Fours de réchauffage de demi-produits de laminoirs
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Fours de réchauffage de demi-produits de laminoirs
Fours de réchauffage de demi-produits de laminoirs par André REMERY Ingénieur des Arts et Manufactures Directeur ECOSID 1. Présentation générale............................................................................. 2. 2.1 2.2 Bases scientifiques .................................................................................. Lois de la combustion ................................................................................. Lois de transfert de la chaleur .................................................................... 2.2.1 Rayonnement...................................................................................... 2.2.2 Convection et écoulement des fluides.............................................. 2.2.3 Transmission de la chaleur dans le métal ........................................ 2.2.4 Conservation de l’énergie. Bilan thermique..................................... — — — — — — — 2 2 2 2 3 3 3 3. 3.1 Aspects technologiques......................................................................... Types de fours.............................................................................................. 3.1.1 Fours de réchauffage au défilé .......................................................... 3.1.2 Fours de réchauffage pas-à-pas ........................................................ Brûleurs ........................................................................................................ Choix de la source d’énergie ...................................................................... 3.3.1 L’électricité appliquée au chauffage des produits............................ 3.3.2 Les combustibles gazeux et le fuel ................................................... — — — — — — — — 4 4 4 4 5 5 5 5 Conduite des fours. Automatisation et données pratiques......... Mesures ........................................................................................................ Automatisation ............................................................................................ 4.2.1 Régulation générale ........................................................................... 4.2.2 Automatisation : le modèle de chauffe............................................. Cas simple d’un four de réchauffage de billettes ..................................... Cas d’un four de réchauffage de brames .................................................. — — — — — — — 7 7 7 7 7 9 9 3.2 3.3 4. 4.1 4.2 4.3 4.4 M 7 880 - 2 utrefois, le cycle de production de la Sidérurgie comprenait, à partir de la coulée en lingots, toute une série de réchauffages précédant chacun une opération de laminage et, en général, on avait une succession du type : — réchauffage des lingots (en fours pits) ; — laminage pour dégrossir les lingots en brames et blooms ; — réchauffage des brames et blooms ; — laminage en tôles, billettes (avec souvent un autre réchauffage en amont des trains à barres, à fils, etc.). L’essor de la coulée continue produisant directement des demi-produits a pratiquement supprimé les fours pits qui ne seront donc pas traités dans cet article consacré uniquement aux fours de réchauffage des demi-produits de laminage. M 7 880 4 - 1992 A Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 7 880 − 1 FOURS DE RÉCHAUFFAGE DE DEMI-PRODUITS DE LAMINOIRS __________________________________________________________________________________ 1. Présentation générale Les demi-produits à réchauffer avant laminage sont constitués d’acier provenant de coulées continues ou de trains de laminoirs. Leurs sections peuvent être carrées ou rectangulaires de 80 × 80 mm à 450 × 560 mm pour les produits longs, circulaires jusqu’à 300 mm de diamètre pour la production de ronds ou rectangulaires de 150 à 320 mm d’épaisseur jusqu’à 1 900 mm de largeur pour la production de produits plats. Leur longueur peut atteindre 12 m. À ces formats s’ajoutent maintenant des brames minces issues de coulée continue de 35 à 50 mm d’épaisseur et de 80 m de longueur. Il faut bien noter que l’opération de réchauffage, en dehors de son but essentiel qui est de porter les demi-produits à la température nécessaire au laminage, a un impact direct sur la qualité des produits et doit donc être étudiée et réalisée soigneusement en ce sens. Précisons enfin ici qu’en sidérurgie cette opération de réchauffage présente la double caractéristique : — d’avoir des débits très élevés d’acier à réchauffer, de l’ordre de 50 à plus de 500 t/h ; — de nécessiter des consommations énergétiques importantes, de l’ordre de 1 000 à 1 500 MJ/t de produits. 2. Bases scientifiques 2.1 Lois de la combustion Les fours étant, en général, chauffés par des combustibles fossiles (bien qu’il existe un certain nombre de fours à chauffage électrique), il faut rappeler les lois de la combustion des divers types de combustibles qui sont disponibles dans une usine sidérurgique. On en trouvera les principaux éléments au tableau 1 pour les quatre principaux gaz : (0) — — — — gaz de haut fourneau qui sont les gaz résiduaires et gaz d’aciérie à l’oxygène excédentaires des trois opérations métallurgiques correspondantes ; gaz de fours à coke gaz naturel. L’examen de ce tableau montre bien les difficultés que présente l’emploi du gaz de haut fourneau ; néanmoins, on peut utiliser ce gaz : — grâce au préchauffage de l’air ; — ou avec une suroxygénation de cet air ; — ou enfin bien sûr en mélange avec des gaz plus riches. 2.2 Lois de transfert de la chaleur 2.2.1 Rayonnement Le flux thermique est proportionnel au pouvoir émissif des surfaces en présence et à la puissance quatrième de leur température absolue. Les échanges thermiques se font entre flamme, charge, parois et gaz brûlés. La surface des flammes étant relativement faible, une part importante des échanges sera due au rayonnement des gaz brûlés. Le rayonnement des flammes visibles à l’œil est influencé par des particules solides rendant les flammes éclairantes. Mais il ne faut pas perdre de vue que la qualité de la combustion sera d’autant plus élevée que la flamme sera moins visible, c’est-à-dire lorsque la part du rayonnement à haute température sort du domaine visible. (0) Tableau 1 – Données de base de la combustion des quatre principaux gaz utilisés en sidérurgie pour le réchauffage des demi-produits Type de gaz Caractéristiques Composition : H2 ................................................................................................................. (%) CH4............................................................................................................... (%) CnHm ............................................................................................................ (%) (n > 1) CO ................................................................................................................ (%) CO2 .............................................................................................................. (%) N2 ................................................................................................................. (%) Gaz de haut fourneau Gaz d’aciérie à l’oxygène 2,0 2,0 ...................... ............................. ...................... ............................. 23,2 16,9 57,9 Gaz de fours à coke Gaz naturel 61,7 25,0 3,0 92,3 4,3 81,0 6,0 11,0 7,0 2,0 1,3 0,4 3,0 Pouvoir calorifique inférieur (PCI) (1) ............................................ (MJ/Nm3) 3,14 10,5 18,4 Pouvoir comburivore (1) (2) ............................................ (Nm3 air/Nm3 gaz) 0,6 2,0 4,5 9,6 Pouvoir fumigène humide (2) ....................................... (m3 fumées/m3 gaz) 1,5 2,7 5,2 10,8 Température théorique de la flamme : air à 15 oC................................................................................................... (oC) air à 600 oC................................................................................................. (oC) 1 290 1 600 2 030 2 500 2 000 2 490 1 950 2 420 (1) Nm3 (normomètre cube) volume en mètres cubes mesurés dans les conditions normales de température et de pression (0 oC, 1,013 bar). (2) À la stœchiométrie. M 7 880 − 2 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques 36 __________________________________________________________________________________ FOURS DE RÉCHAUFFAGE DE DEMI-PRODUITS DE LAMINOIRS 2.2.2 Convection et écoulement des fluides Dans les grands fours, les vitesses des gaz sont inférieures à 15 m/s et le rôle direct de la convection est faible devant celui du rayonnement. Les écoulements gazeux par contre sont fondamentaux. La maîtrise de la mesure des débits et de l’analyse des gaz permet d’obtenir la répartition désirée de flux thermique. On conçoit tout de suite l’influence de l’allure du four sur cette répartition et l’importance majeure de l’aérodynamique dans la conception des fours. 2.2.3 Transmission de la chaleur dans le métal La chaleur massique vraie du métal en fonction du niveau de température doit être prise en considération sans oublier les énergies nécessaires aux changements de structure aux points de transformation du métal. La conductivité thermique varie également avec la température. Ces deux paramètres sont pris en compte par la diffusivité thermique. Le tableau 2 illustre les variations importantes que l’on constate, par nuance et en fonction de la température, même si au-delà de 1 000 oC les écarts sont plus faibles entre les nuances. Les conséquences en sont des limites physiques au transfert de la chaleur dans le métal. Ces limites dépendent du produit chauffé et de la température atteinte. Il en résulte des durées de séjour du métal dans le four incompressibles et nécessaires à assurer l’homogénéité thermique que l’on s’est fixée. Insistons sur le fait que ces limites dépendent des nuances d’acier. 2.2.4 Conservation de l’énergie. Bilan thermique Les bilans s’illustrent par des schémas où apparaissent : — les entrées : chaleurs sensibles et latentes (gaz, air, métal) ; — les sorties : chaleur utile (métal), chaleur récupérée, chaleur perdue. On en trouvera un exemple (figure 1), pour un four à réchauffer les brames. Un bilan partiel pourra être le bilan de la récupération de l’enthalpie des fumées en vue du réchauffage de l’air de combustion. On en trouvera un exemple sur la figure 2. Figure 1 – Bilan thermique d’un four à brames Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 7 880 − 3 FOURS DE RÉCHAUFFAGE DE DEMI-PRODUITS DE LAMINOIRS __________________________________________________________________________________ 3. Aspects technologiques 3.1 Types de fours 3.1.1 Fours de réchauffage au défilé ■ Réchauffage par induction : des inducteurs solénoïdes sont placés entre les rouleaux qui supportent et transfèrent le produit de la coulée continue vers le laminoir. Les temps de séjour sont généralement très courts, de l’ordre de quelques minutes, ce qui conduit à des hétérogénéités de température du produit. Ce mode de chauffage est réservé aux seuls produits qui ne requièrent pas une grande homogénéité de température pour leur laminage. Dans le cas contraire, une zone d’homogénéisation doit être prévue entre la zone comportant les inducteurs et le laminoir. Cette zone, non chauffée, de maintien en température, permet de bien répartir les températures de façon homogène dans toute la masse du produit. Figure 2 – Bilan du récupérateur du four de la figure 1 (0) Tableau 2 – Coefficient de diffusivité thermique (en m2/h, avec 1 m2/h ≈ 2,78 × 10–4 m2/s) en fonction des nuances d’acier et de la température Type d’acier Température (oC) 0 700 1 200 Acier Acier ferritique à 0,23 % Cr 14 % Cr 0,047 0,010 0,020 0,025 0,013 0,021 Acier austénitique 18 % Cr-8 % Ni 0,015 0,019 0,020 Le rendement du four apparaît sur le bilan de la figure 1. Ce rendement sera en relation avec l’investissement dimensionnel du four et des récupérateurs, et fonction de la part respective de chaque sous-ensemble. C’est une considération économique qui fixera le rendement pratique souhaité. En premier lieu, le rendement est amélioré en augmentant les dimensions du four et des récupérateurs. En second lieu, les récupérateurs ont l’avantage de recycler l’enthalpie des fumées en sortie de four, à un coût d’investissement généralement inférieur à celui du four rapporté au mégajoule. Ils permettent aussi d’augmenter la température de flamme du four par le préchauffage de l’air. M 7 880 − 4 ■ Fours à rouleaux : le produit est transféré par une table à rouleaux de la coulée continue vers le laminoir, en continu, au travers d’un four à rouleaux qui comporte : — une zone dite de chauffage dans laquelle la température moyenne du métal visée est celle requise pour le laminage ; le transfert thermique est du type rayonnement/convection, l’énergie est fournie à l’enceinte grâce à des brûleurs à combustibles liquides ou gazeux ; de leur implantation et de l’impulsion de la flamme dépend en grande partie l’homogénéité du transfert thermique ; — une zone dite d’homogénéisation où la température du produit tend à s’homogénéiser par conduction, au cours de son passage. Compte tenu des vitesses de passage des produits, circulant entre 1 et 30 m · min–1, la difficulté majeure se situe au niveau de la saisie de la température des produits à l’entrée du four et de la gestion des débits de combustible dans chaque zone du four de façon à assurer des températures homogènes et constantes à l’entrée du laminoir. Pour tenir compte des arrêts accidentels du laminoir, des moyens complémentaires de manutention et de stockage des produits doivent être prévus. 3.1.2 Fours de réchauffage pas-à-pas Le four à longerons s’est imposé, par sa flexibilité et les possibilités de contrôle des profils de température, comme le moyen le plus approprié pour le réchauffage des produits plats et des produits longs. ■ Chauffage supérieur seul ou supérieur/inférieur : les échanges thermiques entre l’enceinte et les produits sont essentiellement de type radiatif. Le flux thermique transféré par zone, qui induit la vitesse de réchauffage et d’homogénéisation des produits, cela pour une même température relative des surfaces en regard, dépendra des surfaces de produit exposées au rayonnement. Dans un four à chauffage supérieur, la montée en température de la demi-épaisseur inférieure sera plus lente que celle correspondant à la face soumise au rayonnement. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________ FOURS DE RÉCHAUFFAGE DE DEMI-PRODUITS DE LAMINOIRS ■ Nombre de zones : le four est subdivisé en volumes ou zones distinctes. Dans chaque zone, l’ensemble des brûleurs est géré en parallèle en fonction d’une consigne de température ou de débit de combustible, dont le but est de maintenir un certain écart entre la température de rayonnement des parois et celle du produit. Le contrôle de la courbe de réchauffage ainsi que des profils transversal et longitudinal de température du produit est d’autant plus aisé que le nombre de zones est important, mais le coût de la régulation croît évidemment dans les mêmes proportions. ■ Types et implantations des brûleurs : l’homogénéité des transferts résulte de la maîtrise des températures des parois rayonnantes et donc de celle des circulations des fumées chaudes dans chaque zone, ainsi que du contrôle des distributions axiale et longitudinale des flux thermiques générés par les brûleurs. Selon les zones, le choix se fait entre : — les brûleurs à flamme plate : les gaz en cours de combustion restent proches de la paroi, ce qui conduit à une bonne maîtrise de la température de la voûte donc de son rayonnement en tout point et pour tout niveau de production ; — les brûleurs frontaux dont la flamme est orientée parallèlement au grand axe du four : cette disposition permet de différencier droite, gauche et centre du four en fonction du chargement ; la gestion du profil de flamme assure une courbe de chauffe régulière ; — les brûleurs latéraux dont la flamme se développe perpendiculairement à l’axe du four : ces brûleurs, grâce à leur impulsion et à la maîtrise du profil thermique de la flamme, assurent un bon brassage des fumées de la zone et permettent de corriger les écarts de température entre le centre et les rives du produit si la largeur du four n’est pas disproportionnée par rapport à la longueur de flamme. 3.2 Brûleurs Nous ne développerons pas ici la théorie des flammes, qui rend compte encore imparfaitement des phénomènes réels. En effet, seuls les cas d’écoulement simples peuvent être modélisés. Aussi la caractérisation d’un brûleur ne peut s’effectuer qu’expérimentalement. Citons comme particularité les brûleurs de voûte qui, en tapissant uniformément une voûte, peuvent aisément assurer un flux thermique supérieur uniforme. Ces dernières années, de nouveaux brûleurs latéraux (ou frontaux) à réglage de longueur de flamme ont été mis au point. Ils permettent une meilleure maîtrise de la localisation du chauffage. Dans certains cas, on peut aujourd’hui envisager la construction de fours équipés uniquement de brûleurs latéraux, solution favorable sur le plan économique ; elle ne s’adresse d’ailleurs qu’aux fours de largeur limitée. Les critères à exiger pour les brûleurs sont la stabilité de la flamme, la souplesse en puissance du brûleur, les possibilités de réglage longitudinal du flux thermique, la possibilité d’utiliser différents combustibles et une combustion parfaite à toutes les allures avec des facteurs d’air voisins de la stœchiométrie. Le type des brûleurs, leur disposition, ainsi que leur regroupement sur le plan de la conduite résulteront de la prise en compte des contraintes de définition du four. Le choix des brûleurs est essentiel. Ainsi, même sur des fours existants, l’évolution récente des technologies des brûleurs permet une amélioration de performances tant sur le plan de la productivité que pour l’homogénéité des températures de réchauffage et le respect de l’environnement. Dans cet ordre d’idées, on peut citer l’amélioration de rendement offerte par des brûleurs régénératifs, mise à profit lorsqu’un four est équipé de régénérateurs insuffisants. Ces brûleurs, associés deux à deux, sont équipés de bouteilles contenant des billes en réfractaires, alternativement traversées par les fumées puis par l’air de combustion. 3.3 Choix de la source d’énergie Les fours de laminage sont, le plus généralement, alimentés en gaz à haute température de flamme (gaz naturel, gaz d’aciérie ou de cokerie) ou en fuel lourd. L’électricité peut également remplir ce rôle de chauffe à haute température. Elle offre, pour certains types de chauffage, des avantages indéniables, mais son application est limitée par les aspects économiques. 3.3.1 L’électricité appliquée au chauffage des produits Sur le plan économique, le chauffage électrique se distingue des autres énergies par les aspects suivants : — coût de l’électricité : il est caractérisé par une prime fixe importante et par une forte saisonnalité des prix ; les faibles taux de charge sont ainsi pénalisés et, pour bénéficier de tarifs avantageux, il est nécessaire d’adapter la programmation des fabrications à la tarification de l’électricité ; — coût d'investissement : en plus de l’équipement de chauffe, les investissements d’alimentation, comprenant les lignes électriques et les transformateurs, sont importants. Pratiquement, ce chauffage peut être réalisé suivant les deux méthodes suivantes : ■ fours à résistances électriques : des nappes de résistances assurent le chauffage par rayonnement ; le rendement thermique est excellent grâce à l’absence de fumées ; sur le plan métallurgique, le contrôle de l’atmosphère du four est facilité, par contre l’homogénéité de chauffe propre aux fours où circulent des fumées est ici un point délicat ; ■ fours à induction : ce type de chauffage effectué directement dans la masse du produit réduit les contraintes de transfert thermique dues à la diffusivité du métal ; il se caractérise aussi par une vitesse de chauffe importante qui est un facteur favorable pour réduire les pertes par oxydation ; il permet de prendre en compte les transitoires, c’est-à-dire les changements du programme de fabrication. Les points délicats à contrôler sont l’adaptation des inducteurs au profil du produit, ainsi que l’adaptation de la fréquence au profil et à la température, en tenant compte de l’influence du point de Curie. Une chauffe trop rapide peut être une source de tensions internes dans le métal qu’il faudra ensuite éliminer. Le rendement thermique global est amputé des pertes par effet Joule dans les inducteurs. 3.3.2 Les combustibles gazeux et le fuel Un grand nombre de fours de grande capacité sont implantés dans les usines sidérurgiques de la filière fonte, qui disposent de quantités importantes de gaz restituées par les procédés sidérurgiques. La priorité d’utilisation sera donc en général donnée aux gaz excédentaires : gaz de haut fourneau, gaz de fours à coke et gaz d’aciérie. Le choix économique se portera sur les gaz à haute température de flamme. On pourra certes, pour des questions de commodité de distribution énergétique, constituer des réseaux de gaz mixtes comprenant du gaz de haut fourneau en mélange avec du gaz de cokerie ou d’aciérie, voire du gaz naturel ; mais la variation de composition de ces gaz, que ce soit à pouvoir calorifique ou à indice de Wobbe (articles Moteurs à gaz. Êtat de l’art [BM 2 590] et Combustibles gazeux. Utilisation et combustibilité des gaz [A 1 750]) constant, conduit à des réglages difficiles car très sensibles, pour les températures de flammes, à ces variations de composition. Leur utilisation se ferait de plus au détriment de la productivité, à cause de la présence d’un combustible gazeux à basse température de flamme. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 7 880 − 5 FOURS DE RÉCHAUFFAGE DE DEMI-PRODUITS DE LAMINOIRS __________________________________________________________________________________ Généralement, le four sera alimenté exclusivement en gaz à haute température de flamme (gaz de cokerie, gaz d’aciérie), le complément éventuel pouvant être assuré par du gaz naturel ou par du fuel lourd. L’optimisation de la gestion énergétique de l’usine exigera souvent une flexibilité de l’outil four vis-à-vis des combustibles cités. Sur un four comportant plusieurs types de brûleurs, l’utilisation d’un type de gaz ou des combinaisons de plusieurs gaz pourra être spécialisée par groupe ou type de brûleurs. Notons qu’un gaz de cokerie non désulfuré peut poser des problèmes métallurgiques et surtout exiger une température de fumées plus élevée pour éviter les problèmes de corrosion sulfurique dans les récupérateurs. Une usine ne disposant pas de gaz sidérurgiques utilisera le plus souvent le gaz naturel commode d’emploi. On trouvera sur les figures 3 et 4 des coupes longitudinales d’un four à longerons pour le réchauffage de brames et d’un four du même principe pour le réchauffage de billettes. Figure 3 – Four à longerons de réchauffage de brames (d’après doc. Stein Heurtey) Figure 4 – Four à longerons de réchauffage de billettes (d’après doc. Stein Heurtey) M 7 880 − 6 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________ FOURS DE RÉCHAUFFAGE DE DEMI-PRODUITS DE LAMINOIRS 4. Conduite des fours. Automatisation et données pratiques 4.1 Mesures La mesure est le préalable absolu à tout diagnostic et à toute automatisation. Elle est essentielle au choix du mode de conduite du four. La grandeur devant être prise en compte en temps réel (température, débit, composition d’atmosphère...) n’est le plus souvent accessible que par la mesure d’un repère en relation avec cette grandeur : — la recherche de fiabilité du repère doit prendre le pas sur l’idée naturelle d’une mesure directe bien souvent peu fiable (exemple : calcul d’un pouvoir calorifique du gaz de combustion à partir de la mesure de la composition du gaz plutôt que la mesure directe du pouvoir calorifique par un calorimètre) ; — la mesure doit ensuite être représentative du phénomène que l’on cherche à quantifier (exemple : choix de l’emplacement de capteurs en vue d’analyse d’atmosphère ou de pression). En pratique, on mesurera : — les températures : il peut être important de mesurer la température du métal avant son enfournement, surtout si le demiproduit arrive chaud de la coulée continue ou d’un laminage précédent. La mesure en continu s’effectue par pyrométrie optique. Les problèmes rencontrés sont la détermination du pouvoir émissif du métal et, pour la mesure, l’influence de l’atmosphère du four entre le capteur et le métal. Néanmoins, seules les mesures ponctuelles effectuées par des couples thermoélectriques placés dans le métal apportent une garantie de bonne mesure, cela en particulier lorsqu’il s’agit d’apprécier l’écart de température cœur-peau dans le métal. Pour l’atmosphère du four (c’est-à-dire les températures de gaz, d’air ou de fumées), on utilise en général des couples thermoélectriques qui ne donnent que des repères et non des mesures absolues ; — les pressions à l’intérieur du four ; — les débits et les analyses des gaz qui permettent, de façon fiable, d’obtenir à partir du calcul de la masse volumique un débit correct, et, par le calcul du pouvoir calorifique, un flux thermique correct. 4.2 Automatisation À partir des mesures qui viennent d’être décrites, on peut effectuer l’automatisation d’un four à réchauffage en tenant compte des contraintes suivantes : — nature du produit, y compris la nuance et les caractéristiques thermiques ; — valeur de la production recherchée avec : • niveau moyen, niveau minimal, niveau maximal de la production, plan de chargement du four, • répartition des arrêts, • durée de mise en régime. Les points les plus importants concernent les exigences métallurgiques et thermiques du métal, c’est-à-dire : — enthalpie du produit entrant, en particulier la définition des caractéristiques des enfournements chauds provenant parfois du laminage mais, de plus en plus, de la coulée continue ; — enthalpie du produit sortant du four ; — homogénéité requise du métal dans l’épaisseur (écart de température cœur-peau), dans la longueur (extrémité-centre) et localement (impact par exemple de traces de glissières) ; — courbe de montée de température durant le cycle de chauffage ; — exigences particulières concernant l’oxydation et la décarburation. Avec les moyens modernes de mesure et de régulation, on peut ainsi disposer : — tout d’abord des régulations et des sécurités indispensables ; — ensuite, d’une véritable automatisation plus ou moins poussée. 4.2.1 Régulation générale Les fours sont tout d’abord équipés de régulations ou de sécurités concernant des fonctions spécifiques. — Sécurité gaz : ce sont des automatismes garantissant le maintien des pressions requises dans les réseaux jusqu’aux brûleurs et assurant les séquences d’arrêt et d’allumage. — Sécurité flamme : elle est importante dans les phases d’allumage et de mise en allure. — Ensemble d’automatismes concernant la tenue des matériels : • température limite de réfractaires entraînant une réaction sur la chauffe ; • température limite de fumées et d’air chaud, protection du récupérateur contre des températures excessives ou trop faibles ; • surveillance des circuits de refroidissement. — Sécurité par manque d’air de combustion. — Réglage de combustion : la bonne régulation du rapport air-gaz est fondamentale. Le réglage s’effectue en deux étapes : — en premier lieu, le rapport air/gaz correspondant à la stœchiométrie est préréglé ou, par exemple, calculé à partir de l’analyse en continu des constituants du gaz ; — en second lieu, une correction est appliquée à ce rapport à partir de la mesure en continu du taux d’oxygène des fumées, ou du taux de CO dans le cas d’une atmosphère réductrice. Cette dernière mesure n’est en effet pas utilisable pour régler directement le rapport air/gaz, car bien souvent sa mesure est instable et non totalement fiable (entrées d’air parasites ne participant pas à la combustion, hétérogénéités d’atmosphère, temps de réponse, maintenance importante des appareils de mesures). Si on sort de ces limites vers le haut ou vers le bas, il est judicieux de limiter le nombre de brûleurs en fonctionnement, de façon à respecter des débits unitaires suffisants. Cela conduit à des automatismes qui, pour être efficaces, seront nécessairement complexes. — Régulation du régime des pressions dans le four. 4.2.2 Automatisation : le modèle de chauffe Le modèle de chauffe sera le mode d’emploi de l’outil four permettant de respecter les objectifs que l’on s’est fixé. Dans le cas le plus simple, on pourra se limiter à l’application manuelle d’un ensemble de consignes (par exemple de températures de voûtes) fixées en fonction des moyens de mesure qui ont été mis en place (§ 4.1). Dans ce cas, il n’y a pas de réelle automatisation, on se limite aux régulations générales décrites (§ 4.2.1). Néanmoins, il est possible d’aller beaucoup plus loin en mettant en jeu, à l’aide d’ordinateurs, des modèles de chauffe. Il n’existe malheureusement pas de modèle idéal et universel. Le modèle devra être adapté aux objectifs retenus et à la nécessaire hiérarchie des contraintes. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 7 880 − 7 FOURS DE RÉCHAUFFAGE DE DEMI-PRODUITS DE LAMINOIRS __________________________________________________________________________________ Les réflexions suivantes devront dicter les choix : — si c’est utile, un calculateur pourra intégrer toutes les lois physiques évoquées et sera toujours capable d’effectuer les calculs programmés ; l’analyse critique des objectifs sera fondamentale ; — préalablement au modèle de chauffe, les aspects évoqués dans le paragraphe 4.2.1 doivent être correctement traités, c’est-à-dire l’objectivité et la fiabilité des résultats des modèles. Une fois les exigences fixées, une analyse poussée doit être conduite pour valider le modèle sur des tests réels. On sera confronté, dans le choix du modèle, au dilemme que donne l’espoir d’une grande précision offerte par la possibilité de calculs complexes, opposé à l’utilisation comme données de mesures ou repères (températures par exemple) qui ne sont que des approximations des valeurs réelles en jeu. Il en découle que la finesse des calculs mis en œuvre dans le modèle devra être homogène avec la précision des données d’entrée qu’il utilise et celles fournies par les mesures installées. Par ailleurs, une validation globale des calculs sera réalisée par un bouclage faisant appel à des repères indépendants de ceux utilisés dans le modèle. Elle sera aussi indispensable pour détecter les erreurs pouvant résulter par exemple de la dérive des mesures utilisées par le modèle. — Pour les transitoires (passages d’une fabrication à une autre), on trouve des cas complexes à l’image des situations rencontrées. Il paraît exclu de pouvoir prendre en compte tous les cas possibles. Notons, à propos de ces régimes et de la construction des fours, q u e l ’ e m p l o i d e r é f r a c t a i r e s fi b r e u x a m é l i o r e b i e n s û r considérablement la réponse aux transitoires. — La configuration générale devra être modulaire : des marches simplifiées de repli sont nécessaires en cas de défaillances, pour revenir de l’automatisation complète à des réglages plus simples. Les conditions de marche exceptionnelles doivent être traitées séparément du modèle global afin de ne pas le surcharger inutilement. Le modèle devra aussi pouvoir s’adapter aux évolutions des exigences quantitatives et à la prise en compte de nouvelles mesures plus précises et plus fiables. — La fonction de collecte des données, en vue de la constitution d’une banque de données, servira tant pour affiner les modèles que pour le suivi d’exploitation, dont l’Assurance Qualité. En résumé, comme l’indique la figure 5, on peut automatiser les fours de réchauffage des demi-produits, mais c’est le suivi des résultats qui permet de porter un jugement sur le respect des objectifs fixés et qui sous-tend toute action de progrès. La production, la qualité de la production et la consommation spécifique sont normalement vérifiées. Par contre, l’homogénéité thermique du métal ne peut être déterminée que par des mesures ponctuelles spécifiques : il importe que cette détermination soit programmée systématiquement. De même, il est nécessaire de vérifier périodiquement, par des mesures, que les résultats du modèle ne dérivent pas. Le suivi des résultats s’effectue donc à plusieurs niveaux : — en continu : la mesure de la température des produits réchauffés, soit à la sortie du four, soit après laminage, facilite la détection de dérives concernant l’instrumentation du four ou l’état de celui-ci ; cette mesure pourra être traitée par des méthodes statistiques comparant réalisation et objectif ; — au niveau de la journée : le suivi des performances globales est déjà significatif au niveau de la journée (consommations spécifiques, bilan du four) ; elles seront comparées aux normes ellesmêmes fonctions de paramètres extérieurs tels que : débit métal, enfournement chaud, arrêts ; — au niveau du mois : le suivi des performances permet les analyses les plus objectives, car, à ce niveau, les variations de l’inertie thermique du four, encore apparentes au niveau de la journée, sont lissées au niveau du mois ; les consommations spécifiques seront comparées aux objectifs, en tenant compte des taux de marche, de l’état général du four et de l’évolution de son isolation thermique ; elles seront comparées aux meilleurs performances du four ou de fours équivalents. Figure 5 – Automatisation d’un four de réchauffage M 7 880 − 8 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques __________________________________________________________________________________ FOURS DE RÉCHAUFFAGE DE DEMI-PRODUITS DE LAMINOIRS 4.3 Cas simple d’un four de réchauffage de billettes Pour les billettes, la consommation a diminué, toujours pour les aciers courants (fers marchands, fil machine), de 1 500 jusque vers 1 250 MJ/t. Un four poussant, enfournant des billettes froides de dimensions constantes, alimente un train dont la charge est irrégulière et où les problèmes qualitatifs ne sont pas critiques. Un modèle de chauffe simple, basé sur une fonction de transfert, suffit. Le modèle pourra simplement prendre en compte un flux thermique asservi au débit de métal. Il sera complété par un bouclage judicieux qui pourra être obtenu à partir de repères du bilan thermique global : mesures de la température du métal et des fumées. Ce modèle prendra en compte les limites physiques liées à la diffusivité thermique du métal, ainsi que les sécurités relatives à la température des réfractaires du four. Une telle réalisation relève de microprocesseurs. Les transitoires, qui dans ce cas sont essentiels, seront sommairement traités par des règles simples, qui apporteront de bons résultats quantitatifs. La consommation spécifique du four sera ainsi bien maîtrisée, de même que sa productivité. Le tableau 3 montre les résultats d’un tel four. Notons à ce sujet que les fours modernes de réchauffage de blooms ont des consommations spécifiques diminuant progressivement depuis une dizaine d’années de 2 000 jusque vers 1 000 MJ/t pour les fours les plus puissants. (0) Tableau 3 – Four à blooms Unimétal à Gandrange (Moselle) : caractéristiques et performances (1986) Capacité nominale : — en enfournement froid ........................... — en enfournement chaud ........................ Taux d’enfournement chaud (température de l’acier > 300 oC)....................................... 130 t/h 250 t/h 63 % (de la quantité en tonnes) 5,8 % (504 h) 5,5 % (482 h) Taux d’arrêt total du four............................ Taux d’arrêt du four en veilleuse ............... Production moyenne du four pendant les 7 174 h de marche ................................. 112 t/h Consommation énergétique massique moyenne (arrêts compris)........................... 996 MJ/t (238 th/t) 4.4 Cas d’un four de réchauffage de brames Cet exemple sera celui d’un four polycombustible réchauffant des brames de dimensions et de températures variables, dont les exigences métallurgiques impliquent des montées en températures précises et des fourchettes d’homogénéité de température étroites. Toutes les automatisations citées sont un préalable à la mise en œuvre d’un modèle, qui devra piloter automatiquement le four. Ce modèle sera naturellement complexe. Il intégrera les lois physiques de transfert thermique au niveau de chaque brame qui sera suivie thermiquement de l’enfournement au défournement. Des repères et des mesures, caractérisant entre autre le produit, sa position, sa vitesse d’avancement, piloteront la chauffe par groupe de brûleurs et par zone. L’évolution thermique de chaque brame sera ainsi suivie en temps réel. Pour remédier à des déficiences locales qui conduiraient à des hétérogénéités, des correctifs ponctuels ne mettant pas en cause la régulation globale pourront être employés et automatisés, par exemple, le pilotage de certains brûleurs en fonction du plan de chargement. Notons, là aussi, l’amélioration des performances de ces fours sur le plan thermique, ce qui a permis d’abaisser en une dizaine d’années leur consommation de 1 600 à 1 700 MJ/ t à moins de 1 500 MJ/ t actuellement, et même moins de 1 000 MJ/ t avec le chargement de brames chaudes de la coulée continue comme chez Sollac dans son usine de Florange. La figure 1 fait apparaître ainsi une consommation de gaz combustible (cokerie + aciérie) de 794 MJ/t pour un enfournement de brames à 600 oC. Ce type de modèle est également appliqué à des fours de réchauffage de blooms et de billettes lorsque la variété des chargements en métal le justifie. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 7 880 − 9