Les 10 péchés capitaux de Bill Gates

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Les 10 péchés capitaux de Bill Gates
ANTITRUST
Les 10 péchés capitaux de Bill Gates
Le plus grand procès anti-trust de la décennie, celui de Microsoft, vient de s'ouvrir a
Washington. L'Amérique commence à découvrir les étranges méthodes de Bill Gates.
Et à comprendre que son génie n'est peut-être pas là où on le croyait...
Non, le juge Thomas Penfield Jackson n'a pas accordé l'ultime délai de quinze jours réclamé par
Microsoft. Le procès Département de la justice des Etats-Unis contre Microsoft Corp. vient donc
de s'ouvrir ce lundi. Dans la dernière ligne droite, l'accusation a allongé de 10 à 12 la liste des
témoins qu'elle a l'intention d'appeler à la barre. Et les noms des nouveaux arrivants indiquent
clairement une volonté d'élargir le sujet. L'espoir des opposants à Microsoft est que l'on fasse le
procès de l'ensemble des méthodes musclées - et illégales, selon eux - employées par la firme de
Bill Gates pour maintenir à tout prix son monopole là où il est acquis et, en s'appuyant sur ces
positions, pour l'étendre à d'autres secteurs. Et ils sont nombreux, ceux qui en veulent à Microsoft et
rêvent de voir muselée ou du moins bridée sa voracité. A la longue liste de concurrents écrasés, de
partenaires fatigués de se voir imposer des règles du jeu toujours plus léonines, de clients lassés
d'être pressurés par une stratégie de l’obsolescence organisée, s'ajoute aujourd'hui une partie du
public, qui découvre enfin la vraie nature d'une entreprise hier portée aux nues. Car tout à coup
sortent livres et articles critiques, disant tout haut ce qui se chuchotait hier et présentant la firme et
l'homme sous un angle bien moins glamour qu'il n'était d'usage dans le temps. Non seulement
Microsoft, affirme-t-on aujourd'hui, a une drôle de façon d'interpréter les lois du marché, mais en
plus la firme ne serait pas vraiment le moteur de l'innovation que l'on vantait. Elle aurait même, à
des moments cruciaux, eu de la chance plutôt que du flair. Non, Bill Gates n'a pas inventé
l'informatique, au contraire il l'empêche d'avancer, car plus elle traîne en route, plus il parvient à
insinuer son infâme Windows un peu partout et plus il peut percevoir sa taxe d'obsolescence auprès
de dizaines, bientôt de centaines de millions de clients captifs chaque fois qu'il estime que Windows
XYZ ou Word X a assez duré et que vous devez passer à Windows XYZ + 3 ou Word X + 1. C'est
ce genre de choses que le public américain peut lire ces dernières semaines dans des livres corrosifs
tels que Barbarians Led By Bill Gates (par Jennifer Edstrom et Marlin Eller) ou The Microsoft File,
The Secret Case Against Bill Gates (par Wendy Goldman Rohm)1. Les Français pourront bientôt se
procurer une traduction de ce dernier ouvrage, mais peuvent déjà découvrir un autre obus lancé par
Roberto Di Cosmo, chercheur en informatique de l'Ecole normale supérieure, dans le Hold- Up
planétaire, la face cachée de Microsoft2.
1. Il est devenu le tyran indéboulonnable du Net
C'est une banale évasion fiscale qui a fait trébucher Al Capone. Le procès, déjà qualifié d'historique,
qui vient de s'ouvrir contre la firme à la croissance la plus exponentielle de cette fin de siècle, est
également parti d'une accusation somme toute mineure comparée à tout ce qui est aujourd'hui
évoqué, mais qui présentait l'avantage d'être bien visible et caractérisée. Résumons. Lorsqu'un client
se présente pour acheter un micro-ordinateur, que lui propose-t-on à tout coup ou presque? Un PC
sous Windows. Nous verrons plus loin pourquoi. Mais, en plus, inclus dans Windows, le client
trouve Internet Explorer, le logiciel d'accès à Internet de Microsoft. Dès la machine en marche, il
1
Publié chez Random House, 1998. First Editions annonce une traduction en français pour le 9 novembre, sous le titre
l'Affaire Microsoft.
2
De Roberto Di Cosmo et Dominique Nora, chez Calmann-Levy, 1996
trouve sur son écran une icône qui l'invite à aller surfer sur le Net et, en cliquant dessus, il se met à
utiliser le logiciel Internet Explorer. Ce qui fait tiquer la justice américaine, c'est qu'il existe un
concurrent notoire de ce produit, le Communicator de Netscape. Microsoft n'a pas encore tout à fait
tué Netscape. Mais en incluant Explorer dans Windows, il est parvenu à prendre la moitié d'un
marché hier détenu par Netscape, qui avait conquis une position enviée sur un marché naissant en
jouant un rôle de pionnier, en sortant, plus vite que quiconque, un produit très innovant. Microsoft
lui a repris la moitié de ses clients avec un produit imposé dont il n'est pas facile de se débarrasser.
Pas facile, dans ces conditions, de gagner sa vie en vendant un produit concurrent. L'un des
arguments de Microsoft consiste à affirmer qu'il est dans l'intérêt de l'utilisateur que la navigation
sur Internet devienne une fonction standard, incluse dans le logiciel de base de tout ordinateur. Cela
se défend un peu. Le premier appareil photo à cellule incorporée a fait du tort aux fabricants de
cellules, mais faut-il le regretter? Et, d'ailleurs, enlever une cellule incorporée pour installer une
concurrente n’est pas chose aisée. Mais la comparaison ne tient pas bien longtemps. En particulier
parce qu'il n’est pas juste de comparer Windows à un appareil photo. Windows ne prend pas de
photo, il ne fait rien d'intéressant. Les choses intéressantes, elles sont justement faites par des
logiciels de traitement de texte, de traitement d'image... ou encore de navigation sur le Net. Non,
Windows serait plutôt un logiciel plein de cambouis qui joue les utilités, comme celui qui, dans une
télé ou un magnétoscope, interprète ce que nous disons avec la zapette et permet de régler l'image et
le son, de rechercher et d'installer les chaînes, de programmer un enregistrement... Imagine-t-on un
éditeur de logiciels qui ferait la pluie et le beau temps sur le marché du Secam ou du VHS? Qui
dirait à Sony et autres Philips que, désormais, la touche 1 sera réservée à la lecture d'une cassette de
Godzilla, version originale, désormais obligatoirement incluse dans tout magnétoscope. Sinon, allez
voir ailleurs, et comme il n'y a plus d'ailleurs...
2. Il a flingué impitoyablement les concurrents de Windows
L'arme, le terrible bras de levier dont dispose Microsoft, c'est ce monopole planétaire: Windows n’a
plus de concurrence, ou si peu. Coca a Pepsi, Boeing a Airbus, Windows n’a plus que des cadavres
en face de lui. Des dizaines de fabricants, grands et petits, assemblent des PC à partir de pièces
détachées également fournies par des centaines d'autres entreprises, mais, au final, on retrouve
toujours, par-dessus la quincaillerie, le système d'exploitation Windows. Système
d'exploitation (en anglais: Operating System ou OS) ? Un ordinateur sans aucun logiciel ne sait
absolument rien faire, c'est pour cela qu'on ne le laisse pas sortir dans la rue tout nu, mais habillé
d'un slip logiciel, en l'occurrence, le plus souvent, Windows. Lequel permet d'installer d'autres
logiciels, dits d'application, dotés de compétences spécifiques, mais aussi de copier des fichiers et
de les ranger, disons de faire le ménage dans son PC. Pour être complet, rappelons qu'il reste une
minuscule alternative : le MacOS, système d'exploitation livré par Apple sur ses Macintosh, qui
représentent moins de 5% du marché actuellement. Enfin, vestiges du passé, un infime pourcentage
de micros tournent encore sous d'autres OS. En gros, neuf micros sur dix sont sous Windows. Et
comme cette domination est déjà un fait ancien, elle est solidifiée par des conséquences en béton : la
majorité des logiciels d'application ne tournent plus, à présent, que sous Windows. Il faut de solides
arguments pour convaincre un client d'acheter un magnétoscope qui ne lit pas le VHS...
3. Il réduit en esclavage les fabricants de PC
Mais comment en est-on arrivé à cette situation où des industriels créatifs, puissants et d'excellente
réputation - comme Hewlett-Packard ou IBM, d'une part, et, d'autre part des éditeurs de formidables
logiciels comme Adobe (Photoshop, etc.), Quark (XPress, grâce auquel sont réalisés tous les
journaux du monde) et, donc, Netscape -en arrivent à se faire mener par le bout du nez par le
fournisseur du machin utilitaire et intermédiaire, et en l'occurrence pas fameux, qui permet aux
produits des seconds de fonctionner sur les ordinateurs des premiers, au vrai soft de tourner sur le
hard ? Les moyens employés par Bill pour parvenir à ce résultat ont, semble-t-il, été variés, mais
surtout musclés... et la justice américaine dira s'ils étaient ou non illégaux. Elle a d'ailleurs, sur un
point, rappelé à l'ordre le bouillant Bill. Il fut démontré, il y a quelques années, que Microsoft
imposait aux fabricants de PC de drôles de contrats de licence, prévoyant notamment un paiement
en fonction non point du nombre de copies de Windows livrées, mais du nombre total de PC
vendus. Sans aucun doute plus simple, mais également un moyen effroyablement efficace pour
pousser un fabricant à oublier totalement tout autre OS. Epinglé sur ce sujet, Microsoft a dû changer
sa manière de faire. Mais Windows reste, en pratique, collé à presque chaque PC : Roberto Di
Cosmo raconte dans son livre comment il a personnellement tenté de se faire rembourser -en vain le prix de l'exemplaire de Windows qu'il a trouvé sur un PC acheté par lui et sur lequel il a installé
un concurrent confidentiel de Windows, un certain Linux.
4. Contre des ristournes, il fait du chantage à l'exclusivité
Forcer l'installation systématique de Windows sur chaque PC vendu est une solution pour un OS
déjà largement dominant. Auparavant, d'autres méthodes avaient fait fureur. Ainsi, Wendy Goldman
Rohm raconte comment Vobis, une entreprise allemande, fut poussée en 1992 à oublier les
concurrents de Microsoft qu'étaient, à l'époque, Digital Research et Novell. Facile et vieux comme
le monde : de meilleurs prix contre l'élimination des gêneurs.
5. Il a fait de windows le logiciel le plus sectaire
L'ouvrage de Wendy Goldman Rohm raconte comment, la même année, on découvrit qu'une version
de l'époque de Windows 3.1, qui n'était encore qu'une couche installée par-dessus un OS plus
primitif, le MS-DOS du début, manifestait une certaine allergie à DR-DOS, grand concurrent de
MS-DOS. Un expert découvrit le petit bout de programme qui générait des pseudo-messages
d'erreur lorsqu'il détectait DR-DOS plutôt que l'OS de son maître. Arme particulièrement subtile,
puisque, en réalité, tout fonctionnait normalement, mais la détection d'erreur était erronée. C'était
cependant assez pour convaincre éventuellement un industriel qu'il valait mieux livrer Windows par
dessus MS-DOS plutôt que son concurrent.
6. Il a construit son monopole sur le dos d'IBM
Mais il ne faudrait pas oublier le point de départ de la saga qui a mené au monopole de Windows.
Nous sommes en 1980 et IBM vient de découvrir la micro-informatique. Ce qui est fort de café car
le géant est à la tête des deux tiers de l'informatique mondiale. Et surtout parce que IBM n'y croyait
pas, la veille, à cette micro qui lui semblait ne pouvoir intéresser que des gosses de riches
découvrant les joies de la programmation. En Basic. Un langage inventé par John Kemeny et
Thomas Kurtz, au Dartmouth College - et non par Bill Gates, comme on le lit parfois. Et, en 1980,
qui vend un micro Basic, programmé tellement serré qu'il tient dans la minuscule mémoire des
premiers micros ? Microsoft, la toute jeune boîte créée par Bill Gates et Paul Allen, le vrai
technoïde du duo.
Lorsque John Opel arrive à la tête d'IBM et s'inquiète de la vitesse à laquelle cette
micro-informatique s'envole, il décide de réagir. C'est dans ce contexte que l'on se tourne vers
Microsoft. Wendy Goldman Rohm précise que ce serait Mme Gates mère, Mary Gates, qui aurait
soufflé le prénom de son fils dans l'oreille de John Opel qu'elle voyait en tant qu'administrateur
comme elle d'une fondation de bienfaisance. Microsoft place donc son Basic chez IBM, qui s'avise
qu'il lui faut aussi un OS. Bill Gates désigne le CP/M de Digital Research... qui se montre peu
empressée. C'est là qu'intervient le vrai génie du joueur de poker Bill. Il rachète pour 50 000 dollars
à Seattle Computer Products, la boîte de Tim Paterson, un vague clone de CP/M, nommé Q-DOS d'ailleurs passablement pompé sur l'original, et à la va-vite, puisque Q-DOS signifie Quick and
Dirty OS, soit en substance : OS vite et mal fait. Microsoft le retapera par la suite, mais, en
attendant, Bill avait de quoi signer avec IBM, qui n'y vit que du feu. Wendy Goldman Rohm raconte
encore comment on fut effrayé par la suite chez IBM de découvrir l'existence dans MS-DOS de
segments de code parfaitement identiques au CP/M d'origine, rédigé par Gary Kildall, le fondateur
de Digital Research, au point de lui payer 800 000 dollars pour éviter un possible procès. Mais Bill
Gates réussit la manœuvre de sa vie, surtout lorsqu'il parvient à faire signer à IBM un accord de
licence non exclusive. La suite se joue presque en automatique. Comme IBM domine le marché de
l'informatique professionnelle, elle capte très rapidement l'essentiel de la clientèle du même métal.
Dans le même temps, Bill propose à tous les concurrents de prendre également une licence pour
MS-DOS : un micro sous MS-DOS bénéficiera de la crédibilité créée par la paternité d'IBM. Mais,
un jour; on découvre que c'est Bill qui mène le jeu...
7. Il pirate les idées des autres
Un Quick and Dirty OS fourgué au numéro un de l'informatique - qui n’a pas vu venir la micro et
n'y pige rien -, rafistolé ensuite : c'est cela, le génie de Bill Gates, c'est d'abord à cela qu'il doit la
position acquise par la suite du fait, essentiellement, de la position dominante d'IBM, elle-même
obtenue par des moyens discutables et discutés par la justice américaine. Restait à conforter cette
position par les autres méthodes étranges déjà évoquées. Par la suite, Bill appliquera de nombreuses
fois cette stratégie géniale : piquer les idées des autres. En particulier, lorsque Apple commencera à
conquérir une position enviable grâce au réel progrès que constituera l'interface graphique et
conviviale du Macintosh, il exigera inlassablement de ses troupes qu'elles copient inlassablement le
Mac, de nombreux témoignages l'indiquent.
8. Il a truandé et pillé certains de ses partenaires
Il y a bien des manières de copier, et Microsoft semble les avoir toutes utilisées. La plus efficace est
sans doute la suivante, fort bien relatée dans l'ouvrage de Wendy Goldman Rohm. En 1988, toute
l'industrie vibre à propos d'un nouveau concept en vogue : l'ordinateur sans clavier. Les formes sont
diverses, mais on imagine des sortes d'ardoises sur lesquelles on écrirait à la main, au stylo
(électronique), car on croit très fort aux progrès de la reconnaissance de l'écriture. C'est parce que
cette technologie n'a pas tenu les promesses (de qui, au fait?) que cet espoir fou s'est dégonflé et que
les millions d'ordinateurs portables vendus aujourd'hui comportent un clavier. Il reste de cette
histoire des agendas électroniques à stylo qui permettent au mieux de noter une adresse ou un
rendez-vous, non de taper un roman. A l'époque, donc, on y croit très fort, Microsoft compris. Or
c'est ailleurs, comme d'habitude, que l'avenir se prépare, notamment chez Go Corp. qui a mis au
point exactement ce qu'il faut pour effrayer Bill Gates : un OS complet, et très bien vu (il sera salué
par la plupart des observateurs) entièrement fondé sur l'usage du stylo. Bref, un concurrent de
Windows pour ordinateurs sans clavier. Wendy Goldman Rohm raconte comment Bill Gates signa
un accord de confidentialité avec Go Corp. afin d'entreprendre des négociations autour de cette
nouvelle technologie que Microsoft ne maîtrisait pas. Comment les hommes de Gates eurent ainsi
accès à cette technologie, purent la reproduire au point d'annoncer rapidement un Windows pour le
stylo. Très vite, les partenaires avec lesquels Go était en discussion comprirent que Gates avait fait
la peau de Go, que le doneur allait tuer l'inventeur, qu'il ne leur restait qu'a lâcher l'un pour l'autre.
9. Il a signé un contrat pour mieux le trahir
Dans un autre genre, on devrait entendre à la barre des témoins du procès de la justice américaine
contre Microsoft, un certain James Gosling, aujourd'hui vice-président de Sun, mais avant cela
inventeur du langage java, une technologie qui a fait couler beaucoup d'encre dans la Silicon Valley.
Le langage Java permet de réaliser un petit logiciel destiné à être livré via Internet, totalement
indépendant de l'OS du PC sur lequel il est utilisé. Bref, java permettrait à l'industrie tout entière de
décrocher de Windows. Insupportable. D'autant que toute l'industrie ou presque a signé avec Sun
pour l'usage de Java. Et s'est donc engagée à respecter à la lettre la définition de ce langage.
Microsoft, cette fois, l'a joué très fine. En signant! Monsieur Sun, je veux utiliser votre superbe
langage java, en foi de quoi je signe, je m'engage à respecter scrupuleusement votre standard. Et
quelques mois plus tard sortait la version Microsoft de Java, une variation sur le même thème.
Procès, bien sûr, en cours. En attendant, que devient l'engouement de l'industrie pour Java ? Disons
qu'il s'est... rafraîchi. C'est une autre des armes terribles de Microsoft. Avec 60 milliards de dollars
de cash à la banque, cette entreprise peut s'offrir tous les procès, et même toutes les amendes du
monde. Pendant les travaux (procès), les ventes (et donc les profits) continuent. Dès lors, gagner du
temps est l'une de ses tactiques habituelles.
10.Il a usurpé sa réputation de pionnier de l'informatique
Une autre des armes favorites de Bill Gates consistait à tabler sur la sympathie d'une bonne partie du
public pour la firme. Régulièrement nourrie au discours sur le succès foudroyant de ce David de
l'informatique face aux Goliath de l'époque, la plupart de ceux qui ont entendu parler de Gates et de
Microsoft sans vraiment connaître le sujet restent sur l'idée d'un génial découvreur, d'une boîte
innovante à une vitesse d'autant plus folle qu'elle ne cesse de nous proposer de remplacer Word X et
Windows XY par Word X + 1 et Windows XY + 1. Bizarrement la méthode, Bill Gates, dans ce
qu'elle a de barbare, n'a pas été tellement racontée aux masses, à qui l'on a préféré livrer l'édifiante
histoire d'un visionnaire (qui pourtant n'a absolument pas vu venir Internet ... ). Or, montre Roberto
Di Cosmo, Microsoft livre essentiellement une marchandise qui n'a rien de remarquable et qui
reprend, avec retard, des idées venues d'ailleurs. Depuis que la société en a les moyens, elle fait cela
de plus en plus souvent en achetant purement et simplement la boîte où l'idée a germé. C'est là
finalement l'une des pratiques des plus légales employées par Microsoft pour avoir des idées.
Microsoft a même, en 1995, fini par s'offrir un vrai centre de recherche, histoire de se donner une
crédibilité en la matière. Depuis, comme le dit Roberto Di Cosmo, on a une petite chance de croiser
un chercheur Microsoft dans un congrès d'informatique. Avant, cela ne risquait pas d'arriver. Le
procès en cours et la sortie d'ouvrages décrivant enfin la vraie nature de Microsoft permettent
d'espérer que l'on commencera peut-être à regarder Microsoft avec des yeux ouverts. Non, Bill
Gates n'est pas l'informatique, mais juste une tique qui a réussi à planter ses crocs dans une industrie
il y a vingt ans et qui la saigne depuis.
© Pierre VANDEGINSTE, L’EDJ - Octobre 1998
Témoins a charge : Ils étaient les rois, Bill Gates les a
décapités
Jim Barksdale, le patron de Netscape, à 1’origine du procès : Microsoft a inclus dans
Windows un logiciel concurrent de Netscape, Navigator, qui avait créé le marché de la navigation
sur Internet.
Scott McNealy, le patron de Sun. Il s'est fait torpiller le langage Java. L'invention avait
séduit l'industrie tout entière. Gates a fait mine de l'adopter aussi, mais c'était pour mieux la cloner
avec un produit divergent.
Jim Manzi, le patron de Lotus. Microsoft a enterres son logiciel. Lotus tenait le haut du
pavé en informatique bureautique dans les années 80. Microsoft a débarqué sur le secteur et l'a
laminé sans pitié.