L`aide à domicile et le développement des services à la personne

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L`aide à domicile et le développement des services à la personne
Chapitre 7
L’aide à domicile et le
développement des services à la
personne
La loi du 26 juillet 2005208 vient d’officialiser le plan de développement des services aux personnes à
domicile défendu par Jean-Louis Borloo, Ministre de la cohésion sociale.
En dépit de l’intérêt manifesté pour ce plan, la vigilance des réseaux associatifs et de l’Uniopss s’est
exercée plus particulièrement à maintenir les avancées opérées par la loi 2002-2 en matière
d’intégration des services à domicile aux personnes fragiles dans le champ des institutions sociales et
médico-sociales et à alerter sur les risques d’amalgame entre des formes extrêmement différentes de
services notamment en terme de nature de prestations, de populations concernées et de structuration
du service (entre les services prestataires et l’emploi de gré à gré des aides à domicile par les
particuliers eux-mêmes).
L’Uniopss craignait que les interventions au domicile des publics fragiles et leur extraction progressive
du cadre protecteur des dispositions de la loi 2002-2 soit banalisé. La chose est malheureusement
confirmée par la loi du 26 juillet 2005 et surtout par le projet d’ordonnance de simplification du droit
qui, dans son article 5, institue un droit d’option aux promoteurs de services, entre la procédure
d’autorisation par le président du conseil général définie par la loi 2002-2, et une procédure simplifiée
d’agrément qualité délivré par le Préfet.
1. Enjeux et genèse de la loi : priorité
à l’emploi !
Ce plan qui avait été présenté en février dernier reposait sur quatre axes essentiels :
ƒ faciliter les créations de nouveaux services par la simplification des procédures d’agrément et
d’autorisation ;
ƒ renforcer la solvabilisation de la demande par la généralisation des exonérations de charges sociales consenties aux services en gestion commerciale, la fusion des dispositifs du chèque emploi
service et du titre emploi service ;
ƒ améliorer la lisibilité et l'accessibilité de l’offre de service par une incitation à la constitution de
grandes enseignes nationales, constituées à partir des réseaux d’opérateurs existants ou à créer. Il
s’agit essentiellement de remédier au morcellement actuel de l’offre éparpillée en une multitude
d’opérateurs méconnus du public et de renforcer la confiance des consommateurs en favorisant
l’homogénéisation des critères de qualité ;
208
Loi n°2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en
faveur de la cohésion sociale – Journal Officiel n°173 du 27 juillet 2005
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mettre en œuvre une Agence nationale de développement des services aux personnes dont la vocation serait de coordonner les interventions des quelque 22 administrations concernées par ce secteur.
ƒ
Ces grandes orientations avaient été accueillies plutôt favorablement par les unions et fédérations
associatives de l’aide à domicile qui avaient vu la double possibilité de mieux affirmer leurs
interventions en direction des publics fragiles, et de diversifier les populations qu’elles desservent ainsi
que la nature des prestations qu’elles assurent. Les associations étaient également sensibles à
l’opportunité que représente ce plan de générer une plus grande concentration de leur offre de service
encore trop morcelée. C’est pourquoi, l’ensemble des fédérations auxquelles l’Uniopss s’était jointe a
signé le 22 novembre 2004 une convention d’objectifs avec le ministère. Toutefois, les objectifs de ce
plan ne sont pas fondamentalement nouveaux. C’est en effet le quatrième, développé par les
Gouvernements qui se sont succédé depuis 1987, qui vise à valoriser le « gisement » d’emplois
dormants que représentent les services aux particuliers à leur domicile.
Quatre dates jalonnent l’avènement de cette politique :
ƒ 1987 : exonérations des charges sociales patronales pour l’emploi d’une aide à domicile par des
personnes handicapées ou âgées de plus de 70 ans ;
ƒ 1991 : premier cadre législatif de développement des emplois familiaux (vocable de l’époque)
assorti de dispositions d’exonération fiscale.
ƒ Les effets de ces deux dispositifs législatifs contribueront à orienter vers l’emploi de gré à gré nombre
de personnes âgées ne pouvant plus tabler sur une intervention des prestations à financements
socialisés (telle que l’aide ménagère servie par l’aide sociale départementale ou l’action sociale
des caisses de retraite) pour répondre à leurs besoins d’aide quotidienne, en raison du
contingentement de plus en plus étroit de ces financements. Pour accompagner ce transfert
d’activité dicté par des raisons essentiellement économiques, les associations étendent
massivement leurs interventions sous forme mandataire.
ƒ 1993 : le plan quinquennal en faveur de l’Emploi instaure le Chèque emploi-service. Celui-ci vise à
simplifier les formalités administratives et les tâches liées à l’exercice de la fonction employeur.
Utilisable désormais sans limitation de durée, son usage s’est bien développé pour le recrutement
et la rémunération de personnel à domicile recruté en emploi de gré à gré.
ƒ 1996 : nouveau dispositif de développement des emplois des services à domicile. La loi du 29
janvier 1996209 engage un programme de régulation de l’offre de service en instaurant une
procédure d’agrément des services (agrément simple, agrément qualité pour le service aux
personnes fragiles : personnes âgées de + de 70 ans, personnes dépendantes ou handicapées,
familles avec enfant de moins de trois ans) qui permet aux clients des services de bénéficier des
exonérations fiscales et inscrit la gestion des services dans le champ concurrentiel. Désormais,
les entreprises privées lucratives peuvent être agréées comme entreprises de service aux
personnes. La loi s’atèle également à la question de l’ouverture des services à de nouvelles
clientèles : elle introduit un outil de solvabilisation destiné à des populations repérées comme
virtuellement demandeuses, mais qui ne peuvent acquitter le tarif d’une heure d’aide à domicile en
prestation de service. Les familles des classes moyennes, les couples, dits “ bi-actifs ”, et les
retraités sont les cibles plus particulièrement visées. L’outil pressenti devait apporter la double
garantie de la neutralité par rapport au statut du prestataire (libre concurrence oblige) et d’un
apport financier permettant de limiter le coût de l’aide pour l’usager. Calqué sur le dispositif des
titres restaurants : le titre emploi service était né.
À ce stade, le lien entre politique de l’emploi et développement des services aux personnes est
totalement institué. Une des questions récurrentes dans ces politiques successives demeure celle du
périmétrage du champ. Le passage de la notion d’emplois familiaux à celle de services aux personnes
ne représente pas qu’une distinction sémantique. Le fait que la loi du 26 juillet dernier privilégie le
singulier pour dénommer les clients des services traduit bien la difficulté de dégager un terme
générique pour identifier les destinataires des services à domicile.
Le secteur tel qu’il est défini par le plan Borloo est en effet très disparate :
209
Loi n°96-63 du 29 janvier 1996 en faveur du développement des emplois de services aux particuliers – Journal Officiel n°25
du 30 janvier 1996
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Uniopss/Uriopss Rentrée sociale 2005-2006
Les 5 catégories de services à la personne :
Les services à la famille : garde d’enfants, soutien scolaire, promotion de toutes les formes
d’assistance permettant le maintien à domicile des personnes dépendantes ;
Les services associés à la promotion de la santé à domicile et sur le lieu de travail : soins à
domicile, prestations associées à l’hospitalisation à domicile, soutien psychologique, actions
d’information et de prévention ;
Les services associés à la qualité de vie à domicile : assistance informatique, portage de
repas, petites réparations, coiffure, entretien de la maison ;
Les services associés au logement et au cadre de vie : gardiennage, jardinage, conseils
ponctuels en aménagement ;
Les services d’intermédiation : conseil juridique ponctuel, assistance aux démarches
administratives, aide à la recherche d’un logement.
Avec ces cinq domaines forts peu homogènes, le secteur des services aux personnes se révèle beaucoup plus large que ce qu’il avait été convenu de dénommer « emplois familiaux » : selon les
estimations du Gouvernement, il emploierait plus de 1,3 million personnes et afficherait un taux de
croissance exceptionnel de 5,5 % des effectifs par an depuis 1990. Pourtant, le secteur se révèle peu
attractif en raison de la relative précarité liée à la sous qualification et au fractionnement des emplois
(8 à 10 heures par semaine en moyenne) et surtout à la domination de l’emploi de gré à gré dans le
seul domaine des emplois familiaux.
Cette forme d’emploi régi par la convention collective des particuliers employeurs de personnels de
maison domine en effet très largement le secteur. En 2003, elle concernait 1,6 million de particuliers
employeurs de 245 000 salariés (80 000 ETP)210. Ces employeurs peuvent être des ménages
ordinaires bien sûr, mais aussi des personnes « fragiles » et notamment des personnes âgées ou des
personnes handicapées. L’activité développée en prestataire concernerait quant à elle 60 000 postes
ETP et 20 % des heures totales travaillées dans le secteur des emplois familiaux. Ces chiffres sont à
rapprocher des quelque 6 000 associations d’aide à domicile et des 500 entreprises recensées. Notons
que ces dernières constituent, à l’évidence, la priorité du gouvernement en termes de contribution au
développement de l’emploi dans ce secteur. Il faut dire que les objectifs affichés du Plan sont
ambitieux puisqu’ils annoncent la création de 500 000 emplois sur 4 ans (2005-2008). Rapporté en
équivalent temps plein, l’objectif se situerait davantage autour de 150 000.
L’emploi de gré à gré, déjà très largement majoritaire en matière d’emploi d’aide à domicile, risque
encore de se développer du fait que la loi :
autorise les entreprises à développer leurs interventions à domicile en service mandataire ;
permet au Chèque Emploi Service universel de contribuer à la solvabilisation des interventions en
mandataire alors que jusqu’alors le Titre Emploi Service ne pouvait être utilisé que dans le cadre de la
prestation de service.
Comment concilier cette priorité renforcée aux emplois conclus en gré à gré avec les objectifs affichés
de professionnalisation, alors que chacun se plaît à reconnaître que cette dernière est plus aisée à
mettre en œuvre dans le cadre du prestataire ?
Autre sujet d’inquiétude pour l’Uniopss, la possibilité offerte par la loi aux associations intermédiaires
de bénéficier de l’agrément qualité pour le service aux personnes fragiles. Cette disposition qui avait
été formellement exclue du dispositif précédent par la loi de 1996 précitée, revient en force et risque
de relancer la confusion entre les politiques d’insertion professionnelle et les politiques sociales à
l’égard des publics fragiles, mais aussi de renforcer la précarité des interventions.
L’autre axe fort du plan concerne l’accessibilité du secteur. Réputée depuis 1996 « illisible », l’offre de
service à domicile est fortement invitée à s’organiser sur une logique de « grandes enseignes » dont
la création devrait être encouragée par l’Agence nationale de développement des services à la
personne. Cet établissement public à caractère administratif devrait soutenir les opérateurs - quel que
soit leur statut - dans leur effort de structuration de leur offre de service en réseau multiservice
d’ampleur nationale, susceptible de garantir les mêmes modalités d’intervention sur l’ensemble du
territoire. Ce dispositif permettrait de développer autant de « standard » d’intervention que de réseaux
210
DARES – Le secteur des emplois familiaux en 2003 : la croissance de l'activité se poursuit – Premières informations
premières synthèses n°12.4, mars 2005
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d’opérateurs existants. Dans le secteur associatif les grandes fédérations et unions affinent leur projet.
C’est le cas de l’Unassad, en partenariat avec l’Unccas, la Mutualité Française et le Coorace ; de
l’Unadmr, en partenariat avec l’AG2R, de la FNAID et de l’Adessa. Dans le processus d’agrément des
promoteurs de services aux personnes -en alternative à la procédure d’autorisation prévue par la loi
2002-2 pour les services aux personnes fragiles – il convient de s’interroger sur les référentiels de
qualité de services qui seront utilisés : par l’administration pour apprécier la pertinence du projet, et
par les opérateurs eux-mêmes pour structurer leur réseau. Une chose est sûre pour le secteur
associatif : c’est la norme NF services X50-056 qui sera mise en avant par chacune des grandes
enseignes en cours de constitution. Au final, lorsque chaque réseau associatif d’aide à domicile aura
structuré sa grande enseigne, il conviendra d'analyser en quoi la lisibilité de l’offre aura progressée
pour le grand public aux côtés des initiatives prises par de grands groupes commerciaux tel qu’Accor.
Questions subsidiaires également posées par le plan : sur quelles clientèles se porteront les
entreprises ? Dans la dynamique concurrentielle qui ne manquera pas de s’installer, le risque d’une
aide à domicile à deux vitesses qui enfermerait les associations dans la prise en charge des situations
les plus lourdes et orienteraient les personnes les plus solvables vers les entreprises existe
véritablement. Toutefois, il convient de souligner le rôle joué par des allocations à caractère universel,
telles que l’APA et la future Prestation de compensation du handicap, qui contribuent à solvabiliser
des personnes en perte d’autonomie et rendent ainsi plus attractives les personnes à ressources
modestes pour des entreprises à but commercial. Par ailleurs, les stratégies développées par de
grands groupes tels qu’Accor, peuvent difficilement être comparées à celles des petites entreprises
uninominales (EURL) dont le nombre ne cesse de croître sur ce champ ces derniers mois, et dont la
qualité de service s’avère très aléatoire dans la mesure où elles n’ont pas les moyens de développer
les standards de qualité existants. Leur motivation première est de fournir un emploi à leur promoteur :
toute clientèle devient dès lors bonne à prendre. Il est évident que ces initiatives, dès qu’elles se
développeront en direction de populations fragiles sous le régime du simple agrément qualité, ne
permettront pas d’assurer le minimum de garanties requises pour la protection des personnes !
2. Les nouveaux modes de régulation
des services à la personne : un risque
de déconstruction des acquis de la loi
2002-2
Dès la fin des années 90, l’Uniopss et les fédérations d’aide à domicile adhérentes à notre Union se
sont mobilisées afin de tenter d’obtenir des pouvoirs publics l’intégration pleine et entière des services
d’aide à domicile dans la loi cadre du secteur social et médico-social. Cette importante mobilisation et
la pertinence des arguments avancés avaient convaincu le Gouvernement et le Parlement de l’époque
du bien fondé de cette demande. Alors que les services d’aide à domicile entrent progressivement
dans les rouages de cette loi, un projet d’ordonnance de simplification du droit propose de revenir en
arrière. Face aux risques de déconstruction, l’Uniopss s’est mobilisée avec d’autres pour tenter
d’obtenir le retrait ou la réécriture en profondeur de ce texte.
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Uniopss/Uriopss Rentrée sociale 2005-2006
2.1 Les raisons qui ont milité pour l’intégration des
services d’aide à domicile dans la loi du 2 janvier 2002
Depuis la fin des années 90, l’Uniopss et la plupart des fédérations d’aide à domicile adhérentes à
l’Union se sont mobilisées pour intégrer les services d’aide à domicile intervenant en direction des
publics fragiles dans le champ d’application de la loi cadre du secteur social et médico-social.
Plusieurs raisons justifiaient cette demande :
-
réaffirmer l’identité du secteur ;
l’inscrire dans une logique d’action sociale ;
lutter contre la dérive de la marchandisation et le risque de dérégulation européenne ;
prévoir un cadre protecteur pour les publics fragiles permettant de s’assurer qu’un certain
nombre de garanties seront respectées par les gestionnaires ;
favoriser la professionnalisation du secteur et l’inscrire dans une logique de tarification visant
à prendre en compte, dans des tarifs individualisés, la réalité des coûts de chaque service.
Le point fort de cette campagne s’est matérialisé par l’organisation d’une journée de mobilisation le 22
juin 1999 à l’Unesco en partenariat avec la plupart des fédérations d’associations d’aide à domicile.
Après une forte mobilisation, l’Uniopss et ces fédérations ont réussi à obtenir du Gouvernement et du
Parlement de l’époque l’intégration d’une grande partie des services d’aide à domicile dans la loi du 2
janvier 2002. La seule difficulté a concerné le champ de la famille. Les pouvoirs publics ont refusé
d’intégrer l’ensemble de ces services. Seuls sont visés par la loi 2002-2 les services qui interviennent
de façon combinée dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance et de la lutte contre les exclusions.
Depuis l’adoption de cette loi, l’Uniopss et les membres du groupe de réflexions et d’échanges qu’elle
anime211 ont demandé à de nombreuses reprises l’intégration de tous les services d’aide à domicile en
direction des familles dans le champ d’application de la loi du 2 janvier 2002, sans succès. C’est dans
ce contexte qu’est intervenu le projet d’ordonnance de simplification du droit.
2.1.1 Les mesures contenues dans le projet d’ordonnance de simplification
du droit ou le risque de déconstruction
L’article 5 du projet d’ordonnance propose de créer un droit d’option au profit des gestionnaires. Ceuxci pourraient choisir soit de relever de l’autorisation de création et de l’intégralité de la loi 2002-2 soit
de se voir appliquer un simple agrément qualité et certaines dispositions de cette loi. Plus
précisément, ceux qui choisiraient de relever uniquement de l’agrément ne seraient tenus que de
diffuser un livret d’accueil aux personnes suivies et de conclure avec elles un contrat pour déterminer le
prix applicable. Les formes de participation des usagers (groupes d’expression, enquêtes de
satisfaction), le projet de service, le règlement de fonctionnement, la charte des droits et libertés, tout
ceci ne serait plus opposable à ces services. Le prix des prestations serait libre la première année et
évoluerait ensuite dans les limites d’un pourcentage fixé par Bercy. Les conditions et délais
d’application du dispositif d’évaluation seraient précisés par décret. Enfin, le texte indique qui
exercerait le contrôle sur ces services et les sanctions pénales applicables.
Les services qui voudraient être tarifés par le Président du Conseil général devraient obtenir
l’autorisation de création. Par contre, un service bénéficiaire d’un simple agrément qualité pourrait
dispenser des prestations aux bénéficiaires de l’APA sans être autorisé, ni habilité, ni tarifé. Dans ce
cas de figure, les prix seraient libres la première année et on peut penser que le conseil général ne
participerait qu’à hauteur d’un certain montant, sans lien avec les prix pratiqués par ces services et les
besoins des bénéficiaires de l’APA. Compte tenu de la pénurie de l’offre, le risque est grand de voir se
créer un système qui aboutisse à une discrimination d’accès au service par l’argent. Des services,
notamment commerciaux, seraient financés en partie grâce à des fonds publics (l’APA) tout en étant
libre de pratiquer leur propre politique tarifaire et donc d’appliquer des tarifs plus élevés que les coûts
réels, compte tenu du déséquilibre actuel entre l’offre et les besoins des personnes. A contrario,
lorsque le Conseil général autorise et tarifie les services, c’est ce tarif qui est applicable, le risque de
discrimination par l’argent ne devrait ainsi pas exister.
211
Ce groupe comprend, outre l’Uniopss, l’Admr, l’Apf, la Fehap, la Fnars, l’Unassad, l’Unapei et les Uriopss Ile-de-France, NordPas-de-Calais et Pacac
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Outre ce droit d’option, le projet d’ordonnance contient d’autres dispositions qui concernent l’aide à
domicile. Il propose de supprimer l’article 135 de la loi de modernisation sociale212, qui définit ce qu’est
l’aide à domicile en direction des familles, et qui rappelle le rôle important joué par les associations
dans ce secteur. Le projet d’ordonnance revient sur la question de l’intégration de l’aide à domicile en
direction des familles. Malheureusement il renvoie à un article du code de l’action sociale et des
familles, lui même lié à l’aide sociale à l’enfance. Il est donc fort probable que cela ne permettra pas
d’intégrer plus de services qu’aujourd’hui dans la loi cadre du secteur social, ou en tout cas moins que
ce que souhaiteraient les principales organisations représentatives. Un autre article porte sur le
pouvoir de tarification du président du Conseil général à l’égard de ces services. Enfin, un article
propose que l’administration puisse conclure une convention avec un ou plusieurs groupements
départementaux d’associations afin de lui déléguer la mise en œuvre des autorisations, habilitations et
tarifications de ses adhérents, si ces derniers en sont d’accord.
2.1.2 Les positions défendues par l’Uniopss
Le 25 mai dernier, le Conseil d’administration de l’Uniopss a arrêté la position de notre Union sur ce
texte. Cette position a été défendue à de nombreuses reprises devant des Ministres, des
Parlementaires, des associations d’élus locaux et de la DGAS.
L’Uniopss s’oppose au droit d’option tel qu’il est conçu par le projet d’ordonnance car :
Il met sur le même plan les populations fragilisées et celles sans difficultés et par-là même les
garanties qui devraient leur être offertes. Il soumet ainsi les membres les plus vulnérables de la
société aux lois du marché, sans tenir compte de leur fragilité.
Il déconstruit le cadre protecteur de la loi d’action sociale et médico-sociale élaboré il y a trois ans, et
met à mal les efforts sans précédent consentis par les structures pour se mettre à niveau de la
professionnalisation requise pour intervenir auprès des publics fragilisés.
Il retire aux Conseils généraux, habilités à délivrer l’autorisation, des prérogatives qui leur ont été
confiées dans le cadre de l’action sociale, allant ainsi à contresens du mouvement de décentralisation
décidé par le Parlement voilà un an213.
Il entre en contradiction flagrante avec la position défendue par la France dans le cadre de
l’élaboration du projet de directive de libéralisation des services (directive Bolkestein).
L’Uniopss demande donc qu’à partir du moment où un service intervient en direction de publics
fragiles dans le cadre de l’action sociale et médico-sociale, il soit tenu de solliciter l’autorisation de
création et d’appliquer les autres dispositions de la loi du 2 janvier 2002. Ce cadre protecteur pour les
personnes fragiles ne discrimine aucune catégorie d’opérateurs et permet aussi bien aux secteurs
publics, privés à but non lucratif, qu’aux entreprises commerciales d’intervenir dans le champ de
l’action sociale et médico-sociale à condition de respecter les mêmes règles de base (cf. : la place
actuelle des maisons de retraite lucratives). Il n’est d’ailleurs pas antinomique de l’objectif de création
d’emplois.
212
213
90
Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale – Journal Officiel n°15 du 18 janvier 2002
Loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales – Journal Officiel du 18 août 2004
Uniopss/Uriopss Rentrée sociale 2005-2006
En ce qui concerne l’aide à domicile en direction des familles, l’Uniopss et les membres du groupe de
réflexions et d’échanges ont demandé à ce que l’article 135 de la loi de modernisation sociale ne soit
pas abrogé. Ils ont également demandé que soit revue la formulation de l’article 3 du projet
d’ordonnance afin que les services d’aide à domicile qui interviennent en direction des familles soient
plus largement intégrés dans la loi 2002-2 par rapport à la situation actuelle et par rapport à la
proposition de la DGAS.
Au début du mois de septembre, plusieurs organisations dont l’Uniopss ont écrit aux Ministres afin
qu’ils débloquent la situation et engagent une concertation sur de nouvelles bases. Notre Union
demeure mobilisée.
3. Répercussions sur les dispositifs
d'accompagnement et de soutien à
domicile
3.1 Des personnes âgées
3.1.1 La procédure de régularisation du statut des services à domicile au
regard de la loi 2002-2
Les décrets des 22 octobre et 26 novembre 2003 ont précisé qu’un délai de 5 ans était consenti aux
services à domicile pour régulariser leur situation en terme d’autorisation de fonctionner et pour
engager les démarches nécessaires à leur tarification par les Conseils généraux. Les services se sont
engagés, très progressivement, dans cette procédure. Les premières demandes n’ont pu être
soumises à l’avis des CROSMS que dans le courant du 1er semestre 2004. Dans la mesure où la
tarification départementale ne peut intervenir qu’au titre de l’exercice qui suit l’année de l’autorisation,
assez peu de services bénéficient à ce jour de cette tarification. Dans l’attente, les prestations
dispensées à l’égard des bénéficiaires de l’APA par les services déjà conventionnés continuent à être
prises en charge dans le cadre des barèmes horaires fixés par les présidents des conseils généraux.
Compte tenu des écarts de plus en plus manifestes entre les taux horaires arrêtés par ces barèmes
départementaux et les coûts de revient effectivement assumés par les services (reclassement dans le
cadre de l’accord de branche aide à domicile, hausse du SMIC au 1er juillet), les services ont en fait
tout intérêt à intégrer le plus vite possible la procédure de tarification prévue par la loi 2002-2.
À noter dans ce domaine également, le projet d’ordonnance de simplification du droit qui prévoirait la
possibilité pour les Conseils généraux de déléguer aux unions des fédérations départementales
d’associations de services à domicile de négocier les autorisations et la tarification des services de
leurs mandants. Une disposition très attendue par des organisations telles que l’ADMR.
Dans le même temps, et surtout en raison de la mise en place de l’APA, la prestation d’aide ménagère
servie par les caisses de Sécurité sociale n’a cessé de s’atrophier au point que MM Briet et Jamet
dans leur rapport de l’été 2004 avaient proposé de la transférer à la compétence des Conseils généraux
et de reverser les crédits correspondants à la CNSA. Perspective irrecevable, et heureusement
abandonnée. Autre sujet de préoccupation liée à la mise en place de la loi 2002-2 : le fait que les
décisions de tarification du président du Conseil général ne soient pas opposables aux caisses de
Sécurité sociale. En effet, le décret tarifaire précise que la tarification départementale ne vaut que
pour les heures dispensées dans le cadre de l’APA ou de la prestation d’aide ménagère au titre de
l’aide sociale départementale. Les services risquent donc d’être financés sur des bases différentes en
fonction des barèmes particuliers adoptés par les caisses de Sécurité sociale pour leurs diverses
prestations d’aide ménagère. C’est à ce motif que les fédérations d’aide à domicile ont demandé une
modification de la réglementation par ordonnance permettant de rendre opposable à tous les
financeurs les tarifs horaires fixés par le président du Conseil général.
L’aide à domicile et le développement des services aux personnes
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Parmi les inquiétudes du secteur dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de développement des
services à la personne, il nous faut citer la perspective d’une utilisation du dispositif du Chèque emploi
service universel (CESU) par les Caisses de Sécurité sociale et les Conseils généraux pour le
financement des prestations d’aide à domicile (APA ; Prestation d’aide ménagère). Cette disposition,
parfaitement prévue par la loi, pourrait d’autant plus se répandre que les services d’aide à domicile
n’opteraient que pour l’agrément qualité, et de situeraient ainsi en dehors de la procédure de
tarification par les présidents de Conseil général.
3.1.2 La prestation d’aide ménagère de la CNAV : « la peau de chagrin » !
À l’occasion de la mise en place de l’APA, la CNAV avait dans un premier temps décidé de réorienter
sa prestation d’aide ménagère exclusivement vers ses ressortissants classés en GIR 4 et 5.
Réorientation douloureuse qui avait représenté un virage à 180 de la politique d’action sociale de la
branche vieillesse. Dans le cadre de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion négociée avec
l’État, la CNAV renforce encore l’orientation de son action sociale vers la prévention et l’évaluation de
l’autonomie, par la prise en charge de plans d’actions personnalisés. Cette nouvelle politique s’est
traduite par une baisse des crédits consacrés à la prestation d’aide ménagère de 22 % sur 4 ans. Audelà de cette diminution substantielle des crédits, la CNAV a procédé sans concertation à un
rebasage de sa dotation 2005 à partir des heures effectivement prestées en 2004. Du fait de
l’augmentation de l’activité constatée début 2005 et de la revalorisation du taux horaire (16,68 €/heure
au 1er juillet 2005)214, le nombre d’heures effectivement financées baissera d’environ 10 % par rapport
à 2004.
Quatre CRAM ont répercuté brutalement cette réduction dans le cadre de la notification des quotas
d’heures aux services prestataires, plaçant ces derniers dans une situation très délicate à l’égard de
leurs usagers. Il s’agit des CRAM Nord Pas de Calais Picardie, Île de France, Midi Pyrénées,
Provence Alpes Côte d’Azur. Devant les protestations, les conseils d’administration de ces CRAM ont
tenté d’atténuer l’impact de leurs décisions unilatérales, en pratiquant la fongibilité des diverses
enveloppes de leur budget d’action sociale et en invitant les services à se reporter sur la prestation de
garde à domicile.
Mais dans les quatre régions précitées les associations et services d’aide à domicile ont d’ores et déjà
épuisé leur quota 2005. Elles sont contraintes de refuser les nouvelles prises encharge et de
répercuter la baisse de 10 % sur les heures dispensées. Sachant que, dans de nombreux cas, les
services ont évité de remplacer les aides à domicile pendant les congés. Une situation jugée
suffisamment préoccupante pour justifier de nombreuses interventions auprès du gouvernement. À ce
jour, aucune décision d’attribution d’une enveloppe complémentaire n’a été formalisée.
3.2 Des personnes handicapées
La principale question dans ce champ reste celle du risque de déstructuration des services en
direction des personnes handicapées par les nouvelles dispositions législatives et réglementaires
relatives aux services à la personne au moment même où l’application de la loi 2002-2 et la définition
réglementaire de nouveaux services ouverts aux personnes handicapées étaient à même d’apporter
une réponse cohérente.
En effet, outre l’intérêt d’une intégration des services à domicile pour personnes handicapées dans le
cadre de la loi 2002-2 (voir supra, §2.1.), deux décrets ont élargi le panel des services disponibles à
domicile et hors du domicile. Le premier a ouvert aux personnes handicapées adultes l’accès des
services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et conféré une définition réglementaire aux services
d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et aux services polyvalents d’aide et de soins à
domicile (SPASAD)215. Le second a fixé les conditions d'organisation et de fonctionnement des
services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) et des services d’accompagnement médico-
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CNAV – Circulaire n°2005/27 – 17 juin 2005
Décret n°2004-613 du 25 juin 2004 relatif aux conditions techniques d'organisation et de fonctionnement des services de
soins infirmiers à domicile, des services d'aide et d'accompagnement à domicile et des services polyvalents d'aide et de soins
à domicile – Journal Officiel n°148 du 27 juin 2004
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Uniopss/Uriopss Rentrée sociale 2005-2006
social pour personnes adultes handicapées (SAMSAH)216. Ces deux textes ont ainsi l’intérêt d’enrichir
la palette des accompagnements proposés aux personnes handicapées tant à leur domicile qu’en
dehors de leur domicile (pour leurs activités professionnelles, universitaires, culturelles et sportives…).
Les personnes handicapées peuvent désormais avoir recours à des aides humaines, incluant ou non
des prestations médicalisées. Les SAMSAH en particulier, très attendus par les personnes
handicapées, sont en quelque sorte des « SAVS médicalisés » qui s'appuient sur des équipes
pluridisciplinaires à la fois médicales, paramédicales et socio-éducatives : ils réalisent des
accompagnements dans la cité en incluant des soins ambulatoires. Ces services à double tarification,
véritables alternatives hors les murs aux foyers d’accueil médicalisés, sont financés d'une part par le
conseil général pour la partie de leurs prestations correspondant à celles délivrées par les SAVS et,
d'autre part, par l'assurance maladie pour les prestations médicales et paramédicales.
Les services médicalisés, qui n’entrent pas dans le champ de la réforme relative aux services à la
personne, devraient pouvoir se développer de manière satisfaisante dans le cadre de la loi 2002-2 qui
assure la protection des personnes fragilisées. Il n’en sera pas de même des services n’assurant pas
de prestations médicales. Le risque est, tout d’abord, que le simple agrément qualité dont pourront se
contenter les nouveaux services offerts, ne garantisse pas le même niveau de qualité que celui exigé
pour les services inscrits dans le cadre de la loi 2002-2. Et ensuite, que la liberté tarifaire autorisée par
la réforme pour ces services agréés se traduise par le développement d’une offre de services en
fonction non pas des besoins des personnes mais de leurs ressources, renforçant par-là même
l’iniquité dans l’accès aux services en direction des personnes fragilisées.
3.3 De la famille
Peu de changement dans le secteur de l’aide à domicile aux familles dans la mesure où l’impact de
l’intégration dans le champ de la loi 2002-02 des interventions en direction des seules familles en
difficulté sociale n’a pas pu se concrétiser faute de décret d’application. Le décret du 25 juin 2004217
relatif au service d’aide et d’accompagnement à domicile ne visait en effet que les seules interventions
auprès des personnes âgées ou handicapées.
Dans le cadre du débat sur le projet d’ordonnance de simplification du droit, l’Uniopss a redemandé,
en lien avec les fédérations associatives, à ce que la totalité du secteur de l’aide à domicile soit
intégrée dans le champ de la loi. Pour ce qui concerne la tarification des services de Technicienne des
Interventions sociales et familiales (TISF), les prérogatives des financeurs (CAF, Conseils généraux)
demeurent inchangées en matière de fixation des budgets et des tarifs horaires, sans pour autant se
situer dans la perspective d’une tarification par le président du Conseil général.
En revanche les mêmes inquiétudes que dans le secteur des personnes âgées se profilent en matière
de recours au dispositif du CESU par les CAF et les présidents de conseil général qui pourrait
anéantir le principe désormais établi de négociation budgétaire avec les financeurs.
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Décret n°2005-223 du 11 mars 2005 relatif aux conditions d'organisation et de fonctionnement des services
d'accompagnement à la vie sociale et des services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés – Journal
Officiel n°61 du 13 mars 2005
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Décret n°2004-613 du 25 juin 2004 relatif aux conditions techniques d'organisation et de fonctionnement des services de
soins infirmiers à domicile, des services d'aide et d'accompagnement à domicile et des services polyvalents d'aide et de soins
à domicile – Journal Officiel n°148 du 27 juin 2004
L’aide à domicile et le développement des services aux personnes
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4. Développement des services à la personne
et dispositifs d'insertion
Peut-on confier des services à la personne à des personnes en difficulté ou démunies ? La question
s’est posée à l’occasion de l’examen du projet de loi. L’UNIOPSS a estimé que la réponse était
positive, des personnes en difficulté peuvent donner des services à la personne, mais pas pour des
publics fragiles. L’Uniopss a proposé un amendement dans ce sens en accord avec le Coorace. Mais
le Législateur n’a hélas pas retenu cet amendement. Ainsi, les associations intermédiaires peuvent
désormais intervenir à domicile pour des publics fragiles.
Peut-on utiliser des contrats aidés pour des interventions auprès des personnes ? C’est la deuxième
question qui s’est posée. Jusqu’à présent, cela était interdit. Désormais, la loi prévoit que cela est
possible, contrairement à l’avis de l’Uniopss.
Dans les deux cas, l’Uniopss a cherché à privilégier la qualité de l’intervention à domicile, surtout
auprès des publics fragiles. Elle regrette vivement de ne pas avoir été suivie par le législateur.
L’Uniopss continuera à se battre pour la garantie d’une certaine qualité de l’aide à domicile. Il ne s’agit
pas d’emplois comme les autres. Ces emplois interviennent directement auprès des personnes, dont
certaines sont fragiles (personnes handicapées, personnes âgées, petits enfants…), ce qui suppose
des compétences et des qualités particulières. Dans ces cas là le souci de la qualité du service rendu
doit accompagner le souhait de donner un travail à tous. Il ne servirait à rien de risquer de traiter mal
certaines personnes pour donner du travail à d’autres.
Dans ce contexte devenu très délicat, qu’en sera-t-il des effets d’annonce en matière de création
d’emploi ? Les 500 000 emplois seront-ils au rendez-vous de l’échéance à trois ans ?
Au final, ce n’est peut-être pas la seule question essentielle au regard de l’enjeu que représente la
qualité des emplois créés et leur capacité à répondre aux besoins des personnes fragiles qui ne
peuvent être considérées comme des consommateurs et des employeurs ordinaires.
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