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ÉLU LEUR E « M IL INE Z A MAG DE E » PRESS #31 - Janvier 2013 France METRO : 4,90 € - BEL/LUX : 5,50 € DOM/S : 5,60 € - CH : 7,80 FS – CAN : 7,95 $ cad L 16045 - 31 - F: 4,90 € HEDy la bombe d’hollywood, l’humanitaire 2.0, Bollywood, INDOCHINE-SUR-LOT, le sondageoscope culture Causette Harlequeen Les romances se vendent donc très bien, mais personne n’avoue les lire... Tout le monde se cacherait-il ? Allez, Causette vous en offre une sous le manteau. Attention, c’est chaud ! Précédemment, dans Causette Harlequeen... Tatiana Johnson Ramirez Wirstemberg est une jeune femme simple et indomptable. Orpheline élevée dans un ranch du Wyoming par des parents adoptifs pauvres, mais honnêtes, elle a mené de brillantes études d’ingénieur en biologie cellulaire avant de devenir avocate d’une grande organisation écologiste. Tandis qu’une violente tempête balaie de son hurlement glacé les noires montagnes d’Europe centrale, seule à une table du wagon-restaurant de l’Orient-Express, Tatiana essaie de ne plus penser au sombre et séduisant João, qu’elle aime en secret. Au péril de sa vie, João lutte pour sauver les espèces menacées et Tatiana sait qu’il n’y a pas de place pour elle dans le solitaire combat de l’écologiste dansant (avant de militer, João al-Daoud Krabinski était l’étoile montante des ballets moscovites). Pourtant, Tatiana ne s’avoue pas vaincue (ce serait mal la connaître) : elle sent bien que le cœur de l’intrépide expilote de Formule 1 (João a aussi été coureur automobile) n’est pas indifférent à la personnalité solaire et farouche de la jeune et romantique héroïne. Chapitre 13 De son violon plaintif, la pauvre petite vagabonde (que Tatiana avait sauvée des griffes d’un policier lascif en gare de Budapest) embuait le wagon-restaurant de larmes bohémiennes. La musique plongea Tatiana dans la déchirure béante des doutes de son cœur : quels tourments cachaient vraiment les profondeurs de l’âme pure de João ? Pourquoi avait-il toujours été si distant ? Son noble combat justifiait-il qu’il lui sacrifiât l’amour de Tatiana ? Ou alors, il était de ce genre d’homme qui aime les... euh... enfin, il était peut-être gay, quoi ! Non ! elle ne pouvait se résoudre à envisager une hypothèse aussi déchirante : ce fugace baiser échangé sur une jonque en mer de Chine, un soir de pleine lune, pouvait-il vraiment ne rien signifier ? Son instinct de femme et le trouble humide qu’elle avait décelé dans les vastes yeux bleus pailletés d’or pur du sensuel João ne pouvaient lui mentir ! Elle ne saurait accepter de se résoudre à se soumettre sans combattre. Et, en plus, ce soir, nous sommes le 31 décembre, songea-t-elle, songeuse. Les flocons de neige à travers la vitre lui semblaient des flèches de doute filant dans le néant d’un futur incertain, quand une belle et chaude voix grave demanda : « Me permettrez-vous de vous offrir une coupe de champagne, Signorina ? Un séduisant inconnu viril et ténébreux se tenait devant elle. Son large sourire ne masquait pas tout à fait l’éclat crépusculaire qui rehaussait de lumière noire l’obscurité profonde de ses yeux. Il était vêtu d’un costume impeccable, une chemise de soie perle entrouverte sur son large torse, les jambes CAUSETTE #31 • 81 culture solidement campées dans le sol pour dompter le roulis du train. 2 000 dollars de sapes, évalua Tatiana, et elle sentit immédiatement une chaleur fauve gravir dans ses reins, comme un flot magnétique de désir animal qui la submergeait totalement. Malgré son trouble, elle ne balbutia pas et se contenta de laisser échapper un petit « muh-muh » tout pourri qu’elle regretta aussitôt. – Je m’appelle Attila Platini Orlov, troisième comte de Svendenborg, pour vous servir... Ce nom lui évoqua vaguement quelque chose, sans plus. – … Mais vous pouvez m’appeler Titoche, poursuivit-il. J’aime rester simple. Je bois à l’heureuse providence qui laisse une aussi belle créature seule un soir de réjouissance. Un sourire dominateur plana sur la bouche virile de l’homme, telle l’ombre inquiétante d’un aigle cruel. – Je suis seule parce que je l’ai décidé, répliqua Tatiana – qui n’était pas du genre à se laisser empapaouter par de ténébreux inconnus virils et séduisants dans le wagon-restaurant de l’Orient-Express un soir de Nouvel An. – Tant mieux ! Bellisima, j’aime les femmes de caractère, ce sont les plus ardentes des amantes. Et il plongea un regard de trappeur paternaliste dans le ciel printanier des yeux de Tatiana. Cet homme avait décidément de multiples facettes différentes. Attila Platini Svendenborg était très séduisant, mais trop sûr de lui. Néanmoins, Tatiana ne pouvait s’empêcher d’imaginer ses lèvres contre les siennes, son corps puissant la plaquant contre la paroi vibrante du train, elle, le souffle coupé de désir humide et, lui, la voix soudain rauque, lui confessant le viril hommage qu’il souhaitait lui rendre et qu’elle sentait effectivement pointer à travers l’étoffe. Le problème, c’est qu’il portait une gourmette. Et ça, c’était vraiment embêtant, parce que Tatiana, elle n’avait jamais supporté les types à gourmettes. D’une gorgée de champagne, elle chassa l’image de leurs corps fébriles enlacés. – Mais vous, Titoche, qui êtes-vous ? – Oh moi ? Je travaille à Tumor Inc. Le verre de Tatiana se brisa sur le sol. Mais bien sûr : T. P. Svendenborg, PDG de la plus grande multinationale pollueuse du monde. Comment avait-elle pu oublier ? – Vous… vous êtes un porc, balbutia-t-elle (même si ce n’était pas son genre de balbutier). Il sourit en levant son verre. – Je sais qui vous êtes, Mlle Wirstemberg. Et vous êtes délicieuse. Je souhaiterais vous convaincre que je ne suis pas celui que vous croyez. Il était quand même hyper bien gaulé. 82 • CAUSETTE #31 – Veuillez me laisser ou j’appelle le contrôleur ! – Il ne viendra pas, Signorina, et sachez que j’ai fait boucler votre cabine... Puis, tel un fauve qui achève sa proie, il ajouta : –… Car ce train m’appartient. Ah, ah, ah ! Le regard de Tatiana se figea dans l’immobilisme : elle était prise au piège. Elle analysa rapidement la situation : aucune chance de s’en sortir. Mince ! Elle allait probablement être obligée de faire l’amour avec un séduisant homme viril et ténébreux dans un train de nuit lancé à travers l’Europe enneigée. Bien sûr, Tatiana n’était pas du genre à coucher avec n’importe qui souvent, mais bon, là, elle aurait quand même été bien stupide de ne pas en profiter. – Attila, susurra-t-elle, faussement craintive, vous êtes un gentleman, j’espère que vous n’allez pas profiter de la situation pour me… Attila Platini s’approcha. Il la plaqua contre son torse d’airain et l’embrassa fougueusement. Tatiana succomba comme un fruit. Elle tremblait, telle une flamme mouillée, et lui rendit son baiser. Attila, doucement impérieux, la renversa sur la table. Stupéfaite de désir, elle allait s’abandonner quand, soudain, le poinçon aigu de la réalité transperça sa mémoire. Alors, la mort dans l’âme, elle se souvint : – Non, Comte Svendenborg, pas ce soir... Je ne puis... – Mais pourquoi, Bellisima ? – J’ai mes... règles. » The end ÉPILOGUE : En fait, Attila Platini était hypersympa et gagnait à être connu. Tatiana finit d’ailleurs par le convertir à l’écologie, puis ils se marièrent et eurent, etc. Quant à João al-Daoud, il fit effectivement son coming-out quelques mois plus tard.