Polychromies secrètes : Quelques éléments sur les arts au Moyen Age

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Polychromies secrètes : Quelques éléments sur les arts au Moyen Age
Secondaire
Polychromies secrètes : Quelques
éléments sur les arts au Moyen Age
La commande au Moyen Âge
A l’époque médiévale, aucune œuvre n’est peinte à l’avance. Elle est l’objet d’un contrat avec
un commanditaire. Ces commanditaires sont quelquefois présents sur l’œuvre sous forme d’une
inscription ou même d’une représentation, symbolique ou figurée. Ces commanditaires peuvent
être des individus mais le plus souvent, ce sont des collectivités. En effet, la plupart du temps,
l’œuvre est créée pour servir à la communauté, à la confrérie, dans le cadre de l’activité des
corps constitués comme les conseillers du Parlement. Il s’agit par exemple de s’assurer la
grâce divine, de proposer un support de méditation, d’édifier les âmes en vue du passage dans
l’au-delà, de racheter ses péchés. Le pouvoir de ces « images » s’appuie entre autre sur la foi
dans la Rédemption, le partage de la souffrance du Christ, la proximité affective de la Vierge
mère, l’appel à l’intercession des saints.
Quant il y a un donateur particulier, celui-ci est de
plus en plus représenté et son image obéit à une
typologie connue : agenouillé, de profil, les mains
jointes ; ses yeux sont tournés vers le personnage
central. Il porte des vêtements et des accessoires
qui permettent de reconnaître son état.
Ces ouvrages d’art, comme les retables, ont
permis à la représentation du portrait comme du
paysage d’être à nouveau utilisés dans la
représentation1.
Pour les différents éléments de la représentation
réalisée, les peintres en accord avec leurs
commanditaires ont ainsi été de plus en plus
sensibles à la représentation de la profondeur que
ce soit dans leurs modalités flamandes qui
Anonyme italien, Christ en croix avec l’orant
du Cardinal Guilhem Peire Godin, entre 1324
et 1334. Musée des Augustins.
s’attachaient à la perspective atmosphérique ou
italienne
plus
tournées
vers
aspect
géométrique anticipant le passage à ce qu’on a
appelé la Renaissance.
1
son
Tzvetan Todorov, Eloge du quotidien, Points.
© Ville de Toulouse, musée des Augustins, service éducatif, (Anne-Laure Jover, Didier Michineau, 2006).
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La peinture au Moyen Âge
Les œuvres du musée des Augustins ont été réalisées sur de nombreux supports. On peut y
retrouver toute la gamme des matériaux : pierre, bois, métal, papier et bien sûr toile.
Les choix du support et de sa préparation dépendent du produit que l'on veut pouvoir y
appliquer. La pierre en tant que support de la peinture ne pose guère de problèmes particuliers,
sauf ceux qui sont généralement liés à l'humidité. Le bois a été le support favori des peintres
avant la généralisation de l'usage de la toile2.
> Préparation des supports
Pour recevoir un autre matériau, un support a généralement besoin d’être préparé. C’est l’objet
de « recettes » transmises d’ateliers en ateliers.
Le travail de préparation a permis d’éviter certains problèmes concernant le phénomène
d’adhérence rencontrés dans l’application d’une peinture sur un support. Cette préparation agit
également sur le caractère éphémère du support (problèmes d’oxydation et/ou de dégradation).
> Encollage et enduction
L’encollage a deux fonctions essentielles : accrocher la couche picturale au support et les isoler
l’un de l’autre. Plus l’encollage sera dense en préparation et en couches superposées et plus la
couche picturale sera de fait protégée des altérations du support. L’enduction consiste à
blanchir le fond après l'encollage et crée une épaisseur supplémentaire entre le support et la
couche picturale. Les couches de peintures et le liant ne pénètrent donc pas le support.
Sur un support absorbant ou perméable, les couleurs épousent les reliefs, la texture du support.
Elles s’écrasent dans les matériaux et se matifient. Cela peut être intéressant pour produire des effets.
> Les médiums
La tempera est la principale technique de peinture d'art utilisée en Europe durant le Moyen Âge.
C'est un procédé de peinture à la détrempe dans lequel les couleurs sont broyées à l'eau, puis
délayées au moment de peindre avec un liant (colle de peau tiède, huile émulsionnée, gomme,
cire, miel). La détrempe désigne les peintures à la colle dont la tempera est une variété qui
utilise l’œuf comme liant.
Quand la peinture à l'huile fut inventée vers la fin du Moyen Âge, la tempera continua encore à
être employée pendant un certain temps en tant que sous-couche recouverte par un vernis à
l'huile translucide ou transparent avant d’être remplacée par une technique de peinture à l'huile pure.
La colle à la caséine, produit naturel issu de fromage blanc utilisé depuis l’Antiquité, est une
autre tempera. Résistante à l'eau et à l'humidité, elle bouche les pores ou les interstices du
support et le rend moins absorbant. Le plâtre et la craie mêlés à des colles ont servi longtemps
comme apprêts blancs ou comme badigeons. Le mot gesso signifie plâtre dans plusieurs
langues européennes. Sa finesse et sa finition impeccable ont été très recherchées dans le passé.
La consistance et le temps de séchage court de la tempera impose de travailler par touches
successives et superposées qui donnent aux œuvres un aspect plus bidimensionnel. Le peintre
doit donc travailler avec une main sûre. Etant opaque, la lumière ne pénètre que peu et donne
un ton « mat ».
2
Certains états d'Europe du Nord contrôlaient la fabrication du bois à peindre. Des corporations de menuisiers
appliquaient leurs marques sur les bois, comme aujourd'hui les fabricants de papiers.
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© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (A.-L. Jover, D. Michineau, 2006).
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Les catégories de sculpture
Notre Dame de Grasse est une statue en haut relief sculptée dans la pierre puis recouverte
d’une peinture (polychromie).
Dans la grande variété des formes de la sculpture, on distingue généralement deux grandes
catégories, le relief et la ronde-bosse par rapport au volume occupé dans l'espace.
> Les Reliefs
Les reliefs sont des sculptures qui s'inscrivent dans un plan et se détachent de celui-ci selon un
volume variable. Dans le bas-relief, les saillies ne correspondent qu'au quart du volume réel de
l'objet représenté; dans le haut relief, les objets représentés sont presque totalement dégagés
du fond.
> Les Rondes Bosses
Les rondes bosses sont des sculptures autonomes, non intégrées à un fond et conçues de
façon à pouvoir être observées de tous côtés. Toutefois, le plus souvent, un angle de vue
particulier est privilégié.
On distingue généralement : le buste, la statue, le groupe3.
> Exécution d’un relief
Les contours sont tracés sur le bloc à sculpter.
L’ébauche des formes s’effectue progressivement à partir du sommet du bloc en supprimant la
matière extérieure aux contours. La figure est alors dégagée peu à peu, comme si on la tirait
hors d’un bassin d’eau. Pour tailler la pierre, le sculpteur privilégie l’utilisation de certains
instruments tels que les pointes, ciseaux, gradines, râpes, gouges ou trépans4.
3
4
Bas-relief
Haut-relief
Ronde-bosse
Médaillon (Sarcophage du
chevalier de Palaïs),
Musée des Augustins
La Passion du Christ, élément de
prédelle (détail),
Musée des Augustins
Evêque Jean Tissendier
en donateur,
Musée des Augustins
Un dossier sur la sculpture est à votre disposition au musée et sur le site internet www.edu.augustins.org.
Voir le document annexe pour les outils du sculpteur.
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© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (A.-L. Jover, D. Michineau, 2006).
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A propos de restauration
Le texte qui suit s’inspire des écrits des spécialistes que vous pouvez retrouver dans le
catalogue édité à l’occasion de la présentation des deux chefs-d’œuvre restaurés du musée
des Augustins.
L’œuvre d’art est définie dans l’ouvrage de référence de la restauration contemporaine « Teoria
del Restauro » de Cesare Brandi comme un objet ayant une valeur historique et une valeur
esthétique que la restauration doit essayer de restaurer au mieux. Trois principes président à
toute intervention :
> Toute intervention nouvelle doit être discernable ;
> Les matériaux utilisés doivent être compatibles avec la matière originale et ne doivent pas
s’altérer en vieillissant ;
> Ils doivent être solubles afin que l’intervention soit toujours réversible (non définitive).
Après une étude menée par différents partenaires (conservateurs, restaurateurs, scientifiques)
au sein d’une commission, une décision est prise à partir de plusieurs options :
> Une restauration illusionniste, cherchant à retrouver l’aspect initial de l’œuvre (aspect
esthétique);
> Une restauration semi archéologique, laisser visible l’état de dégradation de l’œuvre (aspect
historique) ;
> Un compromis entre les deux options, consistant en des retouches visibles de près mais
indiscernables de loin ; la technique du trattegio utilise un réseau de traits verticaux et parallèles
de tons purs et la technique du pointillisme utilise une juxtaposition de points.
La Crucifixion du Parlement de Toulouse a subi d’importants dommages dus à différentes
causes. Le vandalisme révolutionnaire a touché principalement les symboles royaux : figure du
roi, armoiries, etc. De mauvaises conditions de conservation ont dégradé les différentes
couches ; le panneau a été retrouvé en 1853 dans une cave. Des restaurations malheureuses
ont enfin quasiment détruit les fonds d’or et alourdi son aspect général.
Le choix s’est porté sur un restauration semi archéologique : dérestauration, retouches visant à
permettre la lisibilité de l’œuvre puis conservation préventive ; le panneau est alors placé dans
un caisson climatique.
La statue de Notre Dame de Grasse a été plusieurs fois repeinte depuis le XVIe siècle (voir les
illustrations). Le dernier repeint, au XXe siècle, a consisté en un badigeon de couleur pierre.
Enfin, l’œuvre a été décapée de façon trop importante à l’occasion de l’exposition sur l’art
gothique de Londres en 1932.
Après de nombreuses études pour différencier les repeints historiques des repeints de
restaurations postérieurs à la loupe binoculaire et par l’analyse de micro prélèvements. La
couche la plus ancienne s’est révélée la mieux conservée. L’option optimale a été retenue :
enlèvement des repeints, mise au ton des éléments structurels et des cassures. Elle a permis
de retrouver sa gamme colorée originale.
© Images : Toulouse, musée des Augustins - Clichés : STC-Mairie de Toulouse ; Daniel Martin (prédelle).
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© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (A.-L. Jover, D. Michineau, 2006).