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Explication de « La Déesse délaissée »
Sébastien « Maz’rin » Garnier
SAMHAIN basé sur le conte
« La Dé́esse délaissée »
par Sébastien « Maz’rin » Garnier
marcassin de la CAD
Octobre 2010
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Le conte que j’avais imaginé pour la session tolosate correspond à la thématique de Samhain : c’est l’histoire de la légitimation du roi par une Déesse
guerrière, qui, même si son nom n’est pas écrit pourrait très bien être Morrigane
ou une de ses soeurs.
Je ressens que chaque instant clé de l’histoire pourrait se dérouler durant
le temps suspendu de Samhain : que ce soit la rencontre entre le futur roi et
la Déesse (nous ne sommes pas loin de l’union entre Morrigane et Dagda), ou
encore la disparition de l’épouse du roi, ou encore le départ discret de celui-ci à
la fin de l’histoire.
La plupart des récits et des mythes se situent à Samhain, et il est donc logique que ça soit aussi celui de ce conte, d’autant plus que les symbolismes me
semblent liés.
Muircertach qui rencontre la bandéa Sin sur un tumulus (une histoire d’amour,
de mort et de porcs qui nourrissent et renaissent) ou encore la légende de Flann
qui meurt lors d’une attaque. Ce sont des rois qui meurent de façon rituelle
durant Samhain. On trouve donc dans les mythes à Samhain, non-temps entre
les temps, autant des unions régénératrices du roi, que leurs morts.
Un sacrifice nécessaire
Le roi est intimement lié à sa terre et en tant que tel sa terre dépérit si dans
ses fonctions le roi faiblit. D’ailleurs, la partie sur le royaume qui part en décrépitude n’est pas sans rappeler les Vaticinations de la Morrigane, dans laquelle
elle prophétise la fin du monde comme celle de la fin des ressources naturelles
et des valeurs morales.
L’équilibre de la société et de ce monde repose sur celui des ressources naturelles et des valeurs morales. Et Samhain constitue un de ces (non-)temps
d’équilibre.
On peut associer le cheval blanc à une forme de cette Déesse. Pour que le
roi puisse progresser, pour que la terre puisse reprendre des forces, il fallait un
sacrifice. Le mot sacrifice n’étant pas forcément à prendre dans le sens de sacrifice d’une vie, mais dans l’achèvement de quelque chose qui nous touche au
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Sébastien « Maz’rin » Garnier
plus profond de nous-même. Dans cette histoire, le roi n’était pas dans une position où il aurait pû faire le moindre sacrifice, encore moins celui de sa propre
existence puisque :
- non seulement sa propre mort n’aurait pas eu de sens je pense,
- mais en outre, il fallait qu’il affronte sa propre peur de se retrouver seul face
à lui-même
La Déesse est donc intervenue afin de changer une fois de plus le cours de sa
destinée.
À chaque fois, la Déesse ne participe pas en continu à l’évolution du héros.
Elle se contente de lui fournir aux instants importants de son cheminement les
clés qui vont lui permettre d’amorcer ses propres transformations :
- enseignement de l’art du combat, mais les combats qu’il mène par la suite sont
bien ses propres combats à lui.
- intervention pour lui refaire prendre conscience.
Au sens strict, on pourrait penser que l’acte de tuer par la Déesse est une
ignominie, car c’est un acte très brutal. Mais en fait, c’est un acte qui est le
seul qui pouvait non seulement rapporter la vie au roi, mais également à son
royaume (lien entre le roi et sa terre). Par cet acte final, elle permet donc de
débuter d’autres choses. Par cet acte de mort, elle ramène donc la vie.
Il y d’ailleurs énormément d’achèvements dans cette histoire (la fin de l’innocence de l’enfant, la fin de l’escalade du pouvoir, la fin d’une relation de
couple)... Mais chacune de ces fins conduit à un commencement.
Chaque instant du conte pourrait être lié à Samhain, le temps suspendu qui
sépare l’ancien temps et le temps à venir. Et, une fois qu’elle a accompli son
acte, la Déesse se remet en dehors du temps en se transformant en arbre, elle
attend. Son échelle de temps n’est pas la même que celle du roi, elle est en
dehors du temps (tout comme Samhain).
La destinée de l’ancien roi est elle indéfinie : on suppose qu’il est mort ou
alors qu’il erre. En tout état de cause, il est reparti sur un chemin, et quelque
soit le destin qu’il a pris cette déesse, qui est à la fois du côté de ce monde (sous
forme d’arbre) et de l’autre côté (en tant que déesse psychopompe), l’attend aux
Portes des mondes (s’il est mort en tant que psychopompe, ou s’il erre en tant
qu’arbre).
En même temps, la Déesse remplit bien un rôle psychopompe au moment de
la mort de l’épouse du roi, puisque c’est au milieu de l’écume (donc de cet océan
primordial dont cette déesse est issue au début de l’histoire) qu’elle (r)amène
l’épouse du roi. Finalement celà laisse même présager que ce n’est pas forcément
une mort au sens strict qui attendait l’épouse du roi, mais le passage des Portes.
Lorsque le déclic, la transformation s’est accompli au sein du roi, celui-ci
reprend le chemin en prenant son baton de bois, comme lorsqu’il était enfant, et
son épée, comme quand il était roi. Il a donc réconcilié en un seul bloc les deux
parties de sa propre existence pour redémarrer son chemin au bout duquel il
trouvera une troisième fois sa déesse lorsqu’il mourra. Mais c’est une troisième
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fois qui n’appartient pas au lecteur, mais uniquement à l’ancien roi, d’où pourquoi on n’en sait pas plus dans le conte.
La prophétie de Gwenc’hlan :
Pan n’ vin ket klasket ’vin kavet ;
Met pa’z on klasket ned on ket
Ne vern petra a c’hoarvezo
Pezh a zo dleet a vezo
Ret eo d’an holl mervel teir gwezh
Kent evit arsav en diwezh
( Quand on ne me cherchera pas, on me trouvera ; et quand on me cherche,
on ne me trouve pas. Peu importe ce qui adviendra ! ce qui doit être sera. Il faut
que tous meurent trois fois avant de se reposer enfin ).
Quelques symboles disséminés
Dans ce conte, le roi retrouve son baton à côté de la soue, donc là où vivent
les porcs / sangliers du royaume. C’est aussi la nourriture sacrificielle de Samhain. (Le sanglier conçoit ses marcassins également à cette époque).
Le sanglier (ou le porc) est associé à la connaissance : raison pour laquele les
rois et héros cherchent à le capturer. « Le twrch triath, qui s’oppose à Arthur,
par exemple représente le sacerdoce en lutte contre la royauté à une époque
de décadence spirituelle. ». Le fait qu’il retrouve son bâton de bois près d’une
porcherie confortait l’idée qu’il réunit à ce moment là également le guerrier et
le spirituel, ou autrement dit le roi se réconcilie avec la connaissance.
Dans le conte, il abandonne « toutes ses batailles, tant extérieures qu’intérieures »... et repart à la fin du conte avec son épée et son baton. Donc il reprend
ses batailles extérieures et intérieures mais d’une autre façon.
Le cheval est un animal lié à la guerre, et en même temps il a un rôle chtonien. Le cheval blanc représente l’abondance.
D’ailleurs on retrouve le cheval blanc dans cette référence :
« Dans les rites d’intronisation des rois d’Irlande, au XII˚ siècle, le futur
roi, au cours d’une cérémonie solennelle, devait s’unir à une jument blanche.
Celle-ci était ensuite sacrifiée et sa chair, bouillie, partagée dans un festin rituel, auquel le roi seul ne prenait pas part. Mais il lui fallait ensuite se baigner
dans le chaudron contenant le bouillon de l’animal. L’analyse de ce rite est éloquente. Il apparaît en effet que, par leur accouplement, l’homme et la jument
reproduisent le mariage ourano-chthonien ; le futur roi se substitue à la divinité
céleste pour féconder la Terre, représentée par la bête. Mais, dans la dernière
épreuve de ce rituel, celle du bain de bouillon, il opère un véritable regressus
ad uterum : le chaudron représente le ventre de la Terre-Mère et le bouillon les
eaux placentaires. De ce bain, au caractère typiquement initiatique, le futur roi
renaît, ayant reçu, comme au cours d’une seconde gestation, communication des
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pouvoirs les plus subtils, les plus secrets, de la Terre-Mère qu’il avait éveillée
sous la forme de la jument. Il quitte par cette double opération la condition
humaine pour se hisser au niveau du sacré, inséparable de la condition royale. »
Le baton est celui de son enfance, mais également le baton sur lequel on
s’appuie à la fin de son existence.
Un non-temps
Samhain est un non-temps où le voile entre les mondes se déchire : il offre
un passage encore plus important que le reste de l’année. C’est le pendant de
Beltaine (où se produit également une union).
L’arbre associé à Samain est l’if, arbre lié à la Mort. L’if associé à Samain
représente cette transformation par la Mort et par la Connaissance, comme nous
le montre le symbolisme de l’if de Mugna qui nourrit le saumon dans le mythe
de Fintan. Le fruit rouge de l’if peut aussi être « associé au sang, au sacrifice et
à la promesse d’un renouveau après la mort ».
Mais on constate aussi qu’un arbre proche dans le cycle est le bouleau. Arbre
dont le Cad Goddeu nous dit :
« le sommet du bouleau nous a couvert de feuilles ; il transforme et change notre
dépérissement »donc cet arbre intervient également dans notre transformation.
Samain est le temps des semailles et le commencement de l’Oeuvre au noir.
Après le bilan sur soi-même, c’est aussi le moment où on se doit d’avoir
accompli ce qui devait être accompli, faute de quoi on repart pour une année
(comme la maladie de Cuchulain) avec ce qui n’a pas été accompli.
C’est une transformation essentiellement intérieure, pas toujours agréable
car on affronte sa part d’ombre à laquelle il n’est pas possible de se mentir (part
d’ombre qui nous connait) et de ce combat / de ce sacrifice on peut renaître à
soi-même et au monde.
Je pense que ce n’est pas par hasard si les sacrifices au Cromm Cruaich (le
Courbe du Tertre) avaient lieu à Samhain, où les gens sacrifiaient une part
d’eux-mêmes (leurs enfants ou une part de leurs récoltes).
Samhain est un temps d’équilibre entre les mondes et en soi-même, c’est un
équilibre permet de retourner à l’un.
Samain est à la fois un moment, et la période qui s’étend entre les 2 Samains.
C’est une fête complète qui se suffit à elle-même je dirai, car c’est à la fois un
instant marqué et une période.
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