Évaluation des Pratiques Professionnelles et amélioration de la

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Évaluation des Pratiques Professionnelles et amélioration de la
Mise au point
Évaluation des Pratiques Professionnelles
et amélioration de la qualité des soins :
Sept notions pour mieux comprendre
S. Traulle 1, M. Gignon 1, J.M. Regimbeau 2, F.X. Chaine 1, A. Braillon 3
1. Service d’évaluation médicale, CHU d’Amiens – Amiens.
2. Service de chirurgie générale viscérale et digestive, CHU d’Amiens – Amiens.
3. Mission régionale pour l’évaluation des pratiques professionnelles, CHU d’Amiens – Amiens.
Correspondance : A. Braillon, Mission régionale pour l’évaluation des pratiques professionnelles,
place Victor Pauchet, CHU Nord, F 80054 Amiens Cedex 1.
e-mail : [email protected]
Résumé / Abstract
Évaluation des Pratiques Professionnelles et amélioration de la qualité des soins :
Sept notions pour mieux comprendre
Évaluation des pratiques
professionnelles
S. Traulle, M. Gignon, J.M. Regimbeau, F.X. Chaine, A. Braillon
Définition
L’objectif de l’évaluation des pratiques professionnelles est l’amélioration continue de la
qualité et de la sécurité des soins, et du service rendu aux patients. Au cours d’une durée
maximale de cinq ans, un médecin doit satisfaire à l’obligation individuelle d’Évaluation des
Pratiques Professionnelles en démontrant son engagement dans une démarche validée par
la Haute Autorité de Santé. L’obligation individuelle d’Évaluation des Pratiques
Professionnelles est validée par une Commission placée auprès du Conseil Régional de
l’Ordre des Médecins. Les recommandations professionnelles sont des propositions
développées pour aider le professionnel de santé et le patient à rechercher les soins le plus
appropriés dans des circonstances cliniques données. L’audit clinique est une méthode
d’auto-évaluation qui permet de comparer les pratiques de soins à des références admises,
en vue de les améliorer.
L’EPP est définie par les articles
L. 4133-1-1 et D. 4133-23 et suivants,
du Code de Santé Publique. « L’évaluation des pratiques professionnelles […]
a pour but l’amélioration continue de
la qualité des soins et du service
rendu aux patients par les professionnels de santé […]. Elle vise à promouvoir la qualité, la sécurité, l’efficacité
et l’efficience des soins et de la prévention et plus généralement la santé
publique, dans le respect des règles
déontologiques.
Mots-clés : Divers. Qualité soins. Évaluation des pratiques.
Evaluation of Best Practices in the improvement and quality of care: Seven notions for
better understanding
S. Traulle, M. Gignon, J.M. Regimbeau, F.X. Chaine, A. Braillon
The aim of Professional Practices Evaluation (PPE) is continuous improvement in the
quality and safety of patient care. Over a five year period, each physician in France is
required to complete a PPE according to guidelines validated by the Haute Autorité de
Santé.
This PPE will be overseen by a Committee of the Conseil Régional de l’Ordre des
Médecins. The PPE guidelines are suggestions developed to assist healthcare professionals
to provide and patients to seek the most appropriate care.
Clinical audit is a self-assessment method which allows the practitioner to compare his own
health care practices with accepted norms and to improve them.
Key words: Health care quality. Quality assurance. Health workers.
Introduction
L’Évaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) est une démarche
d’auto-évaluation méthodique, explicite et formelle, pour améliorer la
qualité en médecine. Elle a concerné
les médecins libéraux dès 1999, et
s’impose maintenant à tous les modes
d’exercices, en établissements et aux
médecins salariés. Le dispositif qui se
met en place peut susciter inquiétude
ou agacement. Toutefois l’EPP vise à
formaliser une démarche naturelle des
praticiens ; en cela elle valorise la pratique du médecin et démontre l’amélioration de la prise en charge des
patients.
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L’EPP consiste en l’analyse de la
pratique professionnelle en référence à
des recommandations, selon une méthode élaborée ou validée par la Haute
Autorité de Santé. Elle inclut la mise en
œuvre et le suivi d’actions d’amélioration des pratiques.
L’EPP, avec le perfectionnement
des connaissances, fait partie intégrante
de la formation médicale continue. »
Ainsi la formation médicale continue
(FMC) « nouvelle version » associe un
volet perfectionnement des connaissances (ancienne version de la FMC) et un
volet EPP. Pour l’obligation de perfectionnements des connaissances il faut
accumuler des points (au moins 150)
avec un barème complexe. L’obligation
d’EPP correspond à 100 points acquis
globalement.
L’EPP s’inscrit dans une démarche
concrète et ne doit pas être confondue
avec une évaluation des connaissances
théoriques. La pratique doit être analysée pour vérifier qu’elle est en accord
avec les recommandations, issues par
exemple des sociétés savantes, qui sont
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Évaluation des Pratiques Professionnelles et amélioration de la qualité des soins
S. Traulle et al.
des avis sur ce qui est généralement
conforme, et non des normes.
ticipent aussi à cette organisation pour
les établissements privés.
L’EPP n’est pas une évaluation de la
compétence. La compétence peut être
définie comme la mise en œuvre d’une
combinaison de savoirs (connaissances,
savoir-faire, comportement et expérience) en situation. L’évaluation de l’ensemble des caractéristiques individuelles
(connaissances, aptitudes et attitudes)
qui permettent à une personne d’exercer son activité de manière efficace, en
sécurité, et en perfectionnant sans cesse
sa pratique pour s’adapter à un environnement en mutation rapide, se situe sur
un autre plan que l’EPP. L’EPP s’inscrit dans une démarche d’amélioration
continue de la qualité des soins elle n’est
pas une évaluation de la compétence [1].
Comment valider l’EPP ?
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Les dispositifs peuvent sembler complexes, mais c’est parce qu’ils prennent en
compte les différents modes d’exercice.
Chaque praticien choisi un seul dispositif en fonction de ses différents types
d’exercice. Pour les praticiens libéraux
le rôle central des Union Régionale des
Médecins Libéraux (URML) avec les
médecins habilités par la Haute Autorité
de Santé (HAS), qui sont des professionnels de santé en exercice et accompagnent la mise en œuvre de l’EPP, est
maintenu. Pour les praticiens salariés
exerçant en établissement de santé
l’EPP est organisée par la Commission Médicale d’Établissement (CME).
Pour les praticiens libéraux en établissement, la CME et l’URML travaillent
de concert. Enfin, des organismes
agréés, par la HAS, pour l’EPP, souvent émanation de sociétés savantes et
de collèges professionnels, peuvent être
sollicités pour la réalisation opérationnelle des programmes d’EPP.
Au cours d’une durée maximale de
cinq ans, un médecin satisfait à l’obligation d’EPP en démontrant son engagement dans une démarche d’évaluation.
Réaliser une action ponctuelle sur une
période courte, même s’il s’agit d’une
méthode validée comme l’audit clinique, n’est pas suffisant. Le but est que
les praticiens intègrent l’évaluation
comme une démarche continue dans
leur pratique. Les exemples sont nombreux : organisation de la pratique
autour de protocoles dans le cadre d’un
réseau, réunions régulières de groupes
de pairs ou de pratiques, participation à
des réunions de concertation pluridisciplinaire en cancérologie…
Les méthodes sont fondées sur la
Roue de la Qualité (Roue de Deming, modèle PDCA) (cf. infra). La
HAS valide les méthodes d’évaluation.
Une première série propose des méthodes de base : Revue de Pertinence des
Soins (RPS), Revue de Mortalité Morbidité (RMM), Chemin Clinique (CC),
Maîtrise Statistique des Processus en
Santé (MSPS), Audit Clinique (AC) et
Audit Clinique Ciblé (ACC).
Les critères pour valider comme
méthodes d’EPP des activités plus intégrées à l’exercice professionnel viennent
d’être publiées par la HAS (tenue de registre, participation à des Réunion de
Concertation Pluridisciplinaire, participation à un réseau de santé, exercice
utilisant des protocoles, groupe de
pairs…).
Beaucoup de ces méthodes s’inscrivent dans un contexte pluriprofessionnel et/ou pluridisciplinaire, et peuvent
être réalisées en groupe. C’est l’obligation qui est individuelle, mais sa réalisation se fait, aux mieux et la plupart du
temps, dans un cadre collectif.
Pour les médecins en établissements
de santé, publics ou privés, l’obligation
individuelle d’EPP peut se faire selon
d’autres voies :
– La certification (V2007) des établissements. La deuxième version
(V2007) comporte plusieurs références
correspondant à de l’EPP. Les références 40, 41 et 42 concernent la pertinence
des pratiques (hospitalisations, actes…),
la gestion des risques cliniques, et la prise en charge des malades. Les médecins
qui y auront participé pourront naturellement faire valider ainsi leur obligation
individuelle d’EPP.
– L’accréditation des médecins ou
des équipes médicales est une démarche volontaire. Le décret est paru
le 23 juillet 2006 et a été complété le
9 décembre de la même année. Cette
disposition concerne les spécialités dites
« à risques » : échographies obstétricales, gynécologie-obstétrique, chirurgie,
anesthésie-réanimation et spécialités
interventionnelles. Elle est volontaire et
constitue une des modalités de satisfaction à l’obligation d’évaluation des pratiques professionnelles, mais l’inverse
n’est pas vrai.
Pour les médecins en établissements,
les CME ont un rôle central dans l’organisation de l’EPP. Les URML par-
Qui valide ?
Le dispositif est assez complexe, mais in
fine l’obligation individuelle d’EPP est
validée par la Commission Régionale de
Formation Médicale Continue placée
auprès du Conseil Régional de l’Ordre
de Médecins (Article D. 4133-24 du
Code de Santé Publique). Ces commissions devraient être en place vers
l’été 2007.
Quelles garanties pour les
médecins ?
Les garanties pour les médecins sont
le choix du thème et de la méthode,
la confidentialité de la démarche, la
finalité : « … les résultats de l’évaluation des professionnels évalués ne peuvent pas être utilisés à d’autres fins que
celle de l’évaluation des pratiques… ».
Il s’agit d’aider les praticiens à améliorer
leur pratique et non de noter la pratique
d’un praticien ou d’identifier des sujets
déviants.
Quelles questions se poser
avant de s’engager ?
Est-ce valide ?
La démarche est-elle en adéquation
avec ma pratique et les patients que je
soigne ?
Est-ce simple ?
La démarche est-elle faisable et s’intègre-t-elle à mon exercice quotidien ?
Quelles améliorations sont possibles et comment les démontrer ?
Recommandations de bonnes
pratiques (ou recommandations
professionnelles)
Les recommandations professionnelles
sont définies par la HAS comme « des
propositions développées selon une méthode explicite pour aider le professionnel de santé et le patient à rechercher
les soins le plus appropriés dans des
circonstances cliniques données ».
Les recommandations sont une aide
à la décision, mais elles ne peuvent pas
répondre à toute la complexité de
l’exercice clinique.
Il peut s’agir de recommandations
pour la pratique clinique (RPC), de
conférence de consensus ou de consensus formalisé d’experts.
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Les recommandations sont produites par les agences sanitaires, les sociétés
savantes, les associations professionnelles, etc.
Elles doivent être fondées sur les
données actuelles de la science, au terme d’une analyse critique des données
disponibles dans la littérature médicale,
et doivent distinguer ce qui est scientifiquement établi de ce qui relève de
l’accord professionnel.
Les niveaux de preuve sont fonction
du type et de la qualité des études disponibles ainsi que de la cohérence ou
non de leurs résultats. L’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en
Santé (ANAES) a établi une classification (tableau 1).
La Fédération Nationale des
Centres de Lutte Contre le Cancer
(FNCLCC) utilise une terminologie
un peu différente pour l’élaboration
des recommandations appelée « Standards, Options et Recommandations » (SOR). Ses définitions sont les
suivantes :
– Standards : interventions pour lesquelles les résultats sont connus et
qui sont considérées comme bénéfiques,
inappropriées ou nuisibles, à l’unanimité. Ce niveau correspond au grade A
des recommandations de l’ANAES.
– Options : interventions pour lesquelles les résultats sont connus, et
qui sont considérées comme bénéfiques, inappropriées ou nuisibles, par
Mise au point
la majorité. Les options sont toujours
accompagnées de recommandations.
– Recommandations : elles ont pour
but, lorsqu’il existe plusieurs options, de
hiérarchiser ces options en fonction du
niveau de preuve. Il s’agit également de
l’avis d’experts.
Les praticiens disposent d’outils
pour évaluer la qualité d’une recommandation.
C’est le but de la grille AGRE (Appraisal of Guidelines Research and
Evaluation) qui fournit un cadre pour
l’évaluation de la qualité des RPC.
Cette grille est diffusée par le Guidelines International Network (G-I-N),
association internationale à but non
lucratif, fondée en novembre 2002,
regroupant différentes organisations
soutenant le développement des recommandations pour la pratique clinique et leur utilisation. En France, la
HAS et la FNCLCC sont membres du
G-I-N (www.g-i-n.net).
Il ne pas faut pas confondre recommandation avec référentiel. Le référentiel est un document qui énonce les
exigences de qualité. Elles sont exprimées sous forme de critères d’évaluation qui sont des éléments concrets,
observables permettant d’évaluer la
conformité de la pratique. En règle, les
critères sont fondés sur des recommandations majeures ou avec un fort
consensus professionnel.
Tableau 1
Niveaux de preuve selon l’ANAES.
Niveau de preuve scientifique fourni par la littérature
(études thérapeutiques)
Niveau 1
• Essais comparatifs randomisés de forte puissance.
• Méta-analyse d’essais comparatifs randomisés
• Analyse de décision fondée sur des études bien menées
Niveau 2
• Essais comparatifs randomisés de faible puissance.
• Études comparatives non randomisées bien menées
• Études de cohorte
Grade des recommandations
Preuve scientifique établie
A
Présomption scientifique
B
Niveau 3
• Études cas-témoins
Niveau 4
• Études comparatives comportant des biais importants
• Études rétrospectives
• Séries de cas
Faible niveau de preuve
C
En l’absence d’études, les recommandations sont fondées sur un ACCORD PROFESSIONNEL.
Evidence Based Medicine
(médecine factuelle,
médecine fondée sur les preuves)
Evidence « tout élément servant à fonder une décision ». C’est l’intégration
des meilleures données de la recherche
à la compétence clinique du soignant et
aux valeurs de chaque patient [2].
L’Evidence Based Medicine (EBM)
est une démarche qui nécessite les étapes suivantes [3] :
1) formuler une question clinique claire du problème posé par un patient ;
2) rechercher les recommandations validées ou les articles cliniques appropriés (données actuelles de la science) ;
3) évaluer de façon critique la validité
et l’utilité ;
4) mettre en application les résultats
en prenant en compte les conditions
d’exercice ou d’organisation des soins
dans lesquelles on pratique ainsi que les
préférences exprimées par le patient.
Certification des établissements
de santé (ex-accréditation)
La première procédure d’accréditation
(V1) a été lancée en juin 1999 afin de
promouvoir une démarche continue
d’amélioration de la qualité des établissements de santé. Elle s’est achevée fin
2006. Dans la première version (V1)
elle est définie comme une procédure
d’évaluation externe à un établissement
de santé effectuée par des professionnels,
indépendante de l’établissement et de
ses organismes de tutelle. Elle concerne
l’ensemble de son fonctionnement et de
ses pratiques. Elle vise à assurer que les
conditions de sécurité, de qualité de
soins et de prise en charge du patient
qui sont prises en compte par l’établissement de santé. Elle concerne tous les
établissements de santé, publics comme
privés.
La seconde version (V2) est maintenant appelée « certification des établissements de santé » [4]. Elle est effective
depuis 2005. Les domaines du service
médical rendu, de l’évaluation des pratiques professionnelles, de la gestion
des risques et du management font
l’objet d’un examen plus particulier que
dans la première version. La certification
est valide pour une période de quatre
ans [5]. La V2007 est une refonte, essentiellement sur la forme, qui entre en
application à partir de cet automne.
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Évaluation des Pratiques Professionnelles et amélioration de la qualité des soins
S. Traulle et al.
Participer à la procédure de certification, en particulier pour les références 44 (pertinences des pratiques),
41 (gestion des risques) et 42 (évaluation de la prise en charge) permet de satisfaire à l’obligation d’EPP.
La HAS délivre le certificat d’accréditation. Ce certificat est obtenu à
l’issue d’une période de 12 mois pour
l’entrée dans la démarche, puis de 4 ans
pour les renouvellements. Elle informe
la commission régionale de la formation
médicale continue, la CME, l’URML,
la Caisse nationale d’assurance maladie
des travailleurs salariés, ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie qui versera une aide financière pour la prime
de responsabilité professionnelle.
La caisse primaire d’assurance
maladie verse l’aide financière pour la
prime de responsabilité professionnelle.
Le calcul de cette aide est complexe
avec un plafond variable selon les spécialités (18 000 € pour la gynécologieobstétrique et l’obstétrique ; 7 000 €
pour l’anesthésie-réanimation et la réanimation médicale ; 15 000 € pour les
autres spécialités), avec une participation variable (60 ou 55 %) selon que le
praticien a adhéré ou non à l’option de
coordination. Ainsi l’aide maximale peut
varier de 9 900 à 10 800 euros pour un
gynécologue-obstétricien, de 3 850 à
4 200 euros pour un anesthésiste et de
8 250 et 9 000 euros pour les autres
spécialistes.
À titre transitoire, pendant trois ans,
le bénéfice de l’aide sera accordé au médecin sur présentation d’une attestation
de son engagement dans la procédure
d’accréditation délivrée par un organisme agréé et d’une copie de son contrat
d’assurance.
Pour les praticiens hospitaliers, l’accréditation sera un des moyens d’obtenir
le bénéfice de la part complémentaire
variable de rémunération (articles D61252-23-1 et D. 62152-220-1 du code
de la Santé Publique).
Au total pour les médecins, cette
démarche « volontaire » permet de :
– satisfaire à l’obligation d’EPP ;
– bénéficier d’une aide à la souscription
de l’assurance professionnelle ;
– répondre par eux-mêmes à la demande croissante de sécurité et de réduction
des risques, et de définir des exigences
sur des critères professionnels.
Accréditation des médecins
et des équipes médicales [6, 7]
206
Le terme « accréditation » est désormais réservé à « l’accréditation des
médecins et des équipes médicales »
qui pratiquent des actes à risque dans
des établissements de santé. Cette
disposition est issue du projet Résirisq,
développé à l’initiative des médecins libéraux anesthésistes-réanimateurs, gynécologues-obstétriciens et chirurgiens
en vue de prévenir et réduire les risques
liés aux actes et de trouver une réponse
à la hausse des primes d’assurance en
responsabilité civile médicale.
Ce dispositif est volontaire et permet de satisfaire à l’obligation d’évaluation des pratiques professionnelles.
Il est réservé aux médecins ou aux
équipes médicales d’une même spécialité, exerçant dans des établissements
de santé publics ou privés, qui effectuent plus de la moitié de leur activité
sous formes d’actes remboursables de
chirurgie, d’anesthésie, de réanimation, des échographies obstétricales ou
d’accouchements, des endoscopies de
l’appareil digestif (et actes de proctologie) ou de l’appareil respiratoire, et
par voie vasculaire transcutanée. Les
spécialités concernées sont résumées sur
le tableau 2.
Les médecins qui s’engagent dans
cette démarche doivent :
– déclarer les événements considérés
comme porteurs de risques médicaux ;
– mettre en œuvre les référentiels de
qualité ou de pratiques professionnelles
et plus spécifiquement les recommandations individuelles résultant de l’analyse des événements qu’ils ont déclarés ;
– participer à des programmes d’amélioration de la sécurité des pratiques.
Les événements considérés
comme porteurs de risques médicaux qui doivent être déclarés par le
médecin sont des événements indésirables dont la nature, les modalités de
déclaration et d’analyse seront précisées
par le collège de la HAS. Il s’agit de ce
que l’on peut qualifier simplement
« d’échappée belle ! ». En sont exclus
les accidents médicaux, les affections
Tableau 2
Spécialités concernées
par l’accréditation des médecins
et des équipes médicales
selon le décret du 21 juillet 2006
(Article D. 4135-2 du Code de Santé
Publique).
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Chirurgie générale ;
Neurochirurgie ;
Chirurgie urologique ;
Chirurgie orthopédique et traumatologie ;
Chirurgie infantile ;
Chirurgie de la face et du cou ; maxillofaciale ; stomatologie ;
Chirurgie plastique reconstructrice ;
Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire ;
vasculaire ;
Chirurgie viscérale et digestive ;
Gynécologie-obstétrique, ou gynécologie
médicale et gynécologie-obstétrique ;
Anesthésie-réanimation ; Réanimation
médicale et soins intensifs ;
Oto-rhino-laryngologie ;
Ophtalmologie ;
Cardiologie ;
Radiologie ;
Gastro-entérologie ;
Pneumologie
iatrogènes, les infections nosocomiales
ou les événements indésirables associés
à un produit de santé.
La déclaration à l’organisme agréé
doit respecter l’anonymat du patient.
L’organisme agréé assurera l’anonymat
du médecin et de l’établissement pour
les informations qu’il transmettra à la
HAS.
Les organismes agréés sont le pivot de ce dispositif. Il s’agit d’un agrément spécifique. Il y a donc, à côté des
organismes agréés pour l’EPP, d’autres
qui le seront pour la FMC et d’autres
pour l’accréditation. Ces organismes
agrées ont des missions nombreuses :
– instruire et évaluer les demandes
d’accréditation ;
– recruter et former les experts ;
– recueillir et analyser les déclarations
d’événements porteurs de risques pour
élaborer des référentiels ;
– proposer et évaluer la mise en oeuvre
des recommandations individuelles et
générales de gestion des risques ;
– réaliser des visites sur place en accord
avec le responsable de l’établissement
de santé, après information de la CME.
Qualité
Qualité des soins
La notion de qualité est particulièrement difficile à expliciter puisqu’il
existe un grand nombre de définitions
différentes. Entre les 36 acceptions
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du dictionnaire Robert et la rigueur
des spécialistes de la qualité (« aptitude d’un ensemble de caractéristiques
intrinsèques à satisfaire des exigences »
ISO 9000:2000 ou encore aptitude à
rendre le service attendu), il est d’usage, en santé, de s’en remettre à la définition de l’Organisation Mondiale de
la Santé : « La qualité est une démarche qui doit permettre de garantir à
chaque patient l’assortiment d’actes
diagnostiques et thérapeutiques qui lui
assurera le meilleur résultat en terme
de santé, conformément à l’état actuel
de la science médicale, au meilleur
coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus
grande satisfaction en terme de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de
soins. ».
Cette définition transforme la qualité en quête du Graal, mais dans les
faits, il s’agit finalement de bien faire
son travail (mieux soigner) et d’organiser son exercice professionnel afin
d’être dans son environnement favorable. Cette attitude naturelle ne peut
qu’apporter bonheur et satisfaction.
L’exemple de l’anesthésie-réanimation
est éloquent. La mortalité anesthésique a été réduite d’un facteur 10 entre
les années 80 et 90. Les conditions
pratiques d’exercice, consultation pré
anesthésique et salle de réveil obligatoires, ont été déterminantes dans ce
résultat.
Roue de la qualité – Roue
de Deming – Modèle PDCA
Les fondements de la qualité sont la
prévention et l’amélioration permanente. Ainsi la qualité peut être représentée
par un cycle d’actions correctives et préventives, appelé « roue de Deming »,
du nom de son promoteur. Ce cycle est
la base des actions et des programmes
d’EPP.
Ce cycle est nommé également
« modèle PDCA », qui désigne les
quatre temps suivants (figure 1) :
– Plan (Planifier) : définition des objectifs à atteindre et mise en place d’un
protocole ;
– Do (Faire) : mise en œuvre pratique ;
– Check (Analyser) : comparaison entre la pratique constatée et la pratique
attendue, analyse des écarts ;
– Act (Améliorer) : en fonction des
résultats de la phase précédente, or-
ganisation d’un plan d’actions
d’amélioration.
Le cycle se continue par une vérification de l’effet des actions
d’amélioration.
Les faux amis
Il ne faut pas confondre :
– Contrôle qualité (quality inspection) :
« Activité de contrôle axée sur la
vérification du respect des exigences
pour la qualité. Il peut être exercé dans
tous les processus de réalisation d’un
produit ou d’un service, pour assurer la
conformité aux exigences spécifiées »
(AFNOR). Il s’agit d’une opération de
vérification.
L’EPP n’est pas une opération de
vérification mais une démarche globale
pour améliorer les pratiques.
– Maîtrise de la qualité (quality
control) :
« Partie du management de la qualité axée sur la satisfaction des exigences
pour la qualité » (ISO 9000:2000). Il
s’agit d’une méthode managériale.
Assurance (de la) qualité
Elle était définie par la norme ISO
8402:1994 comme un « ensemble des
activités préétablies et systématiques
mises en œuvre dans le cadre du système qualité, et démontrées en tant que
besoin, pour donner la confiance appropriée en ce qu’une entité satisfera aux
exigences pour la qualité ».
La norme ISO 9000:2000 la considère comme une « partie du manage-
Figure 1 : Modèle PDCA [P pour
Plan (Planifier), D pour Do (Faire),
C pour Check (Analyser), et A pour Act
(Améliorer)].
Mise au point
ment de la qualité axée sur la satisfaction
des exigences pour la qualité ».
L’assurance qualité vise à garantir
un niveau constant de qualité grâce à
une organisation spécifique. Par la mise
en place d’un système de qualité pérenne, la structure peut assurer notamment
qu’elle détecte, mesure, corrige les dysfonctionnements potentiels et met en
place les actions préventives appropriées de façon continue. Il s’agit de la
maîtrise des métiers.
L’assurance qualité a ainsi pour but
de rassurer le patient sur la qualité des
prestations d’un établissement de soins.
Elle se décline sous la forme d’un document écrit, appelé « manuel d’assurance
qualité », récapitulant l’ensemble de la
politique qualité de l’établissement.
Audit clinique
« L’audit clinique est une méthode
d’auto-évaluation qui permet à l’aide de
critères déterminés de comparer les
pratiques de soins à des références admises, en vue de mesurer la qualité de
ces pratiques et des résultats de soins
avec l’objectif de les améliorer. »
L’audit clinique distingue 6 étapes
[8] :
1) Choix du thème : choisi par les praticiens en fonction de la fréquence de la
pratique, du risque pour le patient, du
potentiel d’amélioration, de l’existence
de références (scientifiques, réglementaires et professionnelles) ;
2) Choix des critères : construction
d’un référentiel (cf. supra) actualisé,
c’est-à-dire un ensemble d’exigences
qualité écrites, utilisées dans le cadre
d’une démarche d’évaluation. Celui-ci
est établi à partir de textes réglementaires, de recommandations de bonne
pratique ;
3) Choix de la méthode de mesure :
construction d’une feuille de recueil
de données et définition des modalités d’évaluation (sujets inclus, taille
de l’échantillon, période d’évaluation,
source d’information, mode de recueil
des données) ;
4) Recueil des données ;
5) Analyse des résultats : traitement des
données recueillies, analyse des écarts
observés ;
6) Plan d’actions d’amélioration et
réévaluation : élaboration et mise en
place d’un plan d’amélioration, suivi
par une nouvelle évaluation ou un suivi
d’indicateurs.
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Évaluation des Pratiques Professionnelles et amélioration de la qualité des soins
S. Traulle et al.
Points essentiels
main » afin d’aider les praticiens dans
leur démarche d’EPP. Celui-ci peut
être commandé sur son site Internet
(www.has-sante.fr). Il fournit les référentiels, les grilles de recueil et les outils
nécessaires pour réaliser des audits, organisationnels ou de pratiques, sur une
douzaine de thèmes. De plus, les résultats de services cliniques ayant déjà réalisés ces audits sont présentés.
• L’obligation légale d’évaluation des pratiques professionnelles n’est que la formalisation
d’une démarche naturelle et constante des praticiens pour améliorer la qualité des soins
qu’ils donnent.
• L’objectif de l’évaluation des pratiques professionnelles est l’amélioration continue de la qualité des soins et du service rendu aux patients.
• Au cours d’une durée maximale de cinq ans, tout médecin doit satisfaire à l’obligation personnelle d’Évaluation des Pratiques Professionnelles en démontrant son engagement dans
une démarche validée par la Haute Autorité de Santé.
• L’obligation d’évaluation des pratiques professionnelles est individuelle, mais se réalise au
mieux dans un cadre collectif, multidisciplinaire et pluriprofessionnel.
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Références
• Les recommandations professionnelles sont des propositions développées pour aider le professionnel de santé et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données.
1. Modalités et conditions d’évaluation des
compétences professionnelles des métiers
de la santé, rapport de mission, Y Matillon
(2003 et 2005) et CNGE, 2005.
• L’audit clinique est une méthode d’auto-évaluation qui permet de comparer les pratiques de
soins à des références admises, en vue de les améliorer.
2. Sackett DL, Straus SE, Richardson WS
et al. Evidence based medicine: how to
practice and teach EBM. 2d ed. Edinburgh. Churchill Livingston 2000.
• À côté des méthodes formelles comme l’audit clinique, d’autres méthodes sont plus intégrées
à l’exercice : groupe de pairs, réunion de concertation pluri-disciplinaires…
3. Zékri
O. http://www.med.univrennes1.fr/etud/pharmaco/
EBM.htm#(4).
• Toutes ces méthodes visent à analyser les écarts entre les recommandations et la pratique
(entre ce que l’on croit faire et ce que l’on fait réellement), à partir de l’examen des dossiers.
4. Loi n° 2004-810 du 13 août 2004, article 36 (III – 4e alinéa), Journal Officiel de
la République Française n° 190 du
17 août 2004.
• Des actions d’améliorations doivent être mises en place et leur efficacité vérifiée par une nouvelle auto-évaluation.
5. Préparer et conduire votre démarche
d’accréditation, un guide pratique, HAS
(mars 2005).
• Le dispositif, pour être un succès, doit être simple et cohérent, financé, et fondé sur l’autorégulation et l’indépendance professionnelle.
6. Décret n° 2006-909 du 21 juillet 2006
relatif à l’accréditation de la qualité de la
pratique professionnelle des médecins et
des équipes médicales exerçant en établissements de santé. Journal Officiel du
23 juillet 2006.
La HAS a élaboré une autre méthode simplifiée : l’audit clinique ciblé
(ACC). C’est une méthode de première
intention, parmi les plus simples et les
plus couramment utilisées pour l’EPP.
Elle permet, à l’aide d’un nombre limité
de critères (une dizaine), de comparer
sa pratique à des recommandations
admises, en vue d’améliorer la qualité
des soins.
La HAS diffuse un CD Rom contenant une centaine d’ACC « clé en
7. Décret n° 2006-1559 du 7 décembre
2006 modifiant les dispositions relatives
à l’accréditation de la qualité de la pratique professionnelle des médecins et des
équipes médicales exerçant en établissements de santé. Journal Officiel du 9 décembre 2006.
8. L’audit clinique, bases méthodologiques
de l’évaluation des pratiques professionnelles, HAS (avril 1999).