le baiser de la veuve

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le baiser de la veuve
LE BAISER DE LA VEUVE
L'Isle 80
18, place des Trois Pilats
84000 - Avignon
Du 7 au 28 juillet à 11 h.
Photo Vincent Breton
Dès le début de la pièce, certains éléments devraient nous mettre sur la voie,
nous laisser entendre que les choses ne sont pas aussi simples qu’il y paraît :
ces deux hommes qui font un travail pénible et répétitif, entre des vieux journaux
et une presse à papier, sont dans un rapport de pouvoir. Qui va l’emporter ?
Georges, le lunaire, qui n’en peut plus d’être moqué, houspillé, exploité, ou
Bobby, le dur (le tatoué) à la parole incisive et aux accès de rage. On parierait
sur Bobby. D’autant plus qu’à la misère sexuelle de l’autre, il oppose l’annonce
d’un rendez-vous avec « la veuve » à savoir Betty, la sœur du « Suédois », dont
le mari est mort depuis six ans maintenant. L’ombre du roman de Steinbeck, «
Des souris et des hommes » plane un peu sur ce début, …quand survient Betty,
la magnifique comédienne et metteuse en scène, Sylvia Bruyant.
L’évocation du « bon vieux temps » reprend. Avec des nuances. La force de
l’écriture dramatique d’Israël Horovitz est patente. Manifeste. Elle nous emporte
vers des basculements (Betty défend Georges contre Bobby) des remises en
place (Betty se refusant à Bobby, en dépit des espoirs de celui-ci.) La jeune
femme joue de ses charmes pour attiser le désir des deux garçons. Confiant,
Bobby se raconte et révèle que, plus jeune, il a tué un homme.
Les déplacements dans l’espace, brefs et saccadés épousent le côté ping-pong
de l’écriture, en affrontements permanents : il semble que tout ceci obéit à une
loi, chacun devant, tour à tour prendre l’avantage. Si Bobby finit par s’effondrer,
c’est Georges qui triomphe et nargue Betty, rappelant avec insistance une
certaine soirée au bord du lac, au cours de laquelle, …
Tout ceci pour que la vérité, l’atroce vérité finisse par se faire jour. On découvre
alors le pourquoi de tout cela et cette veuve qu’on croyait naïve s’avère
manipulatrice, mais elle a, et comment, ses raisons.
Les trois interprètes (Sylvia Bruyant, déjà nommée, mais aussi les excellents
Stéphane Bénazet et Delry Guyon)) sont bluffants de bout en bout: Ils ont la
jeunesse des rôles, cette fêlure qui ne cesse de s’accentuer jusqu’au drame
final. Sans tricher, ils font tout passer, un souvenir, une lassitude, un remord
persistant. Ils perdent pied, reviennent, veulent donner le change. Ils jouent des
êtres frustes avec intelligence et sensibilité.
Ce spectacle, déjà joué en Avignon a dû être adapté à la taille de la scène des
Déchargeurs. Il n’y paraît pas. La pièce y gagne même en densité. De même
que la proximité de la scène pour les spectateurs accentue l’efficacité
dramatique de ce qui se déroule devant nos yeux. On est captivé, partie
prenante, on ne peut plus s’échapper. Le nom d’Horovitz est déjà une garantie
de qualité. « Le baiser de la veuve » est ici restitué dans sa complexité, sa
tension. Et, paradoxalement, l’humour n’en est pas non plus absent. Une soirée
marquante, vraiment.
Gérard NOEL
Le baiser de la veuve
d’Israël HOROVITZ
mise en scène Sylvia Bruyant
Avec Sylvia Bruyant, Stéphane Bénazet et Delry Guyon

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