l`interview - Sport et Citoyenneté

Transcription

l`interview - Sport et Citoyenneté
L’INTERVIEW
Par Emine BOZKURT, Députée européenne
Retrouvez la version originale de l’interview dans notre revue « Femmes et Sport »
Emine Bozkurt (née le 9 août 1967 à Zaandam, dans le nord des Pays-Bas) est une
femme politique hollandaise, membre du Parlement européen (groupe socialiste). Elle
siège à la commission « Libertés civiles, Justice et Affaires intérieures » ainsi qu’à la
commission « Droits de la Femme et Egalité des Genres ». Emine Bozkurt est également
membre suppléante de la commission « Culture et Education » qui s’occupe directement
des questions sportives.
D’après-vous, comment le sport peut-il participer au développement d’une culture d’égalité
hommes/femmes ?
Avant tout, je pense que le sport doit participer à établir cette égalité entre les hommes et les
femmes. Pourtant, en pratique, il existe encore de nombreuses différences : certaines sont
acceptables, comme la séparation des compétitions féminines et masculines ; d’autres le sont
moins, comme le fait que dans ces compétitions, les femmes gagnent moins d’argent. Parce
que juridiquement, pour faire le même travail, on doit gagner le même salaire, c’est très
important. Il existe déjà, depuis quelques années en Europe, des régulations de salaires pour
certains métiers entre hommes et femmes. Dans le sport, ce n’est pas appliqué.
De même, l’absence des femmes aux postes à responsabilités au sein des grandes fédérations
sportives (comme le football) est révélatrice d’une certaine inégalité. Il n’y a qu’à regarder les
organigrammes…
S’agit-il d’une spécificité sportive ou d’un problème plus général, d’un problème de société ?
La participation des femmes diffère d’un pays à l’autre mais une situation prédomine : les
filles sont davantage encouragées à pratiquer des sports que l’on pourrait définir comme
« féminins » alors que les garçons sont plus tournés vers des sports « masculins » et
encourager dès le plus jeune âge à prendre des responsabilités dans les organisations
sportives. C’est un schéma classique que l’on retrouve dans l’organisation de notre société.
Comment peut-on modifier cette situation ? Faut-il instaurer des quotas ?
Je ne suis pas en faveur des quotas, mais je pense que nous devons nous saisir de la question à
travers la mise en place de programmes spécifiques, afin que les gens prennent conscience du
problème. Je pense que les filles dès le plus jeune âge doivent être encouragées à prendre des
responsabilités dans les associations sportives. Les femmes peuvent y jouer un rôle très
important. Nous avons besoin de modèles féminins. Aux Pays-Bas, nous avons par exemple
Mme Erica TERPSTRA, ancienne grande championne de natation, aujourd’hui présidente du
comité national olympique et ancienne Ministre des Sports…
Les médias ont également un rôle à jouer dans ce changement de mentalités. Les compétitions
sportives féminines sont encore trop peu diffusées…
Mais le plus important à mes yeux est que l’Europe garantisse une véritable politique sportive
antidiscriminatoire. Les gens doivent avoir accès au sport, quelque soit leur orientation
sexuelle, leur handicap…
Qu’est-ce que le Parlement européen peut-il faire concrètement ?
Nous avons déjà mis en place une régulation visant à lutter contre les discriminations. Il est
nécessaire d’avoir un instrument très complet dans ce domaine et qu’il soit relayé
concrètement par les fédérations sportives.
Le Parlement européen doit également garantir et protéger le libre accès à la pratique sportive
pour tous : c’est un vecteur important d’intégration, de citoyenneté, de paix…
Justement, que pensez-vous des difficultés rencontrées par les femmes au sein de certains
milieux sociaux ou certaines communautés dans l’accès à la pratique sportive ?
Je pense que le sport peut aider les gens dans plusieurs domaines et notamment au niveau de
l’intégration sociale. Le plus important à mes yeux est que les femmes sortent de leur position
d’isolement. A partir du moment où elles ont librement accès au sport, leurs croyances
profondes ainsi que leurs origines sociales m’importent peu.
L’accès au sport est très important pour le développement des jeunes citoyennes. Et ces
femmes doivent prendre part à ce débat politique.