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MOBILITÉ
Ces vélos qui vont plus vite que
Rapides et écologiques, les coursiers à
vélo s’imposent dans des centres urbains congestionnés. Bières, médicaments, documents urgents et même
oiseaux empaillés, ils transportent
tout. Et ils obligent la Poste à réagir.
Un des coursiers de Vélocité reçoit
une commande à Lausanne.
L
ausanne. Un cycliste dévale la route à toute allure. Casque vissé sur
la tête, regard concentré, sac au dos,
il dépasse habilement voitures et bus.
Il a une livraison. En quelques années,
lui et ses semblables se sont multipliés sur les routes de Suisse romande.
19 FEVRIER 2015
EVENEMENT
UN CHAMPION INSPIRANT
L’idée du vélo pour livrer rapidement
paquets, visas ou bières est née à Lucerne il y a 26 ans, explique Fabio
Christen, directeur de Swissconnect.
Cette entreprise achemine, en partenariat avec les CFF, les livraisons
d’un bout à l’autre de la Suisse et relie
les coursiers entre eux. Le concept a
d’abord essaimé à Zurich, Thoune et
Berne avant de s’étendre à toute la
Suisse alémanique, puis de débarquer
de ce côté-ci de la Sarine. Aujourd’hui, 22 villes suisses connaissent ce
service développé par quinze sociétés
dont trois en Suisse romande.
L’aventure a débuté au bout du lac
Catherine Cattin
Léman. Krick cyclomessagerie a été
le premier à se lancer à Genève en
1993, suivi six ans plus tard par Vélocité à Lausanne. Menés par le triple
champion du monde Raphaël Faiss et
le multiple champion suisse Dominique Metz, les coursiers conquièrent
rapidement la capitale vaudoise et
inspirent deux amis, Raoul Payot et
Paul Kormann. Passionnés par ce
sport depuis toujours, ils décident,
après l’organisation d’un tournoi de
VTT près d’Yverdon, de trouver le
moyen d’en vivre. En 2007, les deux
jeunes hommes lancent Poste-it à
Yverdon-les-Bains avec deux bécanes, deux ordinateurs et un petit
local. Les commandes affluent et les
nouveaux entrepreneurs étendent
leurs courses à Neuchâtel. En 2011,
Poste-it et Vélocité s’unissent pour
pédaler ensemble à la conquête d’autres localités romandes: Sion, Montreux, Vevey. Aujourd’hui, Vélocité
est la plus importante société de
coursiers à vélo de Suisse romande
avec 48 employés et un chiffre d’affaires de 1,5 million de francs.
MON ŒIL À VÉLO!
Dans leur sac à dos, les cyclomessagers trimballent tout un bric-à-brac,
d’échantillons à analyser à des documents à signer et de dessins publicitaires à des visas pour voyageurs
pressés. Parfois, la commande est
plus surprenante: «Nous avons transporté des yeux. Et une fois, des oiseaux empaillés pour un taxidermiste», se souvient Raoul Payot, responsable de la communication de Vélocité, dans la zone industrielle d’Yverdon. Le trentenaire élancé, cheveux
bouclés et barbe brune, reçoit dans
des bureaux au mobilier minimal. Ce
mordu qui possède cinq vélos passe
pour ainsi dire tout son temps en
selle, que ce soit au travail ou en vacances, en Suisse ou en Afrique.
Le contenu de la grande sacoche en
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La Poste
bâche épaisse des coursiers reflète
l’évolution technologique de ces dernières années. «Les coursiers transportaient beaucoup de radiographies
entre les médecins. Avec l’arrivée du
numérique, ce marché n’existe presque plus», explique-t-il. Au contraire,
le transport d’échantillons entre laboratoires situés dans différentes villes est en plein essor.
«PLUS FIABLES QUE LA POSTE»
Confier son paquet à un cycliste? Le
pas est parfois difficile à franchir pour
certains clients, qui redoutent un service peu sérieux. Ils se tournent vers
le transporteur motorisé DHL. Or,
c’est aux coursiers à vélo que ce dernier confie certaines livraisons à effectuer le jour même. « Au final, les
clients voient leur colis arriver en bicyclette», raconte Raoul Payot. Séduits, certains font de nouveau appel
au transporteur en bécane, qui présente de nombreux avantages: «Nous
sommes plus efficaces et plus rapides
en ville, car nous pouvons choisir des
itinéraires inaccessibles aux voitures
et nous n’avons pas de problèmes de
stationnement».
«Ils n’ont jamais perdu un seul de nos
colis. Et en plus, ils sont sympas», ajoute Jacques Mégroz, à la tête d’Image
3, une PME spécialisée dans les retouches d’affiches pour Nespresso ou
Tag Heuer. Lunettes en acier bleu,
cheveux gris et ton pressé, ce patron
utilise le service depuis 15 ans, ce qui
en fait un des plus anciens clients. Un
des plus assidus aussi: il peut y recourir jusqu’à quinze fois par jour puisque les retouches sont directement
gribouillées sur les épreuves couleurs.
A l’heure où les routes encombrées
transforment les voitures en véhicules aussi lents que polluants, les
coursiers à bicyclette se faufilent habilement dans le marché des livraisons express. A la force du mollet, ils
se font leur place et profitent de la
prise de conscience écologique de la
société. Leur succès influence même
la stratégie de La Poste. Le groupe
s’est mis à la page en 2012 et propose
des envois livrés entre 30 et 120 mi-
Catherine Cattin
nutes, en partenariat notamment avec
Vélocité. Ou quand des bicyclettes
vertes finissent par avoir une longueur
d’avance sur un géant jaune assoupi
Catherine Cattin
sur ses lauriers. n
Raoul Payot, fondateur de Poste-it
et responsable de
la communication
de Vélocité.
Pour vingt francs de l’heure
Electrique, le vélo? Raoul Payot a les cheveux qui se dressent sur la tête. «Aucun intérêt pour nous! Et s’il faut le porter dans
des escaliers, c’est trop lourd.» Au contraire, les coursiers ont remis au goût du
jour les bécanes à pignon fixe. Sans freins
ni vitesse, elles n’ont besoin d’aucun entretien et sont idéales pour les villes plates,
comme Bâle ou Genève.
Le monde des coursiers est jeune et se veut
socialement responsable. A Vélocité, tous
les employés sont payés à l’heure: 20 francs
pour le salaire de base, 25 quand il faut
prendre des responsabilités. Et même lorsqu’ils deviennent patrons, ils continuent
d’enfourcher leur vélo pour livrer les clients.
Ce job qui fait chauffer les mollets attire
des étudiants, des écolos et des sportifs
aguerris. Un coursier peut en effet parcourir entre 40 et 60 km par demi-journée,
dans des conditions parfois pénibles. Car
les paquets doivent être livrés qu’il pleuve,
qu’il neige, qu’il vente ou que le soleil soit
de plomb. Et, cerise sur le gâteau, à la montée s’il travaille à Lausanne. n
CaC