1 Exemplier – Utilité 3 Citations : 1. « Les plus baux

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1 Exemplier – Utilité 3 Citations : 1. « Les plus baux
Exemplier – Utilité 3
Citations :
1. « Les plus baux traits d’une sérieuse morale sont moins puissants, le plus souvent, que ceux de la
satire ; et rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts. C’est une
grande atteinte aux vices que de les exposer à la risée de tout le monde. On souffre aisément des
répréhensions ; mais on ne souffre point la raillerie. On veut bien être méchant ; mais on ne veut
point être ridicule. » Molière, Préface de Tartuffe (1669).
2. « TARTUFFE, parlant bas à son valet, qui est dans la maison, dès qu’il aperçoit Dorine. - Laurent, serrez
ma haire avec ma discipline, / Et priez que toujours le ciel vous illumine. / Si l’on vient pour me
voir, je vais aux prisonniers / Des aumônes que j’ai, partager les deniers. / DORINE, à part.- Que
d’affectation et de forfanterie ! TARTUFFE - Que voulez-vous ? DORINE - Vous dire…
TARTUFFE, tirant un mouchoir de sa poche. - Ah ! mon Dieu ! je vous prie, / Avant que de parler,
prenez-moi ce mouchoir. / DORINE - Comment ! TARTUFFE - Couvrez ce sein que je ne
saurais voir. / Par de pareils objets les âmes sont blessées, / Et cela fait venir de coupables
pensées. / DORINE - Vous êtes donc bien tendre à la tentation ; / Et la chair sur vos sens fait
grande impression ! / Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte : / Mais à convoiter, moi, je
ne suis point si prompte : / Et je vous verrais nu du haut jusques en bas, /
Que toute votre peau ne me tenterait pas. » Molière, Tartuffe (1669), III, 2.
3. « BAREBONE - […] Rien ne manque à ce trône abominable au monde, / À ce hideux théâtre, à
cet autel immonde. / C'est magnifique ! Enfin, je n'ai rien épargné. / À décorer Moloch je me suis
résigné, / Et j'expose aux périls qui suivent l'anathème / Mes tapis de Turquie et mon cuir de
Bohême. / Jébuséen qu'il meure (Comme frappé d'une idée soudaine.) Oui, mais qui me paiera /
Quand il n'y sera plus? L'auguste Débora / Ne laissa point son clou dans le front de l'impie /
Samson ne risquait rien, quand sa force assoupie / Fit choir pour son réveil tout un temple
ennemi; / Judith, qui triompha d'Holopherne endormi, / Fuyant, parée encor, de la sanglante
fête, / Sans perdre un seul joyau sut emporter sa tête. / Mais moi ! qui m'indemnise ? et quel
profit réel / Me dédommagera de la mort de Cromwell? / Ne faut-il pas laisser quelque chose à
ma veuve ? / La question ainsi me semble toute neuve. » Victor Hugo, Cromwell (1827), V, 3,
p. 404.
4. « MERCADET - Eh bien ! toi si courageuse dans les adversités… MME MERCADET - Je suis
sans force contre le plaisir de te voir sauvé… riche… MERCADET – Riche mais honnête…
Tiens, ma femme, mes enfants, je vous l’avoue… eh bien ! je n’y pouvais plus tenir, je succombais
à tant de fatigues… L’esprit toujours tendu, toujours sous les armes !... Un géant aurait péri… Par
moments, je voulais fuir…Oh ! le repos… » Honoré de Balzac, Le Faiseur (1848), V, 7.
5. « TRIVELIN - Vous me charmez. Embrassez-moi aussi, mes chers enfants ; c'est là ce que
j'attendais. Si cela n'était pas arrivé, nous aurions puni vos vengeances, comme nous avons puni
leurs duretés. Et vous, Iphicrate, vous, Euphrosine, je vous vois attendris ; je n'ai rien à ajouter
aux leçons que vous donne cette aventure. Vous avez été leurs maîtres, et vous en avez mal agi ;
ils sont devenus les vôtres, et ils vous pardonnent ; faites vos réflexions là-dessus. La différence
des conditions n'est qu'une épreuve que les dieux font sur nous : je ne vous en dis pas davantage.
Vous partirez dans deux jours, et vous reverrez Athènes. Que la joie à présent, et que les plaisirs
succèdent aux chagrins que vous avez sentis, et célèbrent le jour de votre vie le plus profitable. »
Marivaux, L’Île des Esclaves, sc. 11 (1725).
6. « [Molière] n’a point prétendu former un honnête homme, mais un homme du monde ; par
conséquent, il n’a point voulu corriger les vices ; mais les ridicules ; et, comme j’ai déjà dit, il a
trouvé dans le vice même un instrument très propre à y réussir. Ainsi voulant exposer à la risée
publique tous les défauts opposés aux qualités de l’homme aimable, de l’homme de société, après
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avoir joué tant d’autres ridicules, il lui restait à jouer celui que le monde pardonne le moins, le
ridicule de la vertu : c’est ce qu’il a fait dans Le Misanthrope. […] On pourrait dire qu'il a joué dans
Alceste, non la vertu, mais un véritable défaut, qui est la haine des hommes. À cela je réponds
qu'il n'est pas vrai qu'il ait donné cette haine à son personnage : il ne faut pas que ce nom de
Misanthrope en impose, comme si celui qui le porte était ennemi du genre humain. Une pareille
haine ne serait pas un défaut, mais une dépravation de la nature et le plus grand de tous les vices.
Le vrai Misanthrope est un monstre. S'il pouvait exister, il ne ferait pas rire, il ferait horreur. […]
Qu’est-ce donc que le Misanthrope de Molière ? Un homme de bien qui déteste les mœurs de son
siècle et la méchanceté de ses contemporains ; qui précisément parce qu’il aime ses semblables,
hait en eux les maux qu’ils se font réciproquement et les vices dont ces maux sont l’ouvrage. S’il
était moins touché des erreurs de l’humanité, moins indigné des iniquités qu’il voit, serait-il plus
humain lui-même ? » Jean-Jacques Rousseau, Lettre à d’Alembert (1758).
« CLITON, seul. - Comme en sa propre fourbe un menteur s’embarrasse ! Peu sauraient comme
lui s’en tirer avec grâce. Vous autres qui doutiez s’il en pourrait sortir, Par un si rare exemple
apprenez à mentir. » Pierre Corneille, Le Menteur (1644), V, 7.
LE CHAMPION, poursuivant. - Or, s'il se trouve à Londre, ou dans les trois royaumes, / Un
homme, jeune ou vieux, bourgeois ou chevalier, / Qui conteste son droit à milord Olivier, /
Nous le défions, nous, champion d'Angleterre, / A la dague, la hache, au sabre, au cimeterre, / Et
voulons, l'immolant sans merci ni rançon, / Aux crins de ce cheval pendre son écusson. / Si cet
homme est ici, qu'il parle, qu'il se lève, / Qu'il soutienne son dire à la pointe du glaive. / Vous
tous êtes témoins que, pur de tout péché, / Je lui jette te gant, de ma droite arraché. (Le champion
jette son gantelet devant le peuple, tire son épée, et l'élève au-dessus de sa tête) […] LE CHAMPION (Toujours
l’épée haute) – Donc nul ne me répond ? GRAMADOCH, sautant de sa loge dans la salle. - Si fait, moi!
(Surprise dans la foule.) LE CHAMPION, étonné. - Tu ramasses / ce gant ? GRAMADOCH,
relevant le gantelet. - Oui. LE CHAMPION. - Qu'es-tu donc? GRAMADOCH. - Un marchand de
grimaces, / Comme toi. Notre masque à tous deux est trompeur. / Ma grimace fait rire et la
tienne fait peur ; / Voilà tout. LE CHAMPION – Tu m’as l’air d’un drôle. GRAMADOCH. – Et
toi de même. / LE CHAMPION aux hallebardiers. – C’est un fou. GRAMADOCH. – Justement. –
Par goût et par système. / Oui, je tiens à la cour en qualité de fou. / Tu l’as dit. VOIX DANS LA
FOULE – L’Arlequin expose là son cou. – C’est un bouffon de Noll. – La démarche est hardie ! –
Un vrai fou ? – MILTON – Qu’est-ce donc que cette parodie ? (Longs éclats de rire dans la tribune des
bouffons). Victor Hugo, Cromwell, V, 10.
« Si j’étais de ceux qui tiennent que la poésie a pour but de profiter aussi bien que de plaire, je
tâcherais de vous persuader que [La Suite du Menteur] est beaucoup meilleure que [Le Menteur], à
cause que Dorante y paraît beaucoup plus honnête homme, et donne des exemples de vertu à
suivre, au lieu qu’en l’autre il ne donne que des imperfections à éviter ; mais pour moi qui tiens
avec Aristote et Horace que notre art n’a pour but que le divertissement, j’avoue qu’il est ici bien
mois à estimer qu’en la première comédie, puisque avec ses mauvaises habitudes, il a perdu
presque toutes ses grâces, et qu’il semble avoir quitté la meilleure part de ses agréments lorsqu’il a
voulu se corriger de ses défauts. » Pierre Corneille, Épître dédicatoire de La Suite du Menteur
(1645).
« Maintenant, résumons un peu, et établissons plus visiblement les propositions principales, qui
sont comme une espèce de théorie du rire. Le rire est satanique, il est donc profondément
humain. Il est dans l’homme la conséquence de l’idée de sa propre supériorité ; et, en effet,
comme le rire est essentiellement humain, il est essentiellement contradictoire, c’est-à-dire qu’il est
à la fois signe d’une grandeur infinie et d’une misère infinie, misère infinie relativement à l’Etre
absolu dont il possède la conception, grandeur infinie relativement aux animaux. C’est du choc
perpétuel de ces deux infinis que se dégage le rire. Le comique, la puissance du rire est dans le
rieur et nullement dans l’objet du rire. Ce n’est point l’homme qui tombe qui rit de sa propre
chute, à moins qu’il ne soit un philosophe, un homme qui ait acquis, par habitude, la force de se
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dédoubler rapidement et d’assister comme spectateur désintéressé aux phénomènes de son moi. »
Charles Baudelaire, De l’Essence du rire (1855-1857), chapitre IV.
11. « Il y a un cas où la question est plus compliquée. C’est le rire de l’homme, mais rire vrai, rire
violent, à l’aspect d’objets qui ne sont pas un signe de faiblesse ou de malheur chez ses
semblables. Il est facile de deviner que je veux parler du rire causé par le grotesque. Les créations
fabuleuses, les êtres dont la raison, la légitimation ne peut pas être tirée du code du sens commun,
excitent souvent en nous une hilarité folle, excessive, et qui se traduit en des déchirements et des
pâmoisons interminables. Il est évident qu’il faut distinguer, et qu’il y a là un degré de plus. Le
comique est, au point de vue artistique, une imitation ; le grotesque, une création. Le comique est
une imitation mêlée d’une certaine faculté créatrice, c’est-à-dire d’une idéalité artistique. Or,
l’orgueil humain, qui prend toujours le dessus, et qui est la cause naturelle du rire dans le cas du
comique, devient aussi cause naturelle du rire dans le cas du grotesque, qui est une création mêlée
d’une certaine faculté imitatrice d’éléments préexistants dans la nature. Je veux dire que dans ce
cas-là le rire est l’expression de l’idée de supériorité, non plus de l’homme sur l’homme, mais de
l’homme sur la nature. Il ne faut pas trouver cette idée trop subtile ; ce ne serait pas une raison
suffisante pour la repousser. Il s’agit de trouver une autre explication plausible. Si celle-ci paraît
tirée de loin et quelque peu difficile à admettre, c’est que le rire causé par le grotesque a en soi
quelque chose de profond, d’axiomatique et de primitif qui se rapproche beaucoup plus de la vie
innocente et de la joie absolue que le rire causé par le comique de mœurs. Il y a entre ces deux
rires, abstraction faite de la question d’utilité, la même différence qu’entre l’école littéraire
intéressée et l’école de l’art pour l’art. Ainsi le grotesque domine le comique d’une hauteur
proportionnelle. […] J’appellerai désormais le grotesque comique absolu, comme antithèse au
comique ordinaire, que j’appellerai comique significatif. Le comique significatif est un langage plus
clair, plus facile à comprendre pour le vulgaire, et surtout plus facile à analyser, son élément étant
visiblement double : l’art et l’idée morale ; mais le comique absolu, se rapprochant beaucoup plus
de la nature, se présente sous une espèce une, et qui veut être saisie par intuition. Il n’y a qu’une
vérification du grotesque, c’est le rire, et le rire subit ; en face du comique significatif, il n’est pas
défendu de rire après coup ; cela n’arguë pas contre sa valeur ; c’est une question de rapidité
d’analyse. » Charles Baudelaire, De l’Essence du rire (1855-1857), chapitre V.
12. « Père Ubu - Merdre. Mère Ubu – Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.
Père Ubu – Que ne vous assom’je, Mère Ubu ! Mère Ubu – Ce n’est pas moi, Père Ubu, c’est un
autre qu’il faudrait assassiner. Père Ubu – De par ma chandelle verte, je ne comprends pas. Mère
Ubu – Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort ? Père Ubu – De par ma chandelle
verte, merdre, madame, certes oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons,
officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi
d’Aragon, que voulez-vous de mieux ? Mère Ubu – Comment ! après avoir été roi d’Aragon vous
vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand
vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d’Aragon ? Père Ubu
– Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis. Mère Ubu – Tu es si bête ! » Alfred
Jarry, Ubu Roi (1896), scène 1.
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