MARQUES, DESSINS ET MODÈLES

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MARQUES, DESSINS ET MODÈLES
OFFICE DE L’HARMONISATION DANS LE MARCHÉ INTÉRIEUR
(MARQUES, DESSINS ET MODÈLES)
Les Chambres de recours
DÉCISION
de la Deuxième Chambre de recours
du 25 avril 2012
Dans l’affaire R 22/2011-2
L'OREAL Société Anonyme
Département des Marques
63/65 rue Henri Barbusse
F-92585 Clichy Cedex
France
Demanderesse / Requérante
représentée par J. Monteiro, 63/65 rue Henri Barbusse, FR-92585 Clichy Cedex,
France
contre
KENZO S.A.
18, rue Vivienne
F-75002 Paris
France
Opposante / Défenderesse au recours
représentée par Cabinet Plasseraud, 52, rue de la Victoire, FR-75009 Paris, France
RECOURS concernant la procédure d’opposition nº B 001 547 762 (demande de
marque communautaire nº 007 545 361)
LA DEUXIEME CHAMBRE DE RECOURS
composée de T. de las Heras (Président), G. Bertoli (Rapporteur) et G. Humphreys
(Membre)
Greffier : P. López Fernández de Corres
rend la présente
Langue de procédure : français
DECISION DU 25 AVRIL 2012 – R 22/2011-2
RENDRE LE MONDE PLUS BEAU / KENZO LE MONDE EST BEAU (MARQUE FIGURATIVE)
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Décision
Résumé des faits
1
Par une demande qui s’est vue attribuer la date de dépôt du 22 janvier 2009,
L'OREAL Société Anonyme (ci-après, « la demanderesse ») a sollicité
l’enregistrement de la marque verbale
RENDRE LE MONDE PLUS BEAU
pour les produits et services suivants :
Classe 3 - Parfums, eaux de toilette; gels et sels pour le bain et la douche non à usage médical;
savons de toilette; déodorants corporels; cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et
poudres pour le visage, le corps et les mains; laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil
(cosmétiques); produits de maquillage; shampooings; gels, mousses, baumes et produits sous la
forme d’aérosol pour le coiffage et le soin des cheveux; laques pour les cheveux; colorants et
produits pour la décoloration des cheveux; produits pour l`ondulation et la mise en plis des
cheveux; huiles essentielles.
Classe 44 - Soins d`hygiène et de beauté pour les personnes.
2
La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 2009/020
du 2 juin 2009.
3
Le 1er septembre 2009, Kenzo S.A. (ci-après, « l’opposante ») a formé opposition
à l’encontre de la demande de marque mentionnée ci-dessus.
4
Les motifs de l’opposition étaient ceux prévus aux paragraphes 1, sous b) et 5, de
l’article 8 du RMC.
5
L’opposition était fondée sur la marque figurative française nº 3 358 378
déposée et enregistrée le 2 mai 2005 pour les produits suivants :
Classe 3 - Savons de toilette ; parfums ; eaux de Cologne et de toilette ; produits cosmétiques ;
maquillage ; huiles essentielles à usage personnel ; laits ; lotions ; crèmes ; émulsions ; gels pour
le visage et pour le corps ; déodorants à usage personnel.
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L’opposition était basée sur tous les produits couverts par la marque antérieure et
était dirigée à l’encontre de tous les produits et services désignés par la marque
contestée.
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Le 27 octobre 2010, la division d’opposition a adopté une décision (ci-après,
« la décision attaquée ») par laquelle elle a fait droit à l’opposition et ordonné que
la demanderesse supporte les dépens de l’opposante. Les motifs de la décision
attaquée peuvent être résumés comme suit :
–
L’opposition est recevable en ce qui concerne tant le motif prévu à l’article
8, paragraphe 1, sous b), comme le motif prévu à l’article 8, paragraphe 5, du
RMC.
–
Les produits revendiqués par les marques en cause sont identiques ou
hautement similaires. Les services couverts par la marque demandée sont
similaires aux produits revendiqués par la marque antérieure.
–
Il existe un faible degré de similitude visuelle et un degré moyen de
similitude auditive entre les signes. Ceux-ci sont également similaires d’un
point de vue conceptuel.
–
La marque antérieure possède un caractère distinctif normal, l’opposante
n’ayant pas réussi à prouver la renommée qu’elle a invoquée.
–
L’expression contenue dans la marque contestée ne s’éloigne pas
suffisamment de celle de la marque opposante pour créer une impression
radicalement différente d’une marque à l’autre et cela, malgré l’absence de
l’élément « KENZO » dans la marque attaquée.
–
En raison de la similarité des signes et de l’identité ou similarité des produits
ou services, il existe un risque de confusion entre les marques en cause.
Le 27 décembre 2010, la demanderesse a formé un recours contre la décision
attaquée et, le 25 février 2011, a présenté le mémoire exposant les motifs du
recours. Le 21 juin 2011, l’opposante a présenté ses observations en réponse au
recours.
Moyens et arguments des parties
9
La demanderesse demande que la décision attaquée soit annulée. En substance,
elle fait valoir que :
–
La division d’opposition a violé l’obligation de motivation en ce qu’elle s’est
contredite en concluant à l’existence d’un risque de confusion malgré le
caractère distinctif normal de la marque antérieure et les différences existant
entre les signes.
–
La demanderesse ne remet pas en cause l’analyse de la similarité des produits
ou services.
–
Il n’y a pas de similitude visuelle entre les signes. Le consommateur sera
plus attiré par le dessin aux couleurs vives de la fleur contenue dans la
marque antérieure que par son élément verbal, proportionnellement
insignifiant. Le nom du créateur « KENZO » est mis en valeur par la couleur
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jaune et sa position en tant qu’élément initial. La phrase « Le monde est
beau » sera perçue comme un slogan ou une phrase promotionnelle. Elle est
faiblement distinctive par rapport aux produits en cause, compte tenu du fait
que le terme « monde » est souvent associé aux mots « beau », « belle » et
« beauté » dans le monde des cosmétiques et de la parfumerie.
–
La décision est contradictoire en ce que la division d’opposition a justement
relevé que les syllabes d’attaque « KENZO » et « RENDRE » sont
complètement différentes mais a quand même conclu à l’existence d’un
faible degré de similitude entre les signes.
–
Les signes sont conceptuellement différents, véhiculant l’un, un message
d’action et l’autre, un message de contemplation.
–
La division d’opposition a commis une erreur, en premier lieu, en isolant
l’élément verbal de l’élément figuratif de la marque antérieure, rouge vif et
rappelant les fleurs rouges souvent utilisées par Kenzo et, en second lieu, en
ne considérant pas que l’élément « KENZO » est particulièrement imposant
et marquant l’esprit du consommateur au vu de sa référence à une marque de
renommée.
10 L’opposante conteste les arguments de la demanderesse.
Motifs de la décision
11 Le recours est conforme aux articles 58, 59 et 60 du RMC et à la règle 48
du REMC. Il est dès lors recevable.
12 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du RMC, sur opposition du
titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à
l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une
marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des
services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans
l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le
risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
Par ailleurs, il convient d’entendre par marques antérieures, en vertu de l’article
8, paragraphe 2, sous a), ii), du RMC, les marques enregistrées dans un État
membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque
communautaire.
13 L’existence d’un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une
similitude de la marque dont l’enregistrement est demandé et de la marque
antérieure et une identité ou une similitude des produits ou des services visés
dans la demande d’enregistrement et de ceux pour lesquels la marque antérieure a
été enregistrée. Il s’agit là de conditions cumulatives. Ainsi, dès lors que l’une de
ces conditions indispensables pour appliquer l’article 8, paragraphe 1, sous b), du
RMC n’est pas satisfaite, il ne peut exister de risque de confusion.
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14 Il importe de souligner que le risque de confusion dans l'esprit du public, qui
conditionne l'application de l'article précité et qui se définit comme le risque que
le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la
même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement, doit être
apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas
d'espèce.
15 Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits
concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et
avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance selon laquelle le
consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une
comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l'image
imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre
en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est
susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en
cause (voir arrêt du 22 juin 1999, C-342/97, « Lloyd Schuhfabrik », point 26).
16 En l’espèce, le public pertinent est représenté par le consommateur moyen du
grand public, auquel s’adressent les produits et services en cause. L’attention du
public dans l’achat des produits et services en cause ne saurait être considérée
comme étant supérieure à celle dont ce public ferait preuve en matière de produits
de consommation courante (voir, en ce qui concerne les produits en classe 3, arrêt
du 15 juillet 2011, T-220/09 et T-221/09, « Ergo / Ergo Group », point 19,
applicable, mutatis mutandis, aux services en classe 44).
Comparaison des produits et services
17 Il est constant qu’en l’espèce, les produits en cause sont identiques ou hautement
similaires et que les services couverts par la marque demandée sont similaires aux
produits de la marque antérieure.
Comparaison des signes
18 L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la
similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée
sur l'impression d'ensemble produite par les marques sur le consommateur moyen
des produits ou des services en cause, en tenant compte, notamment, des éléments
distinctifs et dominants de celles-ci. À cet égard, le consommateur moyen perçoit
normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses
différents détails (voir arrêts du 11 novembre 1997, C-251/95, « Sabèl »,
points 22 et 23, et du 22 juin 1999, C-342/97, « Lloyd Schuhfabrik », point 25).
19 L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en
considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer
avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en
examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui
n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public
pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être
dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007,
C-334/05 P, « Limoncello », point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si
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tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de
la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir arrêts
du 12 juin 2007, C-334/05 P, « Limoncello », point 42, et du 20 septembre 2007,
C-193/06 P, « Quicky », point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce
composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le
public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants
de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci
(arrêt du 20 septembre 2007, C-193/06 P, « Quicky », point 43). Les signes à
comparer sont les suivants :
RENDRE LE MONDE PLUS BEAU
Marque antérieure française
Demande de marque communautaire
20 La marque demandée porte sur les éléments verbaux « RENDRE LE MONDE
PLUS BEAU ».
21 La marque antérieure est une marque figurative.
22 À cet égard, la demanderesse fait valoir que l’élément verbal « LE MONDE EST
BEAU » serait faiblement distinctif, étant donné qu’il serait perçu comme un
slogan ou une phrase promotionnelle et que le terme « monde » serait souvent
associé aux termes « beau », « belle » et « beauté » dans le monde des
cosmétiques et de la parfumerie. En outre, elle soutient que le consommateur
serait plutôt attiré par, d’une part, l’élément figuratif représentant une partie
d’une fleur de couleurs vives et, d’autre part, par l’élément verbal « KENZO »,
tant pour sa position initiale que pour sa couleur jaune.
23 La Chambre estime que ces arguments ne sauraient être retenus.
24 En premier lieu, l’élément figuratif de couleur rougeâtre orangée présente des
contours plutôt imprécis et l’image fondante et nuancée fait qu’il est perçu avant
tout comme une tache de couleur, ce qui n’exclut pas qu’une partie du public
pourrait l’identifier comme la reproduction d’une partie d’un bouton de rose. S’il
est indéniable que cet élément occupe de loin la place visuellement la plus
importante dans le signe, il n’en reste pas moins qu’il ne saurait dominer à lui
seul l’impression globale du signe.
25 En effet, pour les consommateurs qui y verront uniquement une tache de couleur
aux contours vaguement définis, cet élément ne saurait être retenu comme
l’indicateur de l’origine commerciale des produits portant la marque en question.
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En revanche, pour les consommateurs qui y verront un bouton de rose, il y a lieu
de tenir compte du fait notoire que les éléments floraux sont fréquemment utilisés
en relation avec les produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée et
que, dès lors, même dans une telle circonstance, le consommateur sera moins
enclin à s’appuyer sur ledit élément afin d’identifier l’origine commerciale des
produits.
26 Il en ira d’autant plus ainsi si l’on tient compte du fait que, lorsqu’une marque est
composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus
distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement
référence au produit en cause en en citant le nom qu’en décrivant l’élément
figuratif de la marque (voir arrêt du 15 décembre 2009, T-412/08, « Trubion »,
point 45), ce qui est particulièrement approprié dans un cas comme celui de
l’espèce, dans lequel l’élément figuratif, imprécis ou particulièrement peu
distinctif, est accompagné d’éléments verbaux jouissant d’un caractère distinctif
moyen.
27 À cet égard, il convient de constater que l’affirmation de la demanderesse selon
laquelle l’élément verbal « LE MONDE EST BEAU » serait faiblement distinctif
n’est nullement étayée. Au contraire, le fait que la demanderesse ait demandé
l’enregistrement d’un signe combinant les termes « monde » et « beau » indique
la conviction de la demanderesse même quant au caractère distinctif
d’expressions verbales contenant de tels termes.
28 Le caractère distinctif de cet élément n’est pas réduit par la présence dans le signe
de l’autre élément verbal « KENZO ». En effet, une marque peut bien être
composée de plusieurs éléments, chacun apte à fonctionner comme signe
distinctif de l’origine commerciale. La position initiale de l’élément « KENZO »
ne rend pas secondaire l’élément « LE MONDE EST BEAU ». Non seulement ce
dernier ne présente pas un caractère distinctif affaibli pour les raisons indiquées
ci-dessus, mais l’utilisation de lettres d’imprimerie majuscules noires le
différencie clairement de l’élément « KENZO » qui le précède, écrit dans des
caractères orange différents.
29 Il s’ensuit, d’une part, que les éléments verbaux « KENZO » et « LE MONDE
EST BEAU » de la marque antérieure gardent chacun leur position autonome à
l’intérieur de la marque antérieure et, d’autre part, que la taille de l’élément
figuratif n’a cependant pas pour conséquence qu’il domine les éléments verbaux.
30 Partant, du point de vue visuel, il y a lieu de constater que les marques en cause
présentent une certaine similarité dans la mesure où les éléments « LE MONDE »
et « BEAU » de la marque demandée sont intégralement reproduits, dans le
même ordre et avec les mêmes caractère d’imprimerie, dans l’un des éléments
distinctifs de la marque antérieure (« LE MONDE EST BEAU »).
31 Cette similarité est accrue du point de vue phonétique en conséquence de
l’absence de prise en compte des éléments figuratifs lors de la comparaison
phonétique des signes, ce qui rend les ressemblances entre ceux-ci plus évidentes
que dans la comparaison visuelle (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2002,
T-104/01, « Fifties », point 40).
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32 Du point de vue conceptuel, les éléments « LE MONDE EST BEAU » et
« RENDRE LE MONDE PLUS BEAU » partagent la même référence à la beauté
du monde. Contrairement à ce que prétend la demanderesse, le caractère
dynamique du second ne sert pas à l’éloigner du premier mais, bien au contraire,
a pour conséquence qu’ils peuvent être perçus par le public comme l’évolution
l’un de l’autre, coïncidant dans le résultat, la beauté du monde.
33 En outre, il convient de remarquer que si, certes, le consommateur attache
normalement plus d’importance à la partie initiale des mots, cette considération
ne saurait prévaloir dans tous les cas (voir arrêt du 12 novembre 2008, T-281/07,
« Ecoblue », point 32, et jurisprudence citée). L’argument que la demanderesse
tire de l’importance particulière prêtée par le consommateur au début d’un signe
n’est donc pas concluant dans le cas d’espèce, où les éléments « KENZO » et
« LE MONDE EST BEAU » sont indépendants l’un de l’autre.
Appréciation globale
34 L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine
interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la
similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi, un faible
degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par
un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir les arrêts du
29 septembre 1998, C-39/97, « Canon », points 16 et 17, et du 22 juin 1999,
C-342/97, « Lloyd Schuhfabrik », points 17 à 19).
35 En l’espèce, il résulte de l’examen des signes litigieux que ceux-ci présentent une
similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, notamment en ce qui concerne la
marque demandée et les éléments verbaux « LE MONDE EST BEAU » de la
marque antérieure.
36 Cette similitude est d’autant plus importante en l’espèce si l’on considère que,
dans le secteur des parfums et des produits cosmétiques, il est habituel que la
marque maison soit accompagnée d’une marque propre aux produits ou une série
de produits (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, T-586/10, « Only
Givenchy », point 34).
37 En conséquence, la présence de l’élément « KENZO » sera perçue comme
indiquant la marque maison et ne sera pas de nature telle à éviter que la similarité
de la marque demandée avec les éléments « LE MONDE EST BEAU » de la
marque antérieure puisse induire le consommateur à confondre l’origine
commerciale des produits ou services portant les marques en cause quand,
comme c’est le cas en l’espèce, les produits ou services couverts par les deux
marques sont identiques ou hautement similaires.
38 En outre, même si le consommateur, qui n’a pas les deux marques sous les yeux
en même temps et doit se fier à l’image imparfaite des signes qu’il garde en
mémoire, pouvait se souvenir de la différence existant entre « LE MONDE EST
BEAU » et « RENDRE LE MONDE PLUS BEAU », compte tenu de la pratique
commerciale habituelle du secteur consistant à utiliser des sous-marques
partageant un élément commun, il ne saurait être exclu que ce même
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consommateur puisse percevoir les deux signes comme identifiant deux sousmarques différentes partageant la même idée de la beauté du monde.
39 La présence de l’élément figuratif dans la marque antérieure ne suffira pas non
plus à exclure ce risque de confusion dans la mesure où, comme il l’a été indiqué
ci-dessus, le consommateur pourrait le percevoir comme une simple tache de
couleur ou bien comme l’un des éléments floraux fréquemment utilisés dans le
secteur concerné, de telle façon que, malgré la position visuelle importante qu’il
occupe dans l’ensemble du signe, il pourrait le considérer comme un simple
élément décoratif.
40 Étant donné que la Chambre de recours a pu conclure à l’existence d’un risque de
confusion indépendamment du raisonnement sur lequel s’est fondée la division
d’opposition dans la décision attaquée, il convient de rejeter le recours sans qu’il
soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé du motif tiré de la contradiction
de motivation à laquelle se serait exposée la division d’opposition.
Frais
41 Conformément à l’article 85, paragraphe 1 et 6 du RMC, et la règle 94,
paragraphe 7 du REMC, la demanderesse, en tant que partie perdante, devra
supporter les dépens exposés par l’opposante, à savoir les frais de représentation
professionnelle devant la division d’opposition (300 euros) et la Chambre de
recours (550 euros), ainsi que la taxe d’opposition (350 euros).
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Dispositif
Par ces motifs,
LA CHAMBRE
déclare et décide :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demanderesse supportera les taxes et frais de représentation de
l’opposante dans le cadre de la procédure d’opposition et de recours, soit
un total de 1200 euros.
Signed
Signed
Signed
T. de las Heras
G. Bertoli
G. Humphreys
Registrar:
Signed
P. López Fernández de
Corres
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