L`Orient-Le Jour | Les corps au cœur du « Territoire de

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L`Orient-Le Jour | Les corps au cœur du « Territoire de
L'Orient-Le Jour | Les corps au cœur du « Territoire de résistance »
13/10/12 12:37
À LA UNE
EXPOSITION
Les corps au cœur du « Territoire de résistance »
Par Maya GHANDOUR HERT | samedi, octobre 13, 2012
À la galerie Running Horse*, les
installations vidéos et photographiques
de « Territory of Resistance » * sont
étrangement séductrices dans leur
célébration de la nature charnelle du
corps, de sa vulnérabilité mais aussi de
sa résilience.
D
es poilus, des minces, des enrobés, des
musclés, des crevassés, des biens
dodus... À la galerie Running Horse, les
derrières se déclinent sous toutes les
formes et les tailles. Il faudrait donc
détendre son string, ne pas être pincefesses (bon, trêve de jeux de mots au
goût douteux) et pousser la porte de
cette galerie sise à La Quarantaine. Dans
cet entourage industriel qui plaît tant aux
âmes artistes, puisque de plus en plus
d’espaces dédiés à l’art contemporain s’y
installent.
À l’origine de cette exposition, deux
vidéos de Sirine Fattouh, Love Talk 1 et
Love Talk 2 (2009), dans lesquelles deux
Même le nez de Sirine se « siliconise ».
anciens champions d’haltérophilie
racontent leur engagement au sport, leur rapport au corps, à la beauté et à l’amour.
La notion du corps, sa construction socioculturelle et sa «corporéité» sont en effet au cœur de «A
Territory of Resistance» qui regroupe, outre les vidéos de Fattouh et les recherches sur les postérieurs
de Randa Mirza (en collaboration avec Giulia Guadagnoli), des œuvres de Georges Awdé, Ali Cherri et
Stéphanie Saadé.
Chacun à travers son langage visuel propre, ces artistes considèrent le corps comme «le lieu où les
discours sont joués et contestés». Et offrent à travers les œuvres très différentes une reconsidération
très opportune des relations entre le corps et le social. En proposant une multitude de
questionnements, du genre: quels aspects du corps sont représentés dans les pratiques visuelles
contemporaines? De quelles manières ces pratiques font-elles le lien entre les constructions corporelles
et culturelles du corps? «Alors que la notion du corps passe du personnel au politique ou au social,
l’agence du pouvoir devient plus envahissante et les identités encore plus évasives», annonce le texte
de l’exposition.
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Portrait d'un jeune migrant syrien par George Awdé.
Le corps apparaît ainsi non pas comme une entité stable, mais variable, changeante et en mutation.
Les corps sont vus et vécus différemment, selon des variables socioculturelles. Tout cela pour arriver à
l’argument selon lequel les identités sont forgées dans un territoire de résistance permanente. D’où le
titre de l’exposition: Territoire de résistance.
La vidéaste Fattouh propose ici un moulage de son nez en silicone rose, reproduit en neuf exemplaires
à taille réelle. Chaque spécimen est posé dans une boîte tel un bijou unique. L’artiste invite le visiteur à
le toucher, le palper, le titiller, le caresser, dans une allusion évidente à la sexualité de l’objet (du
délit). Le nez de Sirine devient ainsi un symbole phallique de pouvoir et de désir.
Ali Cherri donne à voir pour sa part un triptyque d’études sur le corps humain. Ou plutôt son propre
corps, dont il a filmé en gros plan les différents parties, projetées sur trois écrans entreposés l’un à
côté de l’autre. En esquissant les contours mouvants de ces «corporéités» expérimentales, Cherri met
son corps, son identité en scène.
Stéphanie Saadé, elle, invite le spectateur, à travers ses trois structures mobiles – des panneaux
montés sur des roulettes et contenant des miroirs –, à voir sa propre réflexion, son propre corps.
Georges Awdé signe trois photographies tirées de sa série «Shifting Grounds». Il s’agit là de portraits
de travailleurs émigrés de nationalité syrienne. «Des corps invisibles dans une société où certains
discours politiques leur font préjudice.» L’esthétique qui façonne ces corps et les problématiques qui les
sous-tendent, loin de n’être que les reflets de choix purement formels, plastiques, sont souvent
solidaires de conceptions philosophiques et de convictions politiques, semble nous dire le photographe.
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Une panoplie de derrières photographiée par Randa Mirza.
Last but not least, le projet intitulé «La Tizi» («À mes fesses», ou je m’en balance) de Randa Mirza et
Giulia Guadagnoli. Une vidéo de 14 mn aux confluences de la photographie, de l’activisme, de l’art
visuel et de la sociologie. Après avoir photographié une multitude de derrières féminins et masculins
dans leur aspect le plus primitif, la photographe les a proposés dans le cadre d’un questionnaire détaillé
sur la perception des fesses, leur beauté, leur attirance, leur genre. Le résultat, la vidéo est bien
enlevée et sarcastique à souhait. Elle touche néanmoins à des sujets sociaux sensibles...
«Territoire de résistance», il s’agit en somme des réflexions plastiques, philosophiques, visuelles,
politiques et poétiques. Par des artistes animés d’une volonté de résistance, de réaction face aux forces
normatives, aux contrôles insidieux qui pèsent sur les corps. Quels qu’ils soient.
* Jusqu’au 3 novembre. La Quarantaine, immeuble du dépôt de Sleep Comfort, rue Chukri el-Khoury.
Du lundi au vendredi de 12h à 19h. Samedi de 12h à 15h. Tél. : 01/562778.
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