l’acquis dans les zones de Chypre occupées par la Turquie serait
suspendue jusqu’à la solution du problème chypriote. Le même protocole
affirme que l’UE «est prête à prendre en considération les conditions d’un
tel règlement global, conformément aux principes qui sous-tendent l’Union
européenne».
Alors que la mission de bons offices du Secrétaire général de l’ONU a
fourni le cadre pour un arrangement négocié du problème chypriote, l'UE
doit à présent assumer un rôle central en veillant à ce que tout règlement
proposé se conforme à ses principes et à ses normes juridiques. Ce rôle
contraste fortement avec celui auquel l’UE a été reléguée pendant la
présentation du plan du Secrétaire général sur Chypre en 2004.
Le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE fournit également de
nouvelles occasions d’aborder quelques-uns des aspects les plus épineux
du problème de Chypre, tels que la protection des droits de l'homme, la
non-intervention, la souveraineté de la République et la fonctionnalité des
institutions gouvernementales.
Malheureusement, la déclaration unilatérale de la Turquie sur la nonreconnaissance de la République de Chypre lors de la ratification du
protocole d'union douanière de la Turquie, soulève des questions
sérieuses à propos du respect par la Turquie des normes de l’UE et de ses
obligations envers cette dernière ainsi que de ses intentions dans la
recherche d'un règlement viable du problème chypriote. L’UE a répondu à
cette déclaration unilatérale en invitant la Turquie à se conformer à ses
obligations et a réitéré cette position à maintes reprises, mais en vain. Les
mois et les années à venir mettront à l’épreuve non seulement les
intentions de la Turquie, mais également la capacité de l'UE à maintenir
des principes fondamentaux, tout en continuant de s’élargir.
La Turquie refuse toujours l'accès à ses ports, aéroports et couloirs
aériens aux avions et navires en provenance de la République de Chypre.
Il convient de rectifier cette situation embarrassante et anormale, où un
Etat candidat à l'UE refuse de reconnaître l'un des Etats membres de l'UE
qui votera sur les perspectives d'adhésion de la Turquie.
En décembre 2006, l'UE a sanctionné la Turquie en imposant un gel
partiel de ses négociations d'adhésion en raison de son refus de se
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CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 35
conformer à ses obligations envers Chypre. Il a été décidé de suspendre
les travaux dans huit des 35 domaines politiques (chapitres) en lesquels
sont divisées les négociations d'adhésion. Il a été convenu en outre de ne
pas conclure les négociations sur les questions non touchées par ce gel,
jusqu'à ce que la Turquie se conforme à son obligation d'ouvrir ses ports
et ses aéroports au trafic en provenance de Chypre.
Cette position se reflète dans les rapports de la Commission européenne
de 2007, 2008 et 2009 sur les progrès accomplis par la Turquie déclarant
que la Turquie n’a réalisé aucun progrès dans la mise en œuvre du
protocole additionnel et l’invitant à remplir son obligation dans les plus
brefs délais. Les rapports observent que la Turquie continue d’opposer
son veto à l’adhésion de Chypre à plusieurs organisations et à l’accord de
Wassenaar sur le Code de conduite en matière d’exportation d’armements
et de biens à double usage.
En outre, le Rapport de 2009 précise que «Comme le soulignent les
conclusions du Conseil du 8 décembre 2008 et conformément au cadre de
négociation, le Conseil attend de la Turquie qu’elle soutienne activement
les négociations en cours et qu’elle prenne des mesures pratiques visant
à contribuer à la création d’une climat propice à un règlement juste, global
et viable de la question chypriote dans le cadre des Nations unies,
conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité et dans
le respect des principes sur lequel l’Union est fondée».
La même position se reflète également dans la résolution du Parlement
européen du 10 Février 2010 sur le rapport 2009 sur les progrès
accomplis par la Turquie. Spécifiquement, la résolution «invite la Turquie
à favoriser un climat propice aux négociations en retirant immédiatement
ses troupes de Chypre, en s'employant à apporter une réponse au
problème de la colonisation de l'île par des citoyens turcs et en permettant
la restitution de la zone bouclée de Famagouste à ses habitants légitimes,
conformément à la résolution 550(1984) du Conseil de sécurité des
Nations unies».
La résolution appelle en outre le gouvernement turc à cesser de faire
obstacle aux navires civils de prospection pétrolière qui opèrent pour le
compte de la République de Chypre en Méditerranée orientale.
La résolution déplore par ailleurs le fait que la Turquie n'a toujours pas mis
en œuvre, pour la quatrième année consécutive, le protocole additionnel
à l'accord d'association CE-Turquie; prie le gouvernement turc d'appliquer,
sans plus attendre, ces dispositions dans tous leurs éléments et de façon
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CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 36
non discriminatoire, et rappelle que, dans le cas contraire, le processus de
négociation en serait sérieusement affecté.
Le gouvernement de Chypre a été déçu de ce que le cours de l’adhésion
de la Turquie à l'UE, soutenu par Chypre, n'ait pas eu l'effet catalytique
espéré sur Ankara en ce qui concerne le problème chypriote. En fait, non
seulement la Turquie poursuit son agression contre Chypre, mais elle
refuse aussi résolument de mettre en oeuvre des obligations qu'elle a
entreprises envers l'UE, des obligations portant directement atteinte aux
intérêts de Chypre.
Conclusion
Après l’adhésion réussie de Chypre à l’UE, les habitants de l’île aspirent
toujours à la réunification de leur pays. Le gouvernement de Chypre est
déterminé à poursuivre sa recherche d'une solution viable et fonctionnelle,
dans les paramètres des résolutions de l’ONU ainsi que du nouveau
contexte politique créé par l'adhésion de Chypre à l'UE, afin de
sauvegarder les droits de tous les Chypriotes. De cette manière, tous les
Chypriotes jouiront pleinement des bénéfices et des avantages de
l'adhésion à l'UE et réaliseront la réunification de leur pays après plus de
trois décennies de division artificielle.
Les initiatives du président Papadopoulos pour réactiver le processus de
paix au lendemain de l’échec du plan Annan ont mené à l'Accord du 8
juillet 2006 entre les deux communautés. Malheureusement, la mise en
oeuvre de l’Accord a été minée par la partie turque. Les nouvelles
initiatives prises par le président Christofias ont brisé l'impasse, fait
avancer le processus et abouti à l’ouverture de négociations à part entière
entre les deux communautés en septembre 2008, en vue d’un règlement
global. Ses efforts ont également ravivé l'intérêt de la communauté
internationale pour le processus de paix de Chypre, se traduisant par un
large soutien en faveur de négociations directes et de la recherche de la
paix permanente dans l'île.
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CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 37
HISTORIQUE
De l'indépendance à l'invasion par la Turquie, 1960-1974
Chypre a été proclamée République indépendante le 16 août 1960, en
vertu des accords de Zurich et de Londres de 1959, négociés par la
Grèce, la Turquie et le Royaume-Uni. Ces accords comprenaient une
Constitution et trois traités : le Traité de garantie, le Traité d’alliance et le
Traité d’établissement. Ils ont mis fin à 82 ans de domination britannique
après de nombreuses années d’un mouvement de libération nationale qui
comprenait des protestations et des manifestations anticoloniales,
massives et pacifiques, des appels lancés aux Nations unies afin d’obtenir
l’autodétermination des habitants de l’île pour décider de leur propre
avenir et, finalement, une lutte armée de quatre ans (1955-1959).
L'opposition active à la domination coloniale venait de la communauté
chypriote grecque, dont la majorité aspirait alors à l'union de Chypre avec
la Grèce. La Turquie et les dirigeants chypriotes turcs, quant à eux, incités
par les Britanniques, préconisaient la partition de l'île, avec un secteur
chypriote turc s'unissant à la Turquie. (Ces visions diamétralement
opposées ont été spécifiquement interdites par la suite par les accords de
1959 qui ont établi l’indépendance de Chypre). La domination britannique
n'a pas encouragé l'émergence d'une identité nationale chypriote. Au
contraire, la Grande-Bretagne a utilisé la politique consistant à «diviser et
régner» comme instrument permettant de contrôler le sentiment
anticolonial dans l'île. Elle a rallié les Chypriotes turcs à ses côtés, contre
le mouvement de libération chypriote grec, semant ainsi les graines de la
discorde intercommunautaire et de la polarisation entre les Chypriotes
grecs et turcs, développement qui devait s'avérer préjudiciable à leur
coopération en faveur de l'indépendance.
Bien qu'elles aient finalement signé les accords de Zurich et de Londres,
les communautés chypriotes grecque et turque n’ont pas eu de rôle
important à jouer dans leur rédaction ni dans la rédaction de la
Constitution pour la nouvelle république. En fait, l’occasion n’a jamais été
donnée aux personnes les plus concernées par ces documents complexes
de voter à leur propos. En effet, les accords et la constitution de cette
république naissante ont été imposés au peuple de Chypre. Par
conséquent, le destin de la nouvelle république a été compromis in vitro.
Au lieu de promouvoir la paix par le biais de la solidarité
intercommunautaire et la loyauté pour un Etat commun ainsi que le
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CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 38
respect de la souveraineté de la nouvelle république, certaines
dispositions des accords et de la constitution se sont avérées propices à
un conflit interne et à l’ingérence étrangère. Il s’est rapidement avéré que
l’on avait octroyé à Chypre une indépendance restreinte et des
dispositions constitutionnelles dysfonctionnelles. La constitution faisait
ressortir les différences entre les Chypriotes grecs et turcs, contrecarrant
ainsi les tendances intégratives et encourageant un comportement
séparatiste entre les deux communautés.
Les accords prévoyaient un arrangement complexe de partage des pouvoirs
entre les deux communautés (la communauté chypriote grecque à majorité
numérique de 82% de la population et la communauté chypriote turque à
minorité numérique de 18% de la population) et accordaient des pouvoirs
extraordinaires de veto à la communauté chypriote turque. Des droits
vaguement définis d’ingérence dans les affaires chypriotes à certaines
conditions ont été octroyés aux trois puissances garantes (la Grèce, la
Turquie et le Royaume-Uni). En outre, le Royaume-Uni a conservé «des
bases souveraines» correspondant à 2,7% du territoire de l'île ainsi que
d’importants équipements de collecte de renseignements, tandis que la
Grèce et la Turquie devaient faire stationner des petits contingents militaires
(s’élevant à 950 et 650 hommes respectivement) sur l'île.
La nature divisionniste de la constitution et la rigidité de ses articles
principaux ont rendu difficile le fonctionnement d’un gouvernement
démocratique et ont provoqué une amertume croissante parmi les
Chypriotes grecs et turcs. La constitution s’est rapidement révélée
inapplicable. En 1963, une série d’impasses concernant les budgets de
l'Etat, l'imposition, les municipalités et d'autres questions a mené à une
crise constitutionnelle qui a menacé de paralyser le fonctionnement du
gouvernement et de l'Etat.* Le président de la République s’est senti
obligé de proposer, le 30 novembre, un certain nombre d'amendements
constitutionnels à débattre, en vue de «supprimer les obstacles au bon
fonctionnement et au développement de l'Etat». Le gouvernement turc a
cependant catégoriquement rejeté les amendements constitutionnels
proposés. Les dirigeants chypriotes turcs en ont fait de même et se sont
alignés sur la politique de la Turquie de division de l’île à long terme.
Le vice-président de la République, qui était un Chypriote turc, a affirmé
le 30 décembre 1963 que la constitution chypriote était morte et qu’il n'y
avait aucune possibilité pour les Chypriotes grecs et turcs de vivre et
* Cf. Stanley Kyriakides, Chypre: Constitutionalisme et Gouvernement de crise
(Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 1968).
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CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 39
travailler ensemble. «Appelez cela partition, si vous voulez» a-t-il déclaré
aux médias étrangers. Le climat à Chypre est devenu tendu et explosif.
Les relations entre les deux communautés se sont détériorées, tandis
qu’une série d'événements en avalanche ont abouti à une crise s’étendant
au-delà des frontières de Chypre. Des incidents mineurs isolés ont donné
lieux à des affrontements intercommunautaires. Sous la pression de leurs
dirigeants, les Chypriotes turcs venus de tous les coins de l'île ont
commencé à se concentrer dans certaines régions, conformément à la
politique de la Turquie visant à former des enclaves turques sous son
contrôle afin de séparer les deux communautés comme premier pas vers
la séparation de Chypre selon des critères ethniques. Les ministres
chypriotes turcs se sont retirés du gouvernement, les membres chypriotes
turcs de la Chambre des représentants se sont retirés du Parlement et les
fonctionnaires chypriotes turcs ont cessé de se présenter au travail. En
définitive, les Chypriotes turcs se sont retirés de toutes les institutions de
l'Etat et des organismes gouvernementaux. Des flambées soudaines de
violence intercommunautaire se sont produites en 1963-64 et, à nouveau,
en 1967. La Turquie a menacé d'intervenir militairement à Chypre mais la
pression internationale a empêché une invasion militaire en 1964 et 1967.
A la suite des menaces proférées par la Turquie contre Chypre, le
gouvernement de la République a saisi le Conseil de sécurité. Le Conseil
de sécurité a adopté à l'unanimité la résolution 186 du 4 mars 1964, dont
les principes fondamentaux ont guidé depuis lors les actions
internationales à propos de Chypre. Cette résolution a :
•
établi la mission de bons offices du Secrétaire général de l’ONU en vue
d’une solution pacifique, sur la base d'un règlement convenu
conformément à la Charte de l’ONU
•
crée l’UNFICYP, la force de maintien de la paix de l’ONU à Chypre
•
réaffirmé la souveraineté et l'existence continue de la République de
Chypre
•
réaffirmé la continuité du gouvernement de la République de Chypre.
Malgré les appels lancés par le Conseil de sécurité invitant les parties
intéressées à respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de la
République de Chypre et à s’abstenir de toute menace ou de l'emploi de
la force contre elle, les forces aériennes turques ont bombardé des
villages chypriotes en août 1964.
39
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Le 26 mars 1965, le Dr Galo Plaza, médiateur de l’ONU pour Chypre, a
publié l’un des rapports les plus importants jamais élaborés à propos de
Chypre (S/6253). Le rapport Plaza a qualifié l’arrangement de 1959 de
«bizarrerie constitutionnelle», remis en cause la fonctionnalité du
fédéralisme exigé par la partie turque en raison des difficultés et de la
nature inhumaine inhérentes aux mouvements de population ; critiqué les
droits de veto disproportionnés de la minorité et conçu la protection des
droits des minorités dans les instruments internationaux tels que la
Convention européenne. Plaidant fortement contre la séparation
géographique des deux communautés préconisée par la partie turque, le
Dr Plaza a déclaré que «si le but d'un règlement de la question chypriote
doit être la préservation plutôt que la destruction de l'Etat et s'il est appelé
à stimuler plutôt que militer contre le développement d’un peuple
paisiblement uni, je ne peux pas m’empêcher de me demander si la
division physique de la minorité par rapport à la majorité ne devrait pas
être considérée comme un pas désespéré dans la mauvaise direction».
La Turquie a immédiatement rejeté le rapport et ses recommandations et
déclaré qu’elle ne traiterait pas avec le médiateur de l’ONU. La médiation
de l’ONU a pris fin et, par la suite, la participation de l’ONU au processus
de paix à Chypre a été menée sous la mission de bons offices du
Secrétaire général.
Dans son rapport S/6426 du 10 juin 1965, le Secrétaire général de l’ONU
a décrit la politique de la partie turque à cette époque de la manière
suivante:
«Les dirigeants chypriotes turcs ont adopté une position rigide contre
toute mesure susceptible d’impliquer que les membres des deux
communautés vivent et travaillent ensemble, ou pouvant placer les
Chypriotes turcs dans des situations dans lesquelles ils seraient
obligés de reconnaître l'autorité des agents du gouvernement. En
effet, les dirigeants chypriotes turcs sont déterminés à réaliser la
séparation physique et géographique des communautés comme
objectif politique, il est peu probable qu’ils encouragent les activités
de Chypriotes turcs pouvant être interprétées comme démontrant le
bien-fondé d'une politique alternative. Il en est résulté une politique
apparemment délibérée d’auto-ségrégation de la part des Chypriotes
turcs».
Le gouvernement de Chypre a pris différentes mesures visant à rétablir la
normalité dans l'île. Ces dispositions ont abouti à l'élimination de la
40
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violence intercommunautaire et à la réduction spectaculaire des tensions
entre les deux communautés. Le gouvernement a également offert des
incitations économiques aux Chypriotes turcs, forcés par leurs dirigeants
de se déplacer dans les enclaves turques, pour les encourager à regagner
leurs domiciles. La partie turque n’a pas rendu la pareille, maintenant au
contraire des barrages routiers afin d’empêcher les Chypriotes grecs de
se rendre dans les enclaves turques.
En 1968, le gouvernement a entamé des négociations avec les dirigeants
chypriotes turcs sous les auspices de l’ONU, en vue d’un accord négocié
sur un système constitutionnel plus fonctionnel pour la République de
Chypre. Ces pourparlers avaient réalisé des progrès considérables et,
selon certains rapports, étaient sur le point d’aboutir quand ils ont été
interrompus par les événements tragiques de 1974.
L'invasion turque de 1974 et ses conséquences*
En 1967, une junte militaire a pris le pouvoir en Grèce. Les relations entre ce
régime et le président Makarios de Chypre étaient tendues et sont devenues
de plus en plus crispées. Le président Makarios proclamait qu’il était
convaincu que la junte d’Athènes était impliquée dans les efforts destinés à
miner son autorité et ses politiques, par le biais d’organisations extrémistes
clandestines à Chypre conspirant contre son gouvernement et contre sa vie.
Le 15 juillet 1974, la junte militaire au pouvoir en Grèce et ses
collaborateurs chypriotes ont perpétré un coup d’Etat contre le
gouvernement démocratiquement élu de Chypre. Utilisant cet acte
criminel comme prétexte, la Turquie a envahi Chypre cinq jours plus tard.
Dans une invasion en deux étapes en juillet et en août et malgré les
appels du Conseil de sécurité de l’ONU [Résolution 353 (1974)] et le
rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel dans l’île, la Turquie a
occupé 36,2% du territoire souverain de la République** et expulsé par la
force plus de 180 000 Chypriotes grecs de leurs foyers. D’autres
Chypriotes grecs, au nombre de 20 000, qui étaient restés dans les zones
occupées, ont également été forcés d'abandonner leurs foyers et de
chercher refuge dans la sécurité des zones contrôlées par le
gouvernement. En 2008, il restait moins de 500 Chypriotes grecs enclavés
dans les zones occupées (Voir Annexe 3).
* Cf. Annexe 3.
** Superficie à peu près identique figurant sur les cartes de Chypre divisée, distribuées par
la partie turque dans les années 1950. Voir les cartes à la page 45.
41
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La Turquie continue de priver les Chypriotes grecs déplacés de leur droit
de retourner dans leurs maisons et leurs propriétés. Ce fait a donné lieu à
des recours auprès de la Cour européenne des Droits de l'Homme, qui a
rendu des décisions importantes sur les violations de la Convention
européenne par la Turquie (Voir Annexe 2).
Outre la dévastation économique causée par l'invasion et le déplacement
forcé de la population, plus de 3000 personnes ont été tuées pendant
l'invasion, tandis que 1400 Chypriotes grecs sont toujours portés disparus.
L’occupation turque a entraîné la ruine économique de la partie de l'île qui,
avant 1974, était la plus riche et la plus développée. Les conditions
économiques précaires résultant de la mauvaise gestion turque et de la
colonisation systématique par la Turquie des régions occupées, par
l’implantation de colons illégaux, ont forcé les Chypriotes turcs à émigrer
en Europe et ailleurs. Les colons sont actuellement pratiquement deux
fois plus nombreux que les Chypriotes turcs indigènes. Les observateurs
indépendants ont documenté cette question pour l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, en 1992 et en 2003 respectivement.
Enfin, plus de 43 000 soldats turcs, lourdement armés, sont encore
stationnés dans les zones occupées. Il convient de noter que,
commençant par la Résolution 353 du Conseil de Sécurité du 20 juillet
1974, l’ONU a exigé «qu’il soit mis fin immédiatement à toute intervention
militaire étrangère dans la République de Chypre» et «le retrait sans délai
du territoire de la République de Chypre de tous les militaires étrangers
qui s’y trouvent autrement qu’en vertu d’accords internationaux».
En violation du droit international et des résolutions de l’ONU, la Turquie
et les dirigeants chypriotes turcs ont systématiquement tenté d’éradiquer
le patrimoine culturel grec dans les zones occupées. On a donné aux
villes et aux villages des noms turcs, tandis que les sites archéologiques,
les églises et les cimetières ont été pillés, endommagés ou utilisés à
d'autres fins.
En novembre 1983, la Turquie a encouragé et approuvé la déclaration
d'indépendance unilatérale dans la région occupée par les dirigeants
chypriotes turcs. La dénommée «République turque de Chypre du nord»
(«RTCN») n'a été reconnue par personne à part la Turquie, qui exerce un
contrôle virtuel sur elle (voir «décisions judiciaires»). Les résolutions 541
(1983) et 550 (1984) du Conseil de sécurité de l’ONU ont catégoriquement
condamné cette action unilatérale, l'ont déclarée invalide, ont demandé
son retrait et invité tous les Etats membres de l’ONU à ne pas reconnaître
42
CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 43
cette entité illégale. L'UE et tous les autres organismes internationaux et
régionaux ont adopté des positions similaires. A toutes les fins juridiques
et politiques, la communauté internationale ne reconnaît que la
République de Chypre créée en 1960 et son gouvernement, bien que le
gouvernement ne puisse pas exercer actuellement son autorité dans les
régions sous occupation militaire turque.
Les décisions judiciaires de cours régionales et nationales en Europe
occidentale, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni fournissent un important
dossier indépendant sur les conséquences de l'invasion de 1974 par la
Turquie et de son occupation continue de Chypre. Elles affirment
également la légitimité de la République de Chypre et de son
gouvernement. Ces décisions constituent un fondement important pour
tout règlement global à venir du problème chypriote (Voir Annexe 2).
43
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C A RT E S
27 Etats membres de l’UE
«L’Union européenne peut et doit jouer un rôle dans les efforts en vue de
résoudre le problème chypriote. Nous comptons sur la solidarité de nos
partenaires européens et espérons qu'ils contribueront à briser l'impasse et à
résoudre le problème chypriote
…
En tant que membre de l'Union européenne, la République de Chypre
participera activement aux développements en Europe, dans le but de réaliser
la vision d’une Europe socialement sensible. Chypre peut devenir un pont
entre l'Europe et les pays de notre région ainsi que les pays avec lesquels
notre île maintient des relations au sein du Mouvement des non-alignés».
[Président Demetris Christofias, discours d’investiture, 28 février 2008]
« …Il faudrait toujours garder à l’esprit que Chypre est membre à part entière
de l’Union européenne et que la solution doit respecter et mettre en œuvre les
principes sur lesquels est fondée l’Union européenne».
[Président Demetris Christofias, allocution d’ouverture lors du lancement des
négociations directes avec le dirigeant chypriote turc sur le problème de Chypre,
3 septembre 2008]
44
Carte montrant la ligne de cessez-le-feu de l’ONU de 1974 qui divise la République de Chypre
et les zones de la République sous occupation militaire turque.
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45
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KYRENIA
NICOSIE
FAMAGOUSTE
POLIS
AMIANDOS
LARNACA
PAPHOS
LIMASSOL
La partition de Chypre, telle que proposée en 1957 par le dirigeant chypriote
turc, le Dr Fazil Kuchuk, dans son pamphlet "La question chypriote: une
solution permanente", le long de la ligne représentée sur la carte. La "partie
turque" proposée est la zone ombragée dans le nord de l'île.
KYRENIA
NICOSIE
FAMAGOUSTE
POLIS
AMIANDOS
LARNACA
PAPHOS
LIMASSOL
La ligne de démarcation, telle qu’établie par l'armée d’invasion turque
en 1974. La zone ombragée dans le nord se trouve toujours sous
occupation militaire turque.
46
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ANNEXES
1. Initiatives politiques en faveur des Chypriotes turcs
Tout en recherchant activement une solution au problème chypriote, le
gouvernement a introduit, le 30 avril 2003, une série de mesures visant à
fournir aux Chypriotes turcs, résidant principalement dans les régions
occupées, l’occasion de jouir, autant que possible dans les circonstances
actuelles, des droits et bénéfices que la République de Chypre offre à ses
citoyens. La mise en oeuvre de ces initiatives et mesures de confiance
entre dans le contexte des lois de la République de Chypre, du droit
international et de l'acquis communautaire de l'UE.
Les initiatives du gouvernement concernent entre autres:
•
Le mouvement de marchandises, de personnes et de véhicules
•
L’emploi de Chypriotes turcs dans les régions contrôlées par le
gouvernement
•
La formation professionnelle des Chypriotes tucs et leur participation
aux événements sportifs et autres à l’étranger
•
La délivrance aux Chypriotes turcs de certificats et autres documents
officiels, tels que les passeports et cartes d'identité de la République
•
La protection du patrimoine culturel chypriote turc
•
Le déminage de la zone tampon le long de la ligne de cessez-le-feu de
l’ONU
•
L’assistance aux familles des Chypriotes turcs portés disparus et des
non-combattants tués durant la période 1963-67 et en 1974.
Le gouvernement verse des pensions de sécurité sociale aux Chypriotes
turcs y ayant droit, paie les frais de scolarité des élèves chypriotes turcs
dans les écoles privées et offre des soins médicaux gratuits à des
dizaines de milliers des Chypriotes turcs. Les Chypriotes turcs travaillant
dans les régions contrôlées par le gouvernement touchent des centaines
de milliers d'euros en tant que revenus, tandis que les Chypriotes grecs se
rendant dans les territoires occupés y dépensent des millions d'euros.
Enfin, pendant des décennies, l'Autorité de l'électricité de Chypre a
47
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également fourni l'électricité gratuite à la communauté chypriote turque
dans les zones occupées. Durant la seule période 1974-2006,
l’approvisionnement en électricité fourni aux Chypriotes turcs s’est élevé
à environ 300 millions d’euros. L'eau leur est également fournie
gratuitement.
L'augmentation de l'activité économique à travers la ligne de cessez-lefeu depuis 2003 a été un facteur important dans la hausse du revenu par
habitant des Chypriotes turcs, qui a plus que doublé au cours de ces
dernières années. En outre, jusqu'à juin 2010, près de 94.000 Chypriotes
turcs ont acquis des actes de naissance officiels de la République de
Chypre, environ 88.000 ont acquis des cartes d'identité et plus de 59.000
ont acquis des passeports.
Afin d’aider à promouvoir la réunification et la réconciliation, le
gouvernement a constamment poursuivi, malgré les obstacles posés par
la partie turque, des politiques destinées à améliorer la situation
économique des Chypriotes turcs. C'est dans cet esprit qu'il a consenti au
règlement de l'UE sur l’aide financière de deux cent cinquante-neuf
millions d'euros en faveur de la communauté chypriote turque. Pour
faciliter l'attribution de l'aide aux Chypriotes turcs, le gouvernement a
retiré, en mars 2008, son appel à la Cour de justice des Communautés
européennes pour l'annulation des offres soumises en vertu des
dispositions du règlement de l'UE, après la modification par la
Commission européenne du texte trompeur pertinent.
En juillet 2004, le gouvernement a également proposé des mesures
supplémentaires comprenant l'extension du déminage des champs de
mines situés dans la zone tampon, en coopération avec l’ONU. Bien que
la partie turque n'ait pas encore respecté toutes ses obligations à cet
égard, le gouvernement a procédé unilatéralement, dans ses efforts en
vue d’atténuer les tensions et de créer un meilleur climat politique, au
déminage de ses champs de mines à l'intérieur de la zone tampon. Avec
la destruction de la dernière mine antipersonnel, le 10 juillet 2007, Chypre
a entièrement fait face à ses obligations découlant de la convention
d'Ottawa.
En outre, le gouvernement a proposé d’offrir des dispositions spéciales en
faveur des Chypriotes turcs, leur permettant d’utiliser le port de Larnaca
pour l'exportation de leurs produits. Il a proposé par ailleurs l’exploitation
légale (à la fois par les Chypriotes grecs et turcs) du port de Famagouste
48
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sous la surveillance de l'UE, à condition que le secteur de Varosha soit
rendu à ses habitants légitimes chypriotes grecs sous le contrôle du
gouvernement de Chypre.
L'approche constructive globale du gouvernement à l’égard des
Chypriotes turcs, unilatéralement aussi bien que par le biais de l'UE, est
conçue pour stimuler la coopération et la confiance entre les deux
communautés. Le gouvernement continuera à promouvoir la réconciliation
et la réintégration par des moyens tangibles, ouvrant ainsi la voie à un
règlement global et viable du problème chypriote.
2. Importantes décisions judiciaires sur la question chypriote*
•
Chypre c. Turquie (6780/74) et (6950/75) - Commission européenne
des droits de l'homme, 1976
Dans un rapport commun (1976) en vertu de l'ancien article 31 de la
Convention européenne, la Turquie a été reconnue coupable de violations
des articles 2 (droits à la vie), 5 (liberté et sécurité de la personne), 8
(respect de la vie privée et familiale, du domicile, etc.), 13 (recours
effectifs pour les violations de droits et de libertés), et de l’article I du
Protocole I (jouissance pacifique de la propriété). Le 20 janvier 1979, le
Comité des Ministres a adopté la résolution DH (79) demandant la
protection durable des droits de l'homme par le biais de pourparlers
intercommunautaires menant à une solution du conflit.
•
Chypre c. Turquie (8007/77) - Commission européenne des droits
de l'homme, 1983
La Commission a constaté, en vertu de l'ancien article 31 de la
Convention européenne, que la Turquie avait enfreint ses obligations au
titre de l'article 5 (liberté et sécurité de la personne), de l'article 8 (respect
de la vie privée et familiale, du domicile, etc.) et de l'article I du Protocole
I (jouissance paisible des biens). Le 2 avril 1992, le Comité des Ministres
a adopté la résolution DH (92)12 en ce qui concerne le rapport de la
Commission et a rendu public le rapport de 1983.
* Voir Van Coufoudakis, Violations des droits de l’homme à Chypre par la Turquie, (Nicosie:
Bureau de presse et d’information, République de Chypre, 2008)
49
CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 50
•
Eglise orthodoxe grecque autocéphale de Chypre c. Goldberg &
Feldman Fine Arts Inc., 917 F.2d 278, Cour d’appel des Etats-Unis
pour le 7ème circuit, Décision du 24 octobre 1990
Par sa décision, la Cour d’appel fédérale de circuit a confirmé le verdict du
3 août 1989 du tribunal d'arrondissement américain à Indianapolis.
L’affaire concernait la propriété des mosaïques du VIème siècle, pillées de
l'église de Kanakaria dans la zone occupée de Chypre. Les mosaïques
avaient été arrachées par des contrebandiers d'antiquités turcs et
vendues à un marchand d'art américain pour la somme de 1,2 millions de
dollars. Les mosaïques ont été rendues à leur propriétaire légitime,
l'église de Chypre. Cette décision a constitué un précédent important aux
Etats-Unis pour la protection des biens culturels. Bien qu'elle ait ratifié les
conventions de l'UNESCO de 1954 et de 1970 pour la protection des biens
culturels, la Turquie n’a pratiquement rien fait pour arrêter les actes de
vandalisme, la destruction et le pillage des biens culturels chypriotes
grecs se trouvant dans les zones contrôlées par l'armée turque.
•
Cour de justice des Communautés européennes - Affaire C-439/92,
5 juillet 1994
La Cour a décrété que seuls les certificats d’importation et les certificats
phytosanitaires délivrés par les autorités compétentes de la République
de Chypre pouvaient être acceptés par les Etats membres de la
Communauté européenne. La décision a déclaré que la République de
Chypre était le seul Etat chypriote reconnu par la Communauté
européenne. Les certificats d’importation et les certificats phytosanitaires
délivrés par les "autorités" chypriotes turques sont exclus parce que
"l’entité telle qu’établie dans la partie nord de Chypre…n’est reconnue ni
par la Communauté ni par les Etats membres".
La Cour de justice a examiné la question à la demande de la Cour
Suprême de Grande-Bretagne, après une action introduite au RoyaumeUni par des exportateurs chypriotes d'agrumes et de pommes de terre. La
Cour Suprême a demandé une interprétation des dispositions pertinentes
de l'Accord d'association CE-Chypre de 1972 et de la directive 77/93/CEE
du Conseil. La Cour Suprême de Grande-Bretagne a confirmé la décision
de la Cour de justice en novembre 1994. Cette décision importante a
reconnu la souveraineté de la République de Chypre sur la totalité de l'île
en ce qui concerne ses relations avec la Communauté européenne.
50
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•
Loizidou c. Turquie - Cour européenne des droits de l'homme, 18
décembre 1996 et 28 juillet 1998
La Cour européenne des droits de l'homme a constaté que la requérante,
Mme Titina Loizidou, citoyenne de la République de Chypre, demeurait la
propriétaire de plein droit de sa propriété située dans les zones occupées
par l'armée turque. La Cour a rendu trois jugements : sur les objections
préliminaires (23 mars 1995) ; sur le fond de l’affaire (18 décembre 1996)
et sur la "satisfaction équitable" (28 juillet 1998). Dans une décision
faisant jurisprudence, la Cour a considéré la Turquie comme une
puissance d'occupation responsable des politiques et des actes des
autorités dans les zones occupées. Les "autorités" chypriotes turques ont
été décrites comme "l’administration locale subordonnée" de la Turquie.
La Turquie a été jugée coupable de violation de l'article I, Protocole I de la
Convention par son déni continu à la requérante de l'accès à ses biens et
par sa prétendue expropriation sans indemnisation. Le 28 juillet 1998, la
Cour a ordonné à la Turquie de verser des indemnités à Mme Loizidou. Le
refus de la Turquie de se conformer au jugement a abouti aux résolutions
du Conseil des Ministres du Conseil de l'Europe. Ces résolutions ont
déploré la non-conformité de la Turquie, rappelé à la Turquie son
acceptation de la Convention et de la juridiction obligatoire de la Cour et
invité le Conseil à prendre les mesures appropriées pour assurer la
conformité. Avec les décisions en suspens sur la candidature de la Turquie
à l'UE et sous la menace de sanctions, la Turquie a versé en décembre
2003 la somme de 641 000 livres chypriotes (approximativement 1,5
millions de dollars), à Titina Loizidou. Cependant, la Turquie n’a pris
aucune mesure menant à la restitution des biens de Mme Loizidou.
•
Chypre c. Turquie, Requête no. 25781/94 Cour européenne des
droits de l'homme, 10 mai 2001
Il s’agit de la décision ayant la plus grande portée sur les requêtes
introduites par le gouvernement de la République de Chypre contre la
Turquie. La décision a confirmé les requêtes interétatiques précédentes,
introduites par Chypre en vertu de l'ancien article 31 de la Convention (le
10 juillet 1976 et le 4 octobre 1983). Les affaires précédentes avaient
documenté différentes violations de la Convention par la Turquie depuis
l'invasion de 1974.
51
CYPRUS QUESTION FR 2010:Layout 1 24/9/2010 8:36 πμ Page 52
Par des votes à la majorité, cette décision a statué:
-
Que la Turquie violait de façon continue les articles 2,3, et 5 de la
Convention par son manquement à réaliser des enquêtes efficaces sur
les circonstances et le sort des personnes chypriotes grecques portées
disparues.
-
Que, par son refus de permettre aux personnes déplacées chypriotes
grecques de retourner dans leurs foyers, la Turquie violait de façon
continue l'article 8 de la Convention. De telles violations continues
concernent l'article I, Protocole I (déni d’accès, de contrôle, d’usage, de
jouissance des droits de propriété); et l’article 13 (absence de recours
effectifs pour les droits de propriété des Chypriotes grecs déplacés).
-
La Turquie a violé les droits des Chypriotes grecs vivant "dans la partie
nord" de Chypre. Il s’agit de violations de l'article 9 (traitement
respectueux) ; de l’article 10 (censure des livres scolaires) ; de l’article
I, Protocole I (droit à la jouissance pacifique des biens) ; de l’article 2
(aucun équipement approprié pour les écoles secondaires) ; de l’article
3 (discrimination équivalent à un traitement dégradant) ; article 13
(absence de voies de recours).
-
Violation des droits des Chypriotes turcs dans les zones occupées en
vertu de l'article 6 (procès des civils devant des juridictions militaires).
En présentant des observations dans l’affaire, la Cour a également
confirmé l’affaire Loizidou contre la Turquie (1996 et 1998) ; l'illégalité de
la proclamation de la prétendue "RTCN" en 1983 et de sa "constitution"
(1985) ; et les décisions précédentes sur les requêtes interétatiques
formulées par la République de Chypre (6780/74, 6950/75 et 8007/77). La
Cour a déclaré la Turquie responsable de toutes ces violations puisqu'elle
exerçait un "contrôle global effectif sur Chypre du nord". La Cour a
également affirmé que le gouvernement de la République était l’unique
gouvernement légitime de l'île.
•
Affaire Varnava et autres c. Turquie, Cour européenne des droits
de l’homme, 10 janvier 2008
Le 10 janvier 2008, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a
rendu un jugement dans l’affaire Varnava et autres c. Turquie (Requêtes
n° 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90,
16071/90, 16072/90 et 16073/90), par lequel la Turquie a été reconnue
52
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coupable d’avoir violé les droits de neuf Chypriotes grecs disparus et de
leurs proches parents. Les neuf étaient des combattants, à l’exception de
Savvas Hadjipanteli, dont les restes ont été identifiés. Ils ont tous été vus
vivants après leur capture par l'armée turque à Chypre et également en
Turquie, où ils avaient été transportés en tant que prisonniers de guerre.
Le collège de sept juges de la troisième section de la CEDH avec un seul juge
dissident, celui de la Turquie, a déclaré la Turquie responsable de la violation
des articles 2, 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans sa décision, la CEDH a souligné que la Turquie était obligée, en
vertu des traités internationaux, de respecter les blessés, les prisonniers
de guerre et les civils; plus particulièrement, en vertu de la convention
européenne des droits de l'homme, elle était tenue de prendre les
mesures raisonnables en vue de protéger la vie des personnes n’étant pas
engagées dans les hostilités ou celles ne l’étant plus. Le jugement rejette
également catégoriquement la position turque selon laquelle les
personnes ayant disparu pendant l'invasion turque de 1974 et étant
toujours portées disparues, doivent être présumées décédées. En ce qui
concerne les proches parents des personnes qui ont disparu alors qu’elles
étaient détenues par la Turquie, la CEDH constate qu’ils "ont sans doute
souffert de l'incertitude et de l'anxiété les plus pénibles et en outre leur
souffrance morale ne s’est pas estompée avec le temps".
•
Affaire Apostolides c. Orams, (Affaire n° A2/2006/2114) Cour
d’appel britannique (Chambre civile), 19 janvier 2010
La Cour d’appel britannique a décrété qu’il convenait d’exécuter un
jugement rendu par un tribunal chypriote, à propos de revendications
relatives à des biens immobiliers appartenant à un Chypriote grec dans
les zones de Chypre occupées par la Turquie. La décision a fait suite à un
appel formulé par le couple Orams devant la Court d’appel britannique
contre un jugement d’un tribunal chypriote ordonnant aux Orams de verser
des dommages et intérêts à M. Apotolides, de démolir la maison de
vacances qu’ils avaient érigée sur son terrain dans le village de Lapithos
occupé par la Turquie, de cesser toute intervention dans la propriété en
question et de la remettre à son propriétaire légitime. Meletis Apostolides
avait traduit le couple Orams devant le tribunal, faisant valoir ses droits de
propriété dans la zone occupée où les Orams avaient illégalement érigé
une maison de vacances.
53
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•
Jugement de la Cour européenne des Droits de l’Homme sur la
requête de ‘’Demopoulos c. Turquie et 7 autres affaires, 5 mars 2010
La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu son
jugement sur l’affaire ‘’Demopoulos c. Turquie et 7 autres affaires’’
décrétant que la prétendue commission des biens immobiliers (CBI),
instituée dans les zones de Chypre occupées par la Turquie, constitue un
recours interne efficace. Le jugement précise que la CBI constitue un
recours interne du gouvernement turc et non pas du régime illégal dans la
partie occupée de Chypre.
Selon la décision de la Cour, les Chypriotes grecs devront tout d’abord
s’adresser à la CBI avant de recourir à la CEDH.
Le porte-parole du Gouvernement a déclaré que le jugement sera
respecté mais qu’il représente une évolution négative, soulignant que la
Cour ne peut pas renvoyer des propriétaires de biens immobiliers à des
voies de recours étant essentiellement le produit d’une illégalité, s’ils
veulent demander la restitution de leur droit à leurs biens se trouvant sous
occupation militaire turque.
3. Conséquences de l´invasion et de l´occupation turques:
Faits et Chiffres
•
Plus d’un tiers (36,2%) du territoire souverain de la République de
Chypre reste occupé par la Turquie.
•
Près de 200 000 Chypriotes grecs - environ un tiers de la population
totale de l’époque - ont été expulsés de force de la partie nord de l'île
occupée, où ils constituaient environ 70% de la population, et sont
toujours privés du droit de retourner dans leurs foyers et propriétés.
Les Chypriotes turcs vivant dans les zones libres ont été forcés par
leurs dirigeants de se déplacer vers les zones occupées.
•
Quelque 1400 personnes (dont plusieurs centaines de civils) sont
toujours portées disparues, mais la partie turque refuse de coopérer
pleinement afin de déterminer leur sort.
•
Moins de 500 Chypriotes grecs et maronites enclavés dans leurs
villages dans les zones occupées vivent toujours sous l'oppression, la
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privation et l’intimidation. (A la fin de 1974, il y avait 20 000 enclavés,
la plupart d’entre eux
ont été forcés, par le régime illégal,
d'abandonner leurs foyers et devenir des réfugiés).
•
Une force de plus de 43 000 soldats, soutenue par la force aérienne et
marine turque, stationne toujours dans les régions occupées de
Chypre.
•
Plus de 160 000 colons venus de Turquie ont illégalement colonisé les
zones occupées de Chypre, dans le cadre de la politique turque de
modifier la structure démographique de l'île.
•
Plus de 57 000 Chypriotes turcs sur un total de 116 000 ont émigré
depuis l'invasion, selon des sources Chypriotes turques, en raison de
la situation économique, sociale et morale prévalant dans les zones
occupées.
•
Il y a eu une usurpation, un détournement et une exploitation
systématiques des propriétés situées dans les zones occupées et
appartenant aux Chypriotes grecs déplacés de force par l'invasion
turque en 1974.
•
La Turquie et le régime d’occupation illégal ont systématiquement
détruit, dans les régions occupées, le patrimoine culturel et historique
de 11 000 ans. Quelques exemples :
§ Les fouilles et la contrebande illégales d’antiquités ont lieu
ouvertement et toujours avec la participation, ou du moins
l’acquiescement, des forces d'occupation;
§ D’innombrables icônes, objets de culte et trésors archéologiques
ont été volés et exportés illégalement à l'étranger;
§ Les cimetières d'au moins 25 villages ont été profanés et
détruits;
§ Des centaines d’églises et de monastères ont été pillés. Parmi
ceux-ci:
– 125 ont été transformés en mosquées, une vieille tradition
ottomane, dans les territoires occupés;
– 67 ont été transformés en écuries ou en entrepôts de foin;
– 57 sont devenus des musées, des centres culturels et des
hôtels;
– 17 sont devenus des auberges, des restaurants ou des entrepôts
militaires;
– 25 ont été démolis;
– 229 ont été entièrement profanés.
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CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS CLES
L’histoire de Chypre remonte au 11e millénaire av. J.-C.
2e et 1er millénaire av. J.-C.
Les Grecs mycéniens et achéens s’installent à Chypre,
apportant la culture grecque sur l’île.
30 av. J.-C. – 330 apr. J.-C.
Chypre est une province de l’Empire romain.
330 – 1191
Chypre est une province de l’Empire byzantin.
1191 – 1571
Chypre sous la domination des Croisés, de l’Ordre des
Templiers, des Lusignan (1192-1489) et des Vénitiens
(1489-1571).
1571-1878
Chypre sous la domination ottomane.
1878
Chypre est louée à la Grande-Bretagne par l’Empire
ottoman.
1914
Annexion de Chypre par la Grande-Bretagne suite à
l’entrée en guerre de la Turquie aux côtés de l’Allemagne
durant la 1ère GM.
1923
Aux termes du Traité de Lausanne, la Turquie renonce à
toute revendication sur Chypre.
1925
Chypre est proclamée colonie de la couronne britannique.
1931
Premier soulèvement chypriote grec contre la domination
britannique.
1950
Makarios III est élu archevêque de Chypre.
1954
La Grèce soulève la question de l’autodétermination de
Chypre à l’Assemblée générale de l’ONU.
1955-1959
Lutte armée anticoloniale menée par les Chypriotes
grecs.
1959
Chypre obtient son indépendance en vertu des accords
négociés à Zurich et à Londres par la Grèce, la Turquie et
la Grande-Bretagne.
1960 - 16 août
Proclamation de la République de Chypre.
1963 - 30 novembre
Le président Makarios propose des amendements
constitutionnels visant à «supprimer les obstacles au
fonctionnement régulier et au développement de l’Etat»
qui sont rejetés par la Turquie et les dirigeants chypriotes
turcs.
1964 - 4 mars
Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 186
dont les dispositions fondamentales ont guidé depuis les
actes internationaux concernant Chypre (missions de
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- Mars - mai
- Août
1965 - 26 mars
1967
1968
1972
1974 - 15 juillet
- 20 juillet
- 20 juillet
- 23 juillet
- 14 août
- 1er novembre
bons offices du Secrétaire général de l’ONU; création de
la force de maintien de la paix de l’ONU à Chypre;
réaffirmation de l’indépendance, de la souveraineté et de
l’existence de la République de Chypre et du
gouvernement chypriote).
Arrivée de la force de maintien de la paix de l’ONU
(UNFICYP) à Chypre.
La Turquie lance des attaques aériennes contre Chypre
tandis que le président américain conseille à Ankara de ne
pas envahir l’île.
Le Médiateur de l’ONU Galo Plaza, dans un rapport au
Conseil de sécurité, rejette la position turque en faveur
d’une séparation géographique des communautés
chypriotes.
– La junte militaire prend le pouvoir en Grèce.
– Des conflits intercommautaires éclatent à Chypre et la
Turquie se prépare à envahir Chypre: la crise est dissipée
après la médiation des Etats-Unis.
Début des négociations sous l’égide de l’ONU entre les
communautés chypriotes grecque et turque.
Accord d’association Chypre – CEE.
Coup d’Etat contre le gouvernement de la République de
Chypre fomenté par la junte militaire en Grèce.
La Turquie lance la première phase de l’invasion de
Chypre avec d’importantes forces maritimes et
aériennes.
Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 353
qui «exige la fin immédiate de l’intervention militaire
étrangère dans la République de Chypre».
Le régime du Coup d’Etat s’effondre et l’ordre
constitutionnel est rétabli à Chypre.
La Turquie lance la deuxième phase de l’invasion militaire
de Chypre et occupe 36,2% de son territoire.
La résolution unanime 3212 de l’Assemblée générale de
l’ONU (y compris la voix de la Turquie) demande le retrait
des forces étrangères de Chypre, le respect de
l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale de la République, l’arrêt de l’ingérence dans
ses affaires internes et le retour des réfugiés dans leurs
foyers dans des conditions de sécurité.
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1977 - 12 février
- 3 août
1983 - 15 novembre
- 18 novembre
1987
1990 - 4 juillet
1992 - 2 avril
- 27 avril
1996 - 18 décembre
1998 - 31 mars
1999 - 11 décembre
2001 - 10 mai
Accord en quatre points sur un règlement chypriote conclu
entre le président Makarios et le dirigeant chypriote turc
Rauf Denktash.
Mort du président Makarios, à qui succède M. Spyros
Kyprianou.
«Déclaration unilatérale d’indépendance» («DUI») par les
dirigeants chypriotes turcs en vue de fonder la
«République turque de Chypre du Nord» («RTCN») dans
les territoires de Chypre occupés par la Turquie.
Le Conseil de sécurité de l’ONU condamne la «DUI», la
qualifie de juridiquement invalide, demande son retrait et
appelle tous les Etats à ne pas la reconnaître et à
respecter l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité
territoriale de la République de Chypre (Résolution 541/83).
Protocole d’union douanière Chypre – CE.
Chypre fait acte de candidature pour adhérer à la CEE.
Le Conseil de l’Europe publie le rapport du 4 octobre 1983
de la Commission européenne des Droits de l’Homme
condamnant la Turquie pour violations massives des
droits de l’homme à Chypre.
Le rapport du Rapporteur du Conseil de l’Europe Alfons
Cuco sur la structure démographique des communautés
chypriotes confirme la colonisation importante de la région
occupée par des colons illégaux venus de Turquie.
La Cour européenne des Droits de l’Homme du Conseil
de l’Europe – à la suite d’une requête contre la Turquie
introduite par une Chypriote grecque, Titina Loizidou, pour
violation de son droit d’accès à ses biens dans la ville de
Kyrénia, occupée par la Turquie – déclare que la Turquie
est responsable de la violation des droits de l’homme
dans la partie de Chypre occupée par la Turquie.
Début des négociations d’adhésion entre Chypre et l’UE.
Les conclusions de la présidence du Conseil européen
d’Helsinki soulignent que le règlement préalable de la
question chypriote n’est pas une condition requise pour
l’adhésion de Chypre à l’UE..
La Cour européenne des Droits de l’Homme du Conseil
de l’Europe déclare la Turquie coupable de violations
massives des droits de l’homme dans les régions de la
République qu’elle occupe depuis 1974.
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2002 - 11 novembre
- 13 décembre
2003 - 16 avril
- 23 avril
2004 - 24 avril
- 1er mai
2006 - 8 juillet
2008 - 1er janvier
- 28 février
- 3 septembre
2009 - 28 avril
2010 - 31 janvier
2010 - 10 février
Le Secrétaire générale de l’ONU, Kofi Annan, soumet un
plan pour un règlement global du problème chypriote.
Le Conseil européen décide à Copenhague d’admettre
Chypre comme membre de l’Union européenne le 1er mai
2004.
Chypre signe le Traité d’Adhésion à l’UE à Athènes.
Le régime d’occupation turc annonce la levée partielle des
restrictions qu’il avait imposées depuis 1974 à la libre
circulation des personnes à travers la ligne de cessez-lefeu de l’ONU.
Les communautés chypriotes grecque et turque votent sur
le Plan Annan V : 75,83 % des Chypriotes grecs votent
«Non» au plan tandis que 24,17% votent «Oui»; 64,91%
des Chypriotes turcs votent en faveur du plan tandis que
35,09% votent contre. Le Plan Annan échoue et est rendu
nul et non avenu.
La République de Chypre adhère à l’Union européenne.
Le président de Chypre et le dirigeant chypriote turc se
mettent d’accord sur un ensemble de principes (L’Accord
du 8 juillet) destiné à guider le processus de paix sur
Chypre.
Chypre adopte l’euro comme monnaie officielle.
Dans son discours d’investiture, le nouveau président de
Chypre, Demetris Christofias, s’engage à prendre
d’importantes initiatives en vue de réactiver le processus
de paix bloqué.
Le président de Chypre et le dirigeant chypriote turc
lancent des négociations directes sur la question
chypriote.
La Cour de Justice des Communautés européennes
décrète qu’un jugement rendu par un tribunal de la
République de Chypre doit être reconnu et appliqué par
les autres Etats de l’UE, même s’il concerne des terres
situées dans les zones de Chypre occupées par la
Turquie.
Le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon arrive à
Chypre pour une visite de trois jours afin d’exprimer son
soutien aux négociations.
Le Parlement européen adopte une résolution sur le
Rapport 2009 sur les progrès accomplis par la Turquie
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- 5 mars
- 26 mai
invitant, entre autres, la Turquie à favoriser un climat
propice aux négociations en retirant immédiatement ses
troupes de Chypre.
La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH)
décrète que la prétendue commission des biens
immobiliers (CBI), instituée dans les zones de Chypre
occupées par la Turquie constitue un recours interne
efficace du gouvernement turc et non pas du régime
illégal dans la partie occupée de Chypre.
Les
négociations
intercommunautaires
directes
reprennent entre le Président Christofias et M. Dervish
Eroglu, qui a succédé à M. Talat en tant que dirigeant de
la communauté chypriote turque en avril.
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