CES ENFANTS DE LA SÉPARATION VICTIMES DE LEUR(S

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CES ENFANTS DE LA SÉPARATION VICTIMES DE LEUR(S
Automne 2014 Numéro 3
CES ENFANTS DE LA SÉPARATION
VICTIMES DE LEUR(S) PARENT(S)
par Marie-Claude Cazeau, M.A.
ÉLODIE A 4 ANS. SES PARENTS SONT SÉPARÉS. UN VENDREDI SOIR SUR DEUX, SA MÈRE L’AMÈNE DANS UNE
MAISON DU QUARTIER, UN ORGANISME SUPERVISANT
LA TRANSITION DES ENFANTS DONT LES PARENTS SÉPARÉS NE S’ENTENDENT PAS. POUR LE BIEN-ÊTRE D’ÉLODIE, IL A ÉTÉ ORDONNÉ PAR LA COUR QUE LES DEUX PARENTS NE DEVAIENT PLUS ENTRER EN CONTACT DEVANT
L’ENFANT, CECI AFIN D’ÉVITER QU’ELLE SOIT ENCORE TÉMOIN DE LEURS TROP NOMBREUX DÉRAPAGES.
Pourtant, la souffrance d’Élodie continue. Lorsqu’elle revient de
chez son père le dimanche soir, il n’est pas rare que sa maman
l’accueille en la bombardant de questions ou commentaires
peu élogieux à l’endroit du père : « Tu as l’air fatiguée. À quelle
heure t’a t’il envoyée au lit? Un vrai bon à rien, incapable de
prendre soin de sa fille. A t’il au moins pensé à te faire prendre
ton bain »? Élodie répond : « Maman, papa m’a acheté un
nouveau manteau. Regarde s’il est beau ! » Frustrée, la mère
détourne le regard, feignant n’avoir rien entendu.
Selon vous, comment Élodie peut-elle se sentir devant les agissements de sa mère? Assurément, elle sera triste et confuse. Dans
son cœur d’enfant, elle aime son papa autant que sa maman et il
est fort possible qu’elle espère toujours leur réconciliation. Cela
lui fait de la peine d’entendre ces propos au sujet de son père et
elle ne comprend pas la réaction de sa mère devant le manteau
qu’elle lui montre fièrement. Confuse, Élodie se demande si elle
a fait quelque chose de mal…
Cette histoire, proche de la réalité de bien des enfants, ne dit pas
si le père tient aussi des propos dénigrants à l’égard de la mère
devant sa fille. Cela pourrait être le cas. Malheureusement, trop
nombreux sont ces enfants qui souffrent en silence à cause des
conflits qui perdurent au-delà de la séparation physique de
leurs parents. Dans des cas graves, on peut même parler d’abus
psychologique de l’enfant défini par le DSM IV-TR comme étant
« un acte verbal ou symbolique non accidentel d’un parent ou
d’un tuteur de l’enfant qui entraîne, ou peut potentiellement
entraîner une séquelle psychologique grave pour l’enfant ».
Selon le Centre jeunesse de Montréal, les mauvais traitements
psychologiques seraient l’une des formes les plus fréquentes
d’abus et de négligence infligés aux enfants, et ses impacts
sont au moins autant, sinon plus, dommageables que les autres
formes de maltraitance.
Certaines sources parlent plus spécifiquement de syndrome
d’aliénation parentale. C’est ce que l’on observe lorsqu’un
parent manipulateur, incapable de gérer la séparation,
s’acharne à dénigrer l’autre parent devant son enfant et use de
stratagèmes pour lui rendre la vie pénible (ex : ne pas fournir le
carnet de santé, empiéter sur son temps de garde avec des activités parascolaires, refuser de laisser l’enfant lui parler au téléphone etc.) Il prend l’enfant en otage dans son conflit jusqu’à
l’amener à rejeter tout contact affectif avec l’autre parent et la
famille de ce dernier. Ces enfants sont à la fois victimes et instruments d’une vengeance qui les dépasse. Pris dans un conflit de
loyauté, ils sont forcés de choisir entre leur père et leur mère :
une décision qu’aucun enfant ne devrait avoir à prendre!
Les spécialistes en santé mentale s’entendent pour dire que les
conséquences sont graves pour ces enfants. En effet, un enfant
victime de ce genre de maltraitance psychologique aura de la
difficulté à construire son identité, aura peu confiance en lui
et sera sujet à des difficultés relationnelles en grandissant. La
recherche est claire à ce sujet : il existe un lien entre les conflits
parentaux et l’avènement de comportements problématiques
chez les enfants (comme la délinquance). De plus, les querelles
répétées entre les parents et devant les enfants seraient surtout
associées à la violence, à la désobéissance ou à des comportements déviants. Ce genre de situation en présence de préadolescents entraînerait des problèmes associés au retrait social, au
stress et à une agressivité intériorisée.
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En conclusion, on peut comprendre que chaque famille traverse
des périodes difficiles, qu’il soit question ou non de divorce ou
de séparation parentale, sans nécessairement susciter l’émergence de problématique chez l’enfant. Dans le cas où nous
entretenons une relation conflictuelle avec un ex-conjoint, il est
de notre responsabilité de demeurer vigilant quant à l’impact
que peut avoir nos propos et comportements sur notre enfant.
Il faut également se montrer sensible aux besoins affectifs de
son enfant, en particulier à ses besoins de rapprochement et
d’attachement et cela vaut autant pour l’un ou l’autre des deux
parents, indépendamment du vécu entre les deux parents. Être
conscient que notre histoire conjugale n’appartient pas à l’enfant; que le priver consciemment de la présence et de l’amour
de l’autre parent c’est bafouer son droit fondamental tout en
lui faisant porter un fardeau qu’il n’a jamais mérité.
Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders –version IV (texte révisé)