Le Ciel dans la peau d`Edgar Chías - Theatre
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Le Ciel dans la peau d`Edgar Chías - Theatre
Liaisons 2 Revue éphémère de la manifestation Hecho en México - Fabriqué au Mexique Numéro du 10 mai 2011, fabriqué par le collectif L’Organisation. Le Ciel dans la peau d’Edgar Chías « Odile, une jeune mexicaine, lutte contre la mort dans un hôpital, après avoir été massacrée par son violeur. Intercalé dans ce récit, un conte relate les aventures de « Personnage principal », jeune fille laide, héroïne du roman que lit Odile, et dans lequel elle semble se retrouver. »1 Anaïs Cintas, metteuse en scène, et Odille Lauria, comédienne mexicaine vivant en France, sont arrivées au théâtre, ce matin, une demi-heure plus tôt pour une interview. Elles évoquent la pièce qu’elles présentent le soir même. Elles ont peu de temps. Plutôt que répondre aux questions, elles préfèrent nous dire ce qui leur semble essentiel pour comprendre la pièce. Comment se respecter, se trouver beau, quand on n’a pas de critères pour se reconnaître ainsi ? C’est comme si on n’avait pas le droit de se sentir beau quand on est mexicain, c’est-à-dire métissé. La pièce le montre sans détour. Dans les familles, on cherche toujours un ailleul espagnol. Ça fait chic. L’indien est celui qu’on exploite, qu’on tue à la tâche. Son corps Odille Lauria : Le texte est cru, dur. Il faut savoir ne peut pas être beau. Le peuple mexicain n’existe pourquoi. Pour comprendre ce qui est en jeu. que depuis cinq siècles. C’est très compliqué de dire Anaïs Cintas : Ce n’est pas la langue qui heurte, ce que c’est qu’être mexicain. c’est l’approche de l’auteur, sa manière d’aborder la réalité qu’il veut montrer. De la donner telle quelle. A. C. : Le trouble que peut provoquer la pièce est Quelque chose que j’appellerais spontanément ironie accentué par les personnages qui disent « tu » au lieu mais le mot ne convient pas. Et puis c’est un homme de dire « je ». C’est très intéressant ce trouble dans la langue. C’est pourquoi, j’ai voulu privilégier l’adresse qui parle du viol, ce n’est pas commun. directe au public. Ça permet de travailler ce rapport O. L. : Au delà des féminicides, Edgar Chías donne au conte, très fort dans la pièce, de faire entendre ce à voir toutes la violence quotidienne que subissent trouble dans la langue. les femmes. À commencer par les images de ces C. B. corps longilignes, de ces femmes blondes, qu’on voit partout en ville et dans les telenovelas, alors que mes compatriotes sont plutôt rondes, métissées. Pour une femme, même les compliments peuvent être des coups portés. Sur le marché, on ne te dira Le Ciel dans la peau de Edgar Chías. pas que tu es belle, on te dira que tu es blonde. Traduction de Boris Schoemann. 1 Comité de lecture d’ANETH, novembre 2010. Avec l’aimable autorisation des Éditions Le Miroir qui fume. Titre original : El Cielo en la piel. « JE FAIS DU THÉÂTRE POUR SAUVER MA PEAU » Interview d’Edgar Chías, par Guillermo León. Lyon. Une terrasse de café. Grand soleil. On entend Where is my mind ? des Pixies. Guillermo Léon : Pourquoi écris-tu du théâtre ? Edgar Chías : Pour sauver ma peau. Je suis né dans un quartier défavorisé, le quartier Morelos 1. G. L. : Nous sommes voisins. Je suis né dans le quartier Pensador Mexicano. E. C. : J’aurais dû devenir braqueur d’autobus. Le théâtre m’a donné la possibilité de changer ma vie. La culture et l’art n’étaient pas notre pain quotidien. Je crois beaucoup à la mobilité sociale. G. L. : Il y a aussi Roberto Fiesco2, il vient du même quartier que toi, et Jorge Izquierdo3. Que se passe-t-il ? Pourquoi ce sont ces quartiers-là qui nourrissent le pays en artistes ? E. C. : Roberto Bolaño fait dire à un bourgeois dans son roman Les détectives sauvages : « Les pauvres commencent à écrire presque aussi bien que nous. » Il me semble que nous avons tous la possibilité de changer, de nous développer. Pour moi, tout a commencé au lycée. Pour suivre une fille qui me plaisait, je me suis inscrit à un cours de théâtre. Et le théâtre m’a permis de voir plus loin que ne me le permettait mon héritage social. G. L. : En quelque sorte, notre génération a eu de la chance ? E. C. : Nous avons vécu la fin d’une époque d’abondance et d’équilibre avec le boom pétrolier. Le P.R.I.4 était au gouvernement. Nous sommes nés au bon moment. Maintenant, avec le P.A.N. 5, les gouvernants se sont rendus compte que la culture n’est pas rentable. Donc, au revoir la culture ! G. L. : En même temps, il y a actuellement une effervescence de l’écriture théâtrale ? E. C. : Beaucoup d’auteurs ont découvert que le théâtre pouvait être un moyen de parler des contradictions sociales, des contradictions entre l’individu et la société. Le théâtre permet de formuler des questions, d’ouvrir des espaces de dialogue, laissant à chacun la liberté de construire ses propres réponses. D’autres auteurs ont pensé que c’était chic d’écrire. Certains ont réussi, trouvé une forme de prestige, et ont été imités. G. L. : Tu es professeur d’écriture dramatique à l’Université Nationale Autonome de Mexico. Qu’écrivent tes élèves ? E. C. : J’ai des élèves brillants, même si beaucoup se contentent de copier les formes à la mode, au lieu de chercher leur propre voix, de chercher à dire quelque chose. Ils écrivent à la manière de. Pour le prestige. Le théâtre ne doit pas répondre à une forme ou à une mode, mais à une nécessité personnelle. Écrire du théâtre c’est toujours prendre en compte ce que tu es et rendre visite à la société. G. L. 1 2 3 4 5 Y sont nés nombre d’artistes plasticiens, de boxeurs et de narco-trafiquants. Premier producteur de cinéma gay au Mexique. Photographe mexicain. Parti Révolutionnaire Institutionnel au pouvoir pendant cinquante ans. Parti Action Nationale. Plein les doigts : retours sur la mise en espace d’Aller simple pour le paradis On entre et on se met à table. Une grande table en Ça tripote le sable dans l’auditoire, ça écoute et carré, avec un vide au centre. projette des images dans l’espace vide au milieu. L’espace autour duquel les acteurs lisent. Musique. Ça pulse. Il y a un type avec plein de On est dans la matière donc. Et on projette des mots dessus. Un moustachu qui oscille (j’aime les choses qui ne se voient pas. On imagine, quoi. Pas moustachus qui oscillent). Une grande fille en rouge qui fait la moue. Un long homme-femme avec des mal de sexe. Dans le trou de la future scène. Deux ongles rouges. Un type un peu chauve qui rigole sou- trains passent, on les voit très bien avec les oreilles. vent. C’est une mise en espace avec les doigts. Une mise en espace tactile. Et on ne cesse de les couper, les Ça parle fort. Il y a des mots avec du souffle doigts, et autres appendices, bites, clitoris. Et autour derrière. Ça pousse les phrases devant comme une de la table, on tripote le plâtre avec sensualité. On lame qui entre. devrait se méfier. À la fin, on a de la lecture plein les doigts et quand on applaudit ça fait des nuages dans Il y a du sable sur la table. Du coup on fait des la lumière. petits tas, des dessins avec les doigts, des châteaux Ph. L. mexicains. C’est du sable, du plâtre, de la poudre qui fait bander. Dessous il pourrait y avoir des crânes. Bibliographie de pièces mexicaines éditées en français Reyes, éd. Le miroir qui fume, 2005. • Coffret 5 volumes Théâtre mexicain du XXe siècle incluant : L’Imposteur, de Rodolfo Usigli ; • Bêtes, chiennes et autres créatures (Si l’amour était une aile), Luis Enrique Gutiérrez Ortíz MoMoctezuma II, Sergio Magaña ; Face à quelques nasterio, éd. Le miroir qui fume, 2005. sphinx, Jorge Ibargüengoitia ; Les maçons, Vicente Leñero ; Le cavalier de la Divine Provi- • Phèdres et autres grecques, Ximena Escalante, dence, Oscar Liera, éd. Le miroir qui fume, 2010. éd. Le miroir qui fume, 2004. • Bienvenue dans le nouveau siècle Doktor Freud, • Belize, David Olguín, éd. Le miroir qui fume, Sabina Berman, Éditions Le miroir qui fume, 2004. 2008. • Perdre la tête, Jaime Chabaud, éd. Les Solitaires • Le ciel dans la peau, Edgar Chías, éd. Le miroir Intempestifs, collection La Mousson d’été, 2003. qui fume, 2007. • La représentation, David Olguín, éd. Les Soli• Moi aussi je veux un prophète, Ximena Escataires Intempestifs, Collection La Mousson lante, éd. Le miroir qui fume, 2006. d’été, 2003. • Molière, Sabina Berman, éd. Le miroir qui fume, • Des lettres au pied d’un arbre, Ángel Norzaga2005. ray, éd. Les Solitaires Intempestifs, Collection La Mousson d’été, 2003. • Déserts suivi de Dormeuses, Cutberto Lópes (Bibliographie non-exhaustive.) Prochaine mise en espace à découvrir : PROGRAMME D’HECHO EN MÉXICO Heures de nuit d’Edgar Chías SOIRÉE D’OUVERTURE – LUNDI 9 MAI (19 H 30) Demain soir, au menu : une deuxième pièce d’ Edgar Chías, cette fois-ci inédite. Venez prolonger la découverte de la cuisine de l’écrivain. de Jorge Celaya Les ingrédients : une femme encore, « jeune, probablement jolie, voire presque belle. Pas très maligne. On ajoutera qu’elle est ingénue et cruelle : vivante. » Cette femme entretient une relation trouble avec un homme « d’un certain âge ». Ce dernier « se croit malade. L’ est certainement. En réalité assiste impuissant au déclin d’une intelligence implacable – et impitoyable. » Troisième personnage : « un grand hôtel d’une ville de province ». Dans Heures de nuit chacun(e) a ses instruments : Pour l’un, la domination économique et neuronale que la société attribue naturellement aux porteurs de caleçons, et pour l’autre, la conscience, avant même sa naissance, de la faiblesse de son sexe. L’une en gants mappa et l’autre, vieux nounours aux griffes acérées. Aller simple pour le paradis SOIRÉE NO 2 – MARDI 10 MAI (19 H 30) Le Ciel dans la peau de Edgar Chías SOIRÉE NO 3 – MERCREDI 11 MAI (19 H 30) Heures de nuit de Edgar Chías Théâtre de l’Élysée 14 rue Basse Combalot, Lyon 7e. Tarif : 6 euros. 04 78 58 88 25 – [email protected] www.elysee.com SOIRÉE NO 4 – SAMEDI 14 MAI (20 H) Cafards de Rodolfo Guillén Nouveau Théâtre du Huitième (NTH8) 22 rue du commandant Pégout, Lyon 8e. Tarif au choix : 0, 5, 10, 50 ou 100 euros. 04 78 78 33 30 – [email protected] www.nth8.com SOIRÉE NO 5 – VENDREDI 20 MAI (19 H 30) Bêtes, chiennes et autres créatures de Luis Enrique Gutiérrez Ortíz Monasterio Médiathèque de Vaise Un conseil : Soyez à l’affût des mouvements de Place Valmy, Lyon 9e. Entrée gratuite. voix. Des sécrétions. Des émois caméléons sur la 04 72 85 66 20 – [email protected] peau. On a repéré en cuisine un chef metteur en scène à l’oreille sensible. Le maître saucier et la somSOIRÉE NO 6 – JEUDI 26 MAI (19 H 30) melière sont des comédiens aux appâts irrésistibles Life on Mars ? de Guillermo León – chevelure tortueuse, voix de mâle. Le tout est servi Librairie Le Bal des Ardents par des maîtres d’hôtel accueillants. C’est ouvert. En17 rue Neuve, Lyon 1er. Entrée gratuite. trez. C’est l’une de ces adresses à Lyon où l’on vous 04 72 98 83 36 – www.lebaldesardents.com prépare chaque soir de la bonne cuisine. Et de vous à moi, osez traîner un peu tard. Le chef sera présent SOIRÉE NO 7 – VENDREDI 27 MAI (20 H 30) possibilité de demander le dessert suprême : danse Prendida de Las Lámparas de Elena Guiochins avec l’auteur. J’ai testé. Maison des passages L. B. B. Mise en espace : Pierre Tallaron. Avec Raphaël Fernandez et Caroline Gonin. Traduction : Adeline Isabel-Mignot et Olivier Mouginot. 44 rue Saint-Georges, Lyon 5e. Tarifs : 8 euros / 6 euros tarif réduit. 04 78 42 19 04 – www.maison-des-passages.com SOIRÉES NO 8 & 9 – MERCREDI 8 & JEUDI 9 JUIN (19 H 30) Lapin 401 / Conejo 401 de Guillermo León Institut Cervantès 58 montée de Choulans, Lyon 5e. Tarifs : 6 euros / 4 euros tarif réduit. 04 78 38 72 41 – www.lyon.cervantes.es Contributeurs : Cedric Bonfils, Adeline Isabel-Mignot, Philippe Labaune, Laetitia Lalle Bi Benie, Guillermo Léon, Olivier Mouginot. RENDEZ-VOUS A L’I.N.S.A – LUNDI 16 MAI (12 H 45) Crédits photographiques : Ángel F. Flores Martínez (Mexique). Revue conçue par le collectif L’Organisation. Maquette : Zed. Avec le soutien de la Ville de Lyon et de l’Institut Français. En partenariat avec les Éditions Le Miroir qui fume, le Théâtre de l’Élysée, le Nouveau Théâtre du Huitième, l’I.N.S.A., la Bibliothèque de Lyon, la librairie Le Bal des Ardents, la Maison des Passages, l’Institut Cervantès. Institut National des Sciences Appliquées Campus La Doua, 1 rue des Humanités, Villeurbanne. Salle René Char. Entrée gratuite.04 72 43 83 83 – [email protected] Bélize de David Olguín