Chers amis (es) Bonjour, Par rapport à la situation que traverse le

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Chers amis (es) Bonjour, Par rapport à la situation que traverse le
Chers amis (es)
Bonjour,
Par rapport à la situation que traverse le Mali, vous m’avez envoyé des messages, fait des
prières et pensez à moi et à tous les Maliens qui vivent en ce moment une période difficile. Ne
disons nous pas que c’est dans les pires moments qu'on reconnait ses vrais amis. Merci à
vous tous et toutes.
Vous suivez avec attention les nouvelles du Mali car depuis quelques semaines nous sommes
à la une des journaux. Ce que nous étions en droit de penser que ça n’arrive qu’aux autres,
voilà que c’est arrivé chez nous au Mali. J’attendais un peu la fin du « feuilleton », et voir où
va notre Mali avant de vous écrire, mais le feuilleton continue toujours et aucun Malien ne
comprend la situation que nous vivons. Nous étions heureux de vivre dans un pays de paix, de
fraternité, d’hospitalité, de « démocratie »… (Certains parmi vous qui avez fait un séjour au
Mali pourraient continuer la liste). Mais cette réalité se transforme petit à petit en cauchemar.
Nous avons tous été profondément déçus d’abord par le comportement de certains maliens
qui ont pris les armes pour une défendre une cause très flou même à leurs propres yeux.
Ensuite notre déception est grande par le fait que notre expérience de démocratie depuis 21
ans est revenue en arrière par un coup d’état insensé que d’ailleurs je pense les auteurs
regrettent aujourd’hui. Certains désirent la division du Mali en deux et d’autres de faire du
Mali un pays islamique avec l’application de la Charia, chose à laquelle aucun bon Malien
n’aurait pensé. Le climat religieux était paisible jusqu’à présent. Il y a une bonne entente entre
les musulmans et les chrétiens. Il est certain que la grande majorité des musulmans ne
pourront pas vivre cette nouvelle forme de l’islam prôné par le groupe Ançar Dine. Ils
considèrent d’ailleurs que leur chef Iyad n’est pas du tout musulman pour les actes horribles
qu’il a commis, indignes d’un vrai musulman. Comme a analysé Hannah Arendt, on pourrait
dire qu’au Mali c’est la « banalité du mal ». Le mal est devenu chez les rebelles non une
violation de la loi, mais est devenue une obéissance à la loi. Pour moi, les putschistes comme
les rebelles ont cessé de penser, cette activité mentale indispensable pour s'interroger sur soi,
sur ses actes, sur la norme…Tous ces hommes armés, des hommes ordinaires comme nous le
sommes n’agissent que par soumission à une autorité mal intentionnée.
Nous n’avons pas souhaité d’un coup d’état pour résoudre nos problèmes. Bien que le
Président Touré était traité de laxiste et d’imprévoyant dans la gestion des problèmes du Nord.
Nous constatons que la situation s’est plutôt empirée. Aussi le président Touré était vu comme
un président qui n’a pas empêché la grande corruption au Mali. On lui reproche de ne pas
préparer la guerre pour vivre en paix dans un territoire depuis plusieurs années menacées par
des groupes islamistes et par al-Qaida. Après la prise des villes de Kidal, Gao et Tombouctou
territoire qui font partie de notre diocèse Mopti, nous ne savons quoi dire ? Quelques
centaines de chrétiens y vivent là avec une présence de prêtres « Missionnaires d’Afrique » et
une communauté de religieuse (Sœurs de St Joseph de Cluny) à Gao. Nous avions en projet de
scinder le diocèse de Mopti plus grand que la France en deux diocèses : un qui regrouperait
les paroisses du pays dogon et un autre au nord qui prendrait en compte les trois grandes villes
occupées par les islamistes. L’évêque de Mopti envisageait de faire démarrer les travaux de
construction d’un nouveau presbytère (éventuellement le futur évêché) à Tombouctou.
Heureusement que les travaux n’avaient pas démarré. C’est presque sûr que les islamistes qui
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sont entrés à Tombouctou allaient mettre le chantier en lambeau. Ce qui me permet d’affirmer
cela c’est qu’à Gao la mission catholique a été une cible pour des actes de vandalisme et de
profanation. En l’absence des prêtres et des religieuses qui avaient pris le soin de quitter les
lieux avant, les islamistes ont défoncé les portes et pris tous ce qu’ils voulaient : ordinateurs,
argents, voitures, motos etc. et briser la statue de la vierge Marie dans l’église. Les chrétiens
des régions de Gao, de Tombouctou et de Kidal sont en ce moment sans pasteurs. La
répercussion de ce qui s’est passé à Gao a poussé l’évêque de Mopti d’être en état d’alerte et
de vigilance. Les biens de l’église et les chrétiens sont des cibles plausibles d’attaques de ces
hommes armés qui agissent sous le regard impuissant de l’autorité de l’état presque
inexistante. Ainsi il nous est conseillé d’éloigner nos véhicules loin des Presbytères et d’être
vigilants à d’éventuel problème. A Sévaré comme à Mopti où je suis, la situation est en ce
moment plus ou moins calme. Mais les gens ont la peur dans le vendre d’une possible
irruption des rebelles. C’est pourquoi les militaires sont sur le qui-vive et aussi quelques
jeunes volontaires pour se battre contre les agresseurs. La semaine sainte est un peu troublée
car le climat social et politique n’est pas très sain. Mais nous espérons que les choses vont
avoir de l’accalmie et que la paix reviendra. C’est pourquoi nous croyons que nous pourrons
fêter Pâques avec beaucoup de foi et d’espérance en priant pour que la lumière du Ressuscité
éclaire les cœurs de tous les maliens et ceux qui se considèrent comme ne faisant plus partie
du Mali. Nous pensons à nos nombreux catéchumènes qui attendent d’être baptisés à Pâques.
Même si certains commencent pour s’inquiéter s’ils auront un prêtre pour les baptiser car il en
manquera du fait que sur invitation de la France, les prêtres missionnaires (Français, Belge...)
sont partis au Burkina voisin en attendant que la situation se calme. Le Seigneur est le maitre
de l’histoire puisse sa volonté s’accomplir dans tous nos pays en difficultés.
Je vous invite toujours à nous porter dans vos prières et par votre amitié. Je vous souhaite une
bonne semaine sainte et de joyeuses célébrations de Pâques.
Avec toutes mes amitiés,
Abel KASSOGUE
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