dossier sdin 4 octobre

Transcription

dossier sdin 4 octobre
SDIN
L
s
septembre 2011 n° 1
es dossier
Les points noirs du chantier
de modernisation
C'est en 2008 que la Direction de l’entreprise a demandé
au CCE d’EDF SA de donner son avis en vue de la mise en œuvre
d'un programme de rénovation du SDIN (système d'information du
nucléaire).
Ce chantier devait durer six ans, de la conception en 2008 jusqu'à
la phase de déploiement en 2011 – 2013. En fait, le 28 septembre
devant la Commission SDIN qui l’avait invitée à venir s’expliquer, la
Direction a reconnu qu'il ne devrait s'achever au mieux qu'en 2017.
Son coût initial était déjà très conséquent. On sait maintenant qu'il
ferait sans doute l'objet d'un dépassement d'au moins un tiers.
Le 6 octobre, à l'occasion de la prochaine réunion du CCE et
alors que la phase d’expérimentation tend à s’achever, les élus vont
à nouveau soulever de nombreuses questions, restées pour l'instant
sans réponse. Le 28 septembre, les réponses de la Direction n'ont
d'ailleurs fait que confirmer le fondement et la légitimité de nos
inquiétudes de juillet.
A
u travers de ce chantier, les objectifs d’EDF SA
sont clairement affichés : il s’agit d’accroître la
disponibilité du parc d’exploitation des centrales, de
maîtriser les coûts d’exploitation (et les organisations
syndicales et les salariés savent bien ce que ce type
d’expression peut camoufler), d’améliorer les performances en matière de sûreté nucléaire et permettre
de prolonger d’une vingtaine d’années la durée de vie
des centrales nucléaires.
L’objectif du SDIN, passer d’un système de gestion
informatisée de l’ensemble des informations spécifique à chaque centrale à un système unifié commun
aux 19 sites, , est un processus de migration particulièrement complexe. D'autant que, s'agissant du
nucléaire, on touche à un domaine sensible, ce que
la catastrophe de Fukushima n'a fait que confirmer.
On comprendra la très grande vigilance du CCE de
EDF SA sur ce dossier, qui intéresse toutes les centrales nucléaires et toutes les unités d'ingénieries
spécialisées liées au nucléaire.
Certes, le SDIN reprend des outils qui sont déjà
utilisés dans un certain nombre d’installations nucléaires dans le monde. Mais c’est la première fois qu’il
sera mis en œuvre à une telle échelle, celle de 58
tranches réparties sur 19 sites.
Le programme de rénovation du SDIN aura des
conséquences pour les équipes qui travaillent dans
et autour des centrales et notamment les équipes de
conduite, de maintenance, d’ingénierie, de gestion
documentaire et d’appui à la production. Des conséquences qui peuvent affecter le cadre de travail,
les conditions de travail, les compétences métiers
nécessaires et qui peuvent se traduire par des sur-
charges et des contraintes parfois insupportables
pour tous les salariés sur le terrain, y compris les
sous-traitants.
I
Gérer les écarts entre
le prévu et le réel
Et nos inquiétudes sont renforcées par le fait que
l’on sait d’expérience, qu’il y a toujours un écart entre
ce qui est prévu sur le papier et la réalité du travail
telle qu’elle est vécue par les équipes de terrain. Cet
écart, il faut le gérer. C’est sur le terrain que se font
les arbitrages, tantôt par des renforts ponctuels,
tantôt par une mobilisation en flux tendu et un surinvestissement des équipes.
Sur le terrain, cela pose de nombreux problèmes
qui ne sont pas que techniques (voir encadré p.3).
Aujourd’hui, pour l’expérimentation de ce nouveau système, tout intervient en même temps,
relecture des procédures, liaison entre planification
et conduite, formation et test des outils. Avec plus
ou moins de difficultés et de surcharges selon les
métiers. Sont plus particulièrement en situation critique, les métiers de maintenance qui font l’objet de
procédures complexes.
De nombreux agents se plaignent des écarts constatés entre la formation et la prise en main. Un bac
à sable (Sandbox – un dispositif qui permet d’exécuter
sans risque des programmes en phase d’essai) semble exister au Blayais. Mais qui a le temps de s’en
servir ? Pas les personnels directement concernés
Le SDIN en bref
L’acronyme SDIN (système d’information du
nucléaire) désigne tout à la fois le programme de
rénovation et le système d’information de gestion
des centrales nucléaires. Le SDIN est un dossier
complexe qui touche à la sécurité et à la sûreté de
l’exploitation des centrales nucléaires. Il aura des
conséquences sur les procédures et les métiers et
in fine sur les conditions de travail et d’exercice de
leurs métiers des agents concernés.
S’il n'est pas directement lié à l’activité de
production d’électricité, le système d’information est
l’ensemble des outils et les données qui permet de
gérer les ressources et de regrouper, de classifier,
de traiter et de diffuser des informations relatives à
la gestion des centrales nucléaires.
Construit il y a plus de 20 ans, c’est-à-dire à
une autre époque informatique et avant l’apparition
d’Internet, le système d’information (Sygma)
jusque là utilisé fonctionne avec un outillage logiciel
dont l’ancienneté ne permet plus de garantir son
opérabilité. De plus, l’ancien système avait fait
l’objet d’adaptations différentes d’une centrale à
l’autre.
Quatre sites pilotes pour une harmonisation
Le chantier SDIN vise à harmoniser les différents
systèmes d’information en vigueur dans les
différentes centrales dans un système intégré,
commun à toutes les tranches d’un même palier.
Ce système intégré devait rassembler tout à la fois
la gestion documentaire, celle de l’exploitation
et de la maintenance, et l’aide aux consignations.
Le SDIN est en cours d’expérimentation dans
quatre sites pilotes :
•  le CNPE du Blayais ;
•  deux unités d’ingénierie spécialisée relevant de la
Division de la Production Nucléaire (DPN), l’UNIE
(Unité d’Ingénierie d’Exploitation) et l’UTO (Unité
Technique Opérationnelle) ;
•  le CIPN (Centre d’Ingénierie de la Production
Nucléaire), une unité d’ingénierie opérationnelle
de la Division de l’Ingénierie Nucléaire.
à l’issue de cette phase d’expérimentation prévue
à l’origine courant 2010, le déploiement du SDIN
(sa généralisation à l’ensemble des tranches) devait
intervenir entre 2011 et 2013. Le 28 septembre,
devant la commission SDIN, les représentants de
la Direction ont indiqué que cette généralisation
interviendrait plutôt entre 2014 et 2017.
par la préparation de l’arrêt de tranche lié à la visite
décennale. Des renforts ponctuels ont d’ailleurs été
nécessaires pour faire face à certaines de ces surcharges, dont tout laisse à penser qu’elles seront
récurrentes et qu’elles ne se limiteront pas à la seule
période d’expérimentation. Ces renforts seront-ils
maintenus au-delà de cette période ?
I
Toujours plus
Le personnel a le sentiment d’être embarqué dans
un chantier sur lequel il n’a plus de visibilité et pour
lequel on lui en demande toujours plus. Il est contraint
à mener plusieurs tâches en même temps, en parallèle à un travail de fond, de plus en plus prenant du
fait des retards qui se sont accumulés. Des phases
de travail finissent par se chevaucher ou se télescoper alors qu’elles auraient dû s’enchaîner.
Tout cela est chronophage et anxiogène. L’opacité
nourrit l’inquiétude. Le professionnalisme et l’implica­
tion du personnel des sites pilotes sont soumis à
rude épreuve. Les conséquences organisationnelles
et humaines du projet semblent avoir été nettement
sous-estimées.
Face à cela, il y a un manque d'information criant
de la part de la Direction, sur les dates, les échéances, les difficultés rencontrées, les modifications du
programme, les éventuels reports de procédure, sur
tout ce qui est nécessaire aux agents pour travailler
dans des bonnes conditions, pour qu'ils puissent se
sentir concernés et impliqués, bref sur tout ce qui
peut donner une visibilité et du sens à leur travail. Et
ce manque d’information est mal vécu. D’autant que
cela induit des modifications dans l’organisation et
les ressources humaines.
I
Harmonisation – centralisation :
l’envers du décor
Il ne faut pas minimiser ces problèmes car c’est
de problèmes de fond dont il s’agit.
Si l’harmonisation a sa logique et sa cohérence,
elle a aussi ses limites et ses dangers. Chaque site
avait son organisation et ses procédures, construites au fil du temps et de l’accumulation des enseignements.
Centraliser et uniformiser à l’extrême, c’est obliger
tous les agents à se soumettre à des contraintes qui
finissent par nier ou remettre en cause leurs compétences, leur expérience, leur savoir-faire accumulé,
leur connaissance sensible des centrales et leur professionnalisme. D’ailleurs, les problèmes de conception de certains outils du SDIN sont en partie dus au
fait que l’on n’a pas su les adapter correctement aux
besoins des utilisateurs sur le terrain.
Imaginer des procédures valables pour l’ensemble
d’un palier, c’est éloigner la gestion des réalités du
terrain, faire disparaître les compétences métiers et
Les dossiers du CCE d’EDF SA n°1 SDIN2
dissoudre les connaissances et l’expérience acquise
sur chaque site par les professionnels qui y travaillent.
Les compétences internes, la connaissance des
hommes et des machines, la maîtrise interne des
outils sont des biens précieux que l'on devrait se
garder de dilapider.
Sans en faire grief aux jeunes recrues, mais bien
sûr à la Direction qui gère les RH à flux tendu, il
est reconnu que les diplômes ne peuvent pas se
substituer à l’expérience, comme le montre la méconnaissance du terrain et des métiers de certains
chefs de projet fraîchement recrutés. Cela les met
eux-mêmes en difficulté et crée des perturbations
sur l’ensemble de la chaîne de travail, ce qui est alarmant pour un chantier aussi structurant.
De plus l'effet palier (l'harmonisation et l'unifor­
misation des procédures, des outils et des matériels sur un ensemble de tranches de même génération et de même puissance) modifiera profondément
l’organisation du travail et favorisera l’extension des
marchés de sous-traitance susceptibles de fragiliser
EDF SA et de le rendre dépendant de prestataires importants. Le 28 septembre, la Direction n'a d'ailleurs
fait que confirmer que la logique de standardisation
qui sous-tendait le SDIN permettrait de renforcer cet
effet palier et que la modification des process devrait
se traduire par des gains de productivité.
Avec, lorsque les enjeux financiers deviennent
énormes, des sérieux risques de dérives ou de déra­
pages.
De nombreux problèmes techniques
Sur de nombreux points signalés par la Commission SDIN du CCE d’EDF SA en juin 2010, les retours des
équipes de terrain font état de problèmes techniques importants :
•  lenteurs, coupures et fragilités sur l’outil ECM, le nouveau système de gestion documentaire ;
•  accès aux contenus des documents validés dans l’ancien système de documentation car cet outil n’est plus
accessible au Blayais et à UTO ce qui entraîne de grosses difficultés dans la recherche des données ;
•  encombrement et accumulation de références redondantes lors des phases de migration généralisée des
données ;
•  absence de contenus et de références car certains modèles de documents utilisés ne sont pas repris dans
le SDIN ;
•  manque de garanties dans les procédures de rédaction, vérification et validation. Pour faire simple, s’il
dispose des droits d’accès qui le lui permettent, un opérateur pourrait également vérifier et valider les
procédures qu’il a lui-même réalisées. Le contrôle n’intervient qu’a posteriori, ce qui revient à un défaut de
qualité dans un système préventif qui devrait être de sûreté maximale.
à l'UNIE, les retards dans les plannings rendent certaines formations obsolètes, d'autant que l'outil
n'assure pas pour l'instant toutes les fonctionnalités prévues. Au CIPN, les quatre migrations tests de quelque
80 000 documents, qui ont été effectuées jusqu'à présent n'ont pas encore permis d'avoir la certitude que
l'opération définitive sera réalisée sans anicroche. Et cette fois cela concernera un corpus de quelque trois
millions de documents.
Une impression de bricolage
De plus, alors que l'objectif annoncé est de parvenir à un outil intégré, on en est encore loin, comme
l'expliquent des agents du Blayais. Ils font état d'un mauvais fonctionnement des interfaces entre le nouveau
système et les applications périphériques. Cela oblige par exemple les agents à continuer à se servir
d'AIC (Aide Informatique aux Consignations) pour enregistrer les consignes relatives aux procédures à
respecter pour telle ou telle opération. Le déclenchement d'une procédure de maintenance devait générer la
planification des travaux, la mise sous régime, la commande des pièces de rechange… Mais aujourd’hui ces
automatismes ne fonctionnent pas. D’où la nécessité d’interventions manuelles ou le maintien des anciens
outils AIC.
Il en résulte une impression de bricolage mal vécue par les agents qui, parfois, sont obligés de recourir
ou se référer à des supports papier. Posons la question. Que se passera-t-il en cas d’urgence ?
Pour résumer, on dira que l’outil ECM semble présenter des défauts majeurs de conception (technique
et fonctionnelle), et que l’outil EAM semble présenter des défauts de conception fonctionnelle.
Les dossiers du CCE d’EDF SA n°1 SDIN3
Vitesse ou
précipitation ?
S
i nous n'en sommes pas encore à la phase de
généralisation de la mise en place du SDIN,
la phase d'expérimentation devrait connaître une
étape décisive dès janvier prochain avec la bascule
sous SDIN du TEM (tranche en marche) au Blayais,
laquelle sera suivie de la réalisation de la visite décennale de l'unité n°1 qui devrait intervenir début mars
(en cours de préparation depuis l'été). Aujourd'hui,
ce programme semble être entré dans une phase
menée à allure forcée, en réduisant au maximum
les délais d'une étape à l'autre. Au prix de gros renforts ponctuels pour absorber la surcharges de travail pour le personnel du Blayais et avec de grosses
incertitudes pour la suite.
Le 28 septembre, devant la commission SDIN, la
Direction a d'ailleurs reconnu que le calendrier serait modifié pour la suite, l'expérimentation se poursuivant jusqu'en 2012 – 2014 d'abord au Blayais,
ensuite à Dampierre avant que la généralisation
n'interviennent en 2014-2018. Mais il aura fallu attendre cette audition de la Direction par la Commission SDIN pour en savoir un peu plus (mais toujours
de façon sommaire) sur les prochaines phases.
Les questions que les élus ont posées en juin
2010 et reformulées au cours du CCE de juillet
2011 restent d'actualité car elles demeurent sans
réponse. La plupart des problèmes soulevés n'ont
pas été résolus, et lors de son audition par la Commission, la Direction ne leur a pas vraiment apporté
de vraies réponses.
I
Pas de retour en arrière
possible
Cette avancée à flux tendu ne fait que renforcer
nos inquiétudes car nous avons le sentiment que la
Direction poursuit son programme coûte que coûte,
sans se soucier véritablement d'informer et de solliciter l'avis des instances représentatives des salariés,
sans se soucier non plus de ce que vivent les équipes
sur le terrain.
Points de vigilance
Veiller au respect des conditions de travail des uns
et des autres, éviter les surcharges ou les travaux
en flux tendu, nos préoccupations sont légitimes.
D'autant que, s'agissant de la santé physique
et mentale de ses salariés, l'employeur a une
obligation de sécurité de résultat comme le rappelle
la jurisprudence en la matière.
Et neuf mois après Fukushima, les élus du CCE
d'EDF SA entendent veiller à ce que le nouvel outil
apporte des améliorations dans l’exploitation afin
de respecter scrupuleusement les exigences de
qualité et de sûreté maximales que le nucléaire
impose. Des exigences difficilement compatibles
avec les recours trop fréquents à la sous-traitance
et des objectifs de standardisation et de gains de
productivité.
Le 7 juillet dernier, en réunion de CCE, le président de la commission SDIN du CCE a interpellé la
Direction en lui demandant de venir s'expliquer sur
un certain nombre de points et répondre à nos questions, annonçant lors de la séance que : « le CCE
est à la limite de déclencher un droit d'alerte sur
l'introduction de nouvelles technologies ».
Mais côté Direction, les informations sont rares. Il
aura fallu attendre le 28 septembre pour que la Direction, en l'occurrence le directeur du programme
SDIN, vienne informer les élus sur les échéances et
les événements en cours et tenter de désamorcer
les remarques et les objections formulées par les
uns et les autres.
I
à marche forcée
Alors que le programme a pris du retard, la Direction semble s’être engagée dans une course contre
la montre au prix d’une mobilisation en flux tendu des
équipes et au risque de brûler les étapes et d’aller
droit dans le mur. Face à cette situation, lors de la
réunion du CCE du 6 octobre, les élus ne manqueront
pas d’interroger une nouvelle fois les dirigeants d’EDF
SA sur les prochaines échéances et les évolutions
du SDIN.
Par ailleurs ils alerteront l’ensemble du personnel
sur les conséquences de ce chantier, sur ses enjeux
et sur ses implications pour chacun d’entre nous.
Les agents de l’UTO (Unité Technique Opérationnelle), dont le système d'information documentaire a déjà migré, constatent qu'il n'est déjà plus
possible de saisir des données dans l'ancien système
Gedacati.
Directrice de publication Marie-Christine Nadeau,
secrétaire du CCE d’EDF SA
Rédaction ARIA-Nord
Maquette et mise en page à la marge
septembre 2011
www.cceedfsa.fr
[email protected]
tél. : 01 82 24 85 25/27
Alerter,
c’est là l’objectif et
l’ambition de ce dossier.
N’hésitez pas
à nous faire part
de vos retours et
de vos informations.
Les dossiers du CCE d’EDF SA n°1 SDIN4

Documents pareils

CCE EDF SA du 05 juillet 2012

CCE EDF SA du 05 juillet 2012 Nous validons le déploiement de mise en service au CIPN « Unité pilote pour la DIN » et pour les unités du SEPTEN et du CNEPE. En conclusion, nous vous demandons de reporter la demande d’avis du dé...

Plus en détail

Le CNEN, Flamanville 3 et le projet anglais d`Hinkley Point C

Le CNEN, Flamanville 3 et le projet anglais d`Hinkley Point C Autant d’équipements et de systèmes complémentaires qui limitent pendant 48h les conséquences potentielles d’un accident grave, permettant ainsi d’attendre l’intervention de la Force d’Action Rapid...

Plus en détail