La notion juridique de véhicule militaire de collection :
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La notion juridique de véhicule militaire de collection :
La notion juridique de véhicule de collection d’origine militaire : L’article R-311-1 du Code la Route définit indistinctement le véhicule de collection qu’il soit d’origine civile ou militaire comme « le véhicule de plus de vingt-cinq ans d’âge, qui ne peut satisfaire aux prescriptions techniques exigées par le présent livre ». De même, le Code Général des Impôts (art.317 decies ann. II, art. 155 D ann. IV.), le décret n°91-207 du 25 février 1991 complétant le code de la route en ce qui concerne les véhicules de collection, la doctrine administrative de base de l’administration fiscale (D. adm. 7 M-2113, n°17, 15 décembre 1990) ou de l’administration des douanes (Inst. Douanes 1er mars 1991, texte n°91-035, BOD 5513) confirment cette définition de la notion de véhicule de collection. L’ancienneté du véhicule est d’ailleurs un caractère suffisant sans être un élément nécessaire (Inst. 4 mars 1991, 8 O-3-91, D. adm. 8 O-211, n°9, 15 juin 1993). Ainsi, ces administrations considèrent qu’un véhicule, quel que soit son âge et son origine, présentant un caractère historique indéniable (par exemple ayant participé à un événement historique) ou une originalité technique répond à la définition de véhicule de collection. De même, un véhicule de compétition, un véhicule de plus de 25 ans dont il subsiste moins de 2% des exemplaires produits, ou encore tout véhicule âgé de plus de 40 ans quel que soit son état est un véhicule de collection (Inst. Douanes 1er mars 1991, texte n°91-035, BOD 5513). D’ailleurs, le Conseil d’Etat a jugé que : « méritaient la qualification d’automobiles de collection celles qui présentent un intérêt artistique ou historique » (CE 26 janvier 2000, n°179492, 8ème et 9ème s-s, Osenat : RJF 3/00, n° 434). Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes a défini le véhicule de collection comme celui présentant un intérêt historique ou ethnographique . Il a ainsi été jugé que présente un tel intérêt les véhicules qui : « - se trouvent dans leur état d’origine, sans changement substantiel des châssis, système de direction ou de freinage, moteur, etc - sont âgés d’au moins trente ans et - correspondent à un modèle ou type dont la production a cessé ». (CJCE 3 décembre 1998, Uwe Clees c/ Hauptzollamt Wuppertal, aff. C-259/97) Dans cet arrêt, la Cour de Justice a même ajouté que « tous les véhicules fabriqués avant 1950, même s’ils ne sont pas en état de circuler » constituaient des véhicules de collection. Cette règle est également reprise dans les notes explicatives publiées en vertu de l’article 10 paragraphe 1 du règlement (CEE) n °2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun des Communautés Européennes (JO n° 96/C 127/03 du 30 avril 1996). D’ailleurs, tous les objets de collection (véhicules automobiles, armes, gravures et lithographies, timbres-poste…) sont définis comme : « - ceux présentant les qualités requises pour être admis au sein d’une collection, c’est-à-dire les objets qui sont relativement rares, ne sont pas normalement utilisés conformément à leur destination initiales, font l’objet de transactions spéciales en dehors du commerce habituel des objets similaires utilisables et ont une valeur élevée ; - Sont à regarder comme présentant un intérêt historique les objets pour collection qui au sens de la position 99.05 du TDC, marquent un pas caractéristique de l’évolution des réalisations humaines, ou illustrent un période de cette évolution ». (CJCE 10 octobre 1985, Erika Daiber c/ Hauptzollamt Reutlingen, aff. 200/84, Rec. 1985, p. 3363 et CJCE 10 octobre 1985, Collector Guns GMBH & Co. KG c/ Hauptzollamt Koblenz). Le droit communautaire confirme aussi qu’un véhicule de collection n’entre pas dans le cadre de la définition des déchets au sens de la directive 75/442/CEE (§ 10 de la Directive Européenne 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative aux véhicules hors d’usage). Dès lors, les véhicules d’origine militaire fabriqués pendant la 2ème guerre mondiale par de prestigieuses sociétés dont certaines ont aujourd’hui disparues doivent bien être regardés comme répondant aux conditions requises pour être considérés comme des objets de collection. Par ailleurs, nonobstant leur nature de véhicule de collection, il convient de constater que les véhicules anciens d’origine militaires ne sont pas des armes de 2e catégorie. En effet, non seulement leur intérêt historique certain et l’évolution des progrès technologiques qu’ils illustrent, caractérisent leur nature intrinsèque d’objets de collection, mais encore, leur armement étant neutralisé, ceux-ci ne sauraient être considérés comme des matériels de 2ème catégorie puisqu’ils ne sont plus destinés à porter une arme ou à utiliser au combat les armes à feu, mais seulement à rouler afin de pouvoir être présentés au public lors de manifestations historiques, leur système d’armement et de protection a été retiré ou complètement dénaturé afin de le rendre Hors Service. En effet, non seulement par définition les véhicules de collection ne peuvent être qu’obsolètes (vieux de plus de 30 ans) et sont la propriété de personnes physiques ou morales de droit privé en charge de la préservation du patrimoine militaire, mais encore, ils sont démilitarisés (neutralisés) et sont préservés uniquement pour un usage civil de collection. A cet égard, la neutralisation des véhicules de collection s’effectue normalement par la découpe au chalumeau des canons et des blindages, puis à sa constatation soit par un certificat officiel d’un Etat soit par un Procès Verbal de Constat huissier de justice. Il faut ajouter que les soudures pour boucher les trous de neutralisation sont exécutées avec des baguettes ordinaires. Or, le métal d’apport n’étant pas le même, il suffit de taper sur la coque avec une masse pour voir la soudure se fendre et empêcher toute efficacité réelle au blindage. Enfin, aucune armée d’aujourd’hui n’est susceptible d’être intéressée par des véhicules obsolètes (vieux de plus de 30 ans) compte tenu des évolutions technologiques réalisées durant cette période et de l’équipement des armées adverses. Sans compter que si ces véhicules ont été neutralisés, ils sont devenus impropre à leur destination initiale et ont donc perdu tout intérêt militaire opérationnel. En conséquence, les véhicules de collection ayant fait l’objet d’une démilitarisation effective ne sont matériellement plus aptes à remplir une quelconque fonction militaire opérationnelle, c’est-à-dire « à porter ou à utiliser au combat les armes à feu ». Il apparaît donc discriminatoire de les considérer comme des armes de 2e catégorie en raison de la seule présence d’un blindage. Dès lors, lorsqu’ils sont démilitarisés, la seule catégorie qui apparaît applicable aux véhicules militaires de collection est bien la 8e catégorie « Armes et munitions historiques et de collection ». A cet égard, il a plusieurs fois été jugé que les matériels importés par des civils ( avis CCED 21 juin 1994, 134 MV92 – CA Versailles 9 février 1996, DGD c/ Bidoux et a.) ou classés à tort comme matériels de 2e catégorie par le décret du 18 avril 1939 et le décret n°95-589 du 6 mai 1995 (CAA Paris 29 juin 1999, 3e Ch., Société Financière Monceau, n° 98PA00292) doivent être regardés comme des matériels civils non susceptibles de relever de la définition des matériels de 2e catégorie nécessitant une autorisation du Ministre de la défense De plus, le droit communautaire prévoit la suppression des contrôles systématiques aux frontières intracommunautaires et confirme qu’un véhicule de collection démilitarisé n’est plus une arme, puisqu’il convient de remarquer qu’au sens des dispositions de l’Annexe I paragraphe III de la Directive Européenne 91/477/CEE du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, il est précisé que : « Aux fins de la présente annexe, ne sont pas inclus dans la définition d’armes à feu les objets qui correspondent à la définition mais qui : a) ont été rendus définitivement impropres à l’usage par l’application de procédés techniques garantis par un organisme officiel ou reconnus par un tel organisme ». De même, depuis l’entrée en vigueur du Traité d’AMSTERDAM (1er mai 1999) l’acquis de SCHENGEN est intégré dans le cadre de l’Union (Traité CE et Traité UE). Or, l’article 82 de la Convention du 19 juin 1990 d’application de l’accord de SCHENGEN du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, qui a été ratifiée par la France à l’issue de la loi n°91-737 du 30 juillet 1991 et publiée par le décret n°95-304 du 21 mars 1995, confirme que « les armes à feu inaptes au tir de toutes munitions par l’application de procédés techniques garantis sont exclus du régime des armes ». Toutefois, en contradiction avec le principe de primauté du Droit communautaire sur le droit interne (CE Ass 28 février 1992, SA Rothmans International France, Rec. CE, p. 80, concl. Laroque, AJ 1992, p. 210 ; CJCE 19 novembre 1991, Francovich et Bonnifaci, aff. C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, CJCE 5 mars 1996 Brasserie du Pêcheur-Factortame, aff. C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1134, CJCE 23 mai 1996, Hedley Lomas, aff. C-5/94, Rec. p. 2604 et CJCE 8 octobre 1996, Dillenkofer, aff. C-178/94, Rec. p. 4867), jusqu’à présent la France n’a jamais transposé cette partie de la directive et de la convention en ce qui concerne les véhicules de collection d’origine militaires, puisqu’ils sont considérés à tort comme des matériels de 2e catégorie par les pouvoirs publics. Néanmoins, la notion de véhicule de collection d’origine militaire a fait l’objet d’un vaste débat dans le cadre des travaux parlementaires relatifs à l’adoption de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 dite « sur la sécurité intérieure » votée en procédure d’urgence. En effet, pas moins de six amendements ont été déposés à l’Assemblée Nationale portant sur cette notion et allant tous dans le même sens. Le premier d’entre eux, l’amendement n°365 de Monsieur F. Marlin, précisait d’ailleurs l’ensemble des notions de collection, d’ancienneté requise, de démilitarisation et de neutralisation . Après discussion, c’est finalement l’amendement n°446 présenté conjointement par le rapporteur de la loi Monsieur C. Estrosi et par Monsieur F. Marlin qui a été voté et dont le texte, repris à l’article 15 a) du décret du 18 avril 1939, dispose que « pour les besoins autres que ceux de la défense nationale, les collectivités locales et les organismes d’intérêt général ou à vocation culturelle, historique ou scientifique peuvent être autorisés à acquérir et à détenir des matériels des 2e et 3e catégories. Il fixe également les conditions dans lesquelles certains matériels de 2e catégorie peuvent être acquis et détenus à fin de collection par des personnes physiques». L’exposé des motifs de cet amendement est d’ailleurs particulièrement intéressant en ce qu’il précise que « de nombreux particuliers contribuent à la préservation du patrimoine et à la conservation de matériels présentant un intérêt historique indéniable. Cet amendement leur permet de poursuivre cette action. Il prévoit explicitement un encadrement réglementaire, qui pourrait prévoir, par exemple, une déclaration obligatoire de ces matériels en préfecture. Il devra également définir la notion de matériels de collection et les conditions de leur démilitarisation ». Lors du débat oral de la 1ère séance du jeudi 23 janvier 2003 portant sur le contenu de l’article 30 du projet de loi (futur article 80 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003), Monsieur Jean-Christophe Lagarde précisait « je voudrais être sûr que le nouveau dispositif ne nous empêchera pas d’aller admirer des avions de la seconde guerre mondiale au salon aéronautique du Bourget ou de voir défiler des véhicules de collection lors de telle ou telle cérémonie patriotique ». Or, le Ministre de l’intérieur, Monsieur Nicolas Sarkozy, répondait alors « je voudrais dire à M. Lagarde comme à M. Marlin que, bien évidemment, nous n’entendons pas empêcher les collectionneurs privés de s’adonner à leur passion. oubli ». Nous les avions omis, mais un amendement devrait réparer cet A cet égard, plusieurs réponses ministérielles ont clairement indiquées que le décret d’application de cette loi recouvrirait la notion de « Patrimoine Militaire » et permettrait sa mise en valeur (Rep. Min. Michel Raison n°10078, JORF 31 mars 2003, p. 2522, Rep. Min. Jean-Pierre Abelin n°10767, JORF 31 mars 2003, p. 2523, Rep. Min. Franck Marlin n°49076, JORF 18 janvier 2005, p. 553). Le décret n°2005-1463 du 23 novembre 2005, qui en application de l’article 80 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003, vient modifier le décret n°95-589 du 6 mai 1995 relatif à l’application du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, est aujourd’hui reprit dans le Code de la Défense institué par l’Ordonnance n°2004-1379 du 20 décembre 2004. Or, le 28 novembre 2005, lors du vote de la loi n°2005-1550 du 12 décembre 2005 ratifiant l’ordonnance n°2004-1374 du 20 décembre 2004 « relative à la partie législative du Code de la Défense », le rapporteur de la loi, Monsieur François VANNSON, devait préciser pour les collectionneurs de matériels et de véhicules militaires historiques : « on voit mal les menaces qu’ils pourraient faire peser sur la sécurité publique. S’agissant de questions d’ordre réglementaire, je souhaite, Madame le Ministre, que vous rappeliez aux services concernés que le bon sens et le discernement doivent inspirer les mesures d’autorisation et de contrôle ». Ainsi, l’article 32 du décret n°95-589 du 6 mai 1995, tel que modifié par le décret n°2005-1463 du 23 novembre 2005, précise désormais que les personnes morales et physiques participant à la conservation, la connaissance ou l’étude du matériel de guerre pourront être autorisées à acquérir et à détenir les matériels dont l’entrée en service du premier exemplaire du même type a été effectué trente ans au moins avant le dépôt de la demande d’autorisation et dont la fabrication du dernier exemplaire du même type a été arrêtée vingt ans au moins avant la date de dépôt de cette demande ; ainsi que tous les prototypes. De plus, depuis, le 12 mai 2006 un arrêté est venu fixer les conditions de neutralisation des systèmes d’armes et armes embarqués des matériels de guerre de 2ème catégorie. Aussi, conformément à la réglementation et à la jurisprudence européenne les véhicules conçus et fabriqués avant 1950 ou de plus de 75 ans et dont l’arme, l’affût et le blindage a été neutralisé devraient être classés en 8e catégorie en tant qu’objet de collection appartenant au patrimoine. En effet, il existe trois stades dans la postérité historique d’un matériel : il est tout d’abord un matériel opérationnel (régime d’autorisation), il est ensuite un objet en voie de patrimonialisation qui peut être soumis à un régime spécifique (régime de déclaration). Il est enfin un matériel purement patrimonial dont l’usage militaire est tout simplement anachronique (8e catégorie). Or, même si la possibilité de déclasser certains de ces matériels pour éviter les contraintes du classement en matériel de guerre en leur conférant un statut de « matériel historique » serait à l'étude (Réponse ministérielle à la Question parlementaire n° 5332 du député Etienne Mourrut, JO du 18/12/2007, page 8051), les Pouvoirs Publics français restent hésitant. En effet, si la notion de « Patrimoine Militaire » semble aujourd’hui admise, celle de « Véhicule de collection d’origine militaire » ne l’est malheureusement toujours pas. Or, cela revêt de lourdes incidences juridiques en matière de restriction quant à l’acquisition et à la détention de ces véhicules anciens et quant à la possibilité de franchir les frontières intra-européennes pour se rendre à des commémorations. Le maintien de telles restrictions ne peut donc, qu’indubitablement constituer dans l’avenir, une menace importante pour la préservation du patrimoine automobile, aéronautique et maritime d’origine militaire, ainsi que la source inutile d’un lourd contentieux.