Comment parler de l`islam aux enfants
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Comment parler de l`islam aux enfants
Ça ne doit pas être facile de faire le ramadan ! Qu’est-ce qui est écrit dans le Coran? Les musulmans le font tous, le pèlerinage à La Mecque ? Pourquoi sont-ils sur des tapis ? Les musulmanes sont obligées de porter le voile ? Faut-il parler de l’islam avec les enfants ? Bien sûr ! Brouillée par les débats de société, parfois confondue avec l’islamisme ou le terrorisme, cette religion est victime d’amalgames et d’approximations, qui envahissent autant les cours de récréation que les unes de magazines ou les journaux télévisés. Dans une première partie, l’auteur propose de découvrir ou de redécouvrir l’histoire, les rites et l’évolution de la deuxième religion du monde. Puis quinze fiches illustrées, élaborées à partir des questions d’enfants de 5 à 13 ans, développent des thématiques tels que le ramadan, la place de la femme dans l’islam, l’affrontement chiites-sunnites, ou encore le pèlerinage à La Mecque. Cet ouvrage permet d’engager un véritable dialogue avec les enfants, pour chercher à comprendre, sans juger. Gérard Dhôtel est journaliste et auteur de plusieurs ouvrages. Il a obtenu le prix du livre documentaire de Montreuil pour Israël-Palestine : une terre pour deux (Actes-Sud Junior) en 2013. Il a également publié Comment parler de l’histoire de France aux enfants aux éditions Le Baron perché. www.editionslebaronperche.com Prix : 16 -C Code Sodis : 7850657 ISBN : 978-2-36080-115-2 Gérard Dhôtel Depuis quand ils se font la guerre ? Comment parler de l’islam aux enfants La première collection pour enfants… destinée aux adultes ! > Gérard Dhôtel Comment parler de l’islam aux enfants Les bonnes raisons de parler de l’islam aux enfants Faut-il aborder l’islam avec les enfants ? Bien sûr ! Parce que la plupart d’entre eux en ont entendu parler ou y sont directement ou indirectement confrontés, à l’école, au collège, dans leur quartier. Parce que l’image de cette religion est souvent brouillée par les comportements et les discours de certains extrémistes et par des débats de société (port du voile*, place de la femme, problèmes d’intégration). Parce que l’islam est parfois confondu avec islamisme*, voire avec terrorisme… Que sait-on vraiment des musulmans, de leur vie, au quotidien, en famille, sur leur lieu de travail ? De leurs pratiques ? De leur foi ? Sait-on ce que propose l’islam ? Quel est le message du Coran, le livre sacré des musulmans ? Comment mieux comprendre les rituels, les rites sans les juger ? C’est la démarche de cet ouvrage : trouver les mots pour expliquer une religion complexe et souvent mal connue, proposer des clés pour mieux la comprendre, en donner les références historiques et géographiques nécessaires. Nous avons choisi de parler de l’islam parce que… ❚ C’est une religion importante, la deuxième de France et la deuxième la plus pratiquée dans le monde. Elle est présente partout, au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, en Europe… ❚ C’est une religion qui nous est proche ; elle possède de nombreux points communs avec le judaïsme et le christianisme. ❚ Cette religion fait très souvent la une des magazines et l’ouverture des journaux télévisés : guerres, attentats, terrorisme, avec le lot d’amalgames et de confusions propres à une information souvent mal expliquée ou mal comprise. Son image en est, du coup, écornée. 8 ❚ Bien que codifiée et structurée, elle reste complexe à nos yeux d’Occidentaux. On y associe bien des idées reçues, des légendes, des approximations. D’où l’importance de se pencher sur son histoire et sur ses textes pour mieux éclairer ses zones d’ombre. ❚ Voile, expansion dans le monde, violence, terrorisme… Cette religion fait souvent peur. Il est indéniable que les extrémistes et les fanatiques sont plus visibles que la grande majorité des musulmans qui aspirent à vivre leur foi sereinement, aux côtés des autres croyants. ❚ La religion musulmane suscite des réactions hostiles, de racisme, de rejet, d’islamophobie. À tel point que l’on rejette parfois les coutumes (le ramadan, la prière), les pratiques liées à l’alimentation, la place de la femme, le voile… On la dit incompatible avec la laïcité*, avec la république, avec la démocratie. Là aussi, des mises au point s’imposent. ❚ Elle est porteuse de sens et de valeurs. Comme tout autre croyant, le musulman cherche à comprendre l’origine et le sens de la vie. Il est en quête de réponses à ses inquiétudes et à ses questions existentielles : comment mieux appréhender la mort, par exemple. Il a trouvé en Allah la réponse. La religion organise sa vie de fidèle. Elle donne un caractère sacré à certains lieux comme la mosquée et à des moments de la vie (naissance, mariage, mort). Elle instaure également des règles de vie et des lois morales – ce qui autorisé et ce qui est interdit – ainsi que des usages, tels la prière et le pèlerinage. ❚ Les fidèles, autrement dit ceux qui ont la foi, ne vivent pas tous leur religion de la même manière. Certains pratiquent, d’autres moins. Certains acceptent la contradiction, la cohabitation avec d’autres croyances. D’autres ne tolèrent aucune autre interprétation des textes sacrés que la leur ni aucune autre religion. Cette intolérance débouche sur le fanatisme et parfois, malheureusement, sur la violence. C’est bien pour cela qu’il faut chercher à en savoir toujours plus sur l’islam. Pour mieux comprendre l’autre. Et le respecter. 9 1. L’islam, une religion dont on parle 5•7 ans C’est un McDo ? Pas exactement ! Ce restaurant est bien un fast-food mais il n’est pas tout à fait comme les autres. Il s’agit du premier fast-food musulman installé en France. La viande des sandwichs y est garantie halal, c’està-dire préparée selon les rites très stricts de l’islam. L’établissement a été ouvert en 2005 à Clichy-sousBois, une commune de Seine-Saint-Denis, près de Paris. Son nom, Beurger King Muslim (ou BKM), est un jeu de mots (beur pour arabe en verlan, muslim pour musulman en anglais et « Beurger King » en référence à une enseigne de restauration rapide). Son ouverture a suscité beaucoup de débats à l’époque. Il y aurait, en 2014, une petite dizaine de fast-foods halal de cette nature, en France. Les serveuses portent un foulard sur la tête… Oui. Même ici, à leur travail, elles en ont le droit. Elles montrent ainsi qu’elles sont musulmanes et qu’elles peuvent avoir une vie professionnelle et sociale normale. Mais, le restaurant n’est pas réservé qu’aux musulmans, il veut accueillir tout le monde, même les non-musulmans. Cet exemple prouve que l’islam fait partie de l’environnement quotidien de la société française et qu’il peut s’y intégrer sans problème. Il ne faut pas oublier que l’islam est la deuxième religion de France et qu’on ne peut pas l’ignorer ni ignorer ses rites et coutumes. Il y a un homme et des femmes sur cette photo ! Effectivement. Selon la manière qu’ils ont de pratiquer l’islam, les femmes et les hommes peuvent se fréquenter ou, à l’inverse, vivre séparés. Il arrive dans certains cas que la femme soit obligée de rester chez elle, ou qu’elle ne puisse pas sortir sans être accompagnée d’un homme de la famille en portant un voile qui lui couvre une grande partie du corps. Ici, sur cette photo, ce n’est pas du tout le cas. L’islam, une religion dont on parle 8•10 ans Il y a beaucoup de musulmans en France ? Beurger King Muslim (BKM), le premier fast-food halal en France 42 Pas tant que ça. Ils sont environ cinq millions, soit environ 7,5 % de la population totale, alors que le nombre de catholiques pratiquants ou non pratiquants s’élève à 40 millions de personnes, en 2014. À l’inverse, dans des pays comme l’Arabie Saoudite, ils représentent plus de 90 % de la population. 43 L’islam, une religion dont on parle 11-15 ans Qui sont-ils ? Plus de 80 % des musulmans de France sont d’origine algérienne, marocaine et tunisienne. Ils sont arrivés pour beaucoup dans les années 1960 quand les entreprises françaises avaient besoin de main-d’œuvre. Ces immigrés se sont installés en France et ont fait venir leurs familles. Il y a également des Africains subsahariens, non arabes donc, (Mali, Sénégal, Burkina Faso, etc.) et quelques musulmans venus du Pakistan ou d’Inde. Un seul territoire français est majoritairement musulman : c’est Mayotte. La religion musulmane y est pratiquée par 95 % de la population. Elle est fortement teintée de croyances venues de l’île voisine de Madagascar. Le nombre de musulmans est également très important à La Réunion, département de l’océan Indien. Il y a de plus en plus de musulmans en France ? Oui. Ils représentaient 4,7 % de la population française en 2010. On estime qu’il pourrait passer de 7,5 % aujourd’hui à plus de 10 % en 2030. Cette augmentation se fera de manière naturelle, la culture et la religion se transmettant dans les familles. D’autres arrivent et s’installent en France, et chaque jour de nouvelles personnes adhèrent et se convertissent à l’islam. Où vivent les autres musulmans ? Un peu partout dans le monde. Dans 47 pays, ils sont majoritaires (plus de la moitié de la population). Les plus grands pays musulmans sont l’Indonésie, le Nigeria, le Pakistan, le Bangladesh. Il y a aussi l’Iran, la Turquie, etc. En 2014, les musulmans sont environ 1,57 milliard, ce qui représente à peu près un quart de la population mondiale. C’est la deuxième religion du monde après le christianisme (deux milliards de fidèles). Leur nombre augmente plus vite que les autres communautés religieuses. Aux États-Unis, par exemple, la population musulmane a doublé en une décennie. Mais c’est en Europe que l’islam séduit le plus. Selon des projections, en 2030, le nombre de musulmans atteindrait 58,2 millions de personnes. 44 L’islam est donc une religion qui plaît ! Effectivement. L’islam ne cesse de s’étendre, de mobiliser et de fasciner les foules. Des élites et des célébrités (scientifiques, sportifs, artistes…) se convertissent. En Europe, l’islam connaît une expansion rapide même si les régimes politiques empêchent ou compliquent par leurs lois l’application de certaines pratiques islamiques (polygamie, port du voile…). Mais la plupart des musulmans ne sont pas concernés. Des jeunes gens ou jeunes filles, qu’ils soient ou non issus de l’immigration, s’engagent dans la voie de l’islam, certains, malheureusement, allant jusqu’à se radicaliser. Mais d’autres y trouvent un sens spirituel à leur vie. Pourquoi cette religion attiret-elle autant ? Difficile à dire. Les raisons sont différentes selon les personnes. Cette religion apparaît souvent comme une réponse à une demande de spiritualité nouvelle dans un monde dominé par le matérialisme. Elle répond aussi au besoin d’une recherche d’identité : se sentir musulman, faire partie de la communauté. C’est également une alternative à un modèle occidental jugé décevant et manquant de sens. L’islam accueille ses fidèles et leur offre un accompagnement spirituel. De plus, l’acte de conversion est simple. Cette expansion peut faire peur… C’est vrai. Elle inquiète parfois, générant des crispations, des rejets et des affrontements car les lignes du monde et de la société sont en train de bouger. Certaines personnes ont peur que l’islam se radicalise là où il s’installe ou se propage. Or, répétons-le : il faut bien faire la différence entre musulmans et islamistes. Les islamistes endoctrinent, recrutent, convertissent, édictent des lois, imposent des normes, c’est vrai. Mais la majorité des musulmans, notamment en France, cherche à vivre sa foi dans la paix et dans le respect de l’autre. Un peu partout dans le monde, des intellectuels et des fidèles œuvrent pour donner une autre image de l’islam. 45 3. Le Coran et ses interprétations Le Coran et ses interprétations 5•7 ans Ces jeunes filles lisent un livre… Oui. C’est le Coran, le livre sacré de tous les musulmans. En arabe, on dit : al-Quran (cela signifie « lecture », « récitation », et vient du mot quaraa : « lire »). Il contient les paroles qu’Allah a révélées au Prophète. C’est donc la parole de Dieu destinée à l’humanité entière, devenue livre. Qu’est-ce qui est écrit dans le Coran ? Le livre sacré des musulmans présente les bases de la foi : être fidèle à la parole de Dieu, respecter les autres, distinguer le bien du mal… Il est la source qui inspire et réglemente la vie des croyants d’un point de vue religieux mais aussi social, culturel, politique et juridique. C’est la source de la loi religieuse (on parle aussi de la charia). Il célèbre la « soumission à Dieu » qui est le sens principal du mot « islam ». Le Coran raconte enfin la vie des prophètes du temps passé (Adam, Abraham, Moïse, Jésus). C’est un très grand livre ! Oui, il comporte 114 chapitres que l’on appelle des sourates et 6 236 versets (les âyât) de longueur très inégale. La première sourate (Al-Fatiha) doit être récitée 17 fois par jour par les pratiquants. Après la mort du Prophète, ses compagnons ont classé les textes du plus long au plus court pour les organiser en un livre. 8•10 ans Deux jeunes filles réunionnaises étudient dans une école coranique 50 De quand date le Coran ? L’ange Gabriel transmet au fur et à mesure chacun des versets coraniques à Muhammad sur une période allant de 610 à 632. Comme il ne sait pas écrire, Muhammad apprend par cœur les révélations divines puis les dicte à des scribes. Ces derniers les transcrivent sur des morceaux de parchemin, des tablettes de bois et même sur des omoplates de chameaux. Après la mort du Prophète, plusieurs versions du texte ont circulé, jusqu’à ce que le calife Othman les réunisse, vers 644-656, et en fasse le livre saint que nous connaissons et qui fait foi, aujourd’hui encore. Il n’est pas écrit en français… Non. Le Coran est écrit en arabe. Il ne peut être utilisé, dans la liturgie comme dans le droit, qu’en arabe. Le livre sacré doit être lu, transmis et récité dans cette langue, même par les musulmans qui en parlent une autre, car Dieu s’est adressé à 51 Le Coran et ses interprétations Muhammad en arabe. S’il est traduit, il cesse d’être la parole de Dieu. Comprendre et maîtriser l’arabe est donc un impératif absolu pour les élites du monde musulman. Il va sans dire que, dans les pays d’Asie en particulier, la grande majorité des musulmans ne sont pas arabophones ce qui fait qu’ils écoutent la prière en arabe sans toujours bien comprendre. Mais ceux qui lisent le Coran doivent maîtriser cette langue. Par ailleurs, le Coran doit être récité sur le mode de la psalmodie (sorte de récitation) et transcrit en écriture calligraphique. Il ne doit pas être touché par des mains souillées. Enfin, il doit être lu sans que le propos soit modifié et ne doit pas être interprété trop librement. C’est le seul livre sacré ? Non. Le Coran livre un message général mais n’aborde pas précisément la vie quotidienne des croyants. Il est donc complété par les hadiths. Ces textes regroupent les récits, les enseignements et les pratiques religieuses inspirées par Dieu mais attribuées à Muhammad. Ils entrent dans le détail et précisent concrètement ce qui est dit dans le Coran. L’autre source d’autorité en matière religieuse, parallèle au Coran, est la sunna. Ce terme qui veut dire « coutume », « règle de conduite », « tradition » comprend les paroles, les actions et les jugements de Muhammad. Composée de commandements et de prescriptions juridiques, elle règle tous les domaines de la vie religieuse, familiale, politique et sociétale. Les musulmans partisans de l’enseignement du Prophète s’appellent les sunnites. 11•15 ans Il y a plusieurs interprétations possibles du Coran ? 52 Oui. On peut comprendre différemment les textes, mais les musulmans redoutent de les interpréter car le Coran est considéré comme la parole de Dieu. Certains préfèrent s’en tenir à une lecture s’attachant au sens strict du texte. En réalité, l’interprétation du Coran conduit à des attitudes différentes, notamment pour ce qui concerne la contrainte ou la liberté en matière religieuse. Certains courants estiment qu’il faut s’en tenir à ce passage qui dit : « Point de contrainte en religion » ou à la sourate des Infidèles qui conclut : « Vous avez votre religion et j’ai la mienne. » D’autres courants privilégient des versets qui, à leur sens, légitiment la contrainte, notamment un verset dans lequel Allah ordonne au Prophète : « Mène le djihad contre les infidèles et les hypocrites et sois dur à leur égard. » Selon les cas, on rencontre donc la modération ou l’intolérance, l’argumentation par les mots ou la persuasion par les armes. Le Coran interdit certaines choses ? C’est vrai. Les docteurs de l’islam ont codifié les actes de la vie quotidienne à partir de ce qui est dit dans le Coran et la sunna pour permettre aux croyants de s’y retrouver. Certains sont obligatoires ou interdits, d’autres recommandés ou déconseillés, licites ou illicites, etc. L’islam reconnaît trois degrés d’obligations. Un degré contraignant (fard) : c’est le cas des cinq piliers (voir fiche nº 4). Un degré moins contraignant (sunna) et un degré facultatif. Les interdits couvrent le domaine des croyances, des relations sociales, de la morale sexuelle, de la pudeur, de la vie domestique, des liens avec les non-musulmans, de la nourriture. Les interdits majeurs correspondent aux péchés (kabâ’ir). Le plus grave d’entre eux est d’associer une divinité à Dieu (le polythéisme). Beaucoup de versets du Coran contiennent des prescriptions alimentaires (certaines sont inspirées du judaïsme). Il est interdit de manger du porc, viande jugée impure. L’animal comestible (agneau, veau) doit être tué selon le rite halal, égorgé d’un seul coup afin de ne pas séparer la tête du corps et en direction de La Mecque. De même, le Coran interdit les boissons alcoolisées et les jeux de hasard où l’on mise de l’argent. Ces pratiques affaiblissent la conscience du croyant et entraînent la dépendance. Enfin, le livre sacré encadre les relations entre les hommes et les femmes et définit, parfois de manière confuse, la place des femmes dans la société. 53