régence de tunis

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régence de tunis
NOTICE
DE LA
RÉGENCE DE TUNIS
PAR
J. HENRY DUNANT
GENÈVE
IMPRIMERIE DE JULES Gme FICK
1858
Villes et localités diverses de la Régence
pp. 115-119
Dans le territoire des BENI-ZID Ou Beni-Isied, dont les tribus se révoltent souvent, on trouve
encore EL-GUASSEUR et KALAA.
Le bey de Tunis étend sa domination fort avant dans l'intérieur du Sahara, et jusqu'aux portes
de Gadamès.
ZARZIS, petite localité sur les frontières de Tripoli, est un port de mer, situé dans une grande
presqu'île laquelle s'avance vis-à-vis de l'île de DJERBI ou Djerba, qui est peuplée et fertile,
quoiqu'elle ne possède ni villes ni villages.
Près d'un château fort on aperçoit encore la Tour des Crânes, élevée avec les crânes de 20,000
Espagnols qui sous le règne de Philippe II, et sous le commandement du prince Doria et du duc de
Médina-Cœli, étaient venus attaquer Djerbi, après avoir échoué devant Tripoli en 1561. La flotte
fut dispersée, et les Espagnols qui s'étaient livrés à toutes sortes de cruautés et de déprédations dans
l'île, ne purent s'échapper qu'en très-petit nombre, les deux tiers d'entre eux ayant été massacrés.
Ce fut Okba, dont le tombeau est au Kaïrouan, qui s'empara de Djerbi sur les Byzantins, la 42 e
année de l'hégire, sous le règne de Mohawiah.
GABES ou GABEUS, l'ancienne Tacape, a donné son nom au golfe de Gabès, la petite Syrte des
anciens, Syrtis minor. Gabès est à quatre-vingts lieues de Tunis, et à deux de la mer et de son
propre port. On trouve des sources chaudes dans la contrée environnante, qui est fiévreuse pendant
l'été.
SFAX, port de mer et ville assez importante entourée de hautes murailles. Sur ses quinze ou
vingt mille habitants quatre cents environ sont européens, et y sont fixés depuis la prise de Tripoli
par les Turcs. Ils font le commerce des huiles, laines, cires, dattes, cumin, henné, coton, et objets
manufacturés, tels que savons, burnous, couvertures de laine, nattes de jonc, et vaisselle de terre qui
se fait à Djerbi. Sfax qui a plusieurs vice-consuls européens possède une église catholique-romaine.
Les immenses jardins qui environnent cette ville, produisent en abondance des olives, des figues,
des amandes, des pistaches, des raisins, des grenades, des poires, des pommes, des abricots et bien
d'autres fruits, sans compter beaucoup de belles fleurs, parmi lesquelles il faut mentionner un
jasmin très-odoriférant, dont on fabrique la fameuse essence de ce nom. — A Sfax et dans les îles
Kerkéna (les Circina des Romains), on se livre à des pêches très-productives qui amènent une
grande variété de poissons.—Dans les environs on remarque les ruines à Inchilla.
EL-MAHADIA, l'ancienne Africa et l’Aphrodisium de Ptolémée, a un port qui passe pour l'un
des meilleurs du royaume. Cette ville renferme de vastes ruines, ainsi que des citernes larges et
profondes. — Près de Mahadia est le cap Africa. Cette localité qui faisait partie des possessions
romaines, a donné son nom à la partie du monde dans laquelle elle est située. Au cap Dimas, à
quelques lieues, on trouve des ruines nombreuses de villes romaines, de châteaux, de cirques, de
citernes, etc.
EL-DJEMM est remarquable par son amphithéâtre, qui, dit sir Grenville Temple « est l'une des
constructions les plus belles, les plus vastes et les plus parfaites des temps antiques. » On n'y
remarque pas toute la pompe et la splendeur du Colisée; mais, sous les autres rapports,
l'amphithéâtre d'El-Djemm ne le cède en rien à ce monument célèbre. L'amphithéâtre de Pola en
Istrie, celui de Vérone ou celui d'Arles ne sauraient lui être comparés. Mais ce bel ouvrage, élevé
par Gordien l'ancien, se dégrade chaque année, les indigènes- en enlevant presque journellement
quelques pierres pour des constructions. En outre, il y a un siècle environ, les Arabes de l'endroit
s'étant révoltés contre le bey régnant et s'y étant retranchés, ils démolirent presque entièrement
l'étage supérieur dont ils lancèrent les pierres sur les assiégeants. Les insurgés une fois soumis, le
bey pourfendit l'amphithéâtre, c'est-à-dire, qu'il y fit brèche en en faisant sauter trois arches de
hauteur, afin que ce monument ne pût plus servir en pareille occurrence. Cet édifice qui pouvait
avoir cent pieds de haut avait quatre étages ou rangées d'arcades et de colonnes superposées,
chaque étage ayant au moins soixante arches avec leurs piliers. Les colonnes sont d'un style
composite, qui tient le milieu entre l'ordre dorique et l'ordre égyptien. Il paraît, d'après le dire des
habitants du pays qu'un souterrain conduit d'ElDjemm jusqu'à Sfax qui en est éloignée de dix lieues
environ.
El-Djemm était l'ancienne Tysdrus dont les restes couvrent une grande étendue de pays. On y
trouve des ustensiles et des monnaies de toute espèce, des antiquités, des statues de marbre
précieux, des sculptures et des bas-reliefs de toutes sortes.
Dans les environs de cette immense nécropole on trouve des ruines nombreuses à Caraga, à
Elalia, à Lempta, à Sursaff, à Médugara.
KAIROUAN. C'est de l'an 647 après J. C. que cette ville date comme remarquable dans l'histoire.
Les Arabes, sous le calife Omar, en ayant fait le siége d'un empire opulent, elle avait, quoique
musulmane, et pendant les premiers siècles de l'hégire, conservé son caractère berbère.
Cette splendide capitale était le centre d'un immense trafic. C'est là que convergeaient les
routes d'Egypte, du Maroc et de Tombouctou, et que les sultans du Kaïrouan tenaient leur cour avec
une grande magnificence.
Cette ville, regardée comme sainte, est la troisième en rang après la Mecque à cause de l'un des
disciples du Prophète, qui est enseveli dans sa magnifique mosquée aux cinq cents colonnes de
granit et de marbre précieux, vert, rouge et jaune. L'entrée de cette cité est interdite aux Chrétiens et
aux Juifs à moins d'un ordre exprès du bey. Actuellement elle est habitée par un personnage qui
jouit de la réputation d'un grand saint: c'est un vieillard, nommé Sidi Hammouda Abèda, dont les
miracles ont une grande renommée. En voici un qui mérite d'être cité:
Le saint déclara en 1855 que Sébastopol ne serait pris que lorsque deux canons qu'il envoyait
au bey depuis Kaïrouan seraient arrivés devant la cité moscovite, ces deux canons sacrés devant
produire un effet merveilleux et amener la chute de cette ville. Les canons une fois à Tunis, le bey
envoya tout exprès à Constantinople un vaisseau pour les transporter. Le peuple entier des fidèles,
dans toute la Régence et à Tunis en particulier, se réjouissait déjà par avance de la prise de
Sébastopol qui allait infailliblement avoir lieu; on en calcula même la date d'après le jour où l'on
présumait que les canons seraient parvenus à leur destination. — De Constantinople le sultan les
expédia en Crimée, et, par une coïncidence frappante, Sébastopol fut réellement pris au moment
même, pour ainsi dire, de l'arrivée des canons. Aussi la joie fut grande à Tunis lorsqu'on apprit cette
nouvelle, prévue et impatiemment attendue par tous les fidèles sectateurs de l'Islam.
La végétation est peu considérable au Kaïrouan qui est entouré de grandes plaines dont
quelques-unes sont couvertes de céréales. La ville est très-peuplée et fait un commerce actif avec
Sfax et Souza. ll y a des fabriques de cuirs et de maroquins. On exporte pour Tunis des quantités
considérables de goudron. — Les scorpions y abondent, tandis que dans d'autres cités voisines on
n'en trouve point du tout, car il y a des localités où cet animal meurt presque aussitôt qu'il y arrive.
— Ce pays manque de culture, mais les ruines que l'on retrouve partout, comme sur le littoral tout
entier, prouvent le degré de splendeur et de richesse qu'il possédait sous l'empire de Rome et sous
celui de Byzance.
Non loin du Kaïrouan on remarque TRUDSA, l'ancienne Usalitanus, près des ruines d'Aquœ
Regiœ.
MONASTIR, ancienne colonie romaine à quatre lieues de Souza, a pris son nom d'un couvent
d'Augustins qui était près de là. On y trouve des fabriques d'étoffes et de savon, et une quantité
incroyable d'oliviers. Les paquebots anglais venant de Malte y relâchent quelquefois, pour déposer
des passagers maltais qui vont à Sfax.
SOUZA, ville importante à trente-deux lieues S. E. de Tunis, est bâtie sur un rocher. Sa baie
offre un bon ancrage, son port est excellent; ses habitants sont industrieux, commerçants, et d'une
grande politesse pour les étrangers; ses environs bien cultivés abondent en pâturages, en céréales,
en figuiers, mais surtout en bois d'oliviers immenses qui donnent une huile excellente. —Les
vapeurs anglais y abordent.
Souza était autrefois une grande ville, on croit que c'est l’Adrumentum des Romains, mais
Marmol prétend que c'est la Siagul de Ptolémée. C'est devant cette ville que le prince Philibert de
Savoie essuya une défaite.
pp. 254-256
Plus de quinze nations chrétiennes sont représentées par un certain nombre de leurs
ressortissants dans les Etats de Tunis. La population européenne, si l’on y comprend les Maltais,
peut s’élever à un peu de douze mille âmes.
Voici le
tableau des
naissances, des
décès et des
mariages qui ont eu
lieu en 1856 parmi
les Européens
catholiquesromains et dans les
diverses villes de la
Régence.
Les Grecs et
les Protestants n’y
sont pas compris.
Si le nombre
des décès s’est
élevé à 293
personnes, c’est
que le choléra a
régné en Août et
Septembre 1856, et
a enlevé à lui seul
environ deux cents
chrétiens.
p257-258
Voici un tableau relatif au culte catholique-romain qui donnera une idée de la population
européenne de chacune des villes de la Tunisia, du nombre de leurs prêtres, ainsi que de leurs
églises ou chapelles.
Note : Henri Dunant, parfois orthographié Henry Dunant, né sous le nom de Jean-Henri
Dunant le 8 mai 1828 à Genève et mort le 30 octobre 1910 à Heiden, est un humaniste et homme
d'affaires suisse. Il est l'un des fondateurs de la Croix Rouge.
Pendant un voyage d'affaires en juin 1859, il se trouve à proximité de la ville italienne de
Solférino et découvre les dégâts humains de la bataille de Solférino. À partir de cette expérience, il
écrit un livre intitulé Un souvenir de Solférino qu'il publie en 1862.
Une année plus tard, il participe à Genève à la fondation du Comité international de secours
aux militaires blessés, désigné dès 1876 sous le nom de Comité international de la Croix-Rouge. La
première convention de Genève est ratifiée en 1864 et se réfère largement à ses propositions. Il
obtient avec Frédéric Passy le premier prix Nobel de la paix en 1901 et est ainsi considéré comme
le fondateur du mouvement de la Croix-Rouge internationale. (Wikipedia, le 15 novembre, 2010.)