Histoire n° 206 - L\`hôtel de ville de Mézières et son quartier (pdf

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HiSTOiRE
mage aux 397 enfants de la ville qui ne sont
pas revenus de la guerre était achevé. C’est
le ministre des Travaux publics, André
Tardieu, qui représenta le gouvernement ce
jour-là. En bronze, fondu par le Parisien
Ferdinand Barbedienne, un ange descend du
ciel (ses pieds ne touchent pas le sol) brandissant la palme de la Victoire au poilu
blessé qui tombe au sol et qu’elle retient.
Dans le même geste, elle lui montre le ciel
où il s’en va ; l’ange est venu pour l’y accompagner.
C’est Alphonse Colle (Charleville 1857 Paris 1935) qui a réalisé le monument aux
morts de Mézières comme il a réalisé celui
de Charleville, mais aussi la statue de
Gonzague (en haut de la rue Pierre
Bérégovoy) et le buste de Rimbaud dans le
square de la gare.
Il avait épousé Jeanne Gailly, fille de l’entrepreneur Gustave Gailly qui fut également
brièvement maire de Charleville (la guerre
de 1870 éclata trois mois après son élection !) et plus durablement député et sénateur des Ardennes. Robert, attributaire de la
reconstruction de l’hôtel de ville était le fils
d’Alphonse, qu’il aida à de nombreuses
reprises.
UN CŒUR DE LA CITÉ
L’hôtel de ville de Mézières
et son quartier
Lors des guerres de 1870-1871 et
de 1914-1918, la ville de Mézières a
été sévèrem en t b o m b ard ée .
Aujourd’hui, le quartier autour de
l’hôtel de ville, à dominante administrative, laisse paraître l’éclectisme des périodes de réalisation
de ses bâtiments. Le plus ancien, la
cité administrative aujourd’hui
« relookée » date de 1590 ; la
bibliothèque, prise aux fortifications, date de 1606 ; la préfecture
avec le conseil départemental de
facture Renaissance, les turbines
ou le palais de justice du milieu du
XXe siècle contrastent fortement
entre eux.
Mézières, place d’Armes. Nous sommes dos à la préfecture. Au centre de la photo, sur la droite, c’est la rue de
Jaubert avec le théâtre de Mézières. Flattés d’être pris en photo, gendarme et enfants prennent la pause…
Le point central de ce quartier, de cet
espace, est l’hôtel de ville comme il convient
d’appeler cet immeuble qui abrite les services municipaux, complémentaires, depuis
la fusion, de ceux de la mairie sur la place
Ducale : à chacun son appellation pour
savoir où se rendre !
Au premier plan, derrière l’ancien château d’eau disparu la rue de Jaubert avec l’ancien théâtre, aujourd’hui
la Poste et l’hôtel de ville.
La place de l’Hôtel de ville
La construction de l’hôtel de ville fut achevée en 1930. Il fut labellisé « Patrimoine XXe siècle » en octobre 2012
CAROLO Mag n° 206 - janvier 2017 - p. 26
Mézières, les turbines A. Clément. Si les turbines n’ont pratiquement pas changé, les bâtiments derrière n’existent
plus. Remarquez à gauche les porteurs de lait…
Partant de la « préf », si l’on emprunte la
rue de Jaubert et que l’on regarde la boîte
aux lettres de la Poste qui tient bureau le
long et à l’angle, on peut se rappeler que
c’est à cet emplacement que le théâtre de
Mézières, aujourd’hui disparu, avait son
entrée. À l’autre bout de la rue, la place
ouvre sur un bâtiment d’habitation de
même style que l’hôtel de ville avec, au centre, une scène de chasse au sanglier. La place
de l’Hôtel de ville est aussi la place d’armes
où les militaires du 3e Génie réalisent des
manifestations officielles. Avant la reconstruction, c’était la place devant la préfecture
qui était place d’armes.
Devant le bâtiment municipal, une
contre-allée met une petite distance avec la
route dont le trafic et les besoins en stationnement ont notoirement augmenté et qui
font de la place un parking très chargé en
journée. L’ensemble est minéral, les premiers éléments végétaux se trouvent en
bord de Meuse.
Le bâtiment : du Baroque
à l’art Déco
Après les bombardements de novembre
1918 qui ont détruit la moitié de Mézières,
en 1923, l’architecte Marie-Eugène Chifflot
(1872-1956), qui a obtenu un second Grand
Prix de Rome en 1902, et Robert Colle,
architecte carolopolitain, se voient attribuer
la reconstruction de l’hôtel de ville. Il fallut
attendre 1930 – la date figure sur le fronton,
au-dessus de l’horloge – pour que les travaux de maçonnerie soient achevés.
La luxuriance des détails architecturaux
de la façade avant de l’hôtel de ville affirme
le style Baroque de ce bâtiment, comme un
écho au premier hôtel de ville construit au
XVIIe siècle. Libérée des règles classiques de
l’architecture, elle reprend mais de manière
mesurée des éléments de style Renaissance
pour rechercher la variété, façonner l’originalité d’un bâtiment. Ce style vise à impressionner grâce à un effet théâtral afin d’exprimer le pouvoir. Et c’est bien le but d’un
hôtel de ville ! Sur la faîtière, au sommet à
droite, une statue veille sur le bâtiment et ses
environs. C’est le chevalier Bayard qui sauva
Mézières lors du siège de Charles Quint.
Sous la corniche, une frise sculptée composée d’animaux fait écho aux grotesques
que l’on voit sur les lucarnes et qui viennent
tout droit de la Renaissance. Mézières étant
une place forte du département, on trouve
entre les motifs de la frise les armes des
principales villes de nos Ardennes.
Entrons maintenant dans l’hôtel de ville.
Nous revenons à une décoration baroque
avec cette grande cage à double escalier dans
le bas conduisant jusqu’au deuxième étage
où l’on peut admirer l’impressionnante verrière à motifs géométriques où figurent les
armes de Bayard. La façade arrière est plus
discrète. La pierre de taille y a été remplacée
par la brique.
Le 16 juillet 1933, le « jeune »président
de la République Albert Lebrun, élu un an
plus tôt le 10 mai 1932 à la suite de l’assassinat de Paul Doumer, et sir William Walker,
le maire de la ville anglaise de Manchester,
marraine de Mézières qui contribua à la
reconstruction de l’hôpital éponyme, inaugurent officiellement le bâtiment.
Mme Lebrun était originaire de Mézières,
rappelons-le !
Aux enfants de Mézières,
morts pour la France
Cinq ans après les destructions, la
reconstruction de l’hôtel de ville était lancée.
Neuf ans après ces bombardements, le 9
octobre 1927, le cénotaphe rendant hom-
Le monument aux morts, réalisé par Alphonse
Colle, vu du second étage de l’hôtel de ville
La folie destructrice des hommes a marqué de son empreinte le quartier de l’hôtel
de ville à Mézières, marquant les bâtiments
de styles différents, au fil des reconstructions. De l’immeuble qui abrite les services
municipaux, on a une vue plongeante sur le
monument aux morts, si imposant, témoin
du lourd bilan humain de la guerre. N’est-il
pas logique alors que, parmi les différents
services de la municipalité qui s’y trouvent
aujourd’hui, on puisse compter les agents de
l’état civil qui inscrivent soigneusement
décès et naissances, au gré des événements
qui font s’arrêter ou battre les cœurs à
Charleville-Mézières ?
Jean-François Saint-Bastien
Société d’histoire des Ardennes
CAROLO Mag n° 206 - janvier 2017 - p. 27

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