(14) Manaus, mégapole à fond la gomme - Libération

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(14) Manaus, mégapole à fond la gomme - Libération
DOSSIER
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EBOLA, LA FIÈVRE BAISSE
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SÉRIE
Manaus, mégapole à
fond la gomme
Par Ricardo UZTARROZ(http://www.liberation.fr/auteur/9606-ricardo-uztarroz) — 18 août
2011 à 00:00
[Villes inachevées 5/6] . La cité
brésilienne, qui connut une ascension
fulgurante avec le caoutchouc au
XIXe siècle, a été sauvée du déclin par
l’industrialisation à la fin des années 60.
!
Manaus, mégapole à fond la gomme
«C’est la ville tentaculaire / La pieuvre ardente et
l’ossuaire.» Ces deux vers d’Emile Verhaeren, le poète de la
campagne «morne et grise… à perdre haleine» et de la
ville insatiable qui l’avale, colle parfaitement à la
poulpesque Manaus. Ile de béton, de verre, d’asphalte et de
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néons, en plein cœur de la jungle amazonienne, accessible
principalement par avion ou bateau, unique port maritime
au monde situé au milieu d’un continent, à 1
700 kilomètres de l’Atlantique, à la confluence de
l’Amazone et du Río Negro (le «fleuve noir») qui doit son
nom à la teinte de ses eaux, elle est la huitième plus grande
ville du Brésil et la treizième des Amériques.
En 1848, juste avant le «boom du caoutchouc», Manaus ne
comptait que 3 000 habitants, vivant misérablement dans
des huttes de torchis, 20 000 en 1910, et un demi-siècle
après 340 000, soit 17 fois plus. Vingt ans plus tard, le
chiffre avait doublé. En 1990, elle franchissait la barre du
million. Aujourd’hui, elle est une mégalopole de
2,2 millions d’âmes. Depuis l’an 2000, elle croît à une
moyenne de 50 000 habitants par an, l’équivalent de la
population de Montauban (Tarn-et-Garonne). Désormais,
chaque jour, semaine, mois, en des temps records, les tours
ingurgitent des ares et des ares de forêt native pendant que
les favelas s’insinuent dans tous les interstices laissés
vacants par cette voracité immobilière. Ces habitations ont
investi les berges des deux fleuves, les transformant en un
cloaque de cités lacustres sur pilotis, souvent emportées
par les crues mais resurgissant aussitôt après.
A 13 kilomètres de là, au nord, sur le Río Negro, Manaus a
sa plage, Ponta Negra («pointe noire»), à la fois quartier
résidentiel et de vie nocturne huppée, avec ses restaurants
et ses discothèques où se retrouve la jeunesse dorée. Les
immeubles de luxe qui supplantent les vieilles villas des
années 80 ne dépareraient pas sur le front de mer de
Miami ou de Rio de Janeiro. Les samedis et dimanches,
c’est la cohue, le tintamarre perpétuel et l’embouteillage
permanent. Ici, on ne va pas à la plage pour piquer une tête
dans les eaux noires, dont la couleur est due aux alluvions
végétales et non minérales qu’elles charrient, mais, comme
dans tout le Brésil, pour picoler, se goinfrer, danser et
draguer.
La route qui y mène butte sur le portail du Tropical, un
palace sans pareil dans toute l’Amazonie, au milieu d’un
parc à la végétation luxuriante, morceau de jungle
domestiquée. Ici s’arrête la ville qui, repoussée par ce récif,
poursuit sa progression comme un mascaret vers le nordest. L’érection d’un modeste fortin, il y a presque trois
siècles et demi, est à l’origine de cette éruption
urbaine délirante.
En 1669, les Portugais décident d’installer une garnison
pour faire barrage aux Espagnols qui pourraient venir par
l’Amazone depuis le Pérou, ou aux Hollandais par le Río
Negro depuis le Suriname. Pour construire leur sommaire
bâtiment de boue et de pierre, ils recrutent la maind’œuvre nécessaire parmi les tribus voisines. A la fin du
chantier, ces bâtisseurs improvisés préfèrent rester plutôt
que de retourner dans leur village. Un gros bourg se forme.
En 1695, apprenant son existence, carmélites, jésuites,
franciscains débarquent pour évangéliser l’Indien.
Reconnu être humain, il a droit lui aussi au salut de son
âme. Ils érigent une chapelle.
Désormais Manaus est une paroisse, plus un casernement.
C’est la découverte par hasard de la vulcanisation en 1839
qui va être l’amorce de l’orgie urbaine, au milieu de ce nulle
part qu’est Manaus. Ce procédé permet de transformer la
sève de l’hévéa en pneus sans lesquels nos motos, voitures
ou avions n’auraient pu rouler ou décoller. Or, l’hévéa étant
originaire d’Amazonie, celle-ci est la seule à en produire à
l’époque. Manaus devient alors le centre mondial de cette
matière première stratégique, la première ville à économie
mondialisée de l’ère industrielle. L’argent coule à flots. Des
baronnies d’affaires se forment. Près de 1 500 navires de
haute mer se succèdent annuellement. Pour les accueillir,
le port est doté des premiers quais flottants au monde, le
niveau de l’Amazone variant de plus de dix mètres.
Elle sera aussi la première ville au monde à être totalement
électrifiée, à avoir un tramway électrique, à avoir l’eau
courante et le tout-à-l’égout dans toutes les maisons, une
des premières à avoir son réseau téléphonique. On y
construit des palais, un marché copie conforme des
pavillons Baltard, un immeuble de la douane baroque et
surtout, un opéra de 700 places, O Teatro Amazonas,
décoré de marbre de Carrare où résonneront les plus
grandes voix de l’époque, dont celle de Caruso. Avec la
Comédie-Française, Sarah Bernhardt s’y produira.
Puis, tout s’arrête après 1910, à cause du premier acte de
biopiratage de l’histoire. Profitant de l’euphorie
généralisée, un perfide sujet britannique, dénommé Henry
Alexander Wickham, se constitue un stock de 70
000 graines d’hévéa qu’il parvient à expédier en Angleterre
en contrebande. Elles serviront à créer les premières
plantations en Malaisie. Ce latex cultivé, et non plus de
cueillette, provoque une chute vertigineuse des cours. A
Manaus, c’est la gueule de bois. Un demi-siècle s’est écoulé
quand, contre toute logique économique, le régime
militaire décide de créer en 1967 une zone franche. Le
projet réussit et Manaus renoue avec la frénésie du début
du siècle passé. Plus de 450 entreprises parmi lesquels
Samsung, Nokia, Toshiba, Suzuki, emploient plus de 50
000 personnes qui montent à la chaîne motos, vélos,
réfrigérateurs frigos, gazinières, montres, ordinateurs,
appareils photo.
Le vieux centre de l’ère du caoutchouc s’est mué en souk où
l’électroménager se vend presque au kilo sur lequel règnent
des Indiens d’Inde et des Arabes syro-libanais. Et quand, à
Bogotá, Santiago, Lima ou Buenos Aires, on acquiert un
micro-ondes, un téléviseur, il est à coup sûr
estampillé«Made in Manaus, Brazil, zona franca».
[DEMAIN : Nanjie]
Ricardo UZTARROZ (http://www.liberation.fr/auteur/9606-ricardouztarroz)
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