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Format PDF - Revue de l`association française de recherche sur l
1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze
Revue de l'association française de recherche sur
l'histoire du cinéma
77 | 2015
Varia
Vient de paraître
François Albera, Jean Antoine Gili, Myriam Juan et Mélisande
Leventopoulos
Éditeur
Association française de recherche sur
l’histoire du cinéma (AFRHC)
Édition électronique
URL : http://1895.revues.org/5099
ISSN : 1960-6176
Édition imprimée
Date de publication : 1 décembre 2015
Pagination : 203-212
ISBN : 9782370290779
ISSN : 0769-0959
Référence électronique
François Albera, Jean Antoine Gili, Myriam Juan et Mélisande Leventopoulos, « Vient de paraître »,
1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 77 | 2015, mis en ligne le 29 janvier 2016, consulté le
02 octobre 2016. URL : http://1895.revues.org/5099
Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.
© AFRHC
Revue_1895_77-15248 - 13.11.15 - page 203
Alberto Anile (dir.), L’« Otello » senz’acca /
« Otello » Without the H, Orson Welles nel
Fondo Oberdan Troiani, Rome, Centro Sperimentale di Cinematografia/Rubbettino, 2015,
128 p.
o
77
HIVER
2015
Entre 1880 et 1920 les champs de la médecine, de
la psychologie, de la neuropsychiatrie et de la psychanalyse élaborent des théories de la subjectivité
marquées par les phénomènes intrigants de la neurasthénie, de l’hystérie et de l’hypnose au moment
où le cinématographe, qui s’approprie la culture
du corps nerveux de ce temps, impose son « paradigme », nourrissant par là l’imaginaire médical.
Dans leurs échanges réciproques les sciences
médico-psychologiques et les discours sur le
cinéma contribuent de la sorte à construire une
nouvelle subjectivité née dans le contexte de la
société industrielle et s’épanouissant grâce à la
Deux textes du philosophe allemand Ernst Bloch
publiés avant guerre (« L’angoisse de l’ingénieur »,
1928-9), 1930 (« La technologie et les apparitions
d’esprits », 1935) marqués par le double phénomène de l’époque, l’essor des technologies et
l’essor du nazisme et son recours à un certain
irrationnalisme, et un troisième, écrit après la
guerre, (« Destruction, sauvetage du mythe par la
lumière »). Trois textes qui prolongent certains
thèmes introduits dans les études de notre
numéro précédent entre technologie, magie et
occultisme (autour d’Edison, Conan Doyle et
Méliès) en les plaçant dans une perspective
sociale et même politique. Bloch s’interroge
sur les croisements de ces deux temporalités,
archaı̈ques – la magie, les peurs ancestrales, les
fantômes – et modernistes – l’électricité, les communications, etc. : « plus la technique se montrait
lucide et avancée, plus elle s’entrecroisait énigmatiquement avec le vieux règne tabou des vapeurs,
de la vitesse supraterrestre, des robots fils du
Golem, des éclairs bleus. » Et : « un Edison est à
rapprocher du Docteur Faust bien plus que d’un
Herbert Spencer » car « la technique la plus
moderne a tenu bon nombre des promesses des
anciens contes fantastiques : la radio amène des
voix lointaines dans un espace où nul ne parle ;
mieux encore, devient pensable une télévision
qui, au milieu d’une représentation du monde de
la plus grande sobriété, va découper le territoire
où règnent le miroir et son apport magique. »
Mais cela étant « aucun inventeur n’agit en rien
comme magicien, n’est ni ne pense même de la
sorte. » Dès lors d’où provient l’angoisse devant
des machines qui se présentent comme des
n
Mireille Berton, le Corps nerveux des spectateurs. Cinéma et sciences du psychisme autour
de 1900, Lausanne, L’Âge d’Homme, « Histoire et
esthétique du cinéma/Travaux », 2015, 639 p.
Ernst Bloch, l’Angoisse de l’ingénieur, Paris,
Allia, 2015, 71 p.
1 8 9 5 R E V U E D ’ H I S T O I R E D U C I N É M A
Avec I mille volti di Orson Welles / The Thousand
Faces of Orson Welles dirigé par Emiliano Morreale
et celui d’Alberto Anile voici deux ouvrages bilingues marquant le centenaire d’Orson Welles et
rappelant l’importance de l’Italie dans la carrière
du cinéaste. À ce sujet, on peut consulter un
ouvrage antérieur d’Anile, Orson Welles in Italia
(Milan, Il Castoro, 2006). Ici Alberto Anile analyse le film de Welles grâce au fonds d’Oberdan
Troiani, un des chefs opérateurs, avec Anchise
Brizzi, G. R. Aldo et George Fanto, d’Othello.
Troiani, d’abord assistant puis directeur de la
photographie, suivit tout le tournage du film et
en conserva une abondante documentation,
notamment photographique. Grâce à ce matériel,
l’auteur parvient à suivre les péripéties de la réalisation et à reconstituer des scènes du film supprimées lors du montage.
culture de masse. L’auteure s’inscrit dans un
champ de recherche qu’a inauguré Rae Bath Gordon. Dans la préface qu’elle donne à l’ouvrage
celle-ci salue la profondeur et l’originalité de ce
livre qui « fera date ».
Compte rendu dans un prochain numéro.
203 CHRONIQUES
Vient de paraître
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« médecins, des mediums de ces puissances naturelles auxquelles le rationalisme a enlevé ses noms
erronés, mythologiques mais sans pouvoir désigner jusqu’alors son réel ‘‘agens’’, ni même s’impliquer avec lui concrètement. De manière
indubitable, c’est seulement une relation socialiste
à la nature (dans le sillage d’un mode de production et d’échange lui-même socialiste) qui pourrait détenir le concret que renferment l’espace
magique mal désensorcelé... » Ainsi « cet ultime
phénomène d’angoisse est-il vraiment un signe
d’importance, dépassant la prétention finalement
funeste d’être arrivé à la fin du monde avec le
simple mécanicisme, avec une apparence de relation dépourvue de contenu. »
Michel Cadé, Chemins d’exils, chemin des
camps. Images et représentation/Camins de
l’exili, camins dels campa. Imatges i representacións, Canet en Roussillon/Perpignan, Trabucaire/
Institut Jean Vigo, 2015, 180 p. + dvd
204
Cet ouvrage reprend onze communications faites
par des historiens de l’art et des artistes lors du
3e séminaire « Déplacements forcés et exils en
Europe au XXe siècle » organisé en 2012 à Perpignan. Une première partie est consacrée à l’analyse
des regards portés par des artistes, photographes,
peintres, cinéastes lors d’événements aujourd’hui
inscrits dans l’histoire, tels que la Retirada et la
Shoah (ainsi les photos de Capa de 1939 sur les
Espagnols dans les camps français, analysé par
Marie-Hélène Melendez ou Quelque part en
Europe de Radványi analysé par de La Bretèque).
La seconde partie est composée de réflexions
d’artistes contemporains sur le phénomène de
l’exil, qu’il s’agisse du camp de Rivesaltes, l’exil
catalan, la Shoah ou le conflit bosniaque (Nicole
Bergé, Simeon Saez Ruiz, Claire Angelini). Dans
cette perspective, outre sa riche iconographie,
l’ouvrage comporte un dvd de Claire Angelini,
La guerre est proche (couronné aux Rendez-vous
de Blois).
Christian Caujolle, Hervé Joubert-Laurençin,
Philippe-Alain Michaud, F. Galluzzi, Pier
Paolo Pasolini, Dossier Accattone, Paris, Editions Macula, 2015, 176 p.
Avec le Pier Paolo Pasolini, Accattone (préface de
Carlo Levi, Paris, Macula, 2015), un volume d’essais et d’analyses autour de l’œuvre phare de Pasolini, dus notamment à Hervé Joubert-Laurençin
auquel on doit de nombreux ouvrages sur l’auteur
de Salò et de traductions de ses textes.
François Amy de La Bretèque, le Moyen Âge au
cinéma. Panorama historique et artistique,
Paris, Armand Colin, 2015, 223 p.
De la Jeanne d’Arc de Méliès au Nom de la Rose
d’Annaud en passant par Robin Hood de Dwan et
bien d’autres, cet ouvrage, dû au spécialiste de la
représentation de la période médiévale à l’écran
(avec un précédent ouvrage l’Imaginaire médiéval
dans le cinéma occidental), dresse le panorama du
cinéma qu’a pu inspirer à divers titres le Moyen
Âge : un Moyen Âge vulgarisé, revisité, hérité et
transmis par une longue chaı̂ne d’œuvres et de représentations qui ont évolué au long du XXe siècle. Dix
chapitres découpent le corpus de ces nombreux films
selon une série de thèmes envisagés de manière problématique. L’ouvrage comporte un index. L’édition
est réalisée « sous la direction de Laurent Veray ».
Hervé Dumont, Napoléon. L’Épopée en 1000
films, Lausanne, Ides & Calendes/Cinémathèque
suisse, 2015, 690 p.
Comme l’indique le sous-titre, l’ouvrage couvre de
manière exhaustive la représentation de la figure
impériale dans le cinéma et la télévision de 1897 à
2015. On devine l’ampleur de l’entreprise : près de
700 pages grand format, un millier de titres, tous
évoqués par des fiches détaillées (générique et
commentaires) et une iconographie incomparable.
Hervé Dumont nous avait déjà habitués à des
ouvrages d’une ampleur rare, que l’on pense à ses
monographies sur Robert Siodmak, Frank Borzage
ou William Dieterle, à son Histoire du cinéma
Revue_1895_77-15248 - 13.11.15 - page 205
Pietsie Feenstra, Maria Luisa Ortega (dir.), Le
Nouveau du cinéma argentin, Paris/Condé-surNoireau, CinémAction/Éditions Charles Corlet,
2015, 186 p.
HIVER
2015
Le projet cinématographique communiste français
est ambitieux, pose au départ de son ouvrage
l’auteure. Dès la Libération, les communistes
cherchent d’une part à agir sur le champ cinématographique dans le but d’influer sur le devenir
économique du cinéma français, d’autre part, ils
77
Pauline Gallinari, les Communistes et le cinéma.
France, de la Libération aux années 60, RennesPerpignan, PUR-Institut Jean-Vigo, « Histoire »,
2015, 302 p.
o
Une utile mise au point sur la situation du cinéma
argentin contemporain au travers des problèmes de
création, de production, d’exploitation et de réception. L’ouvrage a le mérite de ne pas se limiter au
cinéma de fiction et aborde aussi les films documentaires.
n
Fascinante réflexion sur la visibilité et l’invisibilité,
la transparence et la trace, la voix et le phénomène,
conduite par un philosophe qui passe de Platon à
Descartes, et, plus près de nous, par MerleauPonty et Jean-François Lyotard, discute Béla
Balazs (l’Homme visible) et la physiognomonie et
Paul Virilio et la « machine de vision ». Le point
d’appui de cette réflexion est une interprétation
plurielle de The Invisible Man de James Whale
(1933) visant à y découvrir le travail d’une figure
insolite : l’invisibilité de la forme humaine comme
figure d’images, l’invisibilité étant peut-être la
condition ultime, limite, pour qu’une figure
devienne un paradigme de la représentation.
Jean-Paul Morel a réuni dans ce recueil toutes les
contributions d’Élie Faure : non seulement les quelques textes connus, édités après sa mort sous le titre
Fonction du cinéma, plus d’une fois réédités, mais
un grand nombre d’autres dispersés dans des ouvrages comme Défense du machinisme, des articles, des
entretiens et un ensemble de correspondances avec
Gance, Céline, Dieudonné ou sa fille Zizou. L’apport de la réflexion (et même de ses interventions
pratiques) au cinéma prend ainsi une ampleur inédite. Disparu en 1937, Élie Faure n’a jamais été un
critique, sa pensée s’applique moins aux films singuliers ou aux réalisateurs (à l’exception cependant
de Chaplin, Gance, Vigo, Eisenstein) qu’au cinéma
comme média bouleversant tout le système des arts
(« agonie de la peinture ») et promettant la venue
d’une nouvelle vision du monde.
Compte rendu dans un prochain numéro.
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Jean-Michel Durafour, l’Homme invisible
de James Whale. Soties pout une terreur figurative, Aix-en-Provence, Rouge Profond, 2015,
159 p.
Élie Faure, Pour le Septième Art, Lausanne,
L’Âge d’Homme, « Histoire et esthétique du
cinéma/Travaux », 2015, 373 p.
205 CHRONIQUES
suisse et, dans le même registre que l’ouvrage
évoqué ici, son Antiquité au cinéma. Vérités,
légendes et manipulations paru en 2009. Ce Napoléon présente les films de toutes nationalités en
les organisant en chapitres, d’abord les grandes
étapes de la vie de Bonaparte devenu Napoléon,
puis les personnalités du Premier Empire
(Madame Sans-Gêne, Talleyrand, Surcouf,
Vidocq...), enfin Napoléon et les États voisins
(Italie, Angleterre, Autriche, Allemagne, Espagne,
Portugal, Russie). Rien n’y manque et le curieux
trouvera à satisfaire son intérêt pour le moindre
détail. L’index des films complète l’entreprise.
Comme l’écrit Hervé Dumont : « Napoléon, pour
chaque pays et à chaque décennie, occupe une
place singulière, entre fascination, adulation,
rejet. Chaque film suscite une lecture différente
de l’Histoire, teintée de légende, de parti-pris ou
d’idées reçues. [...] L’audiovisuel offre à travers
ses reconstitutions un portrait décapant – et
passionnant – de notre propre époque et de ses
idéologies. Alors qu’elle ressuscite un XIXe siècle
fantasmé, la caméra, souvent, parle d’aujourd’hui. » Le cinéma – affirmait Bertolucci – ne
sait conjuguer que le temps présent.
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veulent agir avec le cinéma. Cette dernière entreprise a débuté avant la guerre, à la fin des années
1920 et surtout dans les années du Front populaire
avec « Ciné-Liberté ». Ils encouragent ainsi la réalisation de films militants destinés à relayer le discours du PCF et accompagnent l’évolution du
cinéma français en soutenant une tendance « réaliste » qui est d’abord proche du néo-réalisme (la
Bataille du rail) puis évolue vers un cinéma attentif
à l’histoire nationale et aux luttes sociales rarement
représentées dans le cinéma commercial. La guerre
froide gèlera cependant cet élan (Grémillon boycotté par les producteurs, Daquin empêché, Carpita
interdit) et amènera à soutenir des œuvres moins
ambitieuses (Autant-Lara, Clair, Godard, Truffaut).
Avec les luttes sociales de 1968 une production
militante reprendra cependant pendant quelques
années (avec Paul Seban, Jean-Patrick Lebel, JeanAndré Fieschi, Noël Burch notamment).
Antoine Gaudin, l’Espace cinématographique.
Esthétique et dramaturgie, Paris, Armand
Colin, 2015, 215 p.
206
Enjeu majeur des réflexions esthétiques et philosophiques sur le cinéma autour duquel s’articule
toute l’histoire des formes filmiques, l’espace est
défini par l’auteur comme une « puissance dynamique de l’image en mouvement » exerçant un fort
impact sensoriel sur le spectateur. Cette approche
de l’espace cinéplastique (Élie Faure) et rythmique
(Maldiney) conduit à l’élaboration de la notion
d’« image-espace », englobant une dimension thématique à l’intérieur des films et un matériau
essentiel au medium. Cette notion, clin d’œil distancié à Deleuze, avait donné lieu à la thèse de
l’auteur. Elle est développée ici en deux aspects :
une géodiégétique et une géopoétique (seule cette
dernière était proposée dans la thèse), reprenant les
deux courants qui s’étaient intéressés à l’espace
dans deux directions différentes, celui d’Agel et
de Gardies tous deux signataires de livres homonyme à celui-là. L’ampleur donnée à ce réexamen
de la question, repassant tant par la phénoménologie que la filmologie, redonnant sa place aux
considérations esthétiques de Noël Burch dans
Praxis du cinéma et n’oubliant ni le « cinéma des
premiers temps », ni Eisenstein, ni Kouléchov dans
son examen, propose une synthèse et forge des
propositions qui sont mises à l’épreuve au gré
d’analyses de films. Ouvrage publié sous la direction de Michel Marie.
Guy Gauthier, Le Documentaire, un autre
cinéma, Paris, Armand Colin, 2015, 416 p.
5e édition d’un ouvrage devenu un classique, le
livre – après la mort de l’auteur en 2010 – a été
mis à jour par Marie-Thérèse Gauthier et Daniel
Sauvaget. Ouvrage publié sous la direction de
Michel Marie.
Odile Goerg, Fantômas sous les tropiques. Aller
au cinéma en Afrique coloniale, Paris, Vendémiaire, coll. « Empires », 2015, 287 p.
Historienne de l’Afrique contemporaine, spécialiste en particulier des loisirs et des festivités en
milieu urbain, Odile Goerg signe avec cet ouvrage
une synthèse ambitieuse sur le cinéma comme
pratique sociale en Afrique coloniale (colonies britanniques et françaises ainsi que Congo belge).
Sont abordés, sur une période et un territoire très
vastes, les modalités multiples de la sortie au
cinéma, la composition des publics, les rouages
de la censure ou encore l’impact des films sur les
imaginaires des populations colonisées, restituant
le rôle proprement politique qu’a pu alors jouer le
cinéma. Un travail passionnant qui repose sur
l’examen de sources variées (archives administratives mais aussi romans, autobiographies et nombreux entretiens), dans le souci d’échapper à la
seule vision des autorités coloniales.
Compte rendu dans un prochain numéro.
Réjane Hamus-Vallée, Caroline Renouard
(dir.), Les Métiers du cinéma à l’ère du numérique, Paris/Condé-sur-Noireau, CinémAction/
Éditions Charles Corlet, 2015, 192 p.
Le passage au numérique bouleverse toute la
chaı̂ne productive du cinéma. L’ouvrage passe en
Revue_1895_77-15248 - 13.11.15 - page 207
Cet ouvrage vient clore le programme de recherche
du même nom (cf. http://cinepop50.ubordeaux3.fr/). Les directrices de publication se
proposent d’étudier le cinéma populaire tel qu’il
se déploie sur les écrans français pendant la période
de plus haute fréquentation (1945-1958), ainsi
que les formes de cinéphilie populaire à travers
les traces qu’on en trouve dans la presse. Il s’agit
ainsi d’aller à contre-courant de l’approche esthétique qui, en France, depuis la « politique des
auteurs », a induit une stigmatisation des pratiques
cinématographiques populaires. Celle-ci s’est
répercutée sur le monde académique où ce type
d’études demeure – à l’inverse du monde anglosaxon – peu développé.
Paola Palma, La vagabonda dello Schermo.
Colette e il cinema, Padoue, Esecha, 2015, 396 p.
Une thèse sur les rapports de Colette avec le
cinéma, son activité de critique, sa fréquentation
du milieu, ses participations à des films.
Moment de catalyse, la cinéstase désigne pour l’auteur le moment où, dans un film, les « mobiles du
scénario apparent » passent au point mort pour
2015
Philippe Ragel, le Film en suspens. La cinéstase,
un essai de définition, Rennes, PUR, « Le Spectaculaire », 220 p.
HIVER
Avec le Dossier Accattone évoqué plus haut, comprenant plusieurs essais sur le film, un deuxième
volume autour de l’œuvre phare de Pasolini comprenant le scénario avec une cinquantaine de pages
signées par le cinéaste qui éclairent l’entreprise.
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Pier Paolo Pasolini, Accattone, préface de Carlo
Levi, Paris, Macula, 2015, 224 p.
o
Le principe de base qui a conduit à rassembler
dans cet ouvrage un certain nombre de textes est
que la participation émotionnelle que suscite le
dispositif optique de la projection cinématographique rend celui-ci proche du dispositif psychique du même nom qui consiste à extérioriser
un contenu inconscient pour le voir en le déniant
comme sien. Les deux versants de la projection
(optique et psychique) ont en commun d’être des
mécanismes mettant en jeu un travail de déformation destiné à voir autant qu’à faire écran (opacifier). Le cinéma s’avère alors surface où s’inscrivent
les traumas inassimilables auxquels la projection
Avec L’« Otello » senz’acca / « Otello » Without the
H, Orson Welles nel Fondo Oberdan Troiani d’Alberto Anile, forment deux ouvrages bilingues marquant le centenaire d’Orson Welles et rappelant
l’importance de l’Italie dans la carrière du cinéaste.
Ce volume-ci offre une galerie de portraits de
Welles photographié par Maurizio Maggi, tantôt
au travail, tantôt dans les accoutrements les plus
divers. Le goût du travestissement du cinéastecomédien y éclate dans chaque cliché.
n
Marie Martin (dir.), Cinéma, littérature : projections, Rennes-Poitiers, PUR- la Licorne, 2015,
206 p.
Emiliano Morreale (dir.), I mille volti di Orson
Welles / The Thousand Faces of Orson Welles.
Fotografie di Maurizio Maggi. Introduzione di
Giuseppe Tornatore, Rome, Centro Sperimentale
di Cinematografia/ Edizioni Sabinae, 2015, 104 p.
1 8 9 5 R E V U E D ’ H I S T O I R E D U C I N É M A
Gwénaëlle Le Gras et Geneviève Sellier (dir.),
Cinémas et cinéphilies populaires dans la
France de l’après-guerre 1945-1958, Paris, Nouveau monde, 2015, 384 p.
donne une forme visible selon le modèle de la
figurabilité inconsciente. Contributions de Véronique Campan, Emmanuel Plasseraud, Francis
Vanoye notamment.
207 CHRONIQUES
revue les transformations du tournage, du montage et de la post-production, sans oublier la révolution des effets spéciaux ; il évoque aussi les
questions liées à la numérisation du patrimoine.
Un chapitre traite aussi de l’animation. Les études
sont accompagnées de nombreux entretiens avec
les intervenants concernés.
Revue_1895_77-15248 - 13.11.15 - page 208
laisser advenir une « expérience d’une autre nature,
sensible, poétique, passagère ». Dépression narrative, mise en suspens qui n’est pas un suspense,
cette stase pourrait être rapprochées des « pillowshots » que Noël Burch avait décelés dans l’œuvre
d’Ozu – qui n’est pas évoqué ici. Parti de l’économie narrative propre aux films de Kiarostami, l’auteur l’élargit à d’autres cinéastes (Griffith, Murnau,
Rossellini voire Eisenstein) pour en vérifier l’opérativité, l’transhistoricité.
Alfredo Rossi, Elio Petri e il cinema politico
italiano, Milan, Mimesis Edizioni, 2015, 228 p.
Déjà auteur d’une monographie sur le cinéaste (La
Nuova Italia, 1979), Alfredo Rossi revient sur le
sujet en développant l’analyse de la place de Petri
dans le cinéma politique italien. Décédé en 1982,
Petri a subi une forme de purgatoire avant que la
force de ses films – présentés depuis peu dans des
copies restaurées – ne suscite de nouvelles interrogations et la publications d’études replaçant l’œuvre dans un contexte revisité. À cet égard, le livre
d’Alfredo Rossi, fruit d’une longue maturation,
propose une lecture stimulante pour mieux placer
Petri dans ce que le cinéma italien a été capable de
donner de meilleur en terme d’engagement politique ou pour mieux dire de réflexion citoyenne sur
les arcanes du pouvoir.
Paolo Emilio Sales Gomes, O Cinema no século,
São-Paulo, Companhia des letras, 2015, 615 p.
208
Anthologie en langue originale de textes sur le
cinéma de Sales Gomes publiés entre 1941 (Fantasia, Citizen Kane) et 1970. L’édition – due à
Carlos Augusto Calil secondé par Adilson Mendes
– est organisée en fonction de noms de cinéastes
(Méliès, Chaplin, Griffith, Stroheim, Eisenstein,
Ford, Welles, Rossellini, de Sica, Fellini, Renoir,
Clair...) et de « moments » significatifs de cinémas
nationaux (Espagne, Japon, Allemagne, GrandeBretagne). Pratiquement tous les textes ont été
publiés dans le quotidien pauliste O Estado de S.
Paulo où Sales Gomes tenait une rubrique. Dans
sa postface, Bernard Eisenschitz rapproche le critique de Bazin, Daney et des Histoire(s) du cinéma
de Godard ce qui devrait le rendre assurément
familier aux lecteurs français qui ont pourtant
une singularité à découvrir dans cette pensée –
on le voit dans les quelques textes de ce numéro
et dans les études dues à des chercheurs brésiliens
– liée à la situation de « pays occupé » du Brésil,
une forme de la sujétion post-coloniale.
Alexandre Sokourov, Au milieu de l’océan, Lausanne, L’Âge d’Homme, Coll. « Histoire et esthétique du cinéma/Travaux », 246 p.
Au moment où sort sur les écrans le dernier film
de Sokourov – présenté à Venise cette année –,
Francofonia, consacré au Louvre pendant la guerre
et au statut de l’art dans les sociétés européennes
contemporaines (la constitution par pillage des
musées et aujourd’hui son rôle touristique), sort
un ouvrage paru auparavant en Italie puis en Russie, recueillant des textes du cinéaste de natures
diverses : pages de journal, narration littéraire de
quelques-uns de ses films, témoignages, mémoires,
réflexions, contes fantastiques allégoriques, etc. On
peut signaler des pages étonnantes où Sokourov se
confronte à Bergman et Antonioni, celles où il
s’affronte à la figure du Père du cinéma soviétique,
Eisenstein pour en dénoncer le goût pour la violence, le sadisme. Comme dans nombre d’entretiens, Sokourov tient à dire combien à son avis le
cinéma n’est pas un art, trop hétérogène, trop
prédateur des autres arts, trop « bluffeur » en
quelque sorte, bien que ce soit cependant dans ce
domaine « artisanal » que lui-même s’efforce d’œuvrer. Introduction développée du traducteur
Jeremi Szaniawski, auteur d’une thèse sur le
cinéaste recensée ici il y a quelques numéros.
Bernd Stiegler, Images de la photographie. Un
album de métaphores, Paris, Hermann, Coll.
« Échanges littéraires », 2015, 283 p.
D’« analphabétisme (photographique) » à « Voyeurisme », une série d’« entrées » sont choisies qui
Revue_1895_77-15248 - 13.11.15 - page 209
Auteur de travaux qui ont permis aux études actorales de se développer et de devenir même un pan
de la réflexion contemporaine sur la nature du
spectacle cinématographique, Christian Viviani
donne avec cet ouvrage une sorte de synthèse, de
bilan de plus de trente ans de recherches, d’analyses, de réflexions sur ce sujet éminemment complexe qu’est celui de l’acteur de cinéma. Précis,
didactique au meilleur sens du terme, l’auteur
avance en se bardant d’exemples (et de photographies plus significatives les unes que les autres). Il
y a une espèce de virtuosité dans ce livre tant
l’auteur multiplie les références à toutes les techniques de jeu saisies dans des films relevant de multiples cinématographies même si le cinéma
américain est au cœur de la démarche. Rarement
un livre a donné le sentiment que son sujet, ou
son objet, était aussi pleinement maitrisé, un livre
« fondateur » pour reprendre le mot de James
Naremore dans sa préface.
n
o
Revues
2015
Ce numéro poursuit l’orientation monographique
adoptée par la revue. La dernière livraison affronte
la notion de « stardom » (le goût des anglicismes
est largement répandu en Italie...), c’est à dire
l’ensemble des étoiles qui compose le star system
d’une cinématographie, en l’occurrence le cinéma
italien. Une série d’études et quelques entretiens
s’interrogent sur la question de la star et, à partir
d’un passé prestigieux, pose la question de savoir si
aujourd’hui en Italie existent encore des interprètes qui peuvent à eux seul assurer la faisabilité d’un
HIVER
Bianco e Nero, no 581, janvier-avril 2015
77
Alexandre Sumpf, historien de l’URSS (De Lénine
à Gagarine), envisage dans cet ouvrage la mise en
place et le développement de l’industrie cinématographique soviétique comme entreprise visant à
écrire, réécrire l’histoire récente, convaincre le
public, l’émouvoir, le charmer, répondre à ses
goûts esthétiques. Le principe du livre est l’exposé
des événements historiques retenus (les révolutions
de février et octobre 1917) puis l’analyse d’une
sélection de 18 films allant de 1917 à 1985 afin
d’examiner quand et comment ces événements,
avec leurs rapports de forces sociales et politiques,
ont été représentés à l’écran en fonction des circonstances et du contexte. Une démarche qui s’inscrit dans le droit fil de la méthode instituée par
Marc Ferro il y a plusieurs années. Pour l’auteur,
« si les Bolchéviks ont rapidement perçu le potentiel du média cinématographique, ils n’ont pas
forcément su se donner les moyens d’en tirer un
parti optimal ». Aussi conclut-il sur la figure du
spectateur « braconneur » : il appartient à chaque
génération de faire sa propre image de la mise
en scène de l’année 1917. L’ouvrage dénué de
notes infrapaginales comporte deux index et une
bibliographie indiquant en particulier les sources
primaires utilisées sans que l’on puisse malheureu-
Christian Viviani, Le Magique et le vrai. L’acteur de cinéma, sujet et objet, Aix-en-Provence,
Rouge Profond, 2015, 256 p.
1 8 9 5 R E V U E D ’ H I S T O I R E D U C I N É M A
Alexandre Sumpf, Révolutions russes au cinéma.
Naissance d’une nation : URSS, 1917-1985,
Paris, Armand Colin, 2015, 240 p.
sement savoir quand elles sont sollicitées et de
quelle manière. L’édition est réalisée « sous la
direction de Laurent Veray ».
209 CHRONIQUES
définissent la photographie dans des textes de
théoriciens du XIXe siècle à nos jours (Sontag,
Barthes, Flusser, Mitchell, etc.) en usant de métaphores : on trouve aussi « arme » ou « appareil
de pénétration » dans un champ sémantique
qu’étudient les cultural studies ou « Double »,
« Mémoire », « Objectivité » qui appartient plus
aux réflexions onto-philosophiques et encore
« Mensonge » dans un registre plus politico-social,
ou encore « Résurrection », « Vera Ikon » dans celui
du théologique... 55 photographies ouvrent
chaque « entrée », ajoutant l’épaisseur historique
aux considérations théoriques qui suivent. Préface
de Georges Didi-Huberman.
Revue_1895_77-15248 - 13.11.15 - page 210
film en garantissant son succès commercial. Dans
le texte liminaire la réponse est négative : le cinéma
italien n’a plus d’étoiles et ne semble pas en
mesure d’en créer de nouvelles. Le règne de la
diva cinématographique est-il définitivement
révolu au profit des vedettes de la télévision ?
Cahiers des Amis d’Alexandre Vialatte, no 39,
2014
210
Alexandre Vialatte a écrit sur le cinéma depuis les
années 1920-1930 – dans l’Intransigeant, dans la
Nouvelle Revue Française notamment – mais il n’a
tenu une rubrique régulière que de mars à août
1950 dans un hebdomadaire féminin, Bel Amour
du foyer, « l’hebdomadaire de la famille heureuse »... Les animateurs des Cahiers Vialatte ont
eu l’heureuse idée de rééditer ces chroniques
signées Serge Sergent, Camille Lescaut, S., C. L.,
ou non signées... Adressées à des lectrices censées
être grillons du foyer, ces textes commencent tous
par narrer le film avec cet art du résumé qu’avait
Fénéon dans ses nouvelles en trois lignes et aussi
Benjamin Péret quand il chroniquait le cinéma
pour l’Humanité... ou Georgius ou Vian dans
leurs chansons (un art disparu en dépit de la surenchère à la rapidité – SMS, tweet...). Il s’y
engage, dès ce condensé, l’appréciation qui
conclura l’article. Un western ? « Désert et frontière mexicaine, trésor caché, chemises à carreaux,
cavaliers et coups de revolver. On connaı̂t le
genre ». Bien que Vialatte, nous dit-on, ait été
cinéphile, point de commentaires internes au
« champ » cinématographique. Souvent il n’est
pas fait mention de l’auteur et l’acteur est systématiquement nommé à la place du personnage. La
nature de document sur une époque est présente à
l’esprit du chroniqueur, déjà dans son article de
l’Intransigeant de 1925 (reproduit dans ce recueil
sans mention de la signature : C. M. R.). Il évoque
l’atmosphère des salles de cinéma en Allemagne
devant des films fondés sur le schéma inusable :
« l’Allemand chaste et beau bat le Français bestial
et bête » et annonce le danger nationaliste qu’il
voit s’étaler sous ses yeux et ses oreilles (« J’ai vu,
exposé dans un magasin, la carte d’Europe rema-
niée par les soins des partisans de la ‘‘grande Allemagne’’ ») et s’étonne qu’il appartienne non pas au
programme monarchique mais républicain... La
« Ballade berlinoise » du 1er mai 1950 fait écho à
cet article ancien : « que vaut-il comme document ?
Que nous veut-il ? » ce film qui nous conte les
souffrances de l’Allemand moyen dans l’Allemagne
occupée de 1945 qui subit les ennuis du rationnement et rêve de gâteaux et de crème fouettée...
« On est frappé de voir combien il est peu à
l’échelle du drame... On ne peut pas lui demander
de nous renseigner sur l’esprit de l’Allemagne ».
Stalingrad (de Bondartchouk) : « Qu’y manquet-il ? Rien. C’est une grande chose. (...) Au fond
tout ce qui n’est pas Staline. Il manque l’homme
moyen... ». Les films abordés sont le tout-venant
de la distribution en salles, aucune hiérarchie n’est
esquissée, il s’agit d’entrer par une porte, celle
qu’on trouve, le plus souvent cocasse. Down to
the Sea in Ships de Hathaway où l’on pratique
la chasse à la baleine (rebaptisé les Marins de
« l’Orgueilleux ») autorise cette adresse à la lectrice
de Bel Amour : « Si vous êtes en famille, madame,
qui vous empêche d’aller goûter ce sport violent...
Vos louveteaux en seront ravis ».
Décadrages, no 29-30, printemps 2015 « René
Vautier »
Le dernier numéro de la revue lausannoise est
double et il offre un riche dossier consacré à
René Vautier récemment disparu. « Figure exemplaire du cinéma militant » se revendiquant de
l’héritage politique et cinématographique de Joris
Ivens, son œuvre est mise dans l’éditorial sous
l’éclairage de l’anticolonialisme, dont Afrique 50
est le premier maillon suivi de la période algérienne. Puis viennent la Bretagne et un nombre
impressionnant de luttes sociales et politiques, de
films de commande, collectifs ou non jusqu’à une
réflexion ironique sur le cinéma politique engagé
avec le Remord. La présentation du numéro (due à
François Bovier, Cédric Fluckiger et Sylvain Portmann) relève le peu de commentaires critiques
concernant Vautier, le peu d’études qui lui soient
consacrées et elle met cette sous-estimation du
Revue_1895_77-15248 - 13.11.15 - page 211
Eselsohren. Journal of History of Art, Architecture and Urbanism, vol. II, no 1-2, 2014
1 8 9 5 R E V U E D ’ H I S T O I R E D U C I N É M A
La dernière livraison de cette publication éditée
aux Pays-Bas en anglais et allemand (et ici français)
est consacrée aux « City Symphonies – Film Manifestos of Urban Experiences /Stadtsinfonien – Filmische Manifeste urbaner Erfahrung ». Après une
introduction de Floris Paalman (« The Theoretical
Appearance of the City Symphony ») treize contributions d’auteurs sur des sujets géographiques particuliers, le plus souvent des villes : Berlin, Paris,
Moscou, Odessa, Amsterdam, etc. dus à des historiens de l’art, des spécialistes d’architecture ou de
cinéma (Huub Thomas, Franziska Bollerey, Helge
Svenshon, Les Roberts, Thomas Tode, Henning
Engelke, François Albera, Eva Hielscher, Chris
Dähne, Sándor Békési). Le volume se clôt sur
une filmographie des « portraits de villes » et des
« symphonies de villes » de Tode et Bollorey. Insistons, en raison du thème de ce numéro de 1895
sur l’étude de Christina Meneguello : « São Paulo,
a Symphonia da Metropole 1929 » dû à deux
immigrants hongrois, Adalberto Kemeny et
Rodolpho Rex Lustig qui « exportent » le modèle
ruttmannien en Amérique latine.
211 CHRONIQUES
Immagine. Note di storia del cinéma, no 10,
2014
o
77
HIVER
2015
Ce numéro de la revue de l’Associazione Italiana
per le Ricerche di Storia del Cinéma se présente
comme un ensemble monographique sur le
cinéma et la représentation du voyage. Six contributions sont consacrées au thème. À cet ensemble
s’ajoute une belle étude dédiée au film de Goffredo Alessandrini, Don Bosco (1935), œuvre
hagiographique décrivant le parcours du fondateur
de l’ordre des Salésiens. Enfin Aldo Bernardini
revient sur la naissance et les premières années
d’activité de l’association italienne des historiens
du cinéma. Il y décrit la genèse de l’AIRSC en
1963 – vingt ans avant l’AFRHC à laquelle elle a
servi de modèle – et insiste sur le rôle déterminant
assumé par Davide Turconi.
n
cinéaste et de son travail sous le signe de l’opposition entre films politiques qui « déconstruisent leur
mode de représentation et d’énonciation, gage
d’une écriture cinématographique (par exemple
Godard et le groupe Dziga-Vertov) et films qui
se font le porte-voix de revendications sans diriger
l’attention sur le travail de mise en forme (par
exemple Cinélutte ou l’UCPB) ». Cette opposition
est remise en cause par les responsables du numéro
qui d’une part font valoir certaines « intentions
formelles » de la part des films « porte-parole » à
considérer dans le cadre d’une « esthétique de la
spontanéité » et d’autre part que certains films de
Vautier font preuve d’un « travail de mise en forme
qui excède « l’effet d’urgence et de ‘‘spontanéité’’ ».
En un sens un peu différent, Hélène Raymond
rattache la démarche de Vautier à la perspective
des avant-gardes de dissoudre l’art dans le social,
lui trouvant des proximités avec les performances
et les happenings contemporains. Il faudrait revenir sur ce débat important qui engage des définitions différentes sinon divergentes du rôle social et
politique du cinéma entre l’instrumentalisation
immédiate et le passage de l’acte de création à
une socialisation (les citoyens) qui vise à mobiliser
au-delà du film et la dimension réflexive, « d’aprèscoup », de complexification des questions qui se
posent à un moment donné qui donne au film
une dimension d’objet de pensée. C’est en quelque
sorte le débat qu’ouvre Godard-Miéville dans Ici et
Ailleurs. Mais en l’état, la contribution de ce
numéro à la meilleure connaissance d’un antiauteur (puisqu’il vise sa disparition) pose un
jalon. La rubrique « cinéma suisse » comporte une
analyse d’Adieu au langage de Godard, d’Homo
Faber de Dindo et des analyses concernant la Biennale de l’image en mouvement de Genève et d’ArtBasel ainsi qu’un retour détaillé sur le livre consacré à Bolex Boolsky (dont il a été aussi question
dans nos colonnes).
Revue_1895_77-15248 - 13.11.15 - page 212
L’Atalante. Revista de estudios cinematográphicos, no 20, 2015
Cette revue semestrielle de Valencia, en Espagne,
connaı̂t une livraison imprimée et une livraison
numérique en versions espagnole et anglaise
(http://www.revistaatalante.com/index.php ?journal=atalante) grâce à l’aide du ministère de l’économie et de la compétitivité. Le dernier numéro
est principalement voué à des études sur le cinéma
espagnol envisagé dans plusieurs moments de son
histoire en particulier dans l’après-guerre (tableronde avec Jenaro Talens, Jean-Claude Seguin,
notamment), les années 1950, le franquisme
(dont on distingue des périodes), des thèmes
(amour, perte, mélancolie, délire ; humour et
métadiscours), des tendances stylistiques ou énonciatives (la voix narrative dans le cinéma de fiction
du premier franquisme), des liens avec la littérature ou la peinture et quelques figures de cinéastes
(Ladislao Vajda, hongrois devenu espagnol après la
Deuxième Guerre mondiale ; José Antonio Nieves
Conde, les Taviani, Ozu).
Studies in Russian and Soviet Cinema, vol. 9
no 2, 2015
212
Signalons pour sa convergence avec le dossier
Archives de ce numéro et quelques comptes rendus de DVD l’étude d’Anthony Anemone consacrée à un film de Kalatozov de 1932, Un clou
dans la botte : « The polemic around Mikhail
Kalatozov’s A Nail in the Boot » qui détaille les
problèmes que souleva le film et qui valut une
relégation de son auteur de plusieurs années où il
travailla dans la sphère administrative des studios
géorgiens et non plus dans la réalisation. C’est un
article de la revue Proletarskoe kino (organe de
l’ARRK) qui déclencha la polémique dont l’auteur
montre le caractère emblématique de la situation
du cinéma soviétique dans la période du 1er Plan
quinquennal et de sa transition vers le cinéma
« stalinien ». L’auteur dénonce les « erreurs d’une
méthode viciée » qui n’est autre que le formalisme
et qui amène à une vision déformée de l’Armée
rouge et de la justice soviétique. Kalatozov répondit à cette attaque en remettant en question l’exercice critique lui-même : la critique ne doit-elle pas
être constructive, même auprès d’un film raté,
plutôt que d’être une instance de jugement et de
condamnation ? La revue lui répondit que l’artiste
devait se soumettre au jugement critique. Puis les
deux adversaires furent renvoyés dos à dos par un
troisième intervenant qui affirma en revanche la
suprématie de la critique idéologique et la nécessité
de s’y soumettre pour les cinéastes. Leyda chaud
partisan du Sel de Svanétie qu’il vit à Moscou
quand il y séjourna en 1934, consacre plusieurs
paragraphes de son Kino, une histoire du cinéma
russe et soviétique (1959) à Kalatozov et à ses démêlés avec les instances politiques. Il évoque Un clou
dans la botte, sans avoir pu le voir, à travers les
articles polémiques parus dans les revues.
Notes rédigées par François Albera, Jean A. Gili,
Myriam Juan, Mélisande Leventopoulos.