Bernard PRAS - Pays de Charente Limousine

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Bernard PRAS - Pays de Charente Limousine
Bernard PRAS
Né le 22 mars 1952, à Roumazières (16)
En 1956, à l’âge de 4 ans, sa mère ne pouvant le garder auprès d’elle car elle attend un autre enfant, il est
envoyé chez ses grands-parents maternels à Roussines (16). Sa grand-mère y tient une épicerie fournie et
variée.
C’est là qu’il trouvera ses premières inspirations, au milieu de cette foule d’objets. « Variété, mélange, ordre,
désordre fraient alors dans son esprit juvénile, non comme des contraires ou des synonymes, mais dans le sens
d’un rangement personnel à base duquel il se forge une incontestable idée du monde et de ses mystères
inhérents. »
(Bernard Pras, « Inventaires » p.10)
Grâce à son grand-père maçon et amateur de pêche, il découvre l’art de la construction, et grâce à son oncle, il
apprend le maquettisme.
En 1959, à l’âge de 7 ans, sa famille se recompose et s’installe à Jarnac. C’est à cet âge qu’il se découvre une
passion pour l’illustration du mouvement dans l’art.
Malgré tout, souvent il s’ennuie. Son père lui enseignera alors l’abnégation et la patience.
Son parcours scolaire est un peu chaotique jusqu’à son échec au BEPC.
C’est une période difficile pour lui, qui prendra fin à son entrée à l’Ecole des Beaux-Arts de Poitiers puis de
Toulouse, quelques temps plus tard.
Vers 1966, à l’âge de 14 ans, il se découvre un talent pour la peinture grâce à un professeur de dessin. Il se
sent enfin exister et alors qu’il n’est qu’apprenti, il se risque à ses premiers paysages ou portraits d’amis ou de
parents. « Le génie appartient à ceux qui commencent tôt. Ou bien alors est-ce l’inverse, ceux qui cèdent tôt
à l’appel de l’art sont des génies. » (Bernard Pras, « Inventaires » p.12).
Pour l’instant, c’est son père qui détient les clefs de son avenir : étant contre l’idée que son fils soit artiste, il
l’inscrit dans une école de mécanique.
Bernard Pras ne tiendra qu’un an, car arrive l’année 1968… A cette époque, l’autorité des parents est mise à
mal et Bernard Pras profite de ce contexte pour enfin s’épanouir dans ce qu’il aime.
En 1970, il entre alors à l’Ecole des Beaux-Arts (de Poitiers puis de Toulouse), son rêve absolu, et s’y affirme
en tant qu’homme et artiste. Il s’établit dans l’expressionnisme. Or déjà, ses amis remarquent la profusion
d’objets dont il aime à s’entourer.
En 1974, il obtient son diplôme et est immédiatement affecté comme maître-auxiliaire de dessin dans un
collège de Saintes. Son père est ravi de voir son fils exercer un « métier respectable ».
Pendant environ trois ans, il passera par Aulnay-de-Saintonge (en Charente-Maritime) et à Niort (dans les
Deux-Sèvres), mais ce rythme académique et répétitif l’ennuie.
Il rencontre alors un maître graveur (qu’il avait côtoyé lors d’un stage à l’âge de 15 ans).
Non sans abandonner la peinture, il ne parvient pas à avoir la sensation d’un travail achevé
Partagé entre volonté de destruction et désir d’édification, deux autres peintres vont venir à son aide :
« Avec le premier », Bacon (peintre britannique), « il compte la passion de Rembrandt et via ses contractures
et ses dislocations, il vise à « peindre le cri plutôt que l’horreur » (…) ; « Avec le second », Duchamp
(peintre et sculpteur français), « père de l’art conceptuel, il trouve dans le Nu descendant un escalier, la règle
qui lui paraît englober sa problématique de vouloir (…) impulser le mouvement » (Bernard
Pras,« Inventaires » p.15).
Il réalise alors une série de lithographies de nus, qui lui valent le Prix de la ville d’Angoulême.
Malgré cette reconnaissance, il se sent à l’étroit et c’est une nouvelle fois grâce au maître graveur qu’il sortira
de ce tunnel. En effet, ce dernier l’invite à Paris où il vient d’ouvrir un atelier.
Là, il réalise une série d’autoportraits mettant en scène les 7 péchés capitaux. Quelques mois plus tard, il
quittera l’atelier.
Il peint alors à la craie, au bord des trottoirs, vit de petits boulots, notamment dans des chantiers de peinture en
bâtiments.
L’été, il revient à Jarnac, mais cette fois il déménage pour de bon à Paris
Six tableaux de la série « Epouvantails », et une histoire de cœur, vont aboutir à des décisions irrévocables.
Cette série de « peinture nouée » peine à trouver acquéreur et les difficultés financières s’accumulent.
Il quitte son studio, puis son atelier, et se retrouve à travailler chez un marchand de jouets où il confectionne
des chapeaux pour les poupées.
Il n’a jamais abandonné la gravure, et, en 1985, grâce à une nouvelle rencontre qui sera déterminante, Yveline
et à son père en peinture Bengt Lindström (né le 3 septembre 1925 à Stosjökapell, Suède) , il attire l’attention
d’un éditeur nommé Francis Dellile.
En 1989, sa compagne et lui migrent vers la Dordogne.
Là, il élabore une nouvelle technique appelée aquagravure. Cette découverte lui vaudra une première
récompense et les suivantes ne tarderont pas.
En 1990, le couple s’installe à Montreuil (région parisienne). Bernard Pras s’exerce à l’aquagravure et
continue la peinture.
En 1992, ils créent ensemble un atelier, l’atelier Papou.
Son travail évolue sans cesse. Alors qu’il œuvrait sur le chemin de la décomposition/recomposition, il y
combine des collages.
Grâce à une amie qui lui apporte des vieux jouets, il crée des sculptures « mangas immobiles ».
Ces œuvres intriguent, étonnent, dérangent même. Il se rend compte qu’il lui faut trouver un angle de vue
approprié afin d’isoler celui qui regarde, au cœur de la scène.
Il s’initie donc à la photographie, et peint ses décors.
Il s’attache dès lors à travailler les effets d’optique et la perspective
Là né « l’Inventaire ». Avec une multitude d’objets, il commence par les répartir sans but au sol, puis il les
organise et spontanément, un carré s’impose.
Il se concentre alors sur les rapports chromatiques. Il regroupe les objets par famille. Enfin, il délimite le
périmètre de son œuvre.
Sa matière de prédilection sera le plastique.
« Dès lors, les poubelles, les vide greniers, les brocantes, les décharges, les trottoirs se transformeront en
ses pourvoyeurs. Pratiquant une authentique culture du déchet, sélectif, il va étendre sa collecte à tous les
ustensiles, de toutes les matières au rebut, conviant à d’improbables noces, la machine à coudre et le
saladier, le soldat de plomb à la cuisse de Barbie, le képi de gendarme et le presse-purée. » (Bernard Pras,
« Inventaires » p.24).
Au plastique, il mariera la céramique, le bois…
S’attaquant aux grandes icônes, il s’affère à leur rendre leur humanité.
Ainsi, Marilyn Monroe, est affublé d’une bouteille d’Evian sur le front, révélant sa fragilité psychologique…
Simultanément - entre ordre, chaos, son et silence - le projet émerge tandis que les matériaux s’agglomèrent
pour former une nouvelle anatomie.
C’est « un souk rutilant de jeux de mots visuels » (Bernard Pras, « Inventaires » p.27).
Pour apparaître en plan lisse, chacun des éléments de « l’Inventaire », est la conséquence d’une organisation et
d’un effet de l’angle de vision: C’est l’anamorphose.
L'anamorphose est une particularité étonnante de la perspective.
Elle consiste à créer une image déformée qui se recompose à un point de vue préétabli et privilégié.
L’œuvre se dévoile uniquement si un œil artificiel la révèle à l’œil observateur.
C’est donc à l’aide d’une lentille mono oculaire qu’il amène l’œil à voir. Un œil artificiel qui s’offre comme
seule porte ouverte sur son monde intérieur.
Certaines de ses œuvres sont alors photographiées en des clichés soignés « cibachromes ».
Bernard Pras excelle donc dans de multiples domaines, chacun d’eux contribuant à son art.
Son parcours semé d’embûches, de questionnements et de découvertes, ne fut pas simple.
Mais aujourd’hui, la reconnaissance est là, et ce grand artiste n’a pas fini de nous étonner…
Bernard Pras jouait de l’accordéon, et ceci semble être la clef de sa vocation:
« Un jour, avisant le soufflet de son instrument dégonflé qui gisait sur la perspective du pavé carrelé, il se
demanda par quelle technique résoudre cet arrogant rébus de perspective…
Et certains racontent que ce fut son premier contact avec une anamorphose: du verbe grec anamorphoun qui
signifie transformer »
(Bernard Pras, Inventaires, p. 28)