Johnny Cash Live at San Quentin

Transcription

Johnny Cash Live at San Quentin
VINYL - 23 rue des Menus Plaisirs - 78690 Les Essarts-le-Roi ([email protected])
Hommage à Johnny Cash
Live at San Quentin
J
ohnny Cash nous a quitté le 12 septembre dernier à
l’âge de 71 ans. Il nous laisse une myriade de chansons, un épisode de “Columbo” mythique, quelques
apparitions télévisuelles plus incertaines et une liste
interminable d'albums, de compilations, et autres
Disque “Sun” en 1955
Disque “Capitol” en 1965
concerts… A la fin de sa vie, Cash enregistra la “pentalogie” inachevée American, testament crépusculaire
pour l'ensemble de la critique rock nanti d'un vocabulaire de moineau. Ces disques emphatiques et poussifs, qui lui valurent néanmoins un succès d'estime
surprenant, sont le contraire de ce que fut la vie de
Cash, nourrie des contradictions et des excès de sa
mère patrie. Johnny Cash fut l’idole de toute une
nation, de tout un peuple. Nabab aux pieds d'argile,
toxicomane névrotique, rétif aux compromissions,
allergique à l'ordre établi, patriote exacerbé, auteur
d'un hymne à la gloire de Richard Nixon….
Qui dit mieux ?
Comme nombre de ses exégètes, Cash n'aura jamais
été aussi inspiré qu'accablé par un contexte personnel
difficile. Fin des années 60, dévasté par la drogue, en
instance de divorce et oppressé par la célébrité, Cash
éprouve le besoin de se ressourcer. Il livre alors une
série de concerts dans différentes prisons de
Californie, dont le cultissime Live at Folsom Prison,
sa meilleur vente d'album par ailleurs. Quelques
temps après ce récital, orphelin de son vieux compagnon de route, le guitariste Luther Perkins, c'est un
Cash repentant qui franchit la porte du pénitencier de
San Quentin.
Résultat : un album atomique et transcendant.
Venu en petit comité, accompagné entre autre de sa
future femme, l'icône Country, June Carter, et du guitariste Al Casey, Cash débute le concert de sa voix de
baryton par son antienne “Hello I'm Johnny Cash !”.
Un chorus à la guitare et Big River. On ondule,
quelques chansons moins connues, et le tube I Walk
The Line. Entre chaque morceau, Cash vitupère et
exhorte la foule qui semble lui répondre : "Hey
Johnny t'es pas à Alcatraz ici, nous on est des vrais
durs !!!". On imagine
alors aisément la
scène : un réfectoire
aux
murs
jaunis,
théâtre habituellement
des pires brimades, une
estrade aux planches
fendillées, le tintement
métallique des chaises,
les hurlements sauvages de l'auditoire,
impressionné au début
Johnny Cash dans les 50’s
(ph. Dalle)
par l'Idole, puis libéré à
mesure que les chansons défilent. Et quand après l'interprétation de San
Quentin, les détenus exaltés imposent un bis, l'atmosphère confine à la sédition. Arrivent successivement
Folsom Blues, son premier tube, remarquablement
mis en abîme par les riffs énergiques de Casey, puis,
le classique d'entre les classiques "Ring of Fire" tout
en rondeur et en souplesse. Après cette apothéose, l'intensité du concert retombe quelque peu, retour au
tchick boum folk, un medley final aux petits oignons,
une tisane et au lit !
La country pure et dure représente la musique populaire par excellence. Désuète en Europe, son marché
reste proéminent outre atlantique. Pour s'en
convaincre, il suffit de regarder les remises de prix de
l'industrie du disque américaine où les catégories la
consacrant foisonnent.
L'Amérique assume ses travers, et pire, les mythifie
pour les intégrer à son imaginaire populaire. Les Cols
du Tour de France ont longtemps nourri les rêves de la
jeunesse française ; aux Etats Unis, ce sont les pénitenciers, glorifiés par le cinéma et les chansons, qui
hantent les cauchemars d'un peuple paranoïaque. Rien
d'étonnant alors à ce
que Live at San
Quentin soit un
album
tellement
symbiotique.
Et oui, qu'on se le
dise, la carrière de
Johnny Cash ne se
résume pas qu'à une
collaboration éphémère avec Rick
Rubin, le chantre du
Hard FM !
La besace est plus
lourde qu'il n'y
paraît....
Johnny Cash dans les 90’s
(ph. Tamara Reynolds)
VINYL n°39 • Octobre - Décembre 2003
Olivier
RAYMOND
Novembre 2003
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