Frits Thaulow - Festival Normandie Impressionniste

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Frits Thaulow - Festival Normandie Impressionniste
CAEN
MUSÉE DES BEAUX-ARTS
16 avril-26 septembre 2016
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
dans le cadre du Festival Normandie Impressionniste
Moulin à eau , 1892, huile sur toile, Philadelphie, Museum of Art
(disponible pour la presse)
L'exposition bénéficie :
du soutien exceptionnel de la Nasjionalgalleriet d'Oslo et du musée d'Orsay,
du Label Exposition d' intérêt national reconnue par le ministère de la Culture et de la Communication / Direction générale des
Patrimoines / Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d'un soutien financier exceptionnel de l'Etat,
du mécénat de la Caisse des Dépôts.
Les membres fondateurs du Festival Normandie Impressionniste : direction Régionale des Affaires
Culturelles de Normandie, ministère de la Culture et de la Communication, Région Normandie, La
Métropole Rouen-Normandie, Départements de l'Eure et de Seine-Maritime, Villes de Caen, Rouen et
Le Havre.
Communiqué de presse
p. 3-5
Images disponibles pour la presse
p. 7-15
Extraits du catalogue
Frits Thaulow, l'œil écologique par Frank Claustrat
p. 16-18
Résumés des essais du catalogue Frits Thaulow, peintre de marine par Elsebet Kjerschow
Frits Thaulow, le Picard par Annie Scottez-De Wambrechies
Frits Thaulow à Dieppe et en Normandie par Pierre Ickowicz
Frits Thaulow, pastelliste : après l'impressionnisme par Bertrand Tillier
p. 19 -20
Repères chronologiques de la vie de Frits Thaulow
p. 21-22
Activités et programmation culturelle
p. 23
Liste complète des œuvres de l'exposition
p. 24-37
CAEN
MUSÉE DES BEAUX-ARTS
16 avril-26 septembre 2016
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
Dans le cadre du Festival Normandie Impressionniste
Première grande rétrospective !
En 2011 et 2013, le musée des Beaux-Arts de Caen
avait présenté deux expositions couronnées
de succès, l'une consacrée aux estampes
impressionnistes de la Bibliothèque nationale
de France, l'autre à la représentation des loisirs
balnéaires. Cette année, pour la troisième
édition du Festival Normandie Impressionniste,
il chemine de nouveau hors des sentiers battus,
en choisissant d'éclairer l'itinéraire singulier du
peintre norvégien Frits Thaulow (1847-1906).
L'exposition
caennaise
constitue
une
La Rivière Simoa en hiver (Modum), 1883,
rétrospective d'une ampleur inégalée, imaginée
huile sur toile, Oslo, Nasjonalgalleriet
autour d'un ensemble de 61 œuvres de l'artiste.
(disponible pour la presse)
Pas moins de 35 panneaux, huiles sur toile et
pastels ont été exceptionnellement prêtés par les 7 plus grandes collections norvégiennes, au premier
rang desquelles la galerie nationale d'Oslo. Le concours de 6 prestigieux musées américains s'est avéré
également déterminant, de même que la contribution des 18 collections publiques françaises qui ont la
chance de conserver des œuvres de Thaulow. Certaines d'entre elles, gardées à l'abri des réserves ou issues
de fonds moins connus - tels que le musée de la Coutellerie à Thiers -, constituent de véritables découvertes.
Né à Oslo en 1847, Frits Thaulow découvre Paris en 1874, l'année même de la première exposition impressionniste.
En 1892, il s'installe durablement en France, multipliant parallèlement les voyages à travers l'Europe et menant
une carrière internationale exceptionnelle. Partout où il se rend, il plante son chevalet et peint sans relâche
les paysages qui l'entourent. En choisissant d'organiser la première grande rétrospective de l'œuvre de Frits
Thaulow, le musée des Beaux-Arts de Caen esquisse le portrait d'un citoyen du monde, écologiste avant l'heure.
Le regard si particulier que Frits Thaulow porte sur la nature, son talent à plonger le spectateur dans le paysage
peint ainsi que ses extraordinaires qualités de coloriste, n'ont pas échappé à ses contemporains. Les œuvres
de Henri Le Sidaner, Edvard Munch, Claude Monet, Max Liebermann ou Jean-Charles Cazin montrent que tous
l'ont regardé. Grâce à une vingtaine d'œuvres de ses contemporains, l'exposition du musée des Beaux-Arts de
Caen révèle ainsi, pour la première fois, l'apport majeur de l'artiste norvégien à la peinture de paysage moderne.
La Caisse des Dépôts est mécène de l'exposition
L’exposition se déploie sur quatre sections et propose, en fin de parcours, un espace ludique et pédagogique baptisé
salle « Plein air » ouvert aux enfants et à leur famille.
La première partie évoque le parcours de Frits Thaulow de manière chronologique et met en lumière les incessants
voyages de Frits Thaulow à travers l'Europe. La deuxième et la troisième salle révèlent quelques-unes de ses grandes
séries de paysages, regroupées par saisons. La dernière section offre l'occasion de découvrir les nocturnes peints par
Frits Thaulow et ses contemporains. Elle annonce le symbolisme à venir.
L'appel du large
Frits Thaulow, qui reçoit une formation de peintre de marine, entretient, dès ses débuts, un rapport très singulier à la
nature que son goût pour le voyage confirmera. En France, il visite le Havre, Paris, Dieppe, Abbeville et la Bretagne, tout
en revenant régulièrement en Norvège. Il s’installera à Camiers, sur la Côte d'Opale, puis à Dieppe, pendant plusieurs
années à partir de 1892. Pendant près de trente-cinq ans, il visitera et peindra la nature de l'aube au crépuscule
dans plus de dix pays : Norvège, Suède, Danemark, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, Hollande, Espagne,
Italie, États-Unis. Au gré de ses voyages, il se forgera peu à peu un style qui lui est propre, caractérisé avant tout par
le pleinairisme.
Grandeur nature
Deux salles spécialement conçues en rotondes sont consacrées aux chefs-d’œuvre de l'artiste réalisés à partir des
années 1890. Regroupées par saisons - un grand déploiement de vues de rivière sous une lumière d'automne d'abord,
puis une succession de paysages de neige - , les huiles, pastels, esquisses et estampes en couleurs de Frits Thaulow
dialoguent avec celles des artistes les plus illustres de l'époque: Henri le Sidaner, Claude Monet, Max Liebermann,
Edvard Munch, Armand Guillaumin... Les paysages présentés en séries démontrent les qualités coloristes du peintre,
qui crée des tableaux particulièrement évocateurs. Ceux-ci, presque sensoriels, font l'effet d'une nature en mouvement,
dans laquelle Frits Thaulow aimait à s'immerger.
Jusqu'au bout de la nuit
L'exposition se termine par une série de « nocturnes », remarquables par leur atmosphère mystérieuse, témoignant
ainsi du vif intérêt de Frits Thaulow pour le symbolisme à la fin de sa vie et du dialogue incessant avec ses contemporains:
Jean-Charles Cazin, Alexander Harrison, Erik Werenskiold...
La vidéo de Thibaud Jéhanne, Eclipse (2014, 1min. 35s.), conclut l'exposition et fait eccho aux propos de Frits Thaulow :
"La nature a souvent des moments exquis qui passent si rapidement qu'on est obligé de travailler ensuite de mémoire.
Je cherche tout autre chose que la vérité absolue, et je comprends l'esprit de ce paradoxe : il y a que le mensonge
qui soit vrai en peinture. Mais je resterai, même avec les "mensonges", le naturaliste que j'ai toujours été : je tâcherai
toujours de rendre l'illusion de ce que j'ai observé dans la nature." (1901).
A cette résolution, qui a guidé toute la vie de Thaulow, répond plus d'un siècle plus tard, l'œuvre vidéographique de
Thibault Jéhanne, un jeune artiste diplômé de l'école d'art de Caen. Eclipse saisit à son tour un moment bref et exquis;
le passage irrésistible de l'ombre à la lumière lorsque, sous nos yeux, en un temps très bref, l'eau vient recouvrir la
terre.
Salle « Plein air »
Destinée aux familles, cette salle propose différents ateliers d'expérimentation : reconstituer un tableau (puzzle pour
les 3-6 ans), observer les détails d'un tableau (jeu pour les 5-12 ans) et croquer un paysage en temps réel.
Un autre espace immersif, celui-ci, nous plonge dans les paysages du peintre. Nous sommes au cœur des saisons,
invités à nous mettre en scène, à prendre des photos, à les partager via les réseaux sociaux et à s'approprier, ainsi, les
paysages de Thaulow cent dix ans après sa mort.
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
Monticule rocheux, Kragerφ (Norvège), 1882, huile sur bois,
Göteborg, Konstmuseum
(disponible pour la presse)
Commissaire : Frank Claustrat, maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'Université
Paul-Valéry Montpellier 3, membre du Centre de Recherches interdisciplinaires en Sciences humaines
et Sociales C.R.I.S.E.S. (E.A. 4424), de l'European Network for Avant-Garde and Modernism Studies
(EAM) et de de l'AICA (Association Internationale des Critiques d'Art).
Commissaire générale : Emmanuelle Delapierre, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée des
Beaux-Arts de Caen.
Commissaire associée : Caroline Joubert, conservatrice en chef du patrimoine au musée des Beaux-Arts de Caen.
Scénographe : Pascal Rodriguez
Catalogue : aux éditions Snoeck, sous la direction de Frank Claustrat et d'Emmanuelle Delapierre
22x28 cm, 208 pages dont 150 illustrations couleurs, 30 €
L'exposition : bénéficie de prêts exceptionnels accordés par la Galerie nationale d'Oslo ainsi que par 6 autres
musées et 2 collectionneurs norvégiens, 6 musées américains, 18 musées français dont le musée
d'Orsay à Paris.
: est organisée par la Ville de Caen/ Musée des Beaux-Arts dans le cadre du Festival Normandie
Impressionniste avec le soutien financier de la Caisse des dépôts et consignation de Normandie.
Presse : nationale et internationale : Heymann, Renoult Associées / www.heymann-renoult.com
nationale: [email protected] / 01.44.61.76.76
internationale: [email protected]
:
régionale et norvégienne : Musée des Beaux-Arts de Caen
Anne Bernardo / [email protected] / 02 31 30 47 76 – 06 25 37 61 13
________________________
Musée des Beaux-Arts Le château 14 000 Caen / www.mba.caen.fr / 02 31 30 47 70 /
Facebook.com/mbacaen et Twitter : @mbacaen
Ouvert 7 jours sur 7, le week-end et jours fériés sans interruption de 11h-18h, la semaine 9h30-12h30 et 14h-18h.
Fermé dimanche 1er mai et jeudi 5 mai (Ascension).
Tarifs : 7 €, 5 € (TR), gratuit pour les moins de 26 ans et pour tous le 1er dimanche du mois
Accès en train : gare SNCF Caen puis tramway A ou B jusqu’à la station « Église Saint Pierre ». Le musée se trouve dans
l'enceinte du château.
Accès en voiture : Périphérique Ouest, sortir centre ville, suivre "Le château", parking sous terrain "Le Château"
Accès en avion : Aéroport de Carpiquet à 15 minutes du musée en taxi, à 30 minutes en bus : ligne 3 direction HérouvilleSt-Clair, descendre à "Demogé" et terminer à pied en direction du château (5 minutes).
Frits Thaulow vu par ses contemporains
Frits Thaulow, le peintre de la Rivière, de la Neige et de la Nuit
...Il devint le fidèle interprète d'une Nature en laquelle filialement il se reconnaissait. Gabriel Mourey l'a dit : “Frits
Thaulow est le peintre de la Rivière, de la Neige et de la Nuit. Parmi les innombrables aspects qu'offre le jardin de la
nature, c'est ceux-là qu'il a choisis. Ces thèmes, il y a tout lieu de le supposer, lui ont donné des émotions profondes. La
presque totalité de leurs mystères a dû le séduire ; leurs manifestations multiples ont dû se trouver dans la communion
la plus absolue avec sa façon de sentir et de vibrer. Il y a des instincts irréversibles qui, magiquement, nous entraînent
et nous guident. Tous les vrais artistes ont obéi à de telles influences.”
Thaulow, au pays brodé des dentelles de la neige, frange de guipures éclatantes de la rive des fjords à la cime des
montagnes, sillonné de ces petits cours d'eau, qui, sur le fond des sables et des pierres luisantes, s'éloignent entre des
berges blanches du côté de la mer, incrusté des pierreries du gel, tapissé de verglas miroitant, Thaulow, dis-je, peignit,
avec la sincérité d'un historien qui raconte son pays, “la Rivière, la Neige et la Nuit”.
Et ce qui devait être fut. Ses œuvres, raillées au premier jour pour leur tenue révolutionnaire et, disaient les bourgeois,
pour l'erreur, le mensonge de leur couleur, sont maintenant considérées là-bas comme des illustrations précieuses pour
l'Histoire du pays froid et neigeux.
Les compatriotes du peintre, de longtemps, ont appris sur les toiles de celui qu'ils lapidaient, la vraie chromatique,
tenue, subtile, de leurs nuits, ce bleu de velours qui s'éclairerait d'une lumière cachée par-delà les horizons, comme
d'un lointain et à peine sensible rayonnement des soleils de minuit ; et aussi la mosaïque infiniment fugitive des eaux
qui courent au pied des berges rases, le tapis des plaines où, tout au plus, apparaît, foulé sur la neige vierge, le mince
chemin, le sentier sinueux qui mène aux basses toitures dont là-bas la fumée au bord du ciel s'enlève sur l'écran des
nuées.
Thaulow a peint la Normandie, l'Italie aussi, et d'autres lieux. Mais il fut essentiellement instruit des moires de l'eau,
des matités de la neige et des draperies légères de la nuit, dans ce pays qui est le sien, décor prestigieux des fiords, des
monts éternellement blanchis, des glaces aux pointes aiguës, des blocs flottants, des frimas et des nuits de six mois. »
Pascal Forthuny (1872-1962), romancier, poète, musicien et critique d'art français : Extrait du catalogue de la vente de la Collection Bing. Catalogue des tableaux modernes, oeuvres de Besnard, Cottet, Thaulow, etc... Paris : Bernheim jeune et fils, 1900
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
Images disponibles pour la presse
Section 1 - Frits Thaulow, l'appel du large
« J'ai juré, il y a quelques années, qu'un
paysagiste ne devait jamais posséder
d'atelier, qu'il n'y pourrait produire que
des mensonges, et que tout tableau qui
n'était pas fait devant la nature n'existait
pas.» Thaulow, 1901, dans la Revue
Universelle.
Thaulow peignant au bord d'une rivière, extrait
de La Vie Heureuse , août 1904.
Anders Beer Wilse, Thaulow peignant dans
la nature, Oslo, Norsk Folkemuseum
a - Un peintre voyageur
Christiana, Le Port de Revierhavnen, 1881, huile sur toile, Oslo, Bymuseum
Vue de Jæren, 1878, huile sur bois, Oslo,
Nasjonalgalleriet
Hollande, tempête à Delft, 1905, huile sur bois,
Bergen, Kode Art Museum
Rue à Kragerφ, 1882, huile sur toile, Oslo, Nasjonalgalleriet
Frits Thaulow vu par ses contemporains
C'est un peintre, le peintre de l'Eau, là-bas, à Christiania.
Personne, à Paris ou ailleurs, n'a donné au liquide élément une vie plus intense : mer calme ou démontée, ruisseau ou
torrent, lac, rivière ou fleuve, moulins vermoulus, il s'en est établi le narrateur, le grand légendaire. Sa façon de nous
les montrer était neuve pour nous et d'une si étonnante variété en même temps que d'une poésie si charmeresse, que
le succès l'a accueilli dès qu'il a mis le pied sur le sol de Paris."
Yveling Rambaud (XIXe siècle), critique d'art français, dans « Fritz Thaulow », Silhouettes d’Artistes. Avec portraits dessinés par euxmêmes. Paris : L. Henry May, 1899
Frits Thaulow
Suite de la section 1 - Frits Thaulow, l'appel du large
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
b - Frits Thaulow s'installe en France
Les Moulins à Montreuil-sur-mer, 1891, pastel, Minneapolis,
Minneapolis Institute of Arts
Vague, bord de mer en Normandie, 1898, Pastel sur toile,
Rouen, Musée des Beaux-Arts
Camiers, champs et moissons, 1892, huile sur toile,
Touquet-Paris-Plage, Musée
Vue de Paris, prise de Montmartre, 1879, huile sur bois,
Oslo, Nasjonalgalleriet
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
Section 2 - Frits Thaulow, grandeur nature
a - Splendeurs de l'automne et haltes estivales
Christiania, Jour d'automne le long de la rivière Aker, 1882, huile sur toile
marouflée sur bois, Oslo, Collection royale, photo : Jan Haug
Journée d'été, 1881, huile sur toile, Bergen, Kode Art Museum
Rivière à Manéhouville, 1897, huile sur toile,
Dieppe, Musée-château
Pommiers en fleur, 1881, huile sur toile,
Oslo, Collection royale
Frits Thaulow
Suite de la section 2 - Frits Thaulow, grandeur nature
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
b - L'hiver, saison reine
La Rivière Simoa en hiver (Modum), 1883, huile sur toile,
Oslo, Nasjonalgalleriet
Fabriques en Norvège, les deux moulins, 1905-1906,
huile sur toile, Reims, Musée des Beaux-Arts
Simoa (Modum), Pastel sur papier, 1889
Modum, Blaafarveværkets Samling
Edvard Munch, Une rue de Christiana, 1885, huile sur bois,
Lillehammer, Kunstmuseum
Skieurs au sommet d'une colline enneigée, 1894, huile sur toile,
Boston, Museum of Fine Arts
Claude Monet, Soleil d'hiver, Lavacourt, 1879-1880, huile sur toile,
Le Havre, Musée d'art moderne André Malraux (photo: D. Fogel)
Frits Thaulow vu par ses contemporains
« Cher Thaulow, La vie dévale la pente – et nous avec. Deux années se sont déjà écoulées depuis ma visite chez toi. Tu
connaissais l'opinion que j'avais sur ton art à cette époque : selon moi, tu étais un maître du mouvement qui dominait il
y a vingt ans, le mouvement que moi-même je représentais dans la littérature et pour lequel je plaidais dans l'art. Mais
une fois la perfection atteinte – ensuite? (…) Ne dis pas du mal du symbolisme : toi-même, tu as déjà un pied dedans ;
du reste, Chavannes, que tu places si haut, est un de ses meilleurs représentants. »
Lettre d'August Strindberg à Frits Thaulow [vers le 22/7/1896].
August Strindberg (1849-1912), écrivain, dramaturge, peintre et photographe suédois
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
Section 3 - Jusqu'au bout de la nuit
Le Soir, 1893, huile sur toile, Lillehammer, Kunstmuseum
Le Soir à Quimperlé. Bretonne sur le pont, huile sur toile,
collection privée
Atmosphère du soir, Dieppe, 1894-1898,
huile sur toile, Oslo, Nasjonalgalleriet
Erik Werenskiold, Lampadaire public, 1900, huile sur toile,
Oslo, Nasjonalgalleriet
Frits Thaulow (1847-1906), l'oeil écologique
par Frank Claustrat
(extraits du texte du catalogue paru aux éditions Snoeck)
Vivre en pleine nature
(...) Suivant une règle d'or dans les pays nordiques, on apprend à Frits Thaulow, dès l'enfance, à vivre en harmonie avec
l'environnement : question de géographie mais aussi de culture ; l'enjeu est de s'y épanouir sur les plans physique,
intellectuel et spirituel. Son expérience de la nature au gré des saisons (…) se résume à un comportement normal pour
un Scandinave, orienté, il est vrai avec le temps, contre les excès de la société industrielle. Ainsi, rétrospectivement,
Frits Thaulow apparaît comme un révolutionnaire malgré lui, comme un précurseur des artistes écologiques.
Si la contribution de Frits Thaulow au développement de la pensée écologique n'est qu'implicite, elle demeure une
constante dans ses prises de positions sur l'art. On la trouve en revanche étonnamment structurée – au-delà de
l'impression première, idyllique, voire « exotique » – dans ses paysages de neige, de frondaison, de soleil ou de rivières,
étudiés en séries de l'aube au crépuscule pendant près de trente-cinq ans dans plus de dix pays (Norvège, Suède,
Danemark, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, Hollande, Espagne, Italie, États-Unis).
Cette marque de fabrique-là – ce regard amoureux et protecteur de la nature – est un trait de caractère essentiel
depuis longtemps dans les sociétés scandinaves – et aujourd'hui dans le monde. Mais son origine date de l'époque de
Frits Thaulow. Ainsi, dans les années 1880, le paysagiste norvégien se démarque-t-il clairement de ses amis peintres
européens et américains, adeptes du réalisme, du naturalisme, de l'impressionnisme, du symbolisme ou du postimpressionnisme, autant de dogmes que Frits Thaulow juge pas assez pragmatiques.
L'appel du large et de la grand-route
Pour Frits Thaulow, l'expérience écologique de la nature passe d'abord, dans les années 1870, par un réalisme de
tradition moderne, celui des écoles du Nord (flamande et hollandaise), de « l'école de Copenhague » et d'un peintre
norvégien professant en Allemagne : Hans Gude. Quand il arrive en France pour la première fois en 1874, il se tourne
vers l'école de la nature : l'année suivante, c'est la Normandie qu'il choisit comme terrain d'expérimentations.
Puis le littoral retient son attention. La ville portuaire et sa population marquent davantage le début des années 1880,
nourries par le naturalisme théorisé par Emile Zola et ses adeptes. Rapidement, la campagne et ses rivières surgissent
dans l'œuvre de Frits Thaulow : quand s'impose le pleinairisme en Scandinavie, en réponse à l'impressionnisme
français. Mais quelle que soit la période, c'est l'eau qui est le fil conducteur de son travail.
Ses vues du Havre (1875, 1877) et ses paysages de la Norvège méridionale – comme ceux de Jæren (1878, situé au
sud de Stavanger) – ont un point commun : les personnages sont rares, discrets ou absents. Pas de vacanciers donc,
messagers du capitalisme urbain, que l'on peut trouver dans les tableaux d'Eugène Boudin. Au Havre, Frits Thaulow,
capte la vie quotidienne des mariniers sous la sérénité des apparences ; quelques scènes sont esquissées, mais jamais
vraiment décrites. A Jæren, le sentiment d'une nature âpre s'impose : la plaine agricole est reconnaissable à ses couches
morainiques épaisses où s'alignent à perte de vue des poteaux télégraphiques.
Dans ces années 1870, à la différence de la plus part des peintres impressionnistes, le propre de Frits Thaulow est
d'être de quelque part où la notion même d'urbanité n'existe pas. Son environnement social – en Scandinavie et en
Allemagne d'abord, puis en France et en Angleterre à partir de 1874 – est principalement provincial, rural ou maritime.
Et c'est justement parce que ses œuvres sont profondément étrangères à la littérature de cafés ou de salons des
grandes capitales européennes, qu'elles se distinguent. Dans ces paysages-là, Frits Thaulow laisse deviner un projet de
vie en liberté dans un milieu naturel préservé.(...)
Frits Thaulow
Du naturalisme au pleinairisme
Paysagiste par nature
16 avril- 26 septembre2016
A la fin des années 1870 et au début des années 1880, la personnalité indépendante de Frits Thaulow le conduit à
s'opposer à la peinture officielle et à l'institution qui la contrôle. En Norvège, Thaulow combat l'école allemande (...). Il
continue de peindre des paysages dépourvus de rêverie romantique, hésitant entre des images rurales et des images
urbaines. Dans la région parisienne, il porte un regard réflexif sur des zones industrielles (Saint-Denis, Ivry) ou à partir de
quartiers populaires, comme à Montmartre. A Christiania, il pointe les conditions d'existence difficiles de la population,
en plus d'un climat rude , un sujet que traite aussi son cousin, Edvard Munch, en 1885. Frits Thaulow montre le réel tel
qu'il est, débarrassé de tout artifice. Entre autres, il choisit comme motifs des symboles ou des lieux emblématiques
liés aux formes multiples du pouvoir : celui des militaires (le canon d'une forteresse), celui des politiques (la place du
Parlement), ou encore celui des forces économiques et industriels (le port de Christiania).
(...)
La quête du bien-être
La quête du bien-être (un des fondamentaux de la social-démocratie norvégienne) est sous-jacente aux interrogations
que se pose Frits Thaulow (...) Ces paysages-là sont tous marqués par une tonalité propre aux saisons nordiques.
Identifiables au pleinairisme plutôt qu'au naturalisme du point de vue du style, ces œuvres correspondent à la version
scandinave de l'impressionnisme : la lumière y est limpide et les couleurs franches, le dessin, lui, reste précis. Le
noir bitumeux pour les ombres (que les peintres académiques utilisent) est exclu, la touche fragmentée (des peintres
impressionnistes) aussi. À propos de ce style consensuel, typiquement nordique, les historiens de l'art parlent de
« juste milieu ».(...)
Dans les années 1890, Frits Thaulow peint l'été avec plus de témérité sur le plan technique, c'est-à-dire sous forme de
« notations délicates d'une heure », selon le critique d'art Joseph Uzanne. Les motifs deviennent très simples (souvent
les dunes ou des meules de foin, la mer à l'horizon), sans doute sous l'influence de ses amis peintres français, comme
Henri Duhem et son épouse Marie , ou encore Henri Le Sidaner. (...)
À l'automne et au printemps, sous une lumière métallique, Thaulow aime peindre l'habitat traditionnel du village,
en mettant au premier plan la géologie étonnante du site : d'énormes rochers de granit. Dans ce tableau, les lignes
d'horizon surélevées rappellent les compositions téméraires des estampes japonaises. La tonalité grise, elle, fait penser
aux ciels d'Eugène Boudin (...)
Kragerø offre également à Frits Thaulow des scènes rarement traitées hors de l'école scandinave, comme ces enfants
qui pratiquent en pleine rue leur jeu d'hiver favori : la luge. L'air est ici pur et vivifiant. La lumière resplendissante éclaire
les façades colorées des maisons en bois, les troncs des sapins aussi. De la fumée sort des cheminées. Par ces détails
précis, admirablement ressentis, Frits Thaulow exacerbe les sensations thermiques, olfactives, tactiles et sonores.
Après avoir dénoncé les excès et les injustices des grandes villes, Frits Thaulow propose donc des solutions pour vivre
heureux, le long du littoral par exemple : même en hiver, la qualité de la vie existe bel et bien sur les îles. Ceci dit, à
Christiania (dans le quartier de Vestre Aker, dans le cas de la famille Thaulow), comme ailleurs sur le territoire, on peut
aussi pratiquer le sport national et écologique par excellence : le ski. Là encore, Thaulow fait preuve d'audace : il soigne
le cadrage de ces images qui marquent inévitablement les esprits à l'étranger lors des très nombreuses expositions
internationales auxquelles participe l'artiste ; ces œuvres ne sont pas que « japonisantes », mais aussi
« cinématographiques ».
En insistant sur les paysages d'hiver en Norvège, Frits Thaulow montre beaucoup plus qu'une image exotique du Nord:
c'est tout un art de vivre « à la nordique », c'est-à-dire un mode d'existence profitable à la santé, qu'il veut faire passer.
Le thème sportif et écologique du paysage n'a jamais intéressé Claude Monet avant son séjour en Norvège en 1895
, ni après. Monet représente, lui, la neige sous son aspect le plus abstrait qui soit, ce que fait également Armand
Guillaumin dans une moindre mesure. (...)
La réputation internationale de Frits Thaulow comme peintre de la neige provient aussi de ses paysages peints à
Modum (situé à l'ouest de Christiania) dans les années 1880. Thaulow privilégie là deux motifs. Le premier représente
les eaux écumantes et assourdissantes ou gelées des chutes tombant des hauteurs vertigineuses à Haugfossen. Le
second motif est la rivière Simoa, qu'il peint à l'huile – éblouissante par les effets de miroitement de ses eaux bleutées
qui laissent deviner la cime des sapins à l'arrière-plan –, et au pastel, dans un camaïeu de blanc « frigorifique » et à
l'ambiance ouatée. Durant toute la décennie, Frits Thaulow peint d'autres rivières (l'Aker, notamment, à Christiania),
sous la couleur pourpre de l'automne, dévoilant ainsi toute l'étendue de son talent de coloriste.
Frits Thaulow, peintre symboliste?
(...) À partir des années 1890, et quoi qu'il dise à certains, la peinture symboliste retient la curiosité de Frits Thaulow,
celle liée au paysage, uniquement. (...) Frits Thaulow cherche à définir une voie originale dans le genre du paysage
moderne, tout en marquant des nuances, comme en 1901: « La nature a souvent des moments exquis qui passent si
rapidement qu'on est obligé de travailler ensuite de mémoire. Je cherche tout autre chose que la vérité absolue, et je
comprends l'esprit de ce paradoxe : « il n'y a que le mensonge qui soit vrai en peinture ». Mais je resterai, même avec
les « mensonges », le naturaliste que j'ai toujours été : je tâcherai toujours de rendre l'illusion de ce que j'ai observé
dans la nature. »
C'est donc encore dans un « juste milieu » que Frits Thaulow se situe. (...) Thaulow opte pour un symbolisme corrigé,
adouci, au service de paysages qui sont le résultat, parfois, d'un travail imaginaire réunissant des motifs très éloignés
les uns des autres dans la réalité (une fabrique, un pont, une église, etc...).
Toute la magie de l'eau
Comme aucun autre peintre-musicien de sa génération, il observe l'eau et sa musicalité dans tous ses états. Dans le
registre de l'eau liquide d'abord, Frits Thaulow peint avec prédilection la mer houleuse, les vagues déferlantes , les
océans tumultueux, le sillage ondoyant d'un paquebot , les torrents impétueux, les cascades bouillonnantes , l'étang
aux eaux frissonnantes, les eaux courantes des rivières, les ruisseaux frémissants, les gazouillis des ruisselets cachés, les
longs fleuves faussement silencieux, le tirant d'eau des canaux , les flôts écumants d'une vanne, le remous des ondes
tournoyantes, mais encore les eaux croupissantes des mares, l'eau stagnante des marais ou bien les ondées soudaines,
la pluie battante, la crue des eaux, de simples flaques d'eau , la nappe somnolente des lagunes, les eaux basses des
bancs de sable, etc. Dans le registre de l'eau congelée, la capacité d'observation et d'écoute de Frits Thaulow n'est
pas moins impressionnante avec, pour motifs principaux : les neiges endormies , les glaces scintillantes le dégel et ses
craquements, les cristaux de givre le matin, les gelées blanches de l'automne et du printemps, la rosée avant le lever
du soleil, les épais brouillards, etc...(...)
Des clairs de lune à la lueur de l'acétylène
Les nocturnes représentent le deuxième sujet important symboliste de Frits Thaulow. Aucun autre type de paysage
n'évoque mieux les mystères de l'univers. (...)
Les premiers nocturnes de Frits Thaulow – quand il peint à la tombée de la nuit , au crépuscule, pendant la pleine lune
ou à l'aube –, c'est-à-dire exécutés à la lumière naturelle – sont souvent comparés (à tort ou à raison) à ceux d'un JeanCharles Cazin, d'un Alexander ou d'un Lowell Birge Harrison, trois paysagistes d'atmosphère que le Norvégien admire
et qu'il collectionne.
Les nocturnes « absolus » de Frits Thaulow – c'est-à-dire réalisés en pleine nuit sous les étoiles (ou du moins dans
l'obscurité) –, eux, sont la plupart du temps associés aux œuvres d'Henri Le Sidaner, du fait de l'utilisation d'un
éclairage artificiel (selon les circonstances à l'aide d'une lampe à pétrole, à l'essence ou au gaz). De l'aveu même de
Frits Thaulow, il peint davantage la nuit à l'aide d'une lampe à acétylène (ou lampe à carbure) , celle-là même que l'on
installe sur la plupart des véhicules (bicyclette, automobile, train). A partir de 1892, le gaz acétylène est produit de
manière industrielle grâce au procédé découvert par le pharmacien français Henri Moissan. La lampe à acétylène est
très pratique car portable ; son éclairage est puissant, parfait dans la nuit noire.
La flamme de combustion du gaz acétylène émet une lumière blanche assez reconnaissable. Aussi, crée-t-elle une
ambiance particulière qui n'a rien à envier à celle produite par le gaz de houille majoritairement utilisé pour l'éclairage
public dans le monde jusqu'à l'avènement de l'électricité et du gaz naturel.
Quoi qu'il en soit, à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, de nombreux peintres nordiques sont considérés
comme des spécialistes de cette lumière irréelle teintée d'un bleu foncé violacé. Frits Thaulow est l'un des très grands
parmi eux, aux côtés de son compatriote et ami : Erik Werenskiold
L'ultime production de Frits Thaulow conforte l'hypothèse de cet essai : la sensibilité écologique de Frits Thaulow ne se
limite pas seulement au regard et à l'ouïe le jour. Dans sa conception du temps et de la vie de peintre paysagiste globetrotter, la nuit est en quelque sorte le commencement de la journée, comme l'hiver est le début de l'année.
Frits Thaulow
RÉSUMÉS DES TEXTES PUBLIÉS DANS LE CATALOGUE DE L'EXPOSITION
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
Frits Thaulow, peintre de marine
par Elsebet Kjerschow, conservateur au département des Maîtres anciens et de l'Art moderne au Musée national des Beaux-Arts,
de l'Architecture et du Design à Oslo.
“Je suis resté longtemps à regarder l'océan. Les larges masses d'écume s'élargissaient en lignes merveilleuses et en
masses décoratives semblables à des dalles de marbre noir et blanc, polies par les flancs durs du navire”, relate Frits
Thaulow dans ses mémoires.
La fascination de Frits Thaulow pour l'eau comme motif d'inspiration poétique est une constante dans toute son
œuvre. Cette étude inédite rappelle ce fait fondamental ; elle s'applique à démontrer que Frits Thaulow peint dès
les années 1870 - et tout au long de sa carrière - des motifs liés à la mer, aux fjords et à l'océan – comme tout bon
Norvégien animé par un lien fort avec la nature et le grand large –, parallèlement aux motifs de cours d'eau et de
rivières à la campagne.
L'analyse évoque d'abord le début de la carrière de Frits Thaulow, quand son ambition est de devenir peintre de
marines dans la pure tradition de l'École norvégienne.
Souvent surnommé “le peintre de l'eau”, Frits Thaulow devient vite célèbre pour ses délicates représentations des
reflets de la lumière sur la mer et sur les rivières. Passé maître dans l'art de créer l'illusion des courants tumultueux,
de remous et de vagues, il sait peindre avec virtuosité le ciel et le paysage se reflétant sur la surface de l'eau comme
dans un miroir.
Frits Thaulow se forma en tant que peintre de marines au sein d'une tradition académique respectueuse de la hiérarchie
des genres et des motifs : les marines étaient considérées comme un sous-groupe de la peinture de paysage, laquelle
se plaçait, par ordre d'importance, dans une position médiane, entre la peinture d'histoire et le portrait (deux genres
que Frits Thaulow ne pratiquait pas).
Si les motifs peints par Frits Thaulow sont d'abord liés au littoral, à la mer et à l'océan, ils concernent ensuite les cours
d'eau et les vues de ports. Au début des années 1880, Frits Thaulow élargit encore son registre de motifs pour y inclure
des cadres urbains (vues de la Seine, à Paris) aussi bien que champêtres. Sa réputation internationale de peintre de
l'eau est alors à son sommet. Elle le demeurera jusqu'à sa diparition, en 1906.
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Frits Thaulow, le Picard
Annie Scottez-De Wambrechies, conservateur en chef, chargée des départements XVIIIe et XIXe siècles au Palais des Beaux-Arts de Lille
Cet essai contextualise un moment charnière dans l'œuvre du paysagiste norvégien Frits Thaulow : sous le charme de
la nature, l'infatigable voyageur qu'est Frits Thaulow va régulièrement fréquenter, de 1892 à 1902, cette vaste côte
sablonneuse agrémentée de typiques bourgades de pêcheurs, adossée à un arrière-pays dont le caractère pittoresque
est donné par les villes de Montreuil-sur-Mer, Amiens et Abbeville.
Le Norvégien y découvre une vie artistique foisonnante et cosmopolite qui le retient principalement à Étaples, à
Montreuil et à Ambleteuse ; il s'y mêle joyeusement, partageant amitiés et expériences picturales avec Henri Le Sidaner,
Eugène Chigot, Henri et Marie Duhem, Emile Claus ou Eugène Vail, dans une ambiance largement internationale de par
la présence d'Anglais, d'Américains et d'Australiens.
A l'affût d'inspiration et de sensations, tout ce petit monde arpente la côte où d'autres sites, rivalise d'activité artistique,
fondée la plupart autour de personnalités comme Adrien Demont et Virginie Demont-Breton à Wissant, Jean-Charles
Cazin à Equihen-Boulogne, ou encore Ludovic Lepic et Eugène Boudin à Berck-sur-Mer.
Frits Thaulow à Dieppe et en Normandie
Pierre Ickowicz, conservateur en chef du Château-Musée de Dieppe
Fait remarquable, Frits Thaulow fut domicilié à Dieppe, avec femme et enfants, quatre ans durant, entre 1894 et 1898.
Cet essai vise à resituer Frits Thaulow dans un contexte international particulièrement actif durant ces années-là en
Normandie. On peut noter, par ailleurs, que c'est à Dieppe et dans la région que Frits Thaulow peint ses tableaux les
plus remarquables (dont Mer houleuse, vue de la jetée de Dieppe et Un coin de Dieppe, nuit, deux œuvres datées 1898).
Les premiers pas de Frits Thaulow sur la côte normande remontent cependant à 1875. Il s'arrête alors au Havre en
particulier, avant de partir pour Londres à partir du mois de mai.
Ce n'est que vingt ans plus tard, donc, qu'il s'y installe durablement pour découvrir et peindre la Normandie éternelle.
En septembre 1894, Frits Thaulow s'arrête à Dieppe, enthousiasmé d'emblée par cette petite ville au paysage brut
marqué par ses falaises de craie. Il loue la jolie et grande Villa des Orchidées, dans le quartier résidentiel de la ville, au
n°21 de la rue des Fontaines, située dans le faubourg ouest. De prestigieux personnages vont alors lui rendre visite:
August Strindberg, en 1894, Serge Diaghilev, en 1895, Jacques-Emile Blanche la même année (auteur du Portrait de
Frits Thaulow entouré de ses enfants, aujourd'hui conservé au musée d'Orsay), Claude Monet, en 1896, Christian
Krohg, en 1897, etc...
Cet essai revient également sur Dieppe comme haut lieu de l'impressionnisme entre 1880 et 1905 : Claude Monet à
Pourville, Renoir et Pissarro à Berneval disent y trouver des effets atmosphériques tels la lumière ou la pluie dignes
d'intérêts. Leur ami Frits Thaulow saura lui aussi profiter d'un environnement naturel particulièrement favorable aux
expérimentations plastiques.
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Frits Thaulow pastelliste : après l'impressionnisme
Bertrand Tillier, professeur d'histoire de l'art contemporain à l'Université de Bourgogne (Centre Georges Chevrier, UMR CNRS 3677)
Fait peu connu, Frits Thaulow pratiqua le pastel tout au long de sa carrière, en France – où il s'y est initié – et en
Norvège, dans des séries d'œuvres liées exclusivement au paysage et relevant d'abord du "pleinairisme", esthétique
magistralement dévoloppée dans les pays nordiques, en écho à l'impressionnisme.
De la fin des années 1880 au début de la décennie 1900, Frits Thaulow expose régulièrement en Europe ses œuvres au
pastel, en tant que telles ou en regard de ses tableaux.
La pratique singulière de Frits Thaulow s'inscrit dans une histoire qui, au cours du XIXe siècle, est celle de la redécouverte
puis de la renaissance du pastel.
En effet, dès les années 1850, le pastel suscite un fort regain d'intérêt fondé sur une technique séduisant artistes,
marchands et collectionneurs – jusqu'aux dessinateurs amateurs par lesquels se démocratise une pratique -, sur
l'invention d'une histoire dotée de ses maîtres, et sur l'engouement des impressionnistes explorant les potentialités
d'un champ renouvelé d'expérimentations plastiques et esthétiques.
Cet article fait aussi le point sur l'énergie et les moyens déployés par Frits Thaulow pour exposer ses paysages au pastel
aux côtés des plus grands spécialistes dans ce domaine, de Claude Monet à Lucien Lévy-Dhurmer.
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
Repères chronologiques de la vie de Frits Thaulow
1847 : 20 octobre : naissance à Christiania de Johan Fredrik (dit Frits, ou Fritz) Thaulow, fils de Harald Conrad Thaulow
(1815-1881), pharmacien, et de Nicoline Munch (1821-1894). Par sa mère, Frits Thaulow est un cousin du peintre
Edvard Munch.
1862-automne 1863 : étudie à l’École royale de Dessin de Christiania.
1870 : mai : obtient son diplôme de pharmacien ; décembre : suit l'enseignement de dessin en perspective de l'architecte
danois Christian Vilhelm Nielsen à l'Académie royale des Beaux-Arts de Copenhague.
1871 : mai-août : voyage d’étude le long du littoral norvégien avec le peintre de marines danois Carl Frederik Sørensen.
1872 : avril : séjourne à Skagen (D) avec le peintre de marines (et futur poète) danois Holger Drachmann, élève, aussi,
de Carl Frederik Sørensen ; longe la côte de Sørland (N), rencontre le peintre norvégien Hans Gude ; vers le 17 juin, se
fiance avec une Danoise, Ingeborg Gad (sa sœur, Mette, épouse Paul Gauguin en 1873).
1873 : hiver : à Karlsruhe (A), il est l'élève du peintre norvégien Hans Gude, se lie d’amitié avec les peintres norvégiens
Christian Krohg et Frederik Collett.
1874 : avril : séjourne à Paris (Gauguin lui demande d'être le parrain de son premier enfant) et à Londres .
14 octobre : à Copenhague, épouse Ingeborg Gad.
1875 : Paris : envoie probablement deux tableaux au Salon, qui sont refusés ; se lie d'amitié avec le peintre suédois Carl
Skånberg ; 8 mai : assiste au baptême du fils aîné de Paul Gauguin, Emil ; séjourne en Normandie (Le Havre, Honfleur)
et à Londres ; novembre : au Théâtre de Christiania, travaille pour le décor de Peer Gynt, pièce d'Henrik Ibsen, sur une
musique d'Edvard Grieg.
1876 : été : à Philadelphie (USA), visite l’EU ; nombreux allers-retour à Paris.
1882 : novembre : Christiania, participe à l’organisation du premier Salon d’Automne (Høstutstilling), dont il est un des
membres du jury jusqu'en 1886.
1883 : jusqu’au printemps : Paris, visite l'exposition Claude Monet, Galerie Durand-Ruel ; divorce d'Ingeborg Gad ;
septembre-décembre : Modum (N), y organise une « Académie de peinture en plein air » ; Christiania. Elu Président de
la Société des Artistes (Kunstnerforening), un poste qu'il retrouve en 1885-1887.
1885 : printemps : Venise, avec le peintre norvégien Eilif Peterssen. Élu Président de la Société des Artistes (Kunstnerforening).
1886 : Christiania ; 15 septembre, épouse en deuxième noce Alexandra Lasson. Elu Président de la Société des Artistes.
1887 : quitte la présidence de la Société des Artistes, participe à la création de la Société des Artistes Peintres (Bildende
Kunstneres Fagforening) ; juin-juillet : à Christiania, organise dans le parc du Château royal la Fête Estivale des Artistes
(Kunstnernes Sommerfest).Élu Président de la Société des Artistes Peintres.
1888 : Élu membre du comité norvégien à la Norwegian Art Association (Minneapolis).
1889 : Paris, rencontre Gauguin ; membre du jury international à l'EU ; promu chevalier de la Légion d'honneur.
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Abréviations et termes utilisés :
A : Allemagne / B : Belgique / Christiania : ancien nom d'Oslo. De 1624 à la fin de l'année 1924, Oslo s'appelle Christiania
(ou Kristiania, depuis 1877). En 1925, la capitale norvégienne prend définitivement le nom d'Oslo / D : Danemark / EU :
Exposition Universelle / N : Norvège / PB : Pays-Bas / S : Salon (à partir de 1881, Salon de la Société des artistes français)
/ SV : Suède / SNBA : Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts.
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
16 avril- 26 septembre2016
Repères chronologiques de la vie de Frits Thaulow (suite)
1890 : rentre en contact avec les marchands d'art Fritz Gurlitt et Georges Petit. Élu membre de la SNBA et membre
d'honneur de la Kunstakademie München.
1891 : Élu Président de l’Association des étudiants (Det norske Studentersamfund).
1892 : Promu Chevalier dans l'Ordre de Saint-Olaf.
1893 : jusqu'au printemps : Paris, en avril, signe un contrat privé avec le marchand Georges Petit ; Membre correspondant
de la Secession (Munich).
1894 : jusqu'en mars : Montreuil-sur-Mer, visite du poète danois Herman Bang ; fin octobre, reçoit la visite d'August
Strindberg ; 30 octobre : décès de sa mère à Christiania. Commissaire norvégien à l'EU d'Anvers. Promu Chevalier dans
l'Ordre de Léopold de Belgique.
1895 : Dieppe et sa région ; 16 janvier : Paris, assiste au banquet donné en l’honneur de Puvis de Chavannes ; y rencontre
Claude Monet, qui lui demande des conseils avant son voyage en Norvège ; Amiens ; été : Serge Diaghilev lui rend visite
à Dieppe ; août : Gand (B) ; 26/12 : Samuel Bing devient l'agent de Frits Thaulow. Cette année-là, Jacques-Emile Blanche
peint le Portrait de Frits Thaulow entouré de ses enfants (musée d’Orsay, esquisse au musée des Beaux-Arts de Rouen).
Elu Membre d'Honneur à l'Académie Royale des Beaux-Arts de Stockholm et membre du Jury international au Salon
de Gand.
1896 : Paris, rencontre le peintre norvégien Alfred Hauge ; mars : Dieppe et sa région, rencontre Claude Monet ; en
juillet reçoit la visite d'August Strindberg ; août : Dieppe, peint avec le Norvégien Eilif Peterssen ; novembre : Paris,
aide Lugné-Poe à mettre au point Peer Gynt, pièce d'Henrik Ibsen, au Nouveau Théâtre ; décembre : Paris, rend visite
à Claude Monet dans son atelier.
1897 : Dieppe ; mars-avril : Venise ; Rome ; de mai à l'automne : Dieppe ; fin 1897 ou début 1898 : Paris, signe un
contrat d’exclusivité avec le marchand Isidore Montaignac ; décembre : Elu membre d'honneur de l'Académie royale
des Beaux-Arts de Copenhague (Kunstakademi).
1898 : jusqu'à mi-février : Christiania ; février : Dieppe ; Normandie (Falaise, Pont l'Evêque, le long de la Touques) ;
juin : Londres ; jusqu'à fin septembre : Dieppe ; Paris ; automne : Pittsburgh, invité par Andrew Carnegie, octobre
: rallie Le Havre à New York (puis Pittsburgh, Chicago, Washington, Philadelphie, Boston, New York) ; novembre :
Issoudun (Indre) ; fin novembre : Paris. Elu membre d'honneur de la Künstlerverein (Vienne), membre d'honneur de
The International Society of Sculptors, Painters and Gravers (Londres), membre du jury à la Carnegie Institute Third
Annual Exhibition (Pittsburgh).
1899 : novembre : Paris. Membre du jury à la Biennale de Venise.
1900 : Paris : avril : Commissaire norvégien à l’EU ; août-septembre, obtient un Grand Prix.
1901 : juillet-novembre : Quimperlé, où il reçoit la visite de Christian Krohg et d’Auguste Rodin ; novembre : Paris.
Promu Officier de la Légion d’honneur.
1903 : Paris : élève du graveur français Eugène Delâtre ; à Christiania, création du Prix Thaulow (Thaulow-prisen) ; 30
juin : assiste au banquet de Vélizy, quand Rodin est promu Commandeur de la Légion d'honneur.
1905 : mars-avril : Paris, invite le peintre norvégien Erik Werenskiold ; Promu Commandeur dans l'Ordre de Saint-Olaf.
1906 : Frits Thaulow meurt d'une angine de poitrine le 5 novembre à Volendam. Il est incinéré à Christiania le 16/11.
Frits Thaulow
Paysagiste par nature
Musée des Beaux-Arts de Caen
Activités
Programmation culturelle
Pour les étudiants
Nocturne, 18h
12 mai
Conférences, mercredis, 17h45
20 avril I La Norvège des arts et des lettres au XIXe siècle par Eric Eydoux
27 avril I Le Norvégien Frits Thaulow (1847-1906) : peintre impressionniste
ou écologiste ? par Frank Claustrat
4 mai I L'image de la Norvège dans la presse française par Laurence Rogations
Pour les enfants
Musée des tout-petits
11, 15 mai et 8, 12 juin
Atelier quatre mains
29 mai, 11 septembre
L'été au musée
stage du 6-7-8 juillet et du
24-25-26 août
Pour les adultes
Mercredi midi musée
27 avril, 11 mai, 22 juin, 7
septembre
Visite commentée, 16h
24 avril, 8, 15, 22, 29 mai,
12, 19, 26 juin, 10, 17, 24,
31 juillet, 14, 21, 28 août,
11, 18, 25 septembre
Visite-croquis
22 mai, 24 août, 11 et 14
septembre
Visite adaptée aux
mals entendants
25 juin
Visite descriptive
24 septembre
Inscription 02 31 83 84 85 auprès des Amis du musée
Concert, jeudi 28 avril, 20h
Opus 14 I Un programme musical conçu par Gilles Treille évoquant les
compositeurs norvégiens (Grieg...) contemporains de Frits Thaulow. Il rend
aussi hommage au violoncelle (Bach), instrument dont jouait le peintre.
10 € + 7 € accès à l'exposition. Inscription 02 31 30 40 85 du lundi au vendredi de 9-12h
Danse, vendredi 10 juin, 20h
Thibaud Le Maguer I présente Paysage de la disparition. Une étendue de
papier recouvre la totalité du sol, enveloppe immaculée sous laquelle se
glisse le danseur.
10 € + 7 € accès à l'exposition. Inscription 02 31 30 40 85 du lundi au vendredi de 9-12h
Dégustation, lundi 20 juin, 16h
Visite à savourer I Michel Bruneau invite les chefs de Caen pour une
dégustation inspirée des paysages norvégiens de Frits Thaulow.
20 € + 7 € accès à l'exposition. Inscription 02 31 30 40 85 du lundi au vendredi de 9-12h
Création sonore, du 7 au 26 septembre
Sound Delta Field I Une œuvre sonore créée pour l'exposition par le Clair
Obscur et le Collectif Mu. Equipé d'un casque augmenté de capteurs de
localisation, le visiteur explore les paysages de Thaulow enrichis d'une
proposition sonore immersive, créant sa propre partition sonore au gré de
sa déambulation.
7 € accès à l'exposition (gratuit pour les moins de 26 ans). Inscription 02 31 30 40 85 du
lundi au vendredi de 9-12h
Accrochage, du 1er au 30 juin
Portraits normands des contemporains norvégiens de Frits Thaulow I La
Société des Amis du musée a passé commande à cinq artistes normands
(Daniel Juré, Rahapëlle Cottereau, Alban Van Wasselhove, Céline Thouvenel
et Alexandrine Deshaies) de portraits de figures norvégiennes de la fin du
XIXe siècle.
Accès libre aux heures d'ouverture de la Galerie Mancel (fermée le lundi)
Renseignements - réservations du lundi au vendredi de 9h à 12h au 02 31 30 40 85 et sur mba.caen.fr
A découvrir aussi dans le cadre du festival Normandie Impressionniste au sein du château de Caen, l'exposition
John Batho, histoire de couleurs proposée par le musée de Normandie et l'Ardi photographies
La troisième édition du festival Normandie Impressionniste est l’occasion de
poursuivre, avec le portait de l’artiste John Batho, une histoire de la couleur en
photographie. À travers huit séries, emblématiques pour certaines – les parasols
de Deauville, les nageuses de Trouville (ci-contre), Giverny, Déchiré ou
Nuages Peintures - et inédites pour d’autres – Normandie Intime, Honfleur,
Sur le sable - l’exposition retrace les cheminements et interrogations de John
Batho qui ont forgé sa vision personnelle de la couleur. Réalisées en Normandie,
ces séries peuvent être appréciées comme un portrait esquissé de cette région.
Contact presse : Sylvie Larue : [email protected] / Tel 02 31 30 47 60 / www.musee-de-normandie.fr
Facebook : /MuseedeNormandie et Twitter : @MuseeNormandie

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