LE PARADIS

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LE PARADIS
Fiche n° 1223
LE PARADIS
De ALAIN CAVALIER
Du 10 au 17 Décembre 2014.
LE PARADIS
de ALAIN CAVALIER
Sortie nationale : 8 0CTOBRE 2014
Alain Cavalier arpente sa maison et les alentours dans
un splendide éloge du réel.
«Depuis l’enfance, j’ai eu la chance de traverser deux
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minidépressions
de bonheur et j’attends, tout à fait serein, la
troisième. Ça me suffit pour croire en une certaine beauté de la
vie et avoir le plaisir de tenter de la filmer sous toutes ses
formes : arbres, animaux, dieux, humains… et cela à l’heure
où l’amour est vif. L’innocence, le cinéaste en a perdu une
partie. C’est si délicat à repérer autour de soi, si difficile à ne
pas perdre au tournage. Ma reconnaissance va à ceux que
vous regarderez à l’écran. Pour tenir tête au temps, j’ai une
parade qui est de fouiller dans mon stock d’émotions et
d’images anciennes. Non pour retrouver ce qui ne reviendra
pas mais pour deviner dans l’hiver les signes du printemps.
Cela permet de recommencer encore une journée d’un pas
aisé.»
Contrairement à tous les usages de ce journal (et à rebours, même, de son éthique), qu’il nous soit permis, pour une
fois, de citer l’intégralité d’un dossier de presse : celui du Paradis d’Alain Cavalier. Cela tombe bien : il ne consiste qu’en
ces quelques lignes, écrites par l’auteur du film, sur une simple feuille de papier blanc.
PROFESSION DE FOI : Bien sûr, tout bon film se passe de mots, et Paradis est excellent. Mais ce texte de
cristal n’a aucune raison de rester entre les mains pas toujours délicates des seuls journalistes, auxquels d’ailleurs il ne
s’adresse pas spécialement. Il devrait être distribué à tous les spectateurs, comme une petite profession de foi, un
avant-propos qui met en condition, efface d’un geste le brouillard nerveux où s’agite le monde et rapporte les choses à
leurs justes, leurs exactes proportions. Et d’abord, celles d’un périmètre humain.
Alain Cavalier ne cavale plus le monde mais arpente sa maison, son jardin et les quelques fourrés, valons, bois
alentour. Pas très loin d’un Godard en cela, il a fait de sa vieillesse une ancre topologique : je filme où mon corps
habite, le paysage qui m’environne suffit à faire théâtre, cirque, plateau. Le compas, et peut-être même la vue, d’un
homme de 83 ans, ne portent plus très loin, mais l’intensité avec laquelle il regarde et embrasse les choses proches
semble un privilège exclusif à la vieillesse. Mais que voit-il ? Le Paradis, toute contradiction bue, est un éloge du réel.
Pas un sermon : tout occupé à sa fiction en bouts de ficelle, merveilleuse et fragile, comme dressée depuis l’enfance
sur les tréteaux d’une nature imaginative, Cavalier nous dispense de tout discours sur la frivolité coupable d’un monde
qui noierait la réalité sous un déluge virtuel d’informations et de divertissements. Il fait juste cette simple démonstration :
ohé, le monde est là, et le paradis, s’il existe, c’est ici-bas. Le réel, rien que le réel mais tout le réel. Dans sa douce
crudité poétique : la mort d’un petit paon, le tombeau dont le cinéaste l’honore, les traces que cette sépulture laisse
sous les saisons. Ou dans son enivrante fantaisie : le petit jouet robot auquel Cavalier distribue le rôle d’Ulysse, les
dialogues théologiques païens et funs. Et cette expérience enfin réalisée pour nous, menée dans les conditions du
direct, après tant d’années de perplexité et de doutes : les clous dérouillent-ils dans le Coca-Cola ? Ou le réel dans la
stupeur que nous inspire encore sa grandeur, sa puissance, sa beauté : ces plans virgiliens, toutes ces natures mortes
et vivantes que le cinéaste nous donne en partage et qui crépitent d’autant plus fort qu’elles s’augmentent de la valeur
du crépuscule à l’heure duquel elles sont filmées.
ECLAT TRES PUR : Film-journal, film-herbier, le Paradis, dans une économie et un style comparable
à Pater, précédent film de l’auteur, exécute pourtant un mouvement inverse. Superbe lui aussi, Pater extrapolait le
cinéaste, jouant avec la fiction extravagante du pouvoir présidentiel là où, cette fois, Cavalier tourne résolument son
propos sinon sur lui-même du moins sur sa sphère vitale, son biotope, qu’il étudie en tant que tel et à travers lequel il
jette les cordes d’un imaginaire toujours affleurant. L’exercice est souvent bouleversant, mais singulièrement il exalte,
nous entraînant à renouer avec les termes d’un optimisme relatif mais toujours possible. Eclat très pur, léger, aérien,
sans prétention mais pourtant d’une force rare, le Paradis invente une forme de film dont on ne voit d’équivalent qu’en
peinture, dans un improbable cousinage entre Holbein, Poussin et Escher, quelque part entre l’autoportrait, la pastorale
et l’anamorphose. Le résultat ne se discute pas : ce tableau-là fait du grand cinéma. NEXT LIBERATION olivier Séguret
Par Olivier Pélisson pour BANDE A PART
Libre. Alain Cavalier est libre. Affranchi des cadres, des formats, des obligations. Son cinéma continue de
voguer au-delà des espaces balisés. Le Paradis, son dix-septième long-métrage depuis le premier, Le Combat dans
l’île, offre au spectateur de partager son regard enchanté sur le monde. Il ose la « dépression de bonheur » et
recouvre les saisons qu’il filme de sa douceur. La douceur d’un regard farouchement humaniste, désencombré du
jugement et du cynisme. Rien de naïf pourtant chez le réalisateur de L’Insoumis et de Thérèse. Juste un œil précis, vif,
vigoureux, amoureux, sur l’être vivant, humain ou animal, sur l’élément naturel, sur le travail de l’homme et sur le
travail du temps. Bricoleur inventif, ludique et généreux, il joue avec les mots, les formes, les objets et les jouets,
comme avec les images qu’il monte avec fluidité et évidence du sens. Les associations d’idées le mènent à suivre la
vie d’un caillou enserré dans des clous plantés au pied d’un arbre, tout comme à écouter des associations de mots,
de symboles. Il évoque même les mythes et les origines en filmant des arbres, des champs. Cet essai poétique
touche, amuse, intrigue. Cette réflexion sur l’humanité emballe. Ça ne ressemble à rien d’autre qu’à l’œuvre d’un
franc-tireur inclassable. Un geste. Une respiration. Une heure et dix minutes à l’abri du chaos.
Dans TRANSFUGE :Microcosmos par Frederic Mercier
Le Paradis, selon Cavalier, c'est 2001, l'Odyssée de l'espace avec un rollmops au vinaigre en guise de vedette.
Fidèle à sa méthode de bric et de broc (Le Filmeur, Irène), le cinéaste se confronte cette fois à l'épique, au merveilleux
et au divin. Sont ainsi montrées dans sa maison les aventures d'Ulysse, d'Athéna et de Job. Ulysse est incarné par un
petit jouet robot, le monde par une papaye, le diable comme une souche tordue. Tel un gamin avec ses joujoux, le
cinéaste les agence, les fait se confronter tout en récitant off leurs exploits, épousant leurs interrogations au gré de
leurs quêtes. Même s'il use de moyens a priori dérisoires, Cavalier connaît trop bien le cinéma pour ne pas réduire sa
mise en scène à simplement filmer en plan fixe des canards en plastique. Il convoque aussi le son. Derrière Ulysse, on
entend la tuyauterie de la cuisine s'écouler comme si la pluie tombait sur le héros. Chaque cadre de caméra est
savamment pensé, offrant des perspectives étonnantes, variées et justes : une contre-plongée sur le diable pour
imposer sa puissance, un clair-obscur en plan rapproché pour figurer le mystère de Dieu. Au fond, cette année, ils
auront été deux, deux vieux maîtres à exalter l'image animée par le retour et le recours à des moyens rudimentaires :
Takahata avec ses esquisses crayonnées dans Le Conte de la princesse Kaguya et Cavalier avec son bric-à-brac.
Itinéraire intime, épique et mystique vers la mort, ce Paradis est également une incantation aussi profonde que ludique
sur les puissances du cinéma.
Un bref détour par les mathématiques rappellera à quiconque fut un jour lycéen que le rapport à une valeur proche de
zéro libère un quotient qui tend vers l’infini. Cette opération, liant l’infime à l’incommensurable, est précisément celle
qu’Alain Cavalier fait subir au cinéma, depuis ce jour où, à la suite de l’éprouvant tournage de La Chamade (1968), il
décida d’abandonner sa forme traditionnelle – celle, pesante, du scénario, des stars et des grosses équipes – pour la
quête d’une expression plus personnelle. Dès La Rencontre(1996), cette démarche déboucha sur l’adoption d’une petite
caméra DV, outil rudimentaire qui lui permit de s’adonner à un artisanat solitaire. Cavalier était devenu Le
Filmeur (2005), drôle de créature mi-homme mi-caméra qui, désormais, ne poserait plus son regard que sur ce qui
l’entoure.
Cet art minimal, tourné vers l’intérieur (au sens domestique), ne s’en est jamais tenu au simple journal filmé, mais est
resté avant tout celui d’un conteur, d’un affabulateur hors pair dont la parole, chuchotée à l’oreille du spectateur
(pendant la prise), gonfle sa pauvreté assumée d’une infinité de possibles : ainsi, Irène (2009) invoquait le spectre
d’une épouse défunte, et Pater (2011) nous téléportait, avec la complicité de Vincent Lindon, jusqu’aux sommets de
l’Etat. Extraits du Monde.
FILMOGRAPHIE :1962 Le combat dans l île, 1964 l Insoumis, 1967 Mise à sac, 1968 La Chamade, 1976 Le Plein de Super, 1979
Ce Répondeur ne prend pas de message, 1979 Martin et Lea, 1981 Un étrange voyage, 1986 Thérèse, 1991 Portraits, 1993 Libera
Me, 1996 La Rencontre, 2000 Vies, 2001 René,2004 Le Filmeur, 2007Les Braves, 2009 Irène , 2011 Pater, 2O14 Le Paradis.
La semaine prochaine, A la poursuite du Roi Plume (enfants 5 ans et plus)
TIMBUKTU de Sissako (mali) sélection officielle Cannes 2014
GERONIMO de Gatlif avec Céline Salette (France)