Assurance-maladie : Quelles solutions au déficit

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Assurance-maladie : Quelles solutions au déficit
Lourmarin 2007
Assurance-maladie
Quelles solutions
au déficit ?
Avec plus de six milliards d’euros de déficit attendus en
2007, les défis de l’assurance-maladie sont majeurs. Les
questions du financement et des nécessaires choix pour
réduire la perte de chance appellent des réponses à la hauteur
des enjeux.
D
ans un contexte de déficit élevé de l’assurancemaladie, l’année 2007 apparaît comme une année charnière, caractérisée à la fois par le début
d’un cycle politique et l’amorce d’une nouvelle
étape liée à la fin des effets du plan de maîtrise de 2004 qui
n’a pas produit ses effets. Parallèlement, comme l’a rappelé Didier Tabuteau, directeur général de la fondation des
caisses d’épargne pour la solidarité, quand on s’attarde sur
les médicaments, 2007 correspond à un autre changement
avec des chiffres qui semblent repartir à la hausse (4 à 5 %
de croissance attendue sur l’année). Les causes sont identifiées : les médicaments innovants, à coûts très élevés, occupent une part croissante dans les dépenses. Enfin, l’année
2007 est également marquée par l’arrivée sur le devant de
la scène des Affections longue durée (ALD). La difficulté
du sujet ne doit pas masquer la réalité des chiffres : pour le
régime général, 7,5 millions d’assurés en ALD représentent
plus de 60 % des remboursements et 90 % de la progression.
Face à ces réalités économiques, les mesures traditionnelles
semblent avoir fait leur temps. Pour Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS),
les « mesures qui ont été prises ne suiront plus » car « le
système de croissance du médicament craque ».
L. DEGOS
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PHARMACEUTIQUES - OCTOBRE 2007
Un constat sans appel
Certes, il faut continuer à résorber le gaspillage, réfléchir
au nécessaire redéploiement et faire de l’ingénierie financière pour déterminer les places respectives des assurances
obligatoire et complémentaire. Mais tout cela ne
saurait suffire. L’idée que la santé n’a pas de prix
et que ce que l’on peut payer pour elle n’a pas de
limites est appelée à disparaître. Pour Daniel Lenoir, directeur général de la Fédération nationale
de la mutualité française (FNMF), la rupture est
inévitable et le système, qui s’est finalement avéré
étonnamment stable au cours des années passées,
notamment en termes de part respective des différents financeurs, va se fissurer. Cette fissure va
provoquer à la fois un coût pour la santé, qui va
augmenter, et la rupture du « voile d’ignorance »
qui a masqué, pendant des années, les inégalités
géographiques et qualitatives dans l’accès aux soins.
Le Leem, à travers son président Christian Lajoux, se
déclare quant à lui en faveur de « l’illustration d’une politique de rupture en termes d’approche économique
du monde de la santé ».
L’indispensable concertation
C. LAJOUX
Les solutions existent pour faire face au défiIl faut
cit des dépenses de santé tout en maintenant
responsabiliser
l’égalité des chances et l’accès aux soins pour
tous. Certaines d’entre elles semblent même
les acteurs
telles que la mise en place du web méfaire l’unanimité. Ainsi, les professionnels de
decin (qui peut pourtant entraîner des
santé présents s’accordent à dire qu’ils doivent
pertes de prescriptions), la nécessité de détous se réunir autour d’une table pour discuter,
velopper les grands conditionnements (non
comprendre les contraintes respectives des uns et des
souhaités jusqu’à présent par les pharmaciens) et
autres, essayer de trouver ensemble des solutions complémentaires. L’opposition permanente et la seule défense l’automédication (que certains souhaitent faire franchir le
des intérêts personnels ne sauraient aboutir à la mise en comptoir). Pour d’autres, le médicament est effectivement
place d’une gestion globale efficace du système de santé. une solution, mais en partie seulement. Noël Renaudin est
De même, tous s’accordent sur la nécessité de mieux pren- de ceux-là et n’hésite pas à signaler qu’il va falloir que « l’offre
dre en considération l’enjeu économique et de trouver un de santé – et de médicaments en particulier – se rationalise
nouvel outil pour évaluer le coût en fonction de l’efficacité. considérablement ». Selon lui, la politique du médicament
Dans un contexte de développement des maladies chro- va devenir une politique de gestion et de sélection de l’inniques, la gestion des ALD est également jugée prioritaire novation parmi les produits nouveaux, ce qui constitue une
ainsi que le bon usage du médicament, porté par l’ensem- nouveauté par rapport à la tendance passée.
ble des professions de santé. Enfin, la responsabilisation des
acteurs apparaît incontournable : pour Christian Lajoux, Le médicament n’est pas tout
on ne pourra tout simplement pas en faire l’économie.
Laurent Degos, président du collège de la HAS (Haute
autorité de santé), prône quant à une meilleure organisaDes divergences demeurent
tion autour du médicament. Si la HAS ne travaille pas sur
Les rencontres de Lourmarin ont aussi permis le prix ou le coût d’un médicament, l’enjeu économique
de souligner la difficulté de la tâche. Car, en existe et la stratégie médicale pour le patient doit poudépit de la volonté affichée, chacun campe voir être confrontée à une autre stratégie. « Ce n’est pas le
sur ses positions et défend avant tout ses produit, mais le produit dans une stratégie thérapeutique
intérêts propres. Par-delà le consensus, qui intéresse la Haute autorité de santé », a-t-il souligné,
les solutions envisagées sont donc variées, avant de réclamer aussi une réflexion autour de l’aptitude
parfois incompatibles. Sans surprise, après professionnelle. Enfin, le médicament n’est pas la source
avoir rappelé que le médicament a déjà lar- de la solution pour tout le monde et certains préfèrent se
gement contribué aux économies (plus de focaliser sur la nécessité de trouver de nouveaux financeD. TABUTEAU
trois milliards d’euros sur les trois années pas- ments. C’est le cas de Daniel Lenoir, qui considère que
sées) alors même qu’il ne représente que 20 % de la part des complémentaires va nécessairement augmenter
l’ensemble des dépenses de l’assurance-maladie, le président et que le système va donc devoir faire montre de plus de
du Leem a souligné que « le médicament apporte la solu- transparence, car « les complémentaires ont besoin de plus
tion, car il a le plus de potentiel d’économies et de progrès d’informations pour gérer leurs risques ». n
D. VIALdans la chaîne de santé ». Christian Lajoux a par ailleurs mis
en avant certaines mesures « structurantes » indispensables
Valérie Moulle
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