La création d`entreprise par les femmes

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La création d`entreprise par les femmes
Proposition de communication
La création d’entreprise par les femmes : une démarche
identitaire singulière ?
Proposition de communication
La création d’entreprise par les femmes : une démarche
identitaire singulière ?
M.N. Chalaye IAE de Bretagne Occidentale, Laboratoire I.C.I .
I. Guégen, chargée de mission EQUAL Conseil Général du Finistère
[email protected]
'[email protected]'
Nous souhaitons, dans notre intervention, rendre compte des résultats de l’étude
sociologique sur les freins à la création d’entreprise par les femmes dans le Finistère,
recherche menée dans le cadre de la mission EQUAL « égalité professionnelle ». Cette
recherche action avait pour objectif de construire les hypothèses permettant d’expliquer un
taux de création d’entreprise par les femmes plus faible dans le département que pour
l’ensemble du pays. Cette recherche devait également permettre la mise en place de mesures
d’accompagnement spécifiquement destinées aux femmes. Ces mesures ont été mises en
œuvre et nous serons au moment du colloque en mesure d’en donner la pertinence.
Les hypothèses suivantes ont été explorées durant la phase d’étude :
HYPOTHESE 1 :
Il existe une spécificité des femmes créatrices / hommes : pour les
femmes, la création d’entreprise est une démarche identitaire et un instrument de
réussite personnelle.
A travers les différentes études et notamment celle de l’APCE, et des différents constats
réalisés, nous pouvons indiquer que :
Les femmes créatrices sont plus âgées que les hommes créateurs
Elles sont plus opportunistes
Elles sont moins influencées par leur entourage
Elles sont plus diplômées mais moins qualifiées
2/3 des femmes ne suivent aucune formation préparatoire à la création d’entreprise
Elles développent des projets d’envergure économique et financière plus réduite que
les hommes ( moins de capitaux investis, CA plus faible, moins de création
d’emplois…)
Elles se concentrent dans des domaines d’activités particuliers et relativement dominés
par les femmes ( services aux personnes, santé, formation …)
Il nous semble que c’est la nature de la démarche des femmes qui induit ces différences.
Parmi les raisons citées pour créer, c’est le goût de l’autonomie, de l’indépendance qui est cité
presque systématiquement. La création d’entreprise par les femmes doit donc être
appréhendée comme une démarche identitaire.
La situation des femmes salariées renforce leur volonté de démontrer leurs capacités, de
prouver leurs compétences professionnelles. Comme le souligne le rapport Génisson, les
femmes restent victimes d’un certain nombre de discriminations :
Elles re présentent 60% des employés, 28 % des cadres et seulement 11.7% des cadres
dirigeants. Elles ont peu de chance d’accéder aux postes décisionnels.
Elles supportent des conditions de travail difficiles en étant fortement représentées
dans les métiers exigeant une forte disponibilité horaire ( soins aux personnes,
commerce …). Cette situation s’aggrave du fait du développement d’horaires de
travail atypique.
Elles sont plus touchées que les hommes par la précarité et le temps partiel subit
Leurs revenus sont plus faibles : 80% des salariés percevant moins de 3650 FF net
mensuel en 1997 étaient des femmes.
L’entreprise offre donc peu d’opportunités aux femmes de démontrer l’étendue de leurs
compétences, de se réaliser sur le plan professionnel.
Créer son entreprise permet de répondre à la question qui suis-je ? à se positionner par
rapport à ses parents, à l’éducation reçue et à une forme de conditionnement familial, mais
aussi vis à vis du conjoint.
Créer une entreprise c’est se construire une image de soi. « L’entreprise ou son projet a une
forte résonance symbolique dans l’inconscient de son promoteur. Elle apparaît clairement
comme une prolongation narcissique de sa personnalité, comme une « prison psychique (
Morgan, 1996) et donc, comme un objet de souffrance et de plaisir. Elle est un lieu de
projection des fantasmes de puissance de son créateur. (…). Elle permet dans certains cas de
réparer des évènements anciens par la construction de représentations dynamiques,
conscientes et inconscientes. »1.
Les femmes créatrices n’expriment pas de recherche de puissance, mais elles affirment de
manière systématique leur besoin de prouver quelque chose à leur environnement
essentiellement familial. Ce besoin serait ainsi d’autant plus fort lorsque le contexte familial
les a dévalorisée.
HYPOTHESE 2 : Créer son entreprise, c’est renouer dans certains cas avec son identité
de femme : Les femmes développent un rapport spécifique à leur entreprise.
Elles sont moins intéressées que les hommes par la réussite sociale dont les indicateurs les
plus classiques sont le revenu tiré de l’entreprise, le nombre de salariés, le développement du
chiffre d’affaires. Au contraire, l’effet revenu est largement sacrifié à la flexibilité dans
l’organisation du travail ( voir Hypothèse 4).
Leur rapport au pouvoir et à l’autorité est plus lâche. Elles entretiennent, même lorsqu’elles
occupent des positions hiérarchiques élevées, une image de soi peu valorisante et expriment
des valeurs telles que la modestie, l’humilité, le doute vis à vis de leurs compétences. Elles
sont donc peu enclines à adopter, en tant que salariés des postes d’autorité. En effet, les
femmes salariées désirant prendre des responsabilités doivent renoncer à leur féminité ( J.
Laufer), adopter des règles comportementales établies par des hommes. Il existe ainsi une
mauvaise image des femmes « chef », trop dures, trop exigeantes manquant d’humour. Cela
1
Extrait de « La temporalité des nouveaux entrepreneurs » de J.J. Pluchart in Revue Française de
Gestion, janvier –février 2000
serait lié au fait qu’elles sont contraintes de se « masculiniser », pour se conformer aux
attentes de l’employeur dont les références de performance sont celles des collègues
masculins. De fait, les femmes seraient ainsi prisonnières de la culture de leur entreprise dont
elles ne maîtrisent pas les caractéristiques.
Créer son entreprise permettrait ainsi aux femmes de renouer avec leur identité de femme.
Elles s’inscrivent alors dans une conception plus « féminine » du travail. Leur vision est ainsi
globale vie professionnelle et vie familiale ne sont plus dissociées. Leur projet serait plus
citoyen, et viserait à répondre en priorité à des besoins sociaux.
Le caractère participatif serait une des spécificités du management féminin. Les femmes
chercheraient ainsi à développer un lien social particulier avec leurs salariés, même si elles ne
souhaitent pas pour la majorité embaucher de salariés
Pour toutes ces raisons, elles cherchent avant tout à pérenniser leurs entreprises, pas toujours à
les développer.
HYPOTHESE 3 : Pour les femmes la création d’entreprise est l’occasion de renégocier
la hiérarchie des rôles sociaux assumés ( professionnel, de femme et de mère ) : la liberté
dans la gestion des temps et de l’espace est plus un élément de motivation qu’un frein à
la création.
Les femmes créatrices subissent les mêmes difficultés que leurs homologues masculins sur le
plan économique, administratif, financier. Ce qui les distingue se sont les difficultés
psychosociologiques et notamment la conciliation des rôles sociaux : travailleuse, conjointe,
mère. La création d’entreprise permet également aux femmes de renégocier la hiérarchie de
ces rôles sociaux. Dans leur vie privée, 80% de l’activité domestique ( soins des enfants)
repose sur les femmes, soit une charge de 3H30 par jour.
La recherche d’un fort taux d’implication et une exigence de disponibilité des salariés dans les
entreprises obligent bien des femmes à sacrifier en partie au moins leur rôle de mère.
Obligées de confier leurs enfants dès 5H30 le matin pour certaines ( ouvrières, infirmières)ou
les récupérant tardivement, manquant de temps et contraintes de se concentrer sur l’essentiel
souvent matériel, elles ressentent pour beaucoup un sentiment de culpabilité, elles peuvent
même se sentir disqualifiées comme mère mais également comme épouse.
Etre indépendante sur le plan professionnel leur permet de revaloriser leur rôle de mère grâce
à une meilleure organisation du temps qui lui permet d’être plus présente auprès de ses
enfants à certains moments de la journée. Certaines organisation spatiale de l’activité,
permettent également à certaines chefs d’entreprise de « profiter » des enfants tout en
travaillant ( ex commerçant vivant dans le même bâtiment que le local commercial,
agricultrice…).
Ainsi durant les entretiens préliminaires, les difficultés traditionnelles ne sont pas évoquées,
de même que le problème de la garde des enfants. Au contraire, les femmes interrogées
soulignent que la gestion du temps est plus simple dans un statut d’indépendante que
dans un statut de salariée. Les contraintes d’horaires semblent plus simples à déverrouiller,
(la proximité du domicile / travail semble fondamental). A cet égard notons que ce que
souhaiteraient les femmes, ce ne sont pas des solutions de garde supplémentaire mais plutôt
des solutions au sein des entreprises qu’elles dirigent pour être plus présentes auprès de
leur famille.
HYPOTHESE 4 : La démarche de création par les femmes est un processus autonome.
Dans la mesure ou créer son entreprise est une marque de recherche d’autonomie et d’identité,
les femmes créatrices pourraient rejeter la volonté d’autres acteurs ( y compris du conjoint) de
s’immiscer dans leur projet. Ce qui expliquerait qu’elles sont plus distantes vis à vis des
institutions et qu’elles supportent mal les jugements distanciés, les demandes de
cautionnement du conjoint par exemple.
Les femmes finistériennes créent leur entreprise à une période cruciale de leur vie psychique,
autour de 35 ans, temps de la conjugalité et de la maternité. Le projet s’inscrit souvent dans un
processus de revalorisation de l’image de soi. La démarche doit ainsi nécessairement être
autonome : construire ou reconstruire son identité ne peut se faire de manière saine dans un
contexte de dépendance en particulier affective.
L’entreprise peut également être une dérivation du désir ou du désir d’enfant, un substitut
plus ou moins conscient du conjoint ou de l’enfant. Il est évident que dans ce cas, la situation
conjugale pourrait être menacée. C’est pourquoi l’ensemble des acteurs de la création
d’entreprise souligne l’importance de l’adhésion du conjoint.
L’adhésion du conjoint au projet est un préalable à la plupart des créations, comme
tendrait à le montrer la fréquence des difficultés conjugales pour les femmes chefs
d’entreprises ne bénéficiant pas de ce soutien. L’entreprise est en effet, un objet de puissance
susceptible de bouleverser l’équilibre d’un couple.
HYPOTHESE 5 : Les freins majeurs concernent la période de genèse du projet.
Cela est dû à la nature psycho-sociale des freins majeurs. Plus de 85 % des projets initiés
n’aboutissent pas à une création et ne donnent lieu qu’à l’établissement d’une première fiche
contact. Notre attention doit donc tout particulièrement sur la compréhension de cette phase
assez obscure et peu analysée dans les différentes études disponibles.
D’après une étude menée au sein de la Chambre des Métiers du Finistère en 2001 2, les
causes d’abandon du projet sont majoritairement des raisons personnelles. Les causes
commerciales ne sont évoquées que dans 2.2 % des cas, les causes financières ( manque
d’apport, prêt refusé, absence de subvention) dans 21.7% des cas.
Il est ainsi possible de décomposer le mécanisme de la création :
ARRET
Evènement
déclencheur
Situation
professionnelle
Période de construction
d’une représentation
entreprise future
Situation
financière
POURSUITE
CALCUL
RISQUES
Phase
de
mise
en
œuvre
projet
ENTREPRISE
REELLE
Parent
Caractéristiques
Conjoint
Milieu
personnelles :
2
« Porteurs de projets, qu’êtes vous devenus ? » suivi des créateurs, antenne de Brest de la
Familialdes Métiers 2000-2001
Âge
Chambre
Formation
Expérience
Place dans fratrie
…
FEED BACK
Amis
Collègues
Enfants
HYPOTHESE 6 : L’attitude des réseaux constitue un frein à la mise en œuvre des
projets
La littérature sur la création d’entreprise par les femmes laisse penser que les femmes
souffriraient d’un déficit de réseaux dans la mise en œuvre de leur projet et la pratique de
leurs affaires. L’attitude des banques, conseils, avocats, services de soutien aux créateurs,
conjoints, réseaux amicaux affectent particulièrement les femmes compte tenu du
caractère identitaire de leur démarche.
Il existerait ainsi une phase critique, celle de la distension des liens entre créateurs et
l’ensemble de ces institutions publiques, de ces partenaires. Ainsi par exemple un retard
apporté à une réponse, des absences aux réunions …auraient des effets de déconcentration, de
déréalisation, de dépersonnalisation. Le projet serait ainsi perçu par les femmes comme
éphémère, non viable et serait donc abandonné.
Cette distance vis à vis du créateur est dommageable dans la mesure où la démarche de la
créatrice est appréhendée comme phénomène de construction identitaire. Développer son
identité ne peut se faire en dehors du processus d’identification / opposition. Le registre
attendu des relations est ainsi d’ordre affectif plus que technique.
HYPOTHESE 7 : Le poids de la culture finistérienne marquée par le matriarcat est un
frein à la création d’entreprise par les femmes de part le rôle marqué du chef
d’entreprise.
Dans la culture traditionnelle, la femme se verrait dotée de prérogatives importantes au sein
du foyer. Néanmoins sur le plan de la vie sociale, c’est l’homme qui doit, du moins en
apparence affirmer sa domination. De ce fait, devenir chef d’entreprise impliquerait pour une
femme de sortir de son rôle social. En effet cette fonction implique d’assumer des fonctions
de représentation sociale traditionnellement dédiées aux hommes.
Il semble évident que ce type de frein doit être plus marqué en zone rurale qu’en zone
urbaine. De même pouvons nous penser que les cultures littorales et maritimes doivent se
distinguer des cultures purement rurales.
La méthodologie retenue :
La nature des phénomènes étudiés, nous a conduit tout naturellement à opter pour une
méthode qualitative fondée sur la réalisation d’entretiens semi directifs type « histoire de
vie ».
Notre objectif, compte tenu de l’absence d’éléments de réponse évidents à priori, était de
construire des hypothèses, de rechercher des liens de causalité d’un phénomène lié à un
contexte particulier : celui du Finistère. Nous avons donc cherché à comprendre le phénomène
et non à identifier et évaluer des liens statistiques entre des variables. Il s’agit bien d’une
étude sociologique et exploratoire.
Ainsi les résultats obtenus ne s’appliquent-ils qu’à la création d’entreprise par les femmes
dans le Finistère. La généralisation à d’autres situations n’est pas fondée scientifiquement.
Toutefois, nos conclusions ont largement rejoints celles obtenues dans le cadre d’études
similaires menées en France et a Québec.
Le caractère probatoire des résultats obtenus est néanmoins fondé. Nous avons veillé à la mise
en œuvre des principes de réplication et de saturation indispensable à l’établissement de la
valeur scientifique de notre travail.
Depuis la fin de l’étude, un travail parallèle sur les hommes créateurs a permis d’établir
définitivement les distinctions entre hommes et femmes créatrices
Les principales conclusions :
H 1 - Il existe une spécificité des femmes créatrices par rapport aux hommes : pour les
femmes, la création est une démarche identitaire et un instrument de réussite personnelle.
Complètement vérifié, le poids des aspects psychosociologiques du phénomène est
indéniable. La démarche est bien de nature affective, même si elle est rationalisée. La
rationalisation apparaît plutôt à posteriori. Toutefois :
Attention à des perceptions voire des besoins différents selon les catégories
socioprofessionnelles.
A la l’éventuelle influence de la forme de recueil de l’information.
Des entretiens individualisés pourraient légèrement influencer le besoin
d’écoute
(de photographe on se transforme en médecin)
H 2 - Créer son entreprise, c’est renouer dans certains cas avec son identité de femme
Complètement vérifiée
H 3 - : Pour les femmes, la création d’entreprise est l’occasion de renégocier la hiérarchie
des rôles sociaux assumés (professionnel, de femme et de mère).
C’est un instrument de flexibilité dans l’organisation des temps sociaux.
Complètement vérifiée, c’est en particulier les possibilités d’organiser de manière autonome
les temps sociaux qui rend cette conciliation possible.
Toutefois les problèmes liés à la maternité ( congés maternité mal indemnisé, problème des
conditions d’allaitement) restent avérés.
H 4 – La création d’entreprise est un processus autonome
A partir du moment ou il commence à être mise en œuvre. Car comme nous le pensions, la
plupart des démarches débutent par un événement introduisant une rupture familiale ( divorce,
veuvage…) ou professionnelle ( perte d’emploi, mésentente avec employeur..) qui facilite le
démarrage.
H 5 - Les freins majeurs apparaissent pendant la période de conception du projet.
Forcément ils sont plus nombreux.
Le retour en arrière est encore possible.
Plus la démarche est engagée, plus une remise en cause serait mal vécue du fait de la
dimension affective.
H 6 – L’attitude des réseaux constitue un frein à la mise en œuvre des projets
En vérité, cela ne constitue pas un véritable frein mais plutôt une difficulté supplémentaire.
Les partenaires du projet les plus important s appartiennent à l’entourage familial, amical et
professionnel
( anciens collègues, employeurs) des créatrices. Les discours et les pratiques des institutions
dédiées au soutien à la création sont perçues comme purement techniques. Les femmes ont
peu d’attentes à cet égard.
H 7 - Le poids de la culture finistérienne marquée par le matriarcat est un frein à la création
d’entreprise de part le rôle social marqué du chef d’entreprise.
Peut être de légères tendances semblent se vérifier. C’est peut être davantage la culture rurale
qui expliquerait davantage le déficit de « créatrice ». L’agriculture reste un monde
d’hommes, où les filles semblent peu valorisées. Il est possible que dans ce contexte, les
blessures narcissiques de filles élevées dans un contexte de sur valorisation des frères, les
handicapent pour créer une activité. Notons également qu’elles ont eu à entendre la souffrance
de leurs mères qui ne les incitent pas à s’installer.
Une femme créatrice a également avancé une autre explication, concernant le poids de la
religion. Pour elle, les Bretons sont incapables d’exprimer leurs sentiments, cette absence
d’élan affectif, vécu comme un manque de dignité aggraverait le manque de confiance en eux
des gens, hommes et femmes confondus. C’est ce manque de confiance qui empêcherait le
développement de projet de création d’entreprise.
Nous n’avons pas pu explorer également le rapport particulier au patrimoine qui pourrait
singulariser la population finistérienne. La peur de la perte du patrimoine, en particulier vis à
vis des enfants pourrait également être évoqué ici.
PRECONISATIONS pour l’accompagnement spécifique des
femmes créatrices
L’AIDE AU FINANCEMENT
C’est une des demandes qui ressort nettement. Nous n’avons, cependant, pas de
préconisations particulières à émettre dans ce domaine. Suite à ces différents entretiens
deux remarques peuvent, toutefois, être faites :
L’insuffisance de financement au démarrage d’un projet n’est pas spécifique aux femmes.
Les réserves faites par le système bancaire sur certains dossiers ne sont pas forcément
illégitimes, les projets peuvent ne pas être viables économiquement, cela d’autant plus que
la dimension affective est forte dans les motivations des créatrices.
LE SOUTIEN COMMERCIAL
Plusieurs femmes évoquent en effet les difficultés qu’elles éprouvent à définir précisément
leur activité, leur produit. C’est d’autant plus vrai pour celle qui veulent développer une
activité éloignée de leur formation et de leur expérience préalable. Les femmes créatrices,
comme les hommes d’ailleurs, doivent souvent se débrouiller seules pour réaliser une
approche du marché. Ce qui explique la fréquente superficialité du travail réalisé.
Explorer son marché est un travail complexe qui ne s’improvise pas.
Les informations lors des formations obligatoires pour les créateurs paraissent
insuffisantes à cet égard. Les prises de contact, la constitution d’un réseau professionnel
sont difficiles (d’autant plus pour les personnes qui souffrent d’un déficit d’estime de soi).
Un soutien particulier dans ce domaine pourrait ainsi aider la plupart des créatrices.
LA PROMOTION DE L’ENTREPREUNARIAT FEMININ
Deux axes possibles :
Une réflexion sur l’orientation des filles au cours de la scolarité. En premier lieu il
faudrait étudier comment et selon quels critères les filles choisissent leur formation. Le
faible nombre d’étudiantes dans les filières technologiques et scientifiques est un fait
avéré. Le comportement des parents mais aussi celui des enseignants devrait être cerné.
Un travail de communication autour le l’entrepreneuriat pourrait être plus développé au
sein des dispositifs de formation et d’insertion.
LE SOUTIEN PERSONNALISE
Le besoin d’un soutien personnel apparaît de manière indéniable :
Tout d’abord, au niveau des motivations des femmes pour lesquelles la dimension
affective est notable.
Puis, dans les freins, non seulement les freins d’ordre psychologiques sont clairement
abordés, mais plus indirectement parmi les difficultés citées certaines sont du même
ressort :
Déficit de réseaux professionnels.
Manque de soutien de l’entourage.
Enfin, lorsque des souhaits de solution sont clairement abordés, le besoin d’aide
personnalisée apparaît spontanément, voire fait la quasi-unanimité lorsqu’il est cité (à
l’issue de l’entretien) parmi les pistes possibles.
Même si le besoin d’une aide psychologique (voire d’une psychothérapie) a clairement été
abordé par certaines femmes interviewées, il convient d’être extrêmement prudent sur ce
terrain :
Il s’agit de ne pas se laisser entraîner sur le terrain de l’assistance ou de la prise en charge.
Le rôle de l’accompagnant n’est pas de se substituer à un psychothérapeute.
Il faut, également, tenir compte de la réserve et/ou de l’incompréhension de certaines
femmes à l’égard de la dimension psychologique (corrélation avec le niveau d’études ?).
Ce préalable étant posé, deux axes pourraient être travaillés :
Proposer un accompagnement individualisé.
Favoriser, lorsque le besoin le nécessite, un soutien psychologique.
D’une manière générale, il faudra se pencher sur la légitimité des personnes devant
assurer ces soutiens. L’expérience du terrain, la proximité psycho-sociologique est à
favoriser. Tous les intervenants devront bien sûr être attentifs et respectueux du caractère
identitaire de la démarche. Les outils de communication écrits et oraux devront être
adaptés. Il faudrait ainsi s’interroger sur la pertinence de disposer d’outils spécifiques
destinés aux femmes créatrices. ( les supports actuels que nous avons pu étudier
présentent un vocabulaire et une iconographie laissant penser qu’un créateur d’entreprise
c’est un homme.)
Mise en place d’un accompagnement individualisé
Les objectifs de cet accompagnement pourraient être les suivants :
Répondre à une attente de soutien moral.
Informer sur les interlocuteurs adaptés (sans se substituer à eux).
Mettre en relation – Aider à la constitution d’un réseau.
Aider la personne à mettre en cohérence les contacts avec les différents interlocuteurs.
Alerter sur les points faibles d’un projet.
Constituer et entretenir un réseau de partenariat avec l’ensemble des interlocuteurs
institutionnels.
Lors de la phase de projet de création, un accompagnateur (de profil généraliste) suivrait
individuellement les personnes qui le souhaitent. Cela pourrait se faire sur la base
d’échanges téléphoniques, e-mail, entretiens, éventuellement d’accompagnement lors de
rendez-vous.
Phase expérimentale :
Compte de la délicatesse du sujet une phase expérimentale est nécessaire pour :
Vérifier le bien fondé de l’aide
Evaluer le temps et le poids optimum de l’accompagnement
Permettre de définir un cahier des charges (ou une description de fonction) qui pourrait
être intégré dans une démarche de « formation-action ».
Définir la présentation qui pourrait être faite aux intéressées par la démarche.
Favoriser un soutien psychologique
La dimension psychologique est délicate à aborder, où placer les frontières entre le
« manque de confiance en soi », le « manque de moral », la dépression, voire la maladie
mentale.
Prendre en compte la dimension psychologique dans toutes les interventions (comptables,
juridiques, économiques…) ?
Informations préalables déculpabiliser ? Dédramatiser ? Faire prendre conscience d’un
« plafond de verre ».
Offrir dans certains cas la possibilité d’aide à la carte (entretien avec un psychologue
répondant à un cahier des charges précis ?, remise d’une liste ?...).
Le dispositif de la mission EQUAL : La Plateforme Entreprendre au
Féminin et le réseau des Femmes créatrices.
A décrire
Les préconisations ont été mises en œuvre à la fois dans un dispositif de formation et
d’accompagnement individualisé, intégrant le genre. Cette expérimentation de 2 ans nous
permets aujourd’hui non seulement de valider par la pratique la pertinence des résultats de
l’étude sociologique. D’autre part d’évaluer les mesures d’accompagnement spécifiques.
Les résultats de cette évaluation seront connus au moment du colloque.
Une des principales conclusions de cette expérience riche, est de montrer que les
femmes créatrices proposent une nouvelle vision de l’entreprise. Elles refusent l’intitulé
traditionnel de chef d’entreprise. Les compétences qu’elles mettent en œuvre, les actions
de coopération et de solidarité sur lesquelles elles s’appuient, sont de nature, pensons
nous, de remettre en cause la vision traditionnelle de l’entreprise.
Une entreprise plus citoyenne, permettant à ses dirigeants de mieux concilier ses
différents rôles sociaux, c’est ce que veulent promouvoir ces femmes entrepreneures rompant
ainsi avec la vision traditionnelle du chef d’entreprise.
Nous souhaiterions ainsi susciter un débat autour de la place des femmes dans le
développement économique.