Suivi et Utilisation de l`évaluation des performances des Agents de

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Suivi et Utilisation de l`évaluation des performances des Agents de
SUIVI ET UTILISATION DE L’EVALUATION DES PERFORMANCES DES AGENTS
DE LA FONCTION PUBLIQUE – Mamadou –TOE
SUIVI ET UTILISATION DE L’EVALUATION DES PERFORMANCES
DES AGENTS DE LA FONCTION PUBLIQUE
Par
Mamadou TOE
Partout dans le monde et singulièrement en Afrique, l’évaluation des performances des
agents ou encore et de façon plus simple, la notation des agents, est une question capitale.
En effet, s’il y a un élément premier qui conditionne l'évolution de la 'carrière des agents
et en même temps, ne serait-ce que par ricochet, l’évolution de leur situation salariale, c'est bien
la notation. Même si c'est pour cette seule raison, il s'agira pour les agents de la fonction
publique, d'une question essentielle, qui doit les préoccuper. En plus, cette question de la
notation intéresse à un haut niveau, l’employeur des agents, c'est-à-dire l’Etat, étant donné que
c'est bien lui qui, en dernier ressort, supporte les conséquences de l'évolution surtout salariale
dont la notation est le levier.
Mais, de quoi s'agit-il concrètement lorsque l’on doit parier de l’évaluation des
performances des agents de la fonction publique ?
De façon ramassée, évaluer un agent, c'est très simple dira-t-on. Il s'agit de constater ce
qu'il a fourni comme travail et de dire si c'est bien ou si ce n'est pas bien.
Toutefois, pour une autorité qui s'est déjà exercé à cette tâche de « simplement constater ce
que son collaborateur, pour ne pas dire, son agent, a fourni comme travail et de dire si c'est bien
ou si ce n'est pas bien », la réponse à la question n'est pas si facile.
L'histoire générale des fonctions publiques nous enseigne qu’il a existé et qu’il existe
encore, plusieurs méthodes et techniques d’évaluation des performances des agents, qui peuvent
toutefois, après analyse, être grossièrement regroupées comme suit
- d'abord, les méthodes et techniques traditionnelles, qui sont essentiellement fondées
sur l’appréciation des traits de la personnalité de 1'agent ;
- ensuite, méthodes et techniques dites modernes ou encore les méthodes et techniques
d’évaluation des performances par objectifs, qui sont axées sur le niveau d'atteinte
d’objectifs précis avec souvent des tâches bien identifiées ;
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- enfin, les autres méthodes et techniques d’évaluation des performances, qui sont
fondées soit, sur des normes de travail définies à l’avance, soit, sur des tests, des
entretiens, des simulations, etc.
Depuis le tournant des années quatre vingt dix, et à la faveur surtout de l’introduction dans
les fonctions publiques africaines, des actions de restructuration et de modernisation, les
systèmes d’évaluation des performances des agents tendent à s’harmoniser et à se tourner vers
des choix basés essentiellement sur l’atteinte des objectifs.
Toutefois, et pour circonscrire notre thème qui est « suivi et utilisation de l’évaluation des
performances des agents de la fonction publique » à sa juste compréhension, nous allons d'une
part nous efforcer de faire un point sur le suivi, c'est-à-dire le chemin parcouru par le système
d’évaluation des performances des agents de la fonction publique et d'autre part, de présenter
comment cette évaluation était et/ou comment elle est utilisée dans le cadre de l’évolution de la
carrière des agents. Enfin il sera fait, la présentation rapide de l’expérience spécifique du
Burkina Faso en la matière.
I - Suivi de l’évaluation des performances des agents de la fonction publique
La question de la notation ou de l’évaluation des performances des agents, n'a pas toujours
été traitée de la même façon au niveau des différents Etats et encore moins lorsque l’on passe
d'un Etat à un autre. Toutefois, chaque Etat africain, a toujours prévu en bonne place et avec
beaucoup de détails ]a question.
Compte tenu de l’évolution dont cette question a toujours été 1'objet, il est plus pratique de
répondre à une série de questions qui se poseront toujours à tous à savoir . que faut-il évaluer ?
comment évaluer un agent ? à qui appartient le pouvoir d’évaluation de 1'agent ?
Lors de leur accession à l’indépendance, la quasi-totalité des jeunes Etats africains ont
hérité du système de fonction publique de leur ex-colonisateur. C'est ainsi que les statuts de
leurs fonctions publiques présentaient beaucoup de similitudes, pour peu qu'ils aient eu le même
colonisateur. En tout cas pour 1'ensemble des Etats du Conseil de l’Entente, ils avaient presque
mot pour mot, le même statut pour leurs fonctions publiques, et qui n'était autre que l’ancien
statut français de la fonction publique de 1946.
1°) Que faut-il évaluer ?
De façon générale pour ce qui concerne l’évaluation ou la notation des agents, les statuts
des fonctions publiques africaines d'après les indépendances, mettaient l’accent sur les éléments
de comportements et/ou de tenue dans les lieux de service. Les éléments ainsi relevés sont les
suivants : le sens du service public, le sens de l ‘organisation, la ponctualité, 1'efficacité dans le
travail, l’ordre, les connaissances professionnelles, la conscience professionnelle, la compétence,
1'aptitude à diriger, le comportement, la tenue, l’aptitude à occuper 1'emploi.
De plus, les critères ci-dessus énumérés étaient généralement utilisés différemment en
tenant compte soit des niveaux de classification hiérarchiques des agents, soit en tenant compte
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des postes occupés. Aussi, les agents étaient généralement répartis en personnels chargés des
fonctions de direction, en personnels de conception, en personnels d'application et en personnels
d'exécution.
Avec l’introduction progressive dans les administrations publiques, des nouvelles idées
axées sur les notions de rendement et de productivité, les critères pour l’évaluation des agents ont
aussi évolué.
C'est donc ainsi que l’on peut par exemple lire dans le décret n°94-199 du 7 octobre 1994,
portant statut général de la fonction publique du Cameroun, article 42 alinéa 1er, que « le
fonctionnaire fait l’objet dès la fin de 1'exercice budgétaire et au plus tard le 31 août de chaque
année, d’une évaluation de ses performances professionnelles, en fonction des objectifs qui lui
sont assignés, du délai imparti pour leur réalisation et de la qualité des résultats ».
Cette idée se retrouve exprimée presque de la même façon dans le statut de la fonction
publique du Burkina Faso, adopté par la loi n°013/98 du 28 avril 1998 et dans celui du Congo
(Brazzaville), adopté par la loi n°021-89 du 14 novembre 1989. Le statut burkinabé précise en
effet en son article 78 alinéa 1er, que « tout fonctionnaire en activité ou en détachement doit faire
1'objet chaque année, d'une évaluation exprimant son rendement dans le service ».
Le statut congolais stipule en son article 231 alinéa 1er que « tout agent en activité et
affecté à un poste de travail, est noté annuellement en fonction de sa manière de servir et de ses
performances ».
En partant de ces quelques exemples, on peut dire qu’aujourd'hui, les fonctions publiques
africaines mettent de plus en plus l’accent sur le rendement comme étant le principal objet de
l’évaluation des performances des agents.
2°) Comment faut-il évaluer ?
Les méthodes et les techniques utilisées dans le cadre de l’évaluation des performances des
agents de la fonction publique, ont connu beaucoup d’évolution.
Des méthodes et techniques essentiellement tournées vers ce que c’est que l’agent dans le
service, 1'on est peu à peu passé à des méthodes et techniques qui mettent l’accent sur ce que fait
l’agent dans le service (même si par ailleurs les éléments de comportement ne sont pas à
négliger).
Aujourd'hui, dans beaucoup de statuts de fonctions publiques, on retrouve l’idée d'une
évaluation des performances des agents, qui diffère de loin des procédures anciennes.
Et lorsque 1'on opte pour la vraie logique d’évaluation des performances, il y a comme une
autre règle qui s'impose concernant la procédure à suivre.
Les grandes articulations de la procédure d’évaluation des performances sont, à quelques
exceptions près, les suivantes : la fixation préalable des objectifs, la traduction des objectifs en
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activités opérationnelles à réaliser, la fixation des délais de réalisation des activités, la
négociation des moyens à mettre en œuvre pour l’atteinte des objectifs et enfin, la séance
contradictoire de l’évaluation (encore appe1ée la phase d'entretien d’évaluation).
Le choix d'une telle façon d’évaluer les agents de la fonction publique, loin d’être
nouvelle, dénote aussi du souci et de la nécessité d’instauration et de développement de la
démocratie administrative. En effet, lorsque la procédure est correctement utilisée, elle permet
d’associer les agents eux-mêmes, à leur évaluation.
L'introduction d'une procédure contradictoire dans l’évaluation des performances signifie
aussi que les fonctions publiques africaines ont peu à peu intégré es méthodes et techniques de la
Direction Participative par Objectifs.
3°) Qui doit évaluer l’agent ?
Les premiers statuts des fonctions publiques africaines imputaient systématiquement la
charge de la notation des agents aux premiers responsables des départements ministériels.
Si une telle approche avait en son temps, le mérite de traduire toute l’importance accordée
à la question, il n'en demeure pas moins que très tôt, le choix devenait éprouvant pour le
notateur. En effet, à l’époque, le seul et grand pourvoyeur d'emplois n’était autre que l’Etat ; et
donc les effectifs des fonctions publiques en Afrique étaient généralement petits. Mais, ces
effectifs sont allés très vite croissant de telle sorte qu’on se rend compte que ce choix prend le
plus clair du temps des premiers responsables des départements ministériels.
Malgré tout, certains pays ont continué avec ce choix, tout en l’assouplissant par une
possibilité de délégation de pouvoir des premiers responsables des départements ministériels à
des échelons inférieurs, procédure qui en principe doit être beaucoup utilisée.
On peut ici citer 1'exemple de la République du Congo (Brazzaville), dont le statut général
de 1989 (loi n°021-89) prévoit en son article 232 que « le pouvoir de notation appartient au
Ministre dont relève le poste de travail où est affecté l’agent au 31 décembre de 1'année sur
laquelle porte la notation ou au Ministre de tutelle dans le cas des agents en poste dans une
collectivité locale ou un établissement publique administratif. Les Ministres peuvent déléguer
leur pouvoir de notation par arrêté pris conjointement avec le Ministre chargé de la fonction
publique ».
En tout état de cause, le constat actuel dans plusieurs statuts de fonction publique en
Afrique, est qu’ils ont opté pour une déconcentration du pouvoir de notation des agents encore
qualifiée de choix d’une notation de proximité.
Dans ce contexte nouveau, le supérieur hiérarchique immédiat (qui est de façon générique
ou par défaut, le chef de service), est celui qui doit apprécier et noter ses agents. Une telle option,
non seulement elle a l’avantage de décharger les responsables du plus haut niveau, en plus elle
responsabilise d’avantage le supérieur hiérarchique le plus proche de l’agent car, quiconque,
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mieux que celui qui « donne » directement et au jour le jour, le travail à faire, peut mieux en
contrôler l’exécution correcte et évaluer les résultats atteints ?
Le choix de la déconcentration du pouvoir de notation se retrouve dans le statut
sénégalais de la fonction publique depuis la loi n°83-53 du 18 février 1983 en ces termes « le
pouvoir de notation appartient au chef de service, qui est tenu de 1'assurer... ».
Le statut burkinabé de 1998 reprend la même formulation, sans pour autant être très
affirmatif sur la désignation de l’autorité de notation, en précisant que « le pouvoir d’évaluation
appartient au supérieur hiérarchique immédiat qui l’exerce sur la base d’un contrat d’objectif
établi annuellement avec chaque agent ».
Après ce qui vient d’être présenté, il y a lieu maintenant de nous pencher sur une autre
question essentielle, celle qui est de savoir, à quoi doit servir l’évaluation des performances des
agents de la fonction publique.
II - Utilisation de l’évaluation des performances des agents de la fonction publique
Il s'agit ici de répondre à la question bien simple de savoir à quoi sert l’évaluation des
performances des agents. Cette question, peut recevoir une réponse toute aussi simple à savoir
que l’évaluation des performances des agents est le passage obligé pour que leurs carrières
administratives se déroulent avec toutes les conséquences.
Quand bien même cette question et sa réponse sont simples, elles peuvent susciter des
passions diverses, souvent constructives, souvent destructives, mais toujours compréhensibles,
quand on sait aussi que la carrière est presque une question de vie ou de mort à certains moments
et dans certains milieux.
L’évaluation des performances des agents permet de tirer plusieurs conséquences dont les
principales sont 1'avancement et la participation 5 des concours ou examens professionnels.
1°) Les rapports entre 1'évaluation et 1'avancement
En Afrique, la tendance générale est 1'institution du système de fonction publique à
prédominance de carrière. Sur la base de cette option, les Etats africains ont toujours prévu dans
les statuts de gestion de leurs agents, des mécanismes d'avancements et de promotions, pour
lesquels ii fallait trouver des éléments déclencheurs.
La notation des agents ou 1'évaluation des performances des agents est apparue de ce fait
comme la première base de l’évolution des agents de la fonction publique.
Dans certains pays, tels que le Congo, 1'avancement d'échelon est automatique, la notation
interviendra pour accorder des avancements dits exceptionnels aux agents juges méritants, c'està-dire ceux qui, en 1'espace de six ans, sont inscrits au moins trois fois sur les listes des agents
ayant obtenu les meilleurs résultats (article 243 de ]a loi de 1989).
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Au Cameroun et dans bien d'autres pays, tels que le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire, le
Sénégal et le Mali, 1'évaluation de 1'agent de la fonction publique est la condition sine qua non
de son changement d'échelon, de son changement de grade ou de classe selon les cas.
Au Rwanda, on parle plutôt de << signalement >> annuel pour designer la notation dont
aussi le but premier est d'éclairer 1'administration sur la valeur de 1'agent, ses aptitudes et sa
manière de servir, ii constitue la base essentielle de la détermination des droits à 1'avancement de
traitement et de promotion (article 29 du décret-loi du 19 mars 1974).
2°) Les rapports entre 1'évaluation et la participation à des concours ou examens
professionnels
Selon la logique des systèmes de fonctions publiques de carrière, ou 1'employeur
s'engage à créer pour les agents méritants, toutes les conditions pour leur permettre d'accéder aux
emplois ou aux corps supérieurs, 1'évaluation des performances joue un autre rôle assez
important.
Elle sert effectivement à identifier si non à << présélectionner >> les éventuels agents qui
pourront se prévaloir du droit de se présenter à des concours et examens professionnels.
En effet, et pour tenir compte des moyens généralement limites des Etats africains, toutes
choses qui font que tous les agents ne peuvent pas bénéficier des droits à la promotion
catégorielle (par concours ou examens professionnels), les statuts prévoient dans leur grande
majorité, en plus des conditions d'ancienneté, des conditions de notes minimums à obtenir pour
les éventuels candidate.
3°) Les autres utilisations possibles de 1'évaluation des performances des agents
Etant donné que 1'évaluation des performances permet en principe de savoir si un agent
est méritent ou pas, d'autres conséquences peuvent Certes tirer de ce constat.
C'est ainsi que selon le statut camerounais de la fonction publique, en son article 45, alinéa
2, il est précisé que le fonctionnaire qui accuse un retard d'avancement d'échelon pendant quatre
ans en raison d'une insuffisance professionnelle révélée par une évaluation défavorable, doit être
licencié.
De plus, le même statut ajoute que le supérieur hiérarchique qui s'abstient d'évaluer ses
collaborateurs ou qui les évalue avec mauvaise foi, est considèré comme ayant commis une faute
disciplinaire (article 43, alinéa 2).
Pour conclure sur ces quelques éléments de réflexion rassemblés à l’intention des
participants, et qui doivent surtout nous conduire à discuter et à échanger sur nos expériences
respectives, on peut, sans grand risque de se tromper, affirmer que présentement les fonctions
publiques africaines ont presque toutes, comme référentiel en matière dévaluation des
performances de leurs agents, le management par objectifs, qui se défini comme étant un
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processus par lequel un responsable et son collaborateur établissent des objectifs et négocient les
moyens et les délais requis pour les réaliser.
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