Lettres persanes - biblio

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Lettres persanes - biblio
Lettres persanes
Choix de lettres
Montesquieu
Livret pédagogique
Établi par Stéphane GUINOISEAU,
agrégé de Lettres modernes,
HACHETTE
Éducation
Avertissement
Certaines questions « Lire l’image » et les questions « À vos plumes ! » faisant appel à
l’expression personnelle des élèves, il n’est pas donné de corrigé type.
À la suite des réponses du questionnaire de chaque groupement sont données des questions complémentaires à proposer aux élèves et qui permettent d’ouvrir la réflexion
engagé sur chaque ensemble de lettres à des sujets plus larges.
Conception graphique
Couverture et intérieur : Médiamax
Mise en page
Médiamax
Illustration
Harvey Stevenson
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122-4 et
L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage
privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « les
analyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur
ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ».
Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les
articles 425 et suivants du Code pénal.
© Hachette Livre, 2003.
43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15.
ISBN : 2.01.168693.8
S
O M M A I R E
RÉPONSES
AU X Q U E S T I O N S
4
Le s Tr o g l o d y t e s . . . . . . . . . . . . . . .
La découver te de Paris . . . . . . . .
La satire des mœurs . . . . . . . . . . .
L’ a c t u a l i t é e t l a s a t i r e p o l i t i q u e
La satire religieuse . . . . . . . . . . .
La condition féminine . . . . . . . . .
Le roman du sérail . . . . . . . . . . . .
Les deux préfaces . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
Retour sur l’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
PROPOSITION
E X P L O I TAT I O N
DE SÉQUENCE DIDACTIQUE
DU GROUPEMENT DE TEXTES
BIBLIOGRAPHIE
C O M P L É M E N TA I R E
3
61
62
64
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
L E S T R O G L O D Y T E S (p. 21)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU
?
1. Les deux personnages qui échangent des lettres sont Usbek (narrateur
principal des Lettres persanes, signataire de 77 lettres sur 156 – Rica n’en signe
que 46) et Mirza, un des amis orientaux d’Usbek.
2. Usbek écrit depuis Erzeron, ville située en Turquie. Mirza écrit depuis
Ispahan, ville de Perse d’où est parti Usbek.
3. Début de la lettre 11 : « Mon cher Mirza, il y a une chose qui me flatte encore
plus que la bonne opinion que tu as conçue de moi : c’est ton amitié qui me la
procure ». On prendra soin d’expliquer la phrase aux élèves et de souligner le
report du mot « amitié », annoncé par un terme vague indéfini (« une chose »)
qui ménage une attente et met en valeur le mot différé.
La relation entre les deux personnages est un lien d’amitié que le début de la
lettre 11 confirme. On en profitera pour préciser que le second personnage
cité, Rica, est le compagnon de voyage d’Usbek et que les deux Persans se
rendent à Paris.
4. L’apologue des Troglodytes (on définira le mot apologue : petite fable
visant à illustrer une leçon de morale) est censé répondre à une demande
d’explication de Mirza. On remarquera ici que deux des mots clefs du
développement sur les Troglodytes sont présents dans la phrase qui précède
l’interpellation directe d’Usbek : « Je t’ai souvent ouï dire que les hommes étaient
nés pour être vertueux, et que la justice est une qualité qui leur est aussi propre que
l’existence » (lettre 10, l. 9-11). La réponse d’Usbek (on peut à l’occasion évoquer la structure dialogique de l’échange épistolaire) montre plutôt les relations entre la vertu individuelle, largement assimilée à un altruisme, à un
dévouement, et la justice sociale pour la communauté. Aucune société ne
peut survivre sans mettre en œuvre cette vertu humaine et cette justice collective : aucune société ne peut prospérer sur le principe d’un intérêt purement égoïste ou strictement individualiste.
5. Le récit consacré aux Troglodytes occupe la majeure partie de la lettre 11,
les lettres 12, 13 et 14. On remarquera qu’aucune intervention du destinataire ne vient interrompre ce mythe.
4
Les Troglodytes
6. Seules deux familles échappent au règne de l’injustice (« De tant de familles,
il n’en resta que deux qui échappèrent aux malheurs de la Nation. », l. 3-4).
7. La formule qui lance le passage est assez vague : « il y avait dans ce pays deux
hommes bien singuliers : ils avaient de l’humanité » (l. 4-6). Le mot humanité peut
être ici opposé à l’inhumanité des précédents Troglodytes obsédés par leur
intérêt individuel et mesquin. C’était bien la prise en compte d’une altérité
humaine, d’un lien aux autres hommes qui était négligée voire anéantie par
leur comportement. Le mot humanité est complété (dans une tournure
ternaire) par les deux autres mots clefs du passage : « Ils avaient de l’humanité ;
ils connaissaient la justice ; ils aimaient la vertu » (l. 5-7). On pourrait relire la
phrase à rebours : la vertu individuelle est garante d’une justice à l’égard des
autres (passage donc du plan de l’individu à celui de la communauté). Cette
justice assure une relation d’humanité (passage de la communauté restreinte,
familiale par exemple dans le développement, à une relation essentielle qui
fonde la société). La relation de solidarité qui est ensuite décrite ne fait que
confirmer et démontrer ce souci d’autrui nécessaire à la justice et à la société :
« Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun » (l. 10-11).
On soulignera la répétition symbolique de l’adjectif « commun » qui distingue
vraiment ces Troglodytes « altruistes » de leurs contre-modèles « égoïstes ».
8. La religion est bien présente dans la lettre 12. On soulignera ici qu’il s’agit
d’une religion polythéiste (les « dieux », l. 39) et l’on rappellera la signification
du mot que l’on distinguera du monothéisme. D’autre part cette religion qui
« adoucit » les mœurs n’est pas décrite comme la mise en pratique d’un rituel
rigide et solennel. Au contraire, la pratique religieuse semble assez festive : fêtes,
danses, musique, festins et joie sont les signes positifs d’une harmonie sociale,
d’une sociabilité active, d’un lien communautaire (on en profitera pour rappeler l’étymologie du mot religion, « religare » : relier). De plus le rituel de la
prière (qui pourrait marquer la résurgence d’un désir strictement individuel et
égoïste) est lui aussi marqué par le principe d’humanité altruiste : « Ils n’étaient
au pied des autels que pour demander la santé de leurs pères, l’union de leurs frères, la
tendresse de leurs femmes, l’amour et l’obéissance de leurs enfants » (l. 53-56).
9. Ce qui suscite l’envie des peuples voisins c’est moins le bonheur et
l’harmonie que la prospérité économique du peuple Troglodyte. Une phrase
peut l’illustrer : « Tant de prospérités ne furent pas regardées sans envie » (l. 30).
On remarquera que l’envie manifestée ici s’oppose à la générosité montrée
par les exemples multiples cités dans le début de la lettre 13.
5
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
10. C’est l’essor démographique du peuple Troglodyte qui suscite une évolution politique : alors que la communauté restreinte pouvait vivre sur un
contrat social tacite, le développement de la population semble exiger des
structures et des institutions différentes.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
11. Le titre qui précède chaque lettre est évidemment le premier indice.
La présence de l’auteur et de son destinataire au début de chaque lettre
le confirme. On ajoutera que le lieu mentionné dans cet en-tête est celui où
la lettre est envoyée. Enfin la mention du lieu d’envoi ainsi que de la date
de rédaction sont présentes en fin de lettre. On peut ajouter que la présence
des pronoms personnels du discours (je, tu) confirme, elle aussi, l’échange
épistolaire.
12. On en profitera pour distinguer auteur et narrateur. L’auteur des lettres
est bien sûr Montesquieu qui les attribue à des narrateurs fictifs. On pourra
préciser que le travail du romancier consiste aussi à se choisir un ou plusieurs
narrateurs qui peuvent (mais ce n’est pas obligatoire) lui servir de relais ou
d’écrans pour formuler un certain nombre d’idées personnelles. C’est en
partie vrai pour les Lettres persanes. En partie seulement car les opinions que
manifeste Usbek ici et là ne sont pas celles de Montesquieu et son comportement de petit tyran oriental avec son harem le signale clairement. Même si
l’auteur (cf. questionnaire sur les préfaces, p. 126) utilise le subterfuge d’une
préface censée le transformer en simple éditeur, procédé assez habituel au
XVIIIe siècle pour déjouer la censure et maintenir l’illusion romanesque, les
narrateurs sont ici des personnages de fiction.
13. La lettre 11, qui montre l’échec d’une société fondée sur l’intérêt égoïste
et la force, développe aussi plusieurs exemples de vengeance. Celle-ci est une
réponse, en quelque sorte, à l’injustice flagrante et arrogante :
– Elle est présente dans la première scène qui met en jeu les aléas climatiques.
Parce qu’ils ont subi la famine en période de sécheresse, les peuples des montagnes décident de se venger et de laisser mourir les peuples des vallées
lorsque le climat leur est plus favorable (des pluies).
– Parce qu’il est « pénétré de l’injustice de son voisin », l. 72 (qui lui a ravi sa
femme) et « de la dureté du juge », l. 73 (qui a refusé de statuer et démontré
une indifférence au principe de justice altruiste), la victime séduit la femme
de son juge indifférent et se venge ainsi de la double offense.
6
Les Troglodytes
Le médecin qui prononce la harangue finale de la lettre 11 se venge de
l’injustice subie en refusant de soigner les Troglodytes. Pour lui, le fléau qui
les accable est la juste punition des Dieux offensés par l’absence d’éthique
des Troglodytes. (« vous n’avez point d’humanité […] les règles de l’équité vous
sont inconnues », l. 117-118).
◆ É TUDIER
UN THÈME : L’ INJUSTICE
14. Lettre 11 : « Ils avaient un roi d’une origine étrangère, qui, voulant corriger la
méchanceté de leur naturel les traitait sévèrement » (l. 20-21). « Ce peuple, libre
de ce nouveau joug, ne consulta plus que son naturel sauvage » (l. 28-29).
L’exemple des Troglodytes, qui sera nuancé dans la lettre suivante par l’exception exemplaire de deux familles, semble montrer que l’homme laissé à
son seul désir est naturellement violent et injuste, préoccupé avant tout de sa
propre satisfaction. En fait une certaine ambivalence se dégage du mythe
puisque la majorité des Troglodytes cède à un « naturel sauvage » mais que
le développement de la lettre 12 montre aussi un « naturel » généreux et
altruiste, plus exceptionnel tout de même.
15. L’altruisme est « la disposition à s’intéresser et à se dévouer à autrui ». On
pourra préciser au passage la définition et la construction des mots philanthropie et misanthropie. Le contraire de l’altruisme est l’égoïsme. Deux
phrases pour illustrer cette opposition dans la lettre 11 :
« […] tous les particuliers convinrent qu’ils n’obéiraient plus à personne ; que chacun
veillerait uniquement à ses intérêts, sans consulter ceux des autres » (l. 29-31).
« Je penserai uniquement à moi ; je vivrai heureux. Que m’importe que les autres le
soient ? » (l. 34-36).
16. L’absence de justice qui caractérise la société individualiste des
Troglodytes est la conséquence de leur fonctionnement égoïste. Tous les
exemples montrent que l’absence d’altruisme conduit à l’indifférence aux
malheurs d’autrui et que cette indifférence annonce le règne de l’injustice
puisque personne ne se soucie de lois valables pour tous et de leur respect.
Dès lors c’est le règne du plus fort et de la violence. Cette dernière engendre
à son tour une mécanique sans fin puisque la frustration du faible suscite un
désir de vengeance que l’on voit fonctionner dans les divers exemples de
la lettre.
17. Les Troglodytes décident d’élire un homme âgé réputé pour sa vertu. Ce
qui les guide c’est la moralité et l’expérience de leur représentant.
7
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
18. La réaction du roi pourra surprendre puisqu’il semble repousser sa désignation par modestie. Il l’accepte ensuite, contraint et contrit. Le passage du
mythe de l’âge d’or à l’histoire, de l’harmonie paradisiaque à un régime politique qui suppose contrainte, lois et pouvoir est symboliquement marqué par
les larmes du vieillard. Celui-ci donne ensuite une explication tout à fait
intéressante : seule la vertu (l’inclination altruiste donc) permettait aux
hommes de survivre dans l’état de nature mythique. Désormais, la société
dépendra moins de la vertu commune que de la volonté du Prince et la vie
en société ne supposera plus vraiment l’exercice actif de l’altruisme…
Chacun pourra agir de façon plus individualiste dans le cadre formel imposé
par la justice et les lois. (« […] vous pourrez contenter votre ambition, acquérir des
richesses et languir dans une lâche volupté et […] pourvu que vous évitiez de tomber
dans les grands crimes, vous n’aurez plus besoin de la vertu », lettre 14, l. 25-28.)
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
19. On en profitera pour expliquer en détail les informations étymologiques
données dans le Petit Robert : « 1721 ; n. pr. de peuple XIIe ; lat, troglodyta,
peuple sauvage d’Afrique ; gr. Trôglodutês “qui entre dans les trous” ».
– 1721 : date d’apparition du mot en français moderne avec son sens actuel :
habitant d’une excavation naturelle (caverne, grotte) d’une demeure aménagée dans la terre, le roc. (Le mot s’est répandu visiblement à la suite de la
parution des Lettres persanes en 1721.)
– Au XIIe siècle le mot est présent (en ancien français) et il désigne plus
précisément un peuple africain.
– Le mot a été emprunté au latin qui désignait ainsi un peuple d’Afrique.
– Le latin a formé ce mot sur une double racine grecque (trôglê : trou ; dutês :
qui entre dans). Au Mexique, certains indiens Tarahumaras vivent encore dans
certaines excavations dans le nord du pays.
20. Le mot « vertu » est pris dans son sens ancien et étymologique de mérite.
Il désigne le sens éthique, la force morale.
On a vu (cf. question no 4) qu’il était déjà présent dans la lettre de Mirza :
« la pratique de la vertu » (l. 9), « les hommes étaient nés pour être vertueux » (l. 10).
Il est absent de la lettre 11 qui décrit la disparition de la vertu.
Il réapparaît dans la lettre 12 : « ils aimaient la vertu » (l. 6-7), « La terre semblait
produire d’elle-même, cultivée par ces vertueuses mains » (l. 15-16), « Toute leur atten8
Les Troglodytes
tion était d’élever leurs enfants à la vertu » (l. 18-19), « que la vertu n’est point une
chose qui doive nous coûter, qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible »
(l. 23-25), « Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux » (l. 27), « la vertu,
bien loin de s’affaiblir dans la multitude, fut fortifiée » (l. 31-32), « ils chantaient les
injustices des anciens Troglodytes et leurs malheurs, la vertu renaissante » (l. 64).
Lettre 13 : « Je ne saurais assez te parler de la vertu des Troglodytes » (l. 1), « Tel
fut le combat de l’Injustice et de la Vertu » (l. 59).
Lettre 14 : « un vieillard vénérable par son âge et une longue vertu » (l. 4-5), « votre
vertu commence à vous peser […] il faut que vous soyez vertueux malgré vous »
(l. 18-19), « vous n’aurez pas besoin de la vertu » (l. 28), « voulez-vous qu’il fasse
une action vertueuse » (l. 32), « Pourquoi voulez-vous que je les afflige, et que je sois
obligé de leur dire que je vous ai laissées sous un autre joug que celui de la Vertu »
(l. 36-38).
21. Dissension. Synonymes : discorde, déchirement, opposition. Antonymes :
concorde, harmonie.
22. Submerger : submersion et submersible ; immerger, émerger, immersion.
23. Le radical d’implorer vient du latin « plorare », pleurer. Trois mots de la
même famille : déplorable, éploré, imploration.
24. Pût est l’imparfait du subjonctif du verbe pouvoir.
La subordonnée relative peut se mettre au subjonctif quand « l’antécédent
contient un superlatif ou une expression de valeur analogue, formée au moyen des
adjectifs seul, premier, dernier, unique, suprême. » (Grévisse, Le Bon usage, p. 1327).
Transformation au présent : « Tu es le seul qui puisse me dédommager de
l’absence de Rica et il n’y a que Rica qui puisse me consoler de la tienne ».
25. Le verbe fournir est conjugué au présent du subjonctif (je fournisse, tu
fournisses, il fournisse, nous fournissions, vous fournissiez, ils fournissent),
dans une subordonnée conjonctive de but introduite par Pour que.
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
26. Une maxime est une « formule lapidaire énonçant une règle morale ou un
jugement d’ordre général » (Petit Robert).
Quelques maximes présentes dans la lettre 12 : « l’intérêt des particuliers
se trouve toujours dans l’intérêt commun » (l. 21-22), « la vertu n’est point une chose
qui doive nous coûter » (l. 23-24), « la justice pour autrui est une charité pour nous »
(l. 25-26).
9
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
27. La comparaison implicite des larmes avec un torrent est une métaphore.
28. Le mot « vertu » revient six fois dans la lettre 14 et cinq fois dans le discours du vieil homme. On remarquera qu’il est présent trois fois sous la
forme substantive avec une majuscule dans la dernière occurrence qui clôt
symboliquement tout le passage consacré aux Troglodytes. Il est présent deux
fois sous la forme adjective « vertueux ».
La répétition souligne l’importance de la transition et la menace qui pèse sur
l’exercice de la vertu : alors que l’absence d’ordre politique reposait sur
l’exercice d’une vertu partagée et préservée, l’instauration d’un régime
monarchique est menacée doublement : la vertu du roi n’est plus garantie par
la loi d’équilibre entre sujets, la vertu des sujets n’a plus besoin de s’exercer
pour préserver l’harmonie sociale.
◆ É TUDIER L’ ORTHOGRAPHE
29. Le mot charrue (lettre 12) prend deux R. Les composés de char prennent deux R (charrette, charretier, charrier…) sauf le mot chariot.
30. Il n’était point velu comme un ours, il ne sifflait point ; il avait deux yeux,
mais il était si méchant et si féroce qu’il n’y avait chez lui aucun principe
d’équité et de justice. Il avait un roi d’origine étrangère, qui voulant corriger
la méchanceté de son naturel le traitait sévèrement. Mais il conjura contre lui,
le tua et extermina toute la famille royale.
◆ ÉTUDIER LE GENRE : RÉCIT MYTHIQUE ET RÉCIT HISTORIQUE
31. Le récit des Troglodytes relève davantage du mythe que du récit historique. Les Troglodytes symbolisent l’humanité à son origine : Montesquieu
ne retrace pas l’histoire réelle d’un peuple appelé Troglodytes mais développe
son apologue en donnant un caractère emblématique au peuple qu’il a choisi.
32. Dans un mythe ou un récit des origines, l’âge d’or désigne l’âge pendant
lequel règnent la paix et l’harmonie entre les êtres humains.
33. Dans la lettre 12, les Troglodytes, après les dérèglements des premiers
âges, atteignent un âge d’or grâce à la vertu exemplaire de deux familles d’exception. La description ici montre l’harmonie et la paix triomphantes.
Ex. : « Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun […]
ils menaient une vie heureuse et tranquille. La terre semblait produire d’elle-même,
cultivée par ces vertueuses mains » (l. 10 à 16).
10
Les Troglodytes
Ce premier âge d’or limité à quelques individus de deux familles n’est pas
menacé par l’extension démographique et l’évolution. La description des
fêtes religieuses présente plus loin dans la lettre pourrait à nouveau illustrer
le thème choisi. En effet l’harmonie entre les humains et la Nature mais aussi
entre les humains eux-mêmes exclut toute forme de déséquilibre, de violence ou de péril : « C’était dans ces assemblées que parlait la Nature naïve : [...]
c’est là que la pudeur virginale faisait en rougissant un aveu surpris […] » (l. 43 à 46).
◆ L IRE L’ IMAGE
36. Les premières pierres du château de La Brède furent assemblées dès la fin
du XIe siècle. La demeure de Montesquieu sera progressivement modelée
autour d’un noyau « gothique ». Extrait du site Internet consacré à la ville de
La Brède. Partie Patrimoine, « le château de La Brède » :
« Bâtisse austère élevée sur des fondations du XIIe siècle, la forteresse est entièrement reconstruite dans les premières années du XIVe siècle, après son
démantèlement en 1283, au cours de la guerre de Cent ans. En 1404, le pape
Boniface IX autorise la construction d’une nouvelle chapelle, attenante au
donjon. En 1419, le château est remanié pour lui donner son aspect actuel.
Son gros donjon rectangulaire, les trois ponts-levis et ses importantes douves,
qui éclairent un beau jardin à l’anglaise, ravissent, aujourd’hui encore, plus
d’un promeneur.
Le château entre dans la famille de Montesquieu en 1686, apporté par Marie
Françoise de Pesnel lors de son mariage avec Jacques de Secondat. C’est dans
ce lieu que naît, le 18 janvier 1689, Charles de Secondat, futur baron de La
Brède et de Montesquieu. »
◆ R ECHERCHES
ET DÉBATS
•
Recherchez des informations sur la ville d’Ispahan aujourd’hui. (Où estelle située ? Combien d’habitants a-t-elle ? etc.)
• Recherchez sur Internet deux sites donnant des informations sur la vie
de Montesquieu. Recherchez le site consacré à sa ville natale et notez son adresse.
11
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
L A D É C O U V E R T E D E PA R I S (p. 32)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
1. La lettre 24 est écrite par Rica depuis Paris. Elle est destinée à Ibben qui
réside dans la ville de Smyrne (actuellement Izmir en Turquie).
2. Rica est d’abord frappé par la hauteur des maisons parisiennes. On peut
supposer que les habitations de sa ville d’origine comportent peu d’étages.
3. C’est la rapidité du rythme parisien qui surprend Rica (où l’on voit que
ce sujet d’étonnement contemporain n’est pas nouveau…). Là encore la surprise est créée par le décalage entre le rythme oriental habituel (« les voitures
lentes d’Asie, le pas réglé des chameaux », l. 15-16) et la course frénétique des
parisiens. On peut là aussi lier cette remarque à des développements plus
contemporains qui opposent le plaisir de la marche (chez Lacarrière par
exemple), l’esthétique de la lenteur (Sansot, ou Paul Virilio), et la vie rapide
des modernes urbains.
4. Entraînés dans ce rythme frénétique, les parisiens semblent oublier les
règles élémentaires de la courtoisie et de la politesse : les voitures éclaboussent les passants, les agités du trottoir bousculent les piétons attardés (« je ne
puis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement »,
l. 20-22). La description aboutit à une scène cocasse plutôt burlesque où l’on
voit le narrateur faire deux demi-tours qui le remettent finalement sur ses pas.
5. La lettre est datée de 1712. On en profitera pour évoquer le décalage entre
la sortie de l’ouvrage (1721), son écriture (à partir de 1717 principalement)
et la datation des lettres qui commence en 1711. On rappellera que
Louis XIV est encore roi en 1712, et qu’il meurt en 1715, laissant la place à
Philippe d’Orléans pour la Régence. Ce léger déplacement chronologique
permet d’évoquer sa fin de règne. Elle est donc le fruit d’une stratégie
critique calculée.
6. La satire de la vanité est un thème habituel des discours moralistes (présent chez La Bruyère, La Rochefoucauld ou La Fontaine). L’originalité de
Rica est ici de généraliser la critique à l’ensemble des sujets du royaume. La
vanité n’est pas seulement celle de quelques courtisans, elle est générale.
Logiquement donc, la supériorité de Louis XIV et de la France sur les pays
voisins viendrait de la prétention supérieure des Français. Le narcissisme
nationaliste, ici visé, est mis à nu : le narcissisme de la pompe royale ne fait
12
La découverte de Paris
que refléter celui du peuple qui l’accepte et y mire le spectacle satisfait d’une
splendeur exhibée.
7. Le développement sur le roi-magicien généralise là aussi la critique à l’ensemble des sujets français : « il exerce son empire sur l’esprit même de ses sujets »
(l. 39-40). Les Français qui croient en grande majorité aux pouvoirs thaumaturgiques du roi sont présentés comme des êtres naïfs. En arrière-plan de
cette dénonciation se profile une critique de fond qui pointe le prestige quasi
religieux de la fonction royale à l’époque de Louis XIV, prestige que l’absolutisme n’a fait que renforcer. Des théologiens comme Bossuet se sont en
effet employés à montrer que le roi incarne l’autorité de Dieu sur terre, que
son pouvoir repose sur cet absolu et qu’il doit être sans limites.
8. Rica dénonce les tours de magie du roi et du pape.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
9. Rica emploie le pronom « nous » car il s’est rendu à Paris en compagnie
d’Usbek. Le premier « nous » remplace donc Rica et Usbek. En revanche,
dans le dernier paragraphe, ce même pronom représente le narrateur de la
lettre et son destinataire, Rica et Ibben : « C’est bien la même Terre qui nous
porte tous deux » (l. 100-101).
10. La présence du destinataire apparaît à plusieurs reprises dans la lettre 24, sous
la forme du pronom personnel de deuxième personne « tu » ou « te » : « Tu juges
bien qu’une ville bâtie en l’air » (l. 8), « Tu ne le croirais pas peut-être » (l. 12), « Ne crois
pas que je puisse […] te parler » (l. 27), « Ce que je te dis de ce prince ne doit pas t’étonner » (l. 50), « je ne doute pas que tu ne balances à les croire » (l. 83), « Je continuerai à
t’écrire, et je t’apprendrai deux choses » (l. 99), « mais les hommes du pays où je vis et ceux
du pays où tu es sont des hommes bien différents » (l. 101-103).
11. Le pronom « on » est un pronom indéfini à valeur généralisante. En passant du « nous » (qui incluait deux personnages) au « on », Rica universalise,
généralise son expérience. Ex. : « avant qu’on soit logé » (l. 3) ne concerne plus
seulement les deux Persans, mais, au-delà, tous les voyageurs, tous les étrangers qui cherchent à se loger et sûrement tout nouvel arrivant à Paris, quelle
que soit son origine.
12. Rica cite, à la fin de sa lettre quelques propos : « J’ai ouï raconter du roi… »
(l. 82), « On dit que, pendant qu’il faisait la guerre » (l. 84), « On ajoute qu’il les
a cherchés… » (l. 87), « cependant on dit qu’il aura le chagrin de mourir sans les avoir
trouvés » (l. 91-92).
13
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
On remarquera que la première formule n’introduit pas des propos précis
mais lance plutôt l’ensemble du développement. Les trois formules suivantes
introduisent plus directement des propos rapportés. On peut demander aux
élèves, en complément, de transformer les passages au discours indirect en
passages au discours direct.
◆ É TUDIER
UN THÈME : FEMMES ET RELIGION
13. Les femmes se sont révoltées car la bulle Unigenitus (publiée en 1713 par
Clément XI) décourageait les femmes de lire la Bible. L’article 83 de cette
bulle polémique qui condamnait 101 propositions issues du janséniste
Quesnel (Réflexions morales sur le Nouveau Testament), condamnait la divulgation de l’Écriture aux femmes (« Non debeat communicari feminis lectione
sacrorum librorum »).
Plus généralement, la bulle Unigenitus condamnait cette proposition
de Quesnel : « la lecture de l’Écriture Sainte est pour tout le monde ».
Les jansénistes qui souhaitaient une messe en français et une traduction
plus large des Écritures en langue nationale se voyaient ainsi contredits par
Rome.
14. Rica partage avec les théologiens romains une certaine misogynie ! La
phrase suivante en témoigne : « Car, puisque les femmes sont d’une création inférieure à la nôtre, et que nos prophètes nous disent qu’elles n’entreront point dans le
Paradis… » (l. 76-78). On en profitera pour rappeler que les religions ont souvent avalisé la misogynie, lui donnant parfois un fondement théologique…
15. On peut ici en profiter pour souligner la différence qui existe entre le
narrateur et l’auteur. Les rapports entre le personnage et l’écrivain sont complexes : Montesquieu utilise d’une certaine façon le point de vue exotique
du personnage pour dénoncer certains travers de la société évoquée, mais ce
point de vue persan n’est pas exempt à son tour d’ironie et de critique. Même
si cet aspect est plus évident dans le cas d’Usbek, cette lettre de Rica montre
toute la différence entre le personnage et son auteur, peu suspect de misogynie militante. En fait c’est plutôt le point de vue des religions et leur discours
commun sur les femmes qui sont exhibés, démontés et dénoncés. Mais
comme tout procédé ironique fonctionnant sur l’antiphrase, celui-ci suppose
un décodage du lecteur, une certaine connaissance du contexte particulier
qui n’est pas évidente pour les élèves. On aura donc intérêt à montrer précisément ce fonctionnement ironique ici.
14
La découverte de Paris
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
16. Le champ lexical de la vitesse est surtout présent dans le troisième paragraphe (l. 12 à 26) de la lettre : courent, volent, ce train, me passe. Il s’oppose au
lexique de la lenteur : marcher, voitures lentes, le pas réglé de nos chameaux, aller à pied…
17. Empire : pouvoir, domination. Persuader : convaincre. Motrices : inspiratrices, instigatrices, meneuses…
18. Le mot misogynie signifie le mépris masculin pour les femmes. Il est
formé de la racine grecque « miso », qui n’aime pas, qui déteste (que l’on
pourra expliquer avec d’autres mots comme misanthrope, misandre) et d’un
autre mot grec « gyne », la femme. On complétera la famille avec gynécologue, gynécée, androgyne.
19. – avant qu’on soit logé : subordonnée conjonctive de temps (verbe au subjonctif passé marquant la virtualité du procès dans les subordonnées de temps).
– qu’on ait trouvé les gens : même analyse que précédemment.
– à qui on est adressé : subordonnée relative, tournure passive, passé composé.
– qu’on se soit pourvu des choses nécessaires : subordonnée conjonctive de temps
(même analyse que dans les deux premiers exemples).
– qui manquent toutes à la fois : subordonnée relative, présent de vérité générale.
20. « Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe » (l. 31) :
l’expression est attribut du sujet le « roi de France. » « ce roi est un grand
magicien » (l. 39) : attribut du sujet « ce roi ».
21. « Les maisons y sont si hautes qu’on jugerait qu’elles ne sont habitées que par
des astrologues » : subordonnée conjonctive de conséquence.
– « … il a plus de richesses que lui, parce qu’il les tire de la vanité de ses sujets » :
subordonnée conjonctive de cause.
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
22. « Les maisons y sont si hautes qu’on jurerait qu’elles ne sont habitées que par
des astrologues » (l. 6-8).
– « Tu juges bien qu’une ville bâtie en l’air, qui a six ou sept maisons les unes sur
les autres » (l. 8-9).
– « je n’y ai encore vu marcher personne » (l. 13).
– « les feraient tomber en syncope » (l. 16-17).
– « je suis plus brisé que si j’avais fait dix lieues » (25-26).
15
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
La satire repose parfois sur des procédés caricaturaux de grossissement.
L’exagération a un effet comique. On pourra comparer ces procédés avec des
dessins caricaturaux pour souligner l’efficacité comique du « grossissement ».
23. « Paris est aussi grand qu’Ispahan » (l. 6), « j’enrage quelquefois comme un
Chrétien… », l. 18-19 (inversion que l’on fera savourer ici aux élèves !), « je
suis plus brisé que si j’avais fait dix lieues » (l. 25-26).
◆ É TUDIER
LE GENRE : LA SATIRE
24. Retenons pour le moment une première définition simple, celle du Petit
Robert : « Écrit, discours qui s’attaque à quelque chose, à quelqu’un, en s’en moquant ».
25. Quatre. Deux paragraphes sur le roi de France (l. 31-49) précèdent le
développement consacré au pape. Puis deux paragraphes (l. 82-98) précèdent
le dernier, plus directement adressé au destinataire.
Les critiques portent d’abord sur la vanité des sujets. Mais le roi n’est évidemment pas épargné. Il construit son pouvoir sur cette vanité qu’il exploite,
il entreprend des guerres (allusion aux campagnes bellicistes de Louis XIV),
monnaie des charges ou offices (allusion à la politique absolutiste de
Louis XIV qui passe par la vente d’offices et l’aide financière de la bourgeoisie la plus riche, récompensée par des titres de gentilhomme).
Le second paragraphe s’attaque aux pratiques monétaires du régime qui
éponge ses dettes (sans y parvenir vraiment) par une série de dévaluations. La
guérison miraculeuse est enfin livrée comme un symbole de la crédulité
fascinée des sujets et de la vanité royale. Les deux derniers paragraphes font
allusion aux querelles religieuses de l’époque. Après la révocation de l’édit de
Nantes en 1685, la fin du régime est marquée par de multiples brimades
contre les jansénistes, l’épisode de la bulle Unigenitus (bulle demandée instamment par la France) en 1713 n’étant que le couronnement d’une longue
querelle commencée dès le début du règne de Louis XIV (le lien du parti
janséniste avec la Fronde et ses remises en cause de la monarchie de droit
divin peuvent en partie expliquer la rancœur de Louis XIV).
26. Deux éléments essentiels du culte catholique sont désignés comme des
éléments de magie ici :
– le mystère de La Trinité (le mystère d’un Dieu unique présent sous la forme
de trois personnes distinctes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit) ;
– le mystère de la Transsubstantiation (l’incarnation du Christ dans le pain et
le vin de la messe).
16
La satire des mœurs
◆ L IRE L’ IMAGE
29. Imaginé par Henri III pour joindre le bourg Saint-Germain à la rive
droite, le Pont-Neuf fut achevé sous Henri IV (qui fit son entrée dans Paris
en 1594). Le pont fut dessiné par les architectes Pierre Désilles et Androuet
du Cerceau et fut inauguré en 1607. L’actuelle statue d’Henri IV prit place
en 1818.
30. Piétons, animaux et carrosses semblent se mélanger avec des vendeurs
ambulants sur la gravure. La circulation a l’air assez libre et les personnages
présentés en mouvement sont orientés dans toutes les directions. Les groupes
créent aussi une impression de confusion.
◆ R ECHERCHES
ET DÉBATS
•
Qu’appelle-t-on la bulle Unigenitus ? Vous rechercherez l’auteur de cette
bulle papale et expliquerez pourquoi elle fut rédigée.
• Pensez-vous que certaines religions situent encore la femme dans une infériorité par rapport aux hommes ?
• Qu’appelle-t-on l’absolutisme ? Vous chercherez une définition claire dans
votre livre d’histoire.
• Préféreriez-vous vivre dans une grande ville comme Paris ou à la campagne ?
Vous étudierez les avantages et les inconvénients des deux solutions.
L A S AT I R E D E S M ΠU R S (p. 47)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
1. Rica, dont le caractère enjoué est souligné par Usbek (lettre 27, non citée :
« Rica jouit d’une santé parfaite : la force de sa constitution, sa jeunesse et sa gaieté
naturelle le mettent au-dessus de toutes les épreuves. ») est le narrateur unique de
ces lettres. La tonalité de sa correspondance est volontiers satirique. Elle
complète le ton plus sérieux et philosophique des lettres d’Usbek.
2. Rica reçoit une lettre d’une actrice de l’Opéra (lettre 28).
17
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
3. Rica ne décrit pas la pièce de théâtre (ou les pièces selon l’usage du
XVIIIe siècle) à laquelle il assiste. Son regard ne s’attache pas au « grand mouvement » (lettre 28, l. 5) sur l’estrade, il scrute plutôt la comédie, le jeu mondain
et galant de la salle.
4. Rica suscite la curiosité à cause de son apparence exotique, de son « habit
persan » (lettre 30, l. 21-22).
5. Il lui suffit de changer d’habit, de s’habiller à l’occidentale pour éteindre
la curiosité.
6. Rica évoque la modestie dans la lettre 50.
7. Le visiteur de la lettre 45 est un alchimiste. Il croit avoir percé le mystère
de la transformation des métaux en or.
8. Un alchimiste est un savant qui se consacre à l’art de la transmutation des
métaux en or grâce à une mystérieuse pierre philosophale dont la fabrication
a fait l’objet de nombreux traités. La transmutation des métaux en or résulte
de la fusion de métaux auxquels on ajoute un petit morceau de la pierre
philosophale enrobé de cire. On peut noter que les recherches chimiques
menées par les alchimistes ont conduit certains d’entre eux à des investigations médicales et au rêve d’un remède universel, un élixir de longue vie qui
permettrait d’atteindre l’immortalité.
9. Rica décide de quitter l’alchimiste car il considère que celui-ci est un
imposteur ou un malade.
10. Selon Rica les « architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et
d’élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d’eux ce changement,
et les règles de leur art ont été asservies à ces caprices » (lettre 99, l. 24-27).
11. La lettre 45 est adressée à Usbek.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
12. L’actrice écrit à Rica pour obtenir sa protection, s’intégrer à sa suite et
bénéficier de son appui pour devenir danseuse à Ispahan.
13. Plusieurs motivations apparaissent dans la lettre :
a) L’actrice est enceinte (de 7 ou 8 mois !). Si l’on en croit le récit qu’elle
adresse à Rica, elle aurait été abusée par un « jeune abbé » (l. 49). On remarquera ici que la première formulation laisse plutôt imaginer un rapport
contraint, plus proche du viol que de la commune attirance : « Comme je
18
La satire des mœurs
m’habillais en prêtresse de Diane, un jeune abbé vint m’y trouver [dans la loge], et,
sans respect pour mon habit blanc, mon voile et mon bandeau, il me ravit mon innocence » (l. 48-51). Plusieurs éléments contribuent à renforcer cette impression :
– le rapport de simultanéité temporelle introduit par « comme » qui fait
l’impasse sur un processus de séduction ou une discussion préalable ;
– l’expression « sans respect » qui suggère une absence de consentement ;
– l’« habit blanc » qui indique l’innocence de la narratrice (renforcée par le
mot « innocence » en fin de phrase) ;
– la formule « il me ravit ». Le sémantisme du verbe contient l’idée de
contrainte (prendre par violence, par ruse ou par surprise).
La seconde formulation, qui succède à des protestations de vertu offensée, est
beaucoup plus ambiguë et suggère un déroulement quelque peu différent ! :
« Avec cette délicatesse, vous jugez bien que ce jeune abbé n’eût jamais réussi, s’il ne
m’avait promis de se marier avec moi : un motif si légitime me fit passer sur les petites
formalités ordinaires et commencer par où j’aurais dû finir » (l. 56-59). Il y a bien
eu un consentement motivé par la promesse de mariage. Celle-ci avait été
occultée du premier développement. Le processus galant est réduit à des
« petites formalités ordinaires » que la narratrice a écartées promptement pour
passer à l’acte sexuel. Ce qui, dans une perspective moraliste quelque peu
misogyne, dont les Persans ne sont pas exempts, suggère que cette actrice est
assez légère.
b) La carrière. Celle de l’actrice est menacée par l’arrivée d’un enfant, son
statut de femme enceinte et son âge. Elle semble espérer un destin plus glorieux que lui a fait miroiter un homme de la suite de Rica.Y a-t-il entre eux
une histoire naissante ? On peut le penser.
c) L’argent. Si elle espère échapper à une carrière peu gratifiante pour
trouver la gloire, l’actrice semble aussi penser qu’elle obtiendra la fortune :
« si j’étais à Ispahan, ma fortune serait aussitôt faite » (l. 66).
14. Une antithèse est une figure qui oppose deux idées ou deux mots. La
lettre 30 est composée de deux paragraphes que l’on peut opposer. Le
premier décrit la curiosité des parisiens et le statut de star attribué au Persan.
Le second raconte le changement consécutif à l’abandon du costume oriental : la curiosité disparaît et le statut du personnage change. Il se noie dans la
foule anonyme. Le costume exotique confère une gloire qui disparaît lorsqu’on l’abandonne.
15. « Il me demanda de me lever ; il avait besoin de moi toute la journée :
il avait mille emplettes à faire et il serait bien aise que ce soit avec moi. Il
19
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
fallait premièrement aller à la rue Saint-Honoré parler à un notaire qui
était chargé de vendre une terre de cinq cent mille livres ; il voulait que
celui-ci lui en donne la préférence. En venant ici, il s’était arrêté un moment
au faubourg Saint-Germain, où il avait loué un hôtel de deux mille écus, et
il espérait passer le contrat aujourd’hui ».
16. La lettre 50 propose un développement sur la modestie et la vanité dans
la tradition des écrits moralistes du XVIIe siècle (La Bruyère) notamment
ceux de la mouvance janséniste (Pascal ou La Rochefoucauld). La lettre
commence par des considérations générales vantant la modestie des gens
vertueux. Le pluriel de généralité (« des gens », l. 1) ainsi que le présent du
même nom indiquent bien ici que l’auteur donne des règles universelles. On
retrouve les mêmes procédés dans les deux paragraphes suivants auxquels on
peut ajouter les considérations sur « la modestie » (l. 9), terme ici généralisant
qui englobe toutes les situations particulières. Dans le quatrième paragraphe,
on passe du discours moraliste à l’exemple. L’apparition du passé simple
marque cette irruption d’une situation particulière qui vient ici illustrer les
propos antérieurs et les confirmer. Le dernier paragraphe assure la transition
entre l’exemple et un nouveau développement général qui a valeur de moralité conclusive pour l’ensemble de la lettre.
◆ É TUDIER
UN THÈME : LA MODE
17. Rica reproche à la mode d’être versatile (l’expression « caprices de la
mode », lettre 99, l. 1, lance ce thème) et d’être coûteuse (dernière phrase du
premier paragraphe, lettre 99, l. 4-5).
18. D’un point de vue moraliste, la mode montre aussi le goût pour les apparences et le souci de l’apparat extérieur. Les développements présents dans la
lettre 30 illustrent aussi ce thème puisque la curiosité envers Rica est déclenchée par son apparat exotique. Dès que le personnage change de costume,
l’intérêt qu’on lui porte disparaît. Le « Comment peut-on être persan ? »
(lettre 30, l. 35) emblématise l’incompréhension que suscite l’altérité (quand
elle n’est pas simplement fondée sur des signes extérieurs visibles).
L’étrangeté invisible suscite le dédain alors que l’exotisme visible amuse. C’est
à cette frivolité que renvoie aussi la mode puisqu’elle détermine des goûts
aléatoires qui changeront rapidement et qu’elle fascine par le simple jeu
d’apparences incongrues bientôt anachroniques.
20
La satire des mœurs
19. – La mode est un secteur important de l’économie qui fait travailler de
nombreuses personnes dans différentes branches.
– La mode montre le dynamisme d’une culture et son inventivité.
– La mode est un refus de l’uniformisation vestimentaire : elle aide à renouveler les apparences et laisse la place à une certaine fantaisie ou originalité.
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
20. La première apparition du mot « comédie » (« une espèce de scène que j’ai
entendu appeler comédie », l. 4) reprend le sens classique aujourd’hui abandonné
de pièce de théâtre (sans indication précise du genre). De ce sens strictement
théâtral on passe, avec la seconde occurrence, (« Enfin on se rend à des salles où
l’on joue une comédie particulière », l. 30) à un sens plus général : la vie sociale
et les mondanités sont vues comme un jeu théâtral où chacun est comédien.
21. « Extravagance » est composé d’un préfixe (extra) d’un radical (vag- de
« vagari », errer) et du suffixe nominal -ance. Le mot signifie littéralement que
l’on erre en dehors du bon sens. Synonyme : folie, déraison, absurdité.
Antonyme : mesure, raison.
22. Le mot « guinder » vient du scandinave « winda », hausser. Il est employé
dans le lexique maritime avec le sens de « hisser un mât ». Dans le vocabulaire
technique, il désigne l’action d’élever avec une machine (grue ou poulie).
23. « Hôpital » vient de « hospitalem » comme les mots « hospitalier » ou
« hôtel ».
24. « ces insectes [désigne les êtres sans importance] qui osent faire paraître un
orgueil qui déshonorerait les plus grands hommes » (l. 10-12).
25. « alchimie » provient de l’arabe « al-kîmiyâ ». Cinq autres mots en a- ou
al- empruntés à l’arabe : « abricot, alambic, alcool, alcôve, algèbre ».
26. Le présent de vérité générale est utilisé pour des réflexions censées être
justes au-delà de la situation actuelle. C’est un présent en quelque sorte
omnitemporel. Deux illustrations : « si la modestie est une vertu nécessaire à ceux
à qui le Ciel a donné de grands talents… » (lettre 50, l. 9-10) ; « Il en est des
manières et de la façon de vivre comme des modes : les Français changent de mœurs
selon l’âge de leur roi » (lettre 99, l. 34-36).
21
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
27. Deux exemples d’autodérision : « je ne me croyais pas un homme si curieux
et si rare… » (l. 17-18) ; « Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement :
libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste […] j’entrai tout
à coup dans un néant affreux… » (l. 24-29).
28. La prétérition est une figure de style qui procède en deux temps. On
écarte explicitement un sujet (en disant qu’on n’en parlera pas par exemple),
puis on évoque ce qu’on a écarté. Cette duplicité énonciative est en général
volontaire et maîtrisée : c’est un procédé rhétorique classique. On peut
cependant parler de prétérition involontaire dans le discours du vaniteux
(lettre 50) : la duplicité n’est ici qu’une preuve supplémentaire de vanité
puisque le discours de la modestie affichée et du refus de l’autocélébration
est tout de suite contredit par les propos tenus : « je ne me loue jamais ; j’ai du
bien, de la naissance ; je fais de la dépense ; mes amis disent que j’ai quelque esprit ;
mais je ne parle jamais de tout cela » (l. 32-34). Les énoncés contredisent le refus
affiché d’énonciation, tel est le procédé de la prétérition classique.
29. Alors que le récit de la lettre 45 est mené au passé (avec une dichotomie
classique entre imparfait descriptif dans le deuxième paragraphe par exemple
et passé simple narratif dans la première partie du quatrième), l’irruption d’un
présent narratif vient rompre la continuité et actualise la scène évoquée,
supprimant la distance narrative consubstantielle au passé simple. : « Je le
suis. Nous grimpons à son cinquième étage, et, par une échelle, nous nous guindons
à un sixième » (l. 35-37).
30. Les temps utilisés dans la lettre 50 :
– dans le premier paragraphe : passé composé (« j’ai vu », l. 1), imparfait
(temps dominant), plus-que-parfait (« n’avaient pas percé », l. 5). Dans ce passage les réflexions d’ordre général (sur le lien entre vertu naturelle et modestie) sont données comme fruits d’une expérience personnelle (« j’ai vu ») qui
permet ensuite la généralisation (« les gens », l. 5).
– La deuxième phrase du paragraphe est au présent : le temps est encore
référé ici à un point de vue personnel subjectif (« les gens que j’aime », l. 5-6)
qui restreint en quelque sorte la généralisation.
– Dans le deuxième paragraphe, l’énonciation s’affranchit de cette restriction
subjective pour atteindre ici un présent de généralité : la thèse est universelle. Si
les génies doivent être modestes que dire des esprits médiocres et prétentieux…
22
La satire des mœurs
– Troisième paragraphe : on retrouve le procédé du premier paragraphe (qui
est aussi une des originalités techniques de Montesquieu). Les maximes générales et généralisantes de l’écriture moraliste classique sont ici référées à un
point de vue fictif particulier (celui de Rica, « je vois de tous côtés des gens qui
parlent sans cesse d’eux-mêmes », l. 13-14). Le présent d’énonciation (« je vois »)
ouvre sur un présent plus généralisant (« des gens qui parlent »).
L’aboutissement de ce paragraphe (qui intègre d’autres temps verbaux, futur,
passé composé) dans l’évocation du discours des vaniteux sera une maxime
au présent de généralité : « Oh ! que la louange est fade lorsqu’elle réfléchit vers le
lieu d’où elle part » (l. 20-21).
– Quatrième, cinquième et sixième paragraphes : le système temporel change car
le narrateur évoque une scène plus précise dont il va détailler le déroulement et
les épisodes. Les temps du récit apparaissent et vont dominer ; passé simple et
imparfait. Les passages cités au discours direct utilisent le présent d’énonciation
alors que la dernière phrase est une maxime au présent de généralité.
31. Dans la lettre 24, Rica utilise déjà l’exagération caricaturale et l’hyperbole
pour décrire le rythme effréné de la vie parisienne. L’exagération est aussi présente dès le premier paragraphe de la lettre 99 : l’oubli immédiat censé illustrer
la frivolité de la mode et son renouvellement arbitraire est emblématisé dans
une formule (« Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été… », l. 2). Le second
paragraphe reprend cette idée en la motivant différemment : inutile de décrire
la mode actuelle car cette description serait, une fois parvenue à son destinataire, anachronique. Les exemples qui suivent, dans le troisième paragraphe
accentuent l’exagération jusqu’à l’hyperbole. L’adjectif « antique » (l. 12) appliqué à une retraite de 6 mois et la comparaison qui suit (6 mois/30 ans),
l’absence de reconnaissance de la mère par son fils et l’assimilation exotique
à quelque Américaine lointaine soulignent la caricature.
La description des coiffures donne à son tour prise à un passage caricatural :
la coiffure est si haute que le visage est au centre de la silhouette. (On pourrait demander aux élèves de représenter ici la caricature pour qu’ils visualisent mieux l’effet comique du procédé). Les chaussures donnent à leur tour
l’occasion d’un passage hyperbolique puisque ce sont les pieds qui occupent
désormais le centre de la silhouette. Ce qui suppose tout de même des talons
disons d’un mètre cinquante ! Le plaisir de la description bouffonne continue avec l’évocation des modifications architecturales qui seraient dues aux
caprices de la mode !
23
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
◆ É TUDIER L’ ORTHOGRAPHE
32. Ils seront obligés d’être partout : ils passeront par des endroits qu’eux
seuls connaissent (ou connaîtront ici), monteront avec une adresse surprenante d’étage en étage ; ils seront en haut, en bas, dans toutes les loges ; ils
plongeront pour ainsi dire ; on les perdra, ils reparaîtront ; souvent ils quitteront le lieu de la scène et iront jouer dans un autre. On en verra même qui,
par un prodige qu’on n’aurait osé espérer de leurs béquilles, marcheront et
iront comme les autres.
33. Cet essai nous fit connaître ce que nous valions réellement : libres de tous
les ornements étrangers, nous nous vîmes appréciés au plus juste. Nous eûmes
sujet de nous plaindre de notre tailleur, qui nous avait fait perdre en un instant l’attention et l’estime publique : car nous entrâmes tout à coup dans un
néant affreux. Nous demeurions quelquefois une heure dans une compagnie
sans qu’on nous eût regardés.
◆ É TUDIER
LE GENRE : LA SATIRE DES MŒURS
34. Les spectateurs qui se rendent au théâtre semblent davantage occupés par
la comédie mondaine et galante qui se joue dans la salle que par le spectacle
représenté sur la scène. C’est en tout cas cette théâtralité de la salle que le
regard de Rica va capter. Le vocabulaire de la représentation est d’emblée utilisé pour décrire les spectateurs : « des hommes et des femmes qui jouent des scènes
muettes » (l. 7-8). Après cette phrase générale qui lance la description, Rica
s’attache au jeu galant initié, selon lui, par les femmes. (« Ici, c’est une amante
affligée […], une autre, plus animée […]. Là, les actrices », l. 10-14). L’activité de
la salle (avec ses échanges d’invectives entre les loges et le parterre, les billets
qui circulent par le moyen d’intermédiaires habiles) fait ensuite l’objet d’une
description plus détaillée avant l’évocation de la comédie mondaine qui se
joue dans les salons. C’est l’occasion ici d’une évocation burlesque des rituels
mondains (« On dit que la connaissance la plus légère met un homme en droit d’en
étouffer un autre », l. 32-33).
35. Lettre 28 : les spectateurs mondains de la comédie et l’actrice de l’Opéra.
Lettre 30 : les Parisiens. Lettre 45 : l’alchimiste. Lettre 50 : les prétentieux.
Lettre 99 : les femmes qui suivent la mode.
36. L’agitation de l’alchimiste est stigmatisée par le premier paragraphe.
L’entrée dans l’appartement de Rica la symbolise, entrée violente (les
adverbes le soulignent, « rudement, soudain », dans le premier paragraphe, « pré24
L’ a c t u a l i t é e t l a s a t i r e p o l i t i q u e
cipitamment, promptement » dans le troisième) d’un personnage excité (« hors de
lui-même »). Quant à la pauvreté du personnage elle est signalée à la fois par
la description et par le logement (On signalera aux élèves que l’étage élevé
est plutôt un indice de pauvreté à cette époque). La lettre est fondée sur le
contraste entre cette modestie apparente du personnage et l’extravagante
ambition de ses propos. Le personnage, dont on ignore l’activité pendant une
bonne partie de la lettre, semble avoir gagné une fortune qu’il est déterminé
à dissiper au plus vite. On partage un moment la surprise de Rica avant de
découvrir avec lui que cette richesse inépuisable (qui motive les activités et
projets du personnage décrit) est en fait fondée sur la seule espérance alchimique et qu’elle n’a rien d’effectif pour l’heure !
◆ R ECHERCHES
ET DÉBATS
•
La lettre 28 donne quelques informations sur les conditions du spectacle
théâtral au XVIIIe siècle : quelles sont les différences que vous voyez avec une
représentation actuelle ? Qu’en pensez-vous ? Aimeriez-vous assister à un
spectacle dans les conditions de l’époque ? Pourquoi ?
• Pensez-vous qu’un Persan susciterait aujourd’hui la même curiosité en se
promenant à Paris ? Justifiez votre point de vue avec deux arguments.
L’ A C T U A L I T É E T L A S AT I R E
P O L I T I Q U E (p. 61)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
1. La lettre 37 est datée de mars 1713, soit deux années avant la mort de
Louis XIV.
2. Louis XIV est roi depuis 1643 (il a alors 5 ans) mais il règne effectivement
depuis 1661.
3. Louis XIV meut en 1715.
4. Louis XV a alors 5 ans. Le pouvoir est confié au duc d’Orléans (voir
« vivre au temps des Lettres persanes », p. 142).
5. Dans son testament, Louis XIV avait en quelque sorte organisé sa succession
politique autour d’un conseil de Régence qui devait comprendre quelques
25
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
personnalités choisies (le duc du Maine, le comte de Toulouse) aux côtés du
duc d’Orléans. Celui-ci fait casser le testament de Louis XIV par le parlement,
en échange du droit de remontrance qui était largement tombé en désuétude.
Par cette manœuvre, il s’assure la succession du jeune roi en cas de décès et peut
organiser son gouvernement plus librement (cf. : « le feu roi avait fait un testament
qui bornait l’autorité du régent », lettre 92, l. 11-12). Inspiré par les aristocrates
(comme Saint-Simon) frustrés par la politique absolutiste de Louis XIV,
Philippe d’Orléans met en place un système de conseils appelé polysynodie. La
noblesse traditionnelle fait un retour en force dans ces conseils.
6. Dans la lettre 107, Rica explique : « On dit que l’on ne peut jamais connaître
le caractère des rois d’Occident jusques à ce qu’ils aient passé par les deux grandes
épreuves de leur maîtresse et de leur confesseur » (l. 8-10).
7. Dans les Lettres persanes, 3 lettres évoquent l’épisode John Law : il s’agit des
lettres 132, 138 et 146. Nous avons sélectionné ici la lettre 138.
8. Les parlements qui possèdent un droit de remontrance peuvent critiquer la
politique royale. Selon Montesquieu, les parlements sont plus proches du
peuple (contrairement à la cour qui constitue un microcosme où les courtisans
s’épanouissent, critique que l’on trouve déjà chez Montaigne et chez certains
moralistes du XVIIe siècle) et donnent voix à ses douleurs : ils « viennent démentir la flatterie, et apporter aux pieds du trône les gémissements et les larmes dont [ils] sont
dépositaires » (lettre 140, l. 10-12). Cela suppose une vertu particulière à
l’opposé de l’intérêt courtisan (dernier paragraphe de la lettre 140).
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
9. La contradiction peut s’exprimer avec la conjonction copulative « et » :
elle est alors syntaxiquement implicite et sémantiquement explicite : « il a
un ministre qui n’a que dix-huit ans et une maîtresse qui en a quatre-vingts »
(l. 10-12). L’opposition entre la jeunesse du ministre et l’âge avancé de la maîtresse n’a pas besoin d’outil syntaxique supplémentaire, elle est suffisante.
La contradiction peut être aussi exprimée par une conjonction de subordination qui introduit une subordonnée conjonctive d’opposition : « quoiqu’il
fuie le tumulte des villes, et qu’il se communique peu, il n’est occupé, depuis le matin
jusques au soir, qu’à faire parler de lui » (l. 14-16).
L’opposition est aussi explicitée par la conjonction de coordination « mais » :
« il aime les trophées et les victoires, mais il craint… » (l. 16-17).
26
L’ a c t u a l i t é e t l a s a t i r e p o l i t i q u e
10. Les narrateurs des lettres sont Usbek (lettres 37 et 92) et Rica (lettres
107, 138, 140). Les indices qui font référence à l’Orient sont assez peu
nombreux dans ces lettres. Dans les lettres d’Usbek, il est fait allusion à « nos
histoires » (lettre 37, l. 2), à « notre auguste sultan » (lettre 37, l. 6-7), les possessifs associent le destinataire oriental, Ibben, ou au « grand Chah Abbas » (lettre
92, l. 3-4). Dans la correspondance de Rica, il est question de la Perse (« on
se plaint en Perse », lettre 107, l. 50 ; « on lève aujourd’hui des tributs en Turquie
et en Perse », lettre 138, l. 3-4) tandis que le pronom « nous » associe aussi le
destinataire oriental à une commune origine (« nous n’y mettons pas tant
d’esprit que les Occidentaux, nous voyons… », lettre 138, l. 6-7).
11. Le passage descriptif comporte plusieurs adjectifs subjectifs valorisants :
« Sa physionomie est majestueuse, mais charmante ; une belle éducation semble
concourir avec un heureux naturel et promet déjà un grand prince » (l. 5-7).
◆ É TUDIER
UN THÈME : L’ ABSOLUTISME
12. Selon Usbek, Louis XIV admire les gouvernements turcs ou perses, « tant
il fait cas de la politique orientale » (lettre 37, l. 7-8). Si l’on rappelle que pour
Montesquieu l’Orient incarne un despotisme débridé, cette remarque pointe
la dérive absolutiste de Louis XIV et la situe dans une perspective qui mène
à la tyrannie.
13. Ceux qui disent qu’il faut observer la religion avec rigueur sont les jansénistes dont le milieu dévot s’inspire. La conception d’un homme misérable
et destitué par le péché originel est aux antipodes de la conception héroïque
et glorieuse que souhaite magnifier Louis XIV. De plus, le lien ancien des
jansénistes avec la Fronde, leur scepticisme sur la monarchie de droit divin ou
leur défense du libre examen et d’une morale rigoureuse les rend critiques à
l’égard de la politique absolutiste de Louis XIV.
14. Le testament de Louis XIV est présenté comme un acte d’autorité abusif et une tentative pour organiser sa succession en assurant une continuité.
C’est en s’appuyant sur les parlementaires, la noblesse d’épée et le clergé (la
Régence initie une certaine tolérance à l’égard des jansénistes, tolérance provisoire qui sera démentie dès 1722) que Philippe d’Orléans compte rompre
avec la politique louis-quatorzienne.
15. C’est l’architecture qui manifeste principalement la magnificence de Louis
XIV selon Usbek : « Il est magnifique, surtout dans ses bâtiments : il y a plus de statues
dans les jardins de son palais que de citoyens dans une grande ville » (lettre 37, l. 35-36).
27
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
16. Dans la lettre 92, Montesquieu résume son constat : la politique louis
quatorzienne a réduit le rôle fondamental des parlements. Ceux-ci ressemblent désormais à des « ruines que l’on foule aux pieds ». Leur rôle est réduit
(« Ils ne se mêlent guère plus que de rendre la justice », l. 18-19). La dernière phrase
qui semble lier leur décadence à un destin universel fait de leur état actuel le
résultat d’un triple processus d’usure : celui du temps (terme le plus général),
celui de la corruption des mœurs (constat sociologique) et celui du roi (critique politique). La politique de Philippe d’Orléans semble trancher avec
celle de Louis XIV mais, faute d’une véritable réforme, le pouvoir des parlements est toujours soumis au bon vouloir du Régent. La lettre datée de 1715
peut donc faire état d’un changement… mais celui-ci s’avérera très fragile et
provisoire. La tournure « a paru d’abord respecter » (l. 26-27) apporte une restriction claire à ce constat optimiste. C’est que cette lettre est rédigée
quelques années après, à un moment où Montesquieu peut remarquer que le
pouvoir des parlements n’est pas plus effectif qu’à l’époque de Louis XIV.
La lettre 140, datée elle de 1720, le démontre clairement : « Le Conseil lui a
envoyé enregistrer ou approuver une déclaration qui le déshonore » (l. 2-3).
17. Les récompenses distribuées par Louis XIV semblent sanctionner aussi bien
les flatteries des courtisans que les exploits militaires de ses meilleurs officiers. La
première phrase du troisième paragraphe, avec sa tournure comparative d’égalité (« aussi… que », l. 23-25) les met sur le même plan. Mais la phrase suivante
introduit un déséquilibre et rectifie l’énoncé premier : « il préfère » (l. 26) en fait
le courtisan au courageux capitaine… L’injustice s’accroît encore à la fin du
paragraphe : les récompenses ne sont pas accordées en fonction du mérite mais
en fonction de calculs politiques et sont censées susciter un attachement ou « un
mérite » (l. 31) qui est en fait un simple sentiment de reconnaissance. Elles sont
distribuées alors de façon aléatoire en fonction du bon vouloir et des calculs
du roi.
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
18. Le mot parlement existait en ancien français avec le sens de « conversation »
ou de « discours ». Il a été emprunté à l’ancien français par l’anglais au XIIIe siècle
(parliament). Le mot a alors changé de signification pour désigner le lieu de
discussion. Il a ensuite pris son sens contemporain de « plus haute législature »
comprenant le Roi, la Chambre des Lords et la Chambre des Communes.
28
L’ a c t u a l i t é e t l a s a t i r e p o l i t i q u e
19. On pourra se référer ici à l’ouvrage d’Henriette Walter, Honni soit qui
mal y pense, Le Livre de Poche, 2003. La linguiste propose plusieurs listes de
mots empruntés par l’anglais à l’ancien français. Limitons-nous à quelques
exemples qui ont été adoptés par l’anglais au XIIIe et XIVe siècles :
– mustard emprunté à l’ancien français moustarde, moutarde actuellement ;
– profit de profiter ;
– pay de paier en ancien français ;
– towel (serviette) de l’ancien français toaille aujourd’hui disparu ;
– pork, mutton, beef, veal (pour les viandes alors que les noms des animaux sont
construits à partir de racines germaniques, pig, sheep, ox, calf )…
20. Le français a commencé a emprunté des mots anglais lorsque les philosophes du XVIIIe siècle ont éprouvé, fascinés par le régime parlementaire
anglais, une véritable anglomanie. Rappelons que Montesquieu séjourna en
Angleterre quelques années après la publication des Lettres persanes et que ses
réflexions sur la monarchie parlementaire sont aussi inspirées par le modèle
anglais qu’il vantera dans L’Esprit des Lois (1748) comme un système favorable aux libertés publiques et à l’équilibre des pouvoirs. De même, Les Lettres
philosophiques de Voltaire (1734) loueront la tolérance et l’art du commerce
anglais. C’est à cette époque que les Français importent des mots comme
confortable, sentimental, partenaire, club, vote, pétition, jury. Le vocabulaire sportif
anglais, très présent au XXe siècle, débute son incursion en France dès le
XIXe siècle, avec le sport hippique par exemple : handicap, turf, poney, outsider,
etc. datent de cette époque. Au XXe siècle les emprunts se sont multipliés dans
toutes sortes de domaines techniques et scientifiques.
21. Chat : Il préfère les chiens aux chats. Chas : Le chas de cette aiguille
n’est pas assez large pour ce fil.
22. On en profitera pour expliquer les indications étymologiques dans un
dictionnaire : voici celles contenues dans le Petit Robert : 1080, altération de
eschac, arabo-persan shâh, dans l’expression shâh mat, le roi est mort.
Le mot échec apparaît donc en français en 1080. C’est une altération d’un mot
arabe lui-même dérivé de deux mots persans : shâh pour le roi, mat pour
mort. À noter que ce mot mat est employé dans l’expression échec et mat.
23. Médiation peut être utilisé comme paronyme : Le commissaire a fait
une tentative de médiation pour obtenir la libération des otages.
24. Polychrome, qui a plusieurs couleurs. Polyculture, culture de produits
différents dans une même région. Polygame, qui a plusieurs femmes.
29
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
25. « ce dernier moment » (l. 3) : adjectif démonstratif ; « ce grand événement » (l. 6) :
adjectif démonstratif ; « ce changement » (l. 8) : adjectif démonstratif ; « Ce prince
habile » (l. 12) : adjectif démonstratif ; « ressemblent à ces ruines que l’on foule… »
(l. 16) : adjectif démonstratif ; « Ces grands corps ont suivi » (l. 22) : adjectif démonstratif ; « Respecter cette image de la liberté… » (l. 27) : adjectif démonstratif.
26. « Nous n’avons point d’exemple dans nos histoires d’un monarque qui ait si
longtemps régné » (l. 1-3) : subjonctif passé dans une relative qui suit un antécédent mis en valeur pour son unicité.
« quoiqu’il fuie le tumulte des villes » (l. 14) : subjonctif présent dans une subordonnée d’opposition introduite par quoique. (Même remarque pour « qu’il
se communique », l. 14-15).
« Il ne croit pas que la grandeur souveraine doive être dans la distribution des grâces »
(l. 28-29) : subjonctif présent du verbe devoir dans une complétive introduite
par une tournure négative.
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
27. « Les ministres se succèdent et se détruisent ici comme les saisons » (l. 1-2).
« On lève aujourd’hui les tributs, en Turquie et en Perse, comme les levaient les
fondateurs de ces empires » (l. 4-6). « Il est vrai que nous n’y mettons pas tant
d’esprit que les Occidentaux » (l. 6-7).
28. « Il a bien fait parler des gens pendant sa vie ; tout le monde s’est tu à sa mort »
(l. 1-3) : la relation d’opposition entre les deux propositions est implicite. On
pouvait la rendre plus explicite avec la conjonction mais.
29. Il est question des courtisans dans la lettre 37 : « Il [Louis XIV] aime à
gratifier ceux qui le servent : mais il paie aussi libéralement les assiduités ou plutôt
l’oisiveté de ses courtisans, que les campagnes laborieuses de ses capitaines » (l. 23-25).
La rectification sémantique du mot « assiduité » par le mot « oisiveté » et
l’opposition au labeur réel des soldats offre une première perspective critique
sur les courtisans : ceux-ci sont des parasites dont l’occupation est tout à fait
secondaire.
30. « Ces grands corps ont suivi le destin des choses humaines : ils ont cédé au temps,
qui détruit tout, à la corruption des mœurs, qui a tout affaibli, à l’autorité suprême, qui
a tout abattu » (l. 22-25). On analysera le rythme ternaire de l’explication avec
trois groupes substantivaux, trois relatives et trois verbes complétés chaque
fois par le pronom indéfini tout.
30
L’ a c t u a l i t é e t l a s a t i r e p o l i t i q u e
◆ É TUDIER
LE GENRE : LA SATIRE POLITIQUE
31. La vieillesse du roi est mentionnée comme une anomalie. La seconde
phrase précise, ce qu’on peut prendre pour une critique, que ce n’est pas tant
l’âge qui importe ici que la durée exceptionnelle du règne.
Implicitement, la fascination de Louis XIV pour les régimes orientaux est,
dans l’esprit de Montesquieu, le signe d’une dérive despotique.
La critique se précise avec le portrait du deuxième paragraphe. La jeunesse
du ministre qui contraste avec la vieillesse de la maîtresse est mentionnée
comme simple contradiction. Il n’est pas interdit d’y voir le premier signe
d’un arbitraire et d’une sénilité royale. Le souci de publicité de Louis XIV
(« il n’est occupé, depuis le matin jusques au soir, qu’à faire parler de lui », l. 15-16)
est aussi épinglé. Il est complété par la crainte des officiers trop brillants qui
pourraient lui faire de l’ombre…
La critique s’achève avec la gestion arbitraire des récompenses, évoquée plus
haut.
32. Après le règne de Louis XIV, le début de la Régence semble une période
assez favorable, plus conforme aux principes de Montesquieu. En effet, le
théoricien d’une monarchie parlementaire souple approuve la rupture avec la
politique louis-quatorzienne et les relations nouvelles qu’instaure Philippe
d’Orléans avec les Parlements. La dernière phrase de la lettre 92 traduit cette
convergence de vues : « et, comme s’il avait pensé à relever de terre le temple et l’idole,
il a voulu qu’on les regardât comme l’appui de la Monarchie et le fondement de toute
autorité légitime » (l. 28-30). La lettre 140, en comparaison, sonne comme un
rappel à l’ordre dans un climat de désillusion et de désapprobation.
33. La description des mœurs politiques françaises par Rica, dans la
Lettre 107, montre que le pouvoir réel est aux mains d’une « république »
(l. 36-37) de femmes, particulièrement efficace. Alors qu’en Orient les
femmes sont souvent cantonnées au service des puissants dans des sérails où
la rivalité semble primer, Rica a de quoi être surpris par cette féminisation
des coutumes occidentales. De plus en plus de femmes participent à la vie
intellectuelle, lisent et interviennent, c’est une mutation sociologique importante du XVIIIe siècle. Il faudrait reparler ici du rôle important joué par la préciosité dans cette émancipation intellectuelle des femmes… n’en déplaise à
Molière, toutes les Précieuses n’étaient pas ridicules et on peut voir dans ce
mouvement un des ancêtres du féminisme, malgré l’anachronisme évident du
concept. Il faudrait aussi évoquer l’importance des Salons tenus par des
31
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
femmes d’influence (Mme de Lambert, Mme Geoffrin, Mlle de Lespinasse
ou Mme du Deffand), le rôle des favorites comme Mme de Maintenon et le
rayonnement intellectuel de certaines femmes au XVIIIe siècle. Mme du
Deffand par exemple. On retrouve cependant dans la description de Rica
quelques relents misogynes lorsqu’il évoque par exemple les motivations
des maîtresses de ministres. Celles-ci n’agiraient que par calcul et seraient
évidemment préoccupées par des motivations extra-sentimentales…
Description qui correspond bien au point de vue d’un homme habitué à les
voir se soumettre en silence. Le dernier paragraphe vient illustrer cette vision
masculine et volontiers misogyne de la politique.
34. Le système de Law a inversé la hiérarchie économique : selon Rica les
riches ont été ruinés alors que des pauvres se sont enrichis. Cette inversion
surprend par sa rapidité. Mais la critique se reporte sur « les laquais qui avaient
fait fortune sous le règne passé » (lettre 138, l. 47-48). Le dédain qu’ils manifestent à l’égard des nouveaux riches est dénoncé comme le plus ridicule : ils
ont, aux yeux de Montesquieu, oublié rapidement leur récente fortune pour
revendiquer une légitimité qui n’a aucun fondement pour la noblesse traditionnelle (dont Montesquieu fait partie).
◆ R ECHERCHES
ET DÉBATS
• Essayez de vous procurer la cassette du film de Bertrand Tavernier : Que la
fête commence qui se déroule pendant la Régence. Un débat pourra être organisé à la suite de la projection où dialogueront ceux qui ont apprécié le film
et ceux qui ont un regard plus critique.
• Préparez un exposé sur le Régent ou sur le personnage de Law.
•
Pensez-vous qu’aujourd’hui les femmes ont toute leur place dans la politique française ?
• Pensez-vous qu’elles ont toute leur place dans la plupart des pays ?
• Préparez un exposé sur la politique architecturale de Louis XIV.
32
La satire religieuse
L A S AT I R E R E L I G I E U S E (p. 80)
◆ AV EZ - VOUS
BIEN LU
?
1. Rica précise dans la lettre 29 : « [le pape] était autrefois redoutable aux princes
même : car il les déposait aussi facilement que nos magnifiques sultans déposent les
rois d’Irimette et de Géorgie. Mais on ne le craint plus » (l. 2-4). Le pouvoir du
pape a donc diminué.
2. Dans la théologie catholique, le Pape est le successeur du fondateur de
l’Église : saint Pierre.
3. Selon Rica, les évêques sont chargés principalement de dispenser les
catholiques d’observer les dogmes. Leur autre activité, rédiger les articles de
foi, apparaît secondaire puisqu’elle est en fait assumée par les théologiens
(« Les évêques ne font pas des articles de foi de leur propre mouvement », l. 24-25).
4. La raison des guerres civiles occidentales est principalement religieuse selon
Rica. Elles viennent (plus ou moins directement) des disputes théologiques.
5. Un hérétique conteste certains dogmes officiels de l’Église.
6. L’Inquisition est pratiquée principalement en Espagne.
7. Usbek évoque un brahmane dans la lettre 46.
8. Le christianisme condamne l’esclavage au nom de l’égalité en droit des
êtres humains (lettre 75).
9. Mais les colonisateurs, qui brandissent souvent l’étendard du Christ, n’ont
pas été très respectueux de ce principe. Montesquieu fait allusion, dans
d’autres passages des Lettres persanes, à la découverte du continent américain.
On pourra rappeler quelques épisodes de la conquête du Mexique notamment. En 1542 par exemple, le pouvoir royal espagnol promulgua des
« Nouvelles Lois des Indes » qui interdisaient la mise en esclavage des Indiens.
Ces lois furent inspirées par Francisco de Vitoria. On peut aussi évoquer la
fameuse « controverse de Valladolid » en 1550-1551. D’un côté Sepulveda qui
justifie la soumission des Indiens et leur mise en esclavage, de l’autre
Bartolomé de Las Casas, défenseur des Indiens.
10. Les ministres du chah Soliman voulaient expulser les Arméniens (lettre 85).
33
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
11. Discours indirect : « Ils font dans leur sentence un petit compliment à ceux qui
sont revêtus d’une chemise de soufre, et leur disent qu’ils sont bien fâchés de les voir
si mal habillés, qu’ils sont doux, qu’ils abhorrent le sang et sont au désespoir de les
avoir condamnés » (l. 61-65).
Discours direct : Après avoir fait un petit compliment à ceux qui sont revêtus d’une chemise de soufre ils leur dirent : nous sommes bien fâchés de vous
voir si mal habillés ! Nous sommes doux, nous abhorrons le sang et sommes
au désespoir de vous avoir condamnés.
12. Dans la lettre 35 Usbek interroge son cousin qui est dervis, c’est-à-dire
religieux musulman.
13. « Que penses-tu des Chrétiens, sublime dervis ? » (l. 1). Le tutoiement est ici
la marque énonciative du discours adressé, tandis que l’interpellation flatteuse
vient renforcer l’autorité conférée au destinataire en matière religieuse.
« Crois-tu » (l. 1) : présence du pronom personnel de deuxième personne.
« Je puis te le dire » (l. 10) : l’affirmation est clairement destinée au cousin.
Alors que la lettre sollicite l’avis du dervis (les tours interrogatifs confirment
cette dimension), Usbek, dans la deuxième partie de sa lettre apporte luimême la réponse à ses premières interrogations.
14. Un double questionnement inaugure la lettre : les chrétiens seront-ils
destinés à l’Enfer ? Dieu peut-il condamner une communauté alors que la
révélation n’a pas été accordée à un peuple ? Deux questions que les lecteurs
de Montesquieu ont l’habitude de voir posées différemment par les chrétiens ! Les arguments d’Usbek vont dans le sens d’une relativité des dogmes
et d’une tolérance avec en perspective une idée forte : c’est moins la différence des coutumes et des rituels, tributaire des religions particulières et des
circonstances historiques, qui importe, que la ressemblance des croyances.
Celle-ci s’imposera à terme. La réponse aux deux questions est donc indirecte : les chrétiens parce qu’ils sont inspirés par des principes justes ne peuvent être destinés à l’Enfer. Dieu est miséricordieux, il reconnaîtra les justes.
◆ É TUDIER
UN THÈME : LA CRITIQUE DU CATHOLICISME
15. La lettre 29 évoque une première fois la richesse du pape : « Il se dit le
successeur d’un des premiers Chrétiens, qu’on appelle saint Pierre, et c’est certainement
une riche succession : car il a des trésors immenses et un grand pays sous sa domination » (l. 5-8). La richesse du pape et le luxe romain ont de quoi surprendre
34
La satire religieuse
et choquer ceux qui pensent que l’Église doit être proche des pauvres et
partager leurs souffrances. On pourra rappeler que c’est une des critiques
formulées par la Réforme, dès le XVIe siècle, et que certains ordres religieux
avaient, bien avant, prôné l’indigence et l’ascétisme.
Dans Mes Pensées, Montesquieu reviendra à plusieurs reprises sur ce sujet. En
voici un exemple : « Lorsque l’on a voulu attacher des biens d’Église à certaines
sociétés de pauvres, comme aux Invalides, c’est-à-dire à des gens qui, outre la pauvreté,
les blessures, on encore la honte, qui les empêche de demander le soutien de leur vie,
l’Église s’y est opposée et a regardé cela comme une profanation ; et on a succombé, et
on a cru ses cris légitimes. Preuve évidente que l’on regarde les biens de l’Église, non
pas comme les biens des pauvres, mais comme ceux d’une certaine société vêtue de noir,
qui ne se marie pas. »
16. La religion favorise la guerre car bien loin de lier les êtres et de les réunir
dans une croyance commune ou dans des pratiques communautaires elle est
un lieu d’affrontement, de polémiques où se lisent aussi des enjeux de pouvoir. Ici comme ailleurs, la modestie et le doute légitime sont rejetés au nom
de croyances qui sont affirmées comme des vérités révélées, indubitables et
indiscutables. Dès lors la discussion devient dispute et la dispute se transforme
en guerre : « Il y a un nombre infini de docteurs, la plupart dervis, qui soulèvent entre
eux mille questions sur la Religion. On les laisse disputer longtemps et la guerre dure
jusqu’à ce qu’une décision vienne la terminer » (lettre 29, l. 25-28). Le mot guerre
n’est pas employé à la légère ici. Il désigne la polémique théologique mais
aussi les conséquences tragiques de ces polémiques, à savoir les guerres.
L’expression « guerres civiles » (l. 30), dans le paragraphe suivant, marque
l’aboutissement du processus. La religion est d’abord, l’exemple de
l’Inquisition espagnole vient le rappeler dans la suite de la lettre, exercice
d’intolérance quand elle consiste à respecter un certain nombre de principes
érigés en dogmes indiscutables. Les développements de Rica et d’Usbek le
démontrent et mettent en perspective un principe de relativité (les dogmes
sont toujours relatifs à une culture donnée et à une aire géographique) qui
permet de critiquer l’intolérance ou d’en montrer le fondement.
L’intolérance peut avoir aussi des motifs plus obscurs comme le laisse deviner la fin de la lettre 29 : elle pourrait aussi être motivée par des intérêts plus
matériels (comme pour l’antisémitisme souvent…). Les Inquisiteurs, précise
Rica, « pour se consoler [on appréciera l’ironie…] confisquent tous les biens de ces
malheureux à leur profit » (l. 65-66). L’édition du Livre de Poche des Lettres persanes, comporte une note qui confirme cette dimension. Marana, une des
35
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
sources de Montesquieu lorsqu’il rédige les Lettres persanes écrivait en effet :
« La première chose que font les saints inquisiteurs est de faire une exacte et dévote
recherche des biens du prisonnier. S’ils trouvent qu’il soit riche, il n’en faut pas davantage pour le rendre criminel, et les bons Pères prennent pieusement soin de disposer de
ce qu’il a. » (L’Espion dans les cours).
17. La lettre 29 l’explique : rituels et pèlerinages importent davantage que la
foi et la charité : « heureux celui qui a toujours prié Dieu avec de petits grains de
bois à la main, qui a porté sur lui deux morceaux de drap attachés à deux rubans,
et qui a été quelquefois dans une province qu’on appelle la Galice » (l. 43-45).
Évidemment on peut se faire une opinion assez différente de la véritable
religion et Montesquieu ne se prive pas de critiquer dogmes et rituels. Dans
Mes Pensées il écrira par exemple : « On dispute sur le Dogme, et on ne pratique
point la Morale. C’est qu’il est difficile de pratiquer la Morale et très aisé de disputer
sur le Dogme ». La lettre 46 confirme cette idée.
18. Rica donne une succession d’exemples qui illustrent la pratique des dispenses octroyées par les évêques. Elles concernent toutes des rituels catholiques dont les puissants peuvent s’exempter assez facilement : « si l’on ne veut
pas faire le Rhamazan ; si on ne veut pas s’assujettir aux formalités des mariages ;
si on veut rompre ses vœux ; si on veut se marier contre les défenses de la Loi ;
quelquefois même, si on veut revenir contre son serment : on va à l’Évêque ou au Pape,
qui donne aussitôt la dispense » (l. 18-23). Quant aux dervis qui « font brûler
un homme comme de la paille » (l. 41-42) inutile d’insister.
19. La lettre 35 établit des rapprochements entre les croyances et rituels
catholiques et musulmans : la polygamie (l. 25), le baptême comparé aux
ablutions (l. 27), les sept prières rituelles (l. 31), la croyance en un Paradis
post-mortem et à la résurrection (l. 32), les jeûnes et mortifications (l. 34), la
croyance en des intercesseurs bénéfiques et la crainte des tentateurs maléfiques, anges et démons, (l. 36), les miracles (l. 37), les religieux, intercesseurs
entre les hommes et Dieu (l. 40).
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
20. Orthodoxe vient de deux mots grecs : « orthos », droit, correct et « doxa »,
opinion.
Deux autres mots formés à partir d’« orthos » : orthographe et orthophonie.
Deux mots formés à partir de « doxa » : paradoxe et hétérodoxe.
36
La satire religieuse
21. Abhorrent : détestent, haïssent.
22. Polygamie est formé de deux racines grecques : « poly » (plusieurs) et
« game » de gamos (mariage). Le contraire de la polygamie est la monogamie.
23. Le mot caravansérail vient probablement du turc. Le mot « caravan » a
été emprunté à la langue persane et aurait été présent en Perse sous la forme
« karwanserai ». Puis sous l’influence du mot sérail le composé se serait écrit
caravansérail.
24. Errer vient du latin « errare » qui a donné les mots erreur, erroné, errata,
erratum dont on rappellera les significations. L’errance est directement
dérivée du verbe errer.
25. Dévot : bigot.
26. Florissante vient du mot latin « flor » qui désigne la fleur.
Trois autres mots composés sur le même radical : florilège, flore et floricole.
27. Adverbes en -ment de la lettre 29 : facilement, certainement, seulement,
apparemment.
a) La règle de formation classique : on utilise l’adjectif que l’on met au féminin et on ajoute le suffixe adverbial -ment. Exemples dans le texte : facilement ; certaine-ment ; seule-ment.
b) La règle de formation pour les adjectifs terminés par -ent et -ant. Dans
ces cas-là, la formation est différente. Les adjectifs en -ent donnent des
adverbes en -emment. Les adjectifs en -ant font leur adverbe en -amment.
Exemples : apparent donne apparemment, conscient donne consciemment,
intelligent donne intelligemment. Galant donne galamment, méchant donne
méchamment.
28. Formes en -ant : en proscrivant (gérondif), en envoyant (gérondif), [la
religion] dominante (adjectif verbal), [ne] pouvant [se distinguer] (participe
présent).
On rappellera que seule la forme adjective s’accorde alors que le participe
présent et le gérondif ne prennent pas la marque du genre et du nombre. On
pourra en profiter pour évoquer aussi les différences orthographiques entre
adjectifs verbaux et participes ou gérondifs. Exemples :
Participes présents
Naviguant – Fatiguant
Intriguant – Communiquant
Convainquant – Provoquant
Adjectifs verbaux
Navigant – Fatigant
Intrigant – Communicant
Convaincant – Provocant
37
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
29. Comparaisons dans la Lettre 35
a) Comparaison entre les chrétiens et les « infidèles Turcs » : « Crois-tu qu’au
jour du Jugement il seront comme les infidèles Turcs… » (l. 1-3).
b) Comparaison négative entre chrétiens et infidèles : « Ils ne ressemblent point
à ces infidèles que nos saints prophètes faisaient passer au fil de l’épée » (l. 15-16).
c) Comparaison entre Chrétiens et idolâtres : « ils sont plutôt comme ces malheureux qui vivaient dans les ténèbres de l’idolâtrie avant que la divine lumière vînt
éclairer le visage de notre grand Prophète » (l. 17-20).
30. Dans la lettre 46 Montesquieu cite longuement les propos d’un homme
censés illustrer les réflexions préalables d’Usbek : selon lui, la religion d’un
homme se mesure à son comportement moral, à sa pratique de la charité
notamment. Elle ne doit pas se résumer au respect de quelques rites. Ceuxci sont relatifs alors que la morale est universelle. Montesquieu, qui semble
proche d’Usbek ici, donne quelques principes de morale universelle au début
de la lettre : « dans quelque religion qu’on vive, l’observation des lois, l’amour pour
les hommes, la piété envers les parents, sont toujours les premiers actes de religion »
(l. 5-8). Il faut d’abord « observer les règles de la société et les devoirs de l’humanité » (l. 11-12). Le discours de l’homme, adressé à Dieu, est présenté comme
la prière d’un homme dérouté par la diversité des coutumes et leur relativité.
La multiplication des religions et des intercesseurs témoignent du lien nécessairement indirect entre l’homme et Dieu. D’où le coup de force de cette
parole qui interroge directement Dieu mais qui est condamnée à s’en
remettre aux différentes autorités religieuses et aux supposés porte-parole
que sont les religieux. Dès lors la confusion règne : chacun donne un avis
différent, c’est le règne de la dispute. La conclusion, après les différents
exemples illustrant les divergences de rituels, est un retour à une morale civile
qui n’a plus grand chose de religieux. C’est en partie ce retour à des principes moraux laïcs ou profanes plus que religieux qu’on reprocha aux Lettres
persanes outre sa critique acerbe des travers catholiques. La dernière phrase de
la lettre illustre bien le retrait vers une morale débarrassée des rituels artificiels : « Je ne sais si je me trompe ; mais je crois que le meilleur moyen pour y parvenir est de vivre en bon citoyen dans la société où vous m’avez fait naître, et en bon
père dans la famille que vous m’avez donnée » (l. 55-58). La société et la famille sont
les deux lieux privilégiés d’un exercice moral quotidien, bien loin des temples.
38
La satire religieuse
31. Dans la lettre 29 : le dernier paragraphe (l. 66-71).
Dans la lettre 35 : « Je sais bien qu’ils n’iront point dans le séjour des Prophètes et
que le grand Hali n’est point venu pour eux » (l. 4-6).
Dans la Lettre 75 : « Je rends grâce au Dieu tout-puissant, qui a envoyé Hali, son
grand prophète, de ce que je professe une religion qui se fait préférer à tous les intérêts
humains, et qui est pure comme le Ciel, dont elle est descendue » (l. 45-48).
32. a) Argument économique (exemple des Arméniens : l’intolérance aurait
pu mettre en péril la force commerciale de la Perse. Elle a, l’exemple des
Guèbres vient le montrer, nui à l’agriculture perse). La tolérance favorise
l’essor économique.
b) Argument sociologique (1) : la tolérance envers les religions minoritaires
encourage l’insertion et le travail de leurs membres.
c) Argument sociologique (2) : les religions encouragent la sociabilité et l’insertion dans la société. Leur multiplicité offre plusieurs voies à la socialisation.
d) Argument psychologique : la multiplicité encourage l’émulation et la perfectibilité.
e) Argument politique (1) : une religion nouvelle dans un État éclaire et corrige les abus de la religion dominante.
f ) Argument politique (2) : toutes les religions prônant le respect des lois et
du prince, leur multiplicité ne peut nuire au pouvoir.
◆ É TUDIER
LE GENRE : LA SATIRE
33. « C’est une vieille idole qu’on encense par habitude » (lettre 29, l. 1-2).
34. Pour Rica (lettre 29) pape et évêque constituent des autorités religieuses
mais en aucun cas des autorités morales. Il est question de leur vénalité
ou de leur soumission aux pouvoirs (seuls les puissants obtiendront des
dispenses…).
35. L’édit de Nantes date de 1598 (Henri IV). Louis XIV jugea que la présence des protestants en France nuisait à la grandeur de son royaume. Il les
accusait de répandre des conceptions politiques subversives et d’être liés avec
les puissances étrangères. Après une première série de mesures destinées à
convertir les protestants (de 1660 à 1679), il s’attaque plus fermement aux
principes de tolérance énoncés par l’édit de Nantes. On passe de la persuasion à la persécution. Suite à l’édit de Fontainebleau (18 octobre 1685), qui
déclenche une politique de répression sans précédent, 300 000 protestants
émigreront, affaiblissant l’économie du pays tout entier.
39
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
La lettre 85 contient évidemment des allusions à ces événements. La tolérance qui est prônée, pour des raisons économiques, que des figures comme
Colbert, Vauban ou Saint-Simon avaient aussi avancées très tôt, est une critique indirecte des choix de Louis XIV. Les Arméniens pourraient, dans toute
la première partie de la lettre, être remplacés par les protestants tandis que le
« grand Chah Abbas » peut être assimilé à Henri IV.
36. Qu’elles soient réelles (les Guèbres) ou virtuelles (les Arméniens),
l’intolérance et l’exclusion d’une communauté conduisent à un appauvrissement du pays qui s’en rend responsable. Autrement dit, la diversité culturelle
et religieuse est un facteur d’enrichissement économique…
◆ L IRE L’ IMAGE
40. Il est question de l’Inquisition dans la lettre 29. La chemise de soufre
évoquée dans cette lettre était en fait une tunique dont on affublait les
condamnés avant leur châtiment par le feu. Sur cette tunique appelée aussi le
san-benito, des flammes droites étaient dessinées. C’est cette tunique que
l’on distingue sur la gravure.
41. A l’arrière-plan on distingue un bûcher avec une corde destinée à la
pendaison.
◆ R ECHERCHES
ET DÉBATS
• Préparez un exposé sur les hérésies célèbres.Vous pouvez aussi limiter votre
travail à l’hérésie cathare.
• Préparez un exposé sur l’inquisition.
• Faites une recherche sur les protestants en France.
• Le religieux Bartolomé de Las Casas a combattu
l’esclavage des Indiens
dans le Nouveau Monde. Préparez un exposé sur cet « humaniste ».
40
La condition féminine
L A C O N D I T I O N F É M I N I N E (p. 95)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
1. Usbek reproche à Zachi d’avoir accueilli un eunuque blanc dans ses appartements privés. Il sous-entend que celle-ci l’a trompé avec ce serviteur. En
fait, la jalousie transforme ici de simples soupçons (la seule certitude résidant
visiblement dans l’accueil fait à l’eunuque) en accusation de tromperie. À la
fin de la lettre une nouvelle accusation apparaît : elle concerne les relations
entre Zachi et une jeune esclave.
2. Dans la lettre 20, Usbek évoque Roxane. (« L’amour que j’ai pour Roxane,
ma nouvelle épouse, m’a laissé toute la tendresse que je dois avoir pour vous, qui n’êtes
pas moins belle », l. 63-66).
3. Les eunuques blancs et les eunuques noirs. Ils n’ont pas le même rôle.
Alors que les eunuques noirs sont destinés à garder l’intérieur du sérail, les
eunuques blancs gardent plutôt les portes extérieures. Ils ne sont pas destinés
à partager la vie intime des femmes du harem. D’où la surprise et la réprimande d’Usbek.
4. Usbek se rend à Livourne.
5. Usbek (lettre 26) reproche aux femmes occidentales leur absence de
pudeur et leur absence de vertu. L’impudeur est marquée par l’absence de
tout voile, les promenades en tous lieux et l’absence de médiateurs-gardiens
(les eunuques orientaux). On aboutit donc à une « impudence brutale » (l. 53).
Le maquillage et la coquetterie sont les signes d’une corruption morale et
sexuelle : l’absence de vertu des femmes occidentales est marquée par leur
infidélité suggérée plus qu’affirmée tant elle semble révolter Usbek (qui la
qualifie d’« excès horrible qui fait frémir », l. 81-82).
6. Usbek plaint Roxane qui doit vivre sans lui !
7. Le sérail est destiné à garantir la fidélité des femmes.
8. Rica cite le philosophe dans la lettre 38.
9. Le point de vue du philosophe occidental est radicalement opposé à celui
de Rica et à celui d’Usbek pour lesquels la femme est un être naturellement
inférieur. L’argumentation du philosophe et sa défense des femmes sont totalement opposées aux convictions mais aussi aux pratiques d’Usbek qui garde
recluse ses épouses dans un sérail.
10. Rica cite le Coran.
41
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
11. Lettre 20 : « Vous m’avez offensé Zachi » (l. 1). Lettre 26 : « Que vous êtes
heureuse, Roxane » (l. 1).
12. Usbek cite d’éventuelles protestations d’innocence qui répondraient à ses
accusations. La première question qu’il pose, bien loin de permettre une
réponse du destinataire, sert en fait à mettre en scène une réponse rejetée.
Question : « Comment vous êtes-vous oubliée jusqu’à ne pas sentir qu’il ne vous est
pas permis de recevoir dans votre chambre… ? » (l. 7-8). Il s’agit d’une question
rhétorique davantage destinée à rappeler la règle et son infraction qu’à susciter un dialogue. La réponse double que pourrait faire Zachi (les eunuques ne
sont pas des hommes, je suis vertueuse) est rejetée au nom de la loi commune
(« vous faites une chose que les lois du sérail vous défendent », l. 14-15) et des soupçons du maître. Une seconde réponse est envisagée par Usbek : « Vous me
direz peut-être que vous m’avez été toujours fidèle » (l. 20-21). Cette protestation
de vertu est à son tour rejetée au nom d’un principe assez curieux ! Zachi
ne pouvait pas être infidèle puisqu’elle ne bénéficie d’aucune liberté. La fidélité ne peut se mesurer que face à la tentation et la vertu n’existe que si son
exercice est libre ! Or les développements précédents d’Usbek reprochaient
à Zachi la liberté dont elle avait fait preuve à l’égard des usages… Usbek
s’enferre donc dans une contradiction qui signale sa mauvaise foi.
13. Dans le troisième paragraphe de la lettre 26, Usbek envisage la réaction
de Roxane : « Oui, Roxane, si vous étiez ici » (l. 55). La subordonnée de condition introduit ici le mode hypothétique (le conditionnel) qui apparaît dans
trois affirmations d’Usbek : « vous vous sentiriez outragée » (l. 55), « vous
fuiriez » (l. 56), « vous soupireriez » (l. 57).
Le point de vue d’Usbek ici est assez intéressant : il n’imagine qu’une forme
de réaction, celle du rejet et de l’incompréhension, celle de l’effroi et du
refus. Alors que sa fascination va peu à peu s’exprimer face à certains aspects
de la vie parisienne, et même face au rôle des femmes dans la société occidentale, la réaction qu’il prête à Roxane, guidée par des fantasmes masculins
de préservation jalouse, ne peut faire état d’un quelconque intérêt ou
d’une quelconque relativité du mode de vie oriental. Ce passage dessine
clairement la limite de l’occidentalisation, de l’assimilation ou de la perception critique en retour que chacun peut faire au contact d’autres coutumes
ou d’autres pratiques. Il y a toujours des freins à la remise en question ou à
l’interrogation.
42
La condition féminine
Selon Usbek donc, Roxane serait offensée par la liberté dont jouissent les
femmes dans le monde occidental. Point de vue résolument masculin ! Ce
qu’il interprète comme « affreuse ignominie où votre sexe est descendu » (l. 56)
pourrait bien s’appliquer plutôt au statut d’esclave dont souffre la femme
orientale dans le harem. Conséquence : effrayée ou scandalisée, Roxane fuirait ces lieux et se réfugierait dans la « douce retraite » (l. 58) du harem ! La
formulation finale du paragraphe consacre bien la part fantasmatique masculine de tout ce développement : dans le sérail… « vous pouvez m’aimer [il n’est
pas question de l’amour masculin dans ces lignes], sans craindre de perdre jamais
l’amour que vous me devez » (l. 60-61) : l’amour féminin est un devoir. Roxane
qui doit fidélité et amour à un mari polygame parti pour de longues années
pourrait craindre de perdre cet amour en bénéficiant de sa liberté.
Heureusement les eunuques veillent ! Pas de souci ! Sans liberté aucune, elle
ne peut craindre d’être infidèle !
14. Si les lettres qu’envoie Usbek rappellent à ses femmes leur devoir sentimental, Usbek lui est libre de courir où il veut, d’épouser plusieurs femmes
et de leur démontrer un dédain qui s’accorde bien avec la prétendue supériorité virile. Aucune formule sentimentale donc, aucune effusion amoureuse, Usbek est un homme, un vrai !
15. Le pronom nous désigne les hommes sujets des différents verbes et à travers eux de l’oppression sur les femmes (enfermer, faire garder, gêner, savoir).
Le pronom vous est simplement l’objet de ce pouvoir, il n’apparaît pas en
position de sujet. Du côté des hommes donc savoir et pouvoir. Du côté des
femmes, un désir volage et une ignorance totale.
◆ É TUDIER
UN THÈME : LA CONDITION FÉMININE
16. Dans le sérail les femmes vivent au contact d’eunuques noirs en général,
coupées du monde extérieur considéré comme pernicieux et sous le regard
permanent des gardiens. Elles peuvent aussi avoir des servantes.
17. Lettre 20 : « Comment auriez-vous trompé la vigilance des eunuques noirs qui
sont si surpris de la vie que vous menez ? Comment auriez-vous pu briser ces verrous et ces portes qui vous tiennent enfermée ? » (l. 21-25). Une femme n’est évidemment pas libre de ses mouvements dans un sérail.
18. Usbek pense que l’éducation corrompt la vertu féminine : « [les femmes]
portent toutes dans leur cœur un certain caractère de vertu qui y est gravé, que la naissance donne, et que l’éducation affaiblit, mais ne détruit pas » (lettre 26, l. 84-86).
43
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
19. Selon Usbek la femme est un être inférieur : « Que feriez-vous encore si
vous pouviez sortir de ce lieu sacré, qui est pour vous une dure prison, comme il est
pour vos compagnes un asile favorable contre les atteintes du vice, un temple sacré, où
votre sexe perd sa faiblesse et se trouve invincible malgré tous les désavantages
de la nature » (lettre 20, l. 39-44).
Rica rappelle le point de vue oriental sur les femmes : « nos Asiatiques répondent qu’il y a de la bassesse aux hommes de renoncer à l’empire que la Nature leur a
donné sur les femmes » et la citation du Coran vient alimenter ce point de vue
largement méprisant à l’égard des femmes : « Les femmes doivent honorer leurs
maris ; leurs maris les doivent honorer ; mais ils ont l’avantage d’un degré sur elles »
(lettre 38, l. 5-8 et 62-65).
20. En fait toute la lettre 20, influencée par le témoignage latéral d’un
eunuque dont le point de vue n’est pas interrogé, est un acte d’accusation
contre Zachi et un défoulement de menaces envers l’eunuque blanc coupable de promiscuité. Bien loin de demander à Zachi son interprétation ou
de la laisser parler, Usbek fait les questions et les réponses et part du principe
qu’elle est coupable de trahison envers lui.
La fin de la lettre peut être lue de façon ironique. Juste après cette phrase
où Usbek affirme sa bonne volonté et semble décider à la laver du
péché d’adultère, la référence à Roxane montre que, de son côté, il s’autorise
toutes les libertés que son statut masculin lui permet. Alors qu’il a accusé
Zachi de penchants dont il n’a aucune preuve, il affirme froidement qu’il file
le parfait amour avec Roxane, dans le même sérail qui les héberge toutes deux.
21. Si Roxane est heureuse c’est qu’elle vit à l’abri de la dépravation et de
la liberté qui caractérisent les mœurs féminines en Occident. La prison dorée
du harem la préserve de la convoitise et de la concupiscence masculines. Et
l’impuissance de l’esclavage (qui sera violemment reprochée à Usbek dans la
dernière partie des Lettres persanes), condition bien réelle d’oppression des
femmes, est affichée comme une joie ou un bonheur. Là encore, la perception de la féminité est orientée par les fantasmes masculins de possession et
de préservation jalouse. Le statut infantile auquel la femme est réduite,
comme s’il lui était impossible de jouir d’une liberté sans tromper son mari
(alors que celui-ci peut afficher une liberté sans restrictions et sans reproches)
est présenté comme le comble du bonheur !
22. Les avantages du sérail sont multiples :
– c’est un lieu clos où les femmes sont à l’abri des rencontres indésirables ;
44
La condition féminine
– c’est un lieu gardé, sous surveillance ;
– il préserve donc des tentations et assure à l’homme une certaine tranquillité ; c’est un paradis (lieu d’innocence, mot qui revient dans la lettre 26,
à l’abri de toute impureté) pour les hommes.
Montesquieu s’amusera, dans la dernière partie des Lettres persanes, à dénoncer et à démonter ce mythe inspiré par les fantasmes despotiques masculins.
Bien loin d’entraver le désir et la féminité, la répression et la réclusion pourraient bien l’attiser ! De même, l’usage d’un pouvoir despotique arbitraire et
violent, bien loin de freiner les aspirations du peuple et son goût pour la
liberté, pourrait bien être le terreau des révolutions les plus violentes. Les
pulsions agressives réprimées trouveront à se libérer dans le sang.
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
23. Le mot servitude vient du latin « servus », esclave. Deux autres mots
formés sur le même radical : serf, serviteurs.
24. Despotisme : autorité arbitraire et tyrannique. On peut appliquer le mot
à Usbek.
25. « Vous devez me rendre grâce de la gêne où je vous fais vivre, puisque ce n’est
que par là que vous méritez encore de vivre » (l. 49-51) : subordonnée
conjonctive de cause.
Ce n’est que par la gêne où je vous fais vivre que vous méritez encore de
vivre, de sorte que vous devez me rendre grâce de celle-ci.
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
26. Lettre 20 : « ce lieu sacré, qui est pour vous une dure prison, comme il est
pour vos compagnes un asile favorable contre les atteintes du vice, un temple sacré »
(l. 40-41).
27. Deux thèses s’affrontent dans la lettre 38 pour répondre à une question :
les femmes doivent-elles être libres ?
– les Européens sont partisans d’une liberté pour les femmes.
– les Orientaux sont partisans d’une soumission des femmes au pouvoir
masculin.
Les arguments vont être opposés par un jeu rhétorique de questionsréponses. Si X dit, Y répond. Si Y dit, X répond. On retrouve cette organisation dans le premier paragraphe de la lettre. Trois séries d’arguments
s’opposent :
45
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
a) l’amour est incompatible avec la servitude (les Européens)/les hommes ont
un pouvoir naturel sur les femmes (les Orientaux) ;
b) enfermer les femmes est contraignant (les Européens)/une femme rebelle
est plus embarrassante (les Orientaux) ;
c) le bonheur sentimental suppose la fidélité (les Orientaux), la fidélité n’empêche pas l’extinction de l’amour (Européens). L’argument est développé ici
en plusieurs propositions : la possession éteint le désir, l’inquiétude l’avive, la
séduction féminine (la fameuse coquetterie) attise le désir.
Le second procédé rhétorique (après l’utilisation du débat indirect qui
confronte les deux points) est la citation de témoins, en discours direct cette
fois-ci. Deux citations viennent illustrer le débat. L’une, attribuée aux
Européens en général, permet de compléter la logique du premier paragraphe et de dédramatiser l’infidélité féminine (véritable enjeu des obsessions
répressives orientales et de l’enfermement au sérail, comme l’ont montré les
lettres d’Usbek). Un mari trompé peut être un amant comblé, argument
cynique psychologiquement pertinent ! Quant au discours du philosophe
galant (que certains attribuent à Fontenelle), il vient saper l’autre idée forte
de la conception orientale : celle d’une supériorité naturelle des hommes sur
les femmes qui reposerait sur l’usage de la force.
28. L’analyse précédente le montre, le point de vue occidental est plus développé et surtout mieux exposé que les arguments orientaux. Le lecteur est
davantage convaincu par le philosophe galant que par les rebuffades
machistes. Et l’expression de l’avant-dernier paragraphe, « il faut l’avouer »
(l. 49) sanctionne cette prévalence d’un point de vue libéral et féministe avant
l’heure dans la lettre. Les exemples historiques choisis par Rica illustrent la
thèse occidentale. Dès lors la citation finale et le brusque retournement de
Rica, dans le dernier paragraphe, apparaissent davantage comme une concession à son interlocuteur ou comme un repli artificiel sur une idéologie
dénoncée comme largement dépassée… Le philosophe galant a répondu à
Usbek, il a aussi largement invalidé le discours religieux phallocrate.
◆ É TUDIER
LE GENRE ROMANESQUE
29. Le sérail est un lieu clos régi par des règles fermes qui doivent assurer la
surveillance des femmes et le pouvoir du maître. Les lieux décrits dans le
roman sont plutôt des espaces libres d’échange et de circulation. Le sérail
possède une structure sociale rigide, extrêmement hiérarchisée, fondée sur la
terreur, la menace (les serviteurs sont symboliquement, par leur mutilation
46
La condition féminine
physique, entièrement destinés à servir le maître) qu’on peut opposer aux
salons parisiens ou aux circulations de la rue Quincampoix, par exemple, où
les identités sociales vacillent avec la spéculation qu’induit le système de Law
(voir la satire politique). Dans l’économie du roman, le sérail est le lieu
emblématique du pouvoir despotique que refusera toujours Montesquieu. Si
Usbek est l’agent parfois efficace d’une critique de l’Occident, le personnage
apparaît ici riche de contradictions : ses capacités critiques s’arrêtent aux
portes du sérail. Le philosophe éclairé est aussi un sombre tyran. Elles butent
sur cette institution dont le fonctionnement lui apparaît naturel. Le sérail est
donc le symbole d’une organisation sociale qui soumet les femmes à l’esclavage et au pouvoir absolu d’un homme qui échappe à toute médiation et qui
exige obéissance et soumission. Il est symbole de la tyrannie orientale que
Montesquieu oppose à sa vision d’un pouvoir modéré.
30. Dans ces pages, la fascination pour les mœurs occidentales est plus visible
que la critique. On peut l’illustrer avec les lettres 23 et 38. L’analyse de cette
seconde lettre proposée plus haut le montre, Rica laisse la parole à un philosophe galant qui conteste les préjugés orientaux sur la femme et offre un
contre-modèle libéral au tyrannique Usbek. Le point de vue final semble très
artificiel et largement ébranlé par l’argumentation proposée précédemment.
La satire se retourne ici contre ses principaux agents dans le roman…
◆ L IRE L’ IMAGE
34. Les jeunes femmes prennent un bain.
35. On ne distingue pas d’eunuque ni de gardiens masculins car ceux-ci
n’avaient pas accès à toutes les salles du harem.
◆ R ECHERCHES
ET DÉBATS
• La polygamie existe-t-elle encore aujourd’hui ? Comment est-elle justifiée ? Vous ferez un exposé sur ce sujet.
• La condition féminine s’est-elle, selon vous, améliorée lors des dernières
décennies ?
• Qu’appelle-t-on une société matriarcale ? Vous essaierez de trouver
quelques exemples afin de les présenter à vos camarades.
• Certains films ont posé le problème de la condition féminine aujourd’hui
dans certaines sociétés. Le film de Coline Serreau, Chaos ou Kadosh… Vous
pourrez organiser un débat à la suite de la projection d’un de ces films.
47
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
L E R O M A N D U S É R A I L (p. 116)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU
1. Zélis, Zachi et Roxane.
?
2. La dernière lettre clôt le roman sur la mort de Roxane précédée de l’exécution de quelques serviteurs (« je viens d’envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges qui ont répandu le plus beau sang du monde », l. 7-8). Mais auparavant nous
avons appris la mort du Grand Eunuque (lettre 149). La lettre 159 nous
apprend la mort du jeune amant de Roxane.
3. Le grand eunuque est le premier à avertir Usbek, dans cette partie, des
désordres du sérail. Solim prendra ensuite le relais.
4. Pour rétablir l’ordre, Usbek autorise le premier eunuque à châtier violemment les coupables. Il doit mener des interrogatoires et punir (lettre 158).
5. Solim accuse le vieil eunuque d’être naïf : « Le vieux eunuque qui est à présent à notre tête est un imbécile, à qui l’on fait croire ce que l’on veut » (lettre 151,
l. 39-41).
6. Usbek décide de confier sa vengeance à Solim.
7. Dans la lettre 155, Usbek se livre à quelques confidences. On savait depuis
la lettre 8 (adressée à son ami Rustan) que le départ d’Usbek était aussi un
exil.Voici ce qu’écrivait alors Usbek : « […] quand je vis que ma sincérité m’avait
fait des ennemis ; que je m’étais attiré la jalousie des ministres, sans avoir la faveur du
Prince ; que dans une cour corrompue, je ne me soutenais plus que par une faible
vertu : je résolus de la quitter ». Après un retrait dans une maison de campagne,
la malveillance de ses ennemis oblige Usbek à l’exil. La lettre 155 reprend ce
motif : « Mais, quelque raison que j’ai eue de sortir de ma patrie, quoique je doive
ma vie à la retraite, je ne puis plus, Nessir, rester dans cet affreux exil. » […] « Je
vais rapporter ma tête à mes ennemis » (l. 22-24 et 33).
8. Dans ses Réflexions de 1754, Montesquieu évoquait « la différence des caractères » des personnages, lisible dans leur « différence d’accommodation » à la
société occidentale. Usbek montre un attachement plus fort à sa terre natale
(ses « attaches sentimentales » sont plus solides malgré toutes les réserves qu’on
peut faire sur la nature réelle des sentiments d’Usbek) que Rica. Ce dernier
n’a pas laissé de femmes ou de harem, il est plus « détaché ». Usbek, bien
conscient de cette différence incrimine une certaine indifférence de Rica
48
Le roman du sérail
(lettre 155) : « J’ai pressé mille fois Rica de quitter cette terre étrangère : mais il
s’oppose à toutes mes résolutions : il m’attache ici par mille prétextes » (l. 25-28).
On peut aller plus loin : alors que chez Usbek les réflexions philosophiques
et critiques provoquées par le voyage n’ont pas fondamentalement changé
ses réflexes idéologiques plus ou moins conscients, la transformation de Rica
aura été plus radicale. Il s’est quelque peu occidentalisé. Deux attitudes donc
face au voyage et à l’expérience de l’altérité : la transformation en profondeur (Rica) ou le repli sur des préjugés ou une idéologie (par exemple l’infériorité de nature des femmes) largement ancrés par une culture et une éducation.
9. Roxane.
10. Les reproches de Roxane s’expriment directement dans deux lettres.
Dans la lettre 156, elle reproche à Usbek d’avoir nommé Solim qui fait
régner la terreur au sérail et abuse de ses pouvoirs en violant ou en abusant
des femmes d’Usbek. Elle menace pour la première fois d’avoir recours au
suicide pour échapper à ce régime de terreur. Dans la dernière lettre, les
reproches se font plus virulents encore. Ils concernent la réclusion jalouse
dans laquelle elle a été maintenue, « soumission à la fantaisie » (l. 21) d’Usbek.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
11.
Lettres
Lettre 147
Lettre 148
Lettre 149
Lettre 150
Lettre 151
Lettre 152
Lettre 153
Lettre 154
Lettre 155
Lettre 156
Lettre 157
Lettre 158
Lettre 159
Lettre 160
Lettre 161
Expéditeurs
Le grand eunuque
Usbek
Narsit
Usbek
Solim
Narsit
Usbek
Usbek
Usbek
Roxane
Zachi
Zélis
Solim
Solim
Roxane
49
Destinataires
Usbek
Premier eunuque
Usbek
Narsit
Usbek
Usbek
Solim
Ses femmes
Nessir
Usbek
Usbek
Usbek
Usbek
Usbek
Usbek
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
12. Nous avons 15 lettres dans cette partie. 4 sont rédigées par les femmes
d’Usbek, dont 2 par Roxane qui est assez clairement le personnage féminin
le plus important. 5 lettres sont envoyées par Usbek sur 15, 3 par Solim
qui devient le bras exécutif de la vengeance et l’informateur privilégié qui
nourrit la fureur du maître.
13. La dernière lettre d’Usbek est la lettre 155. Les six dernières sont rédigées par les femmes et deux par Solim. Malgré sa volonté d’exercer son pouvoir à distance, cette organisation démontre l’impuissance de fait du personnage : il est obligé de s’en remettre à un eunuque qui exerce sa cruauté en
dehors de tout contrôle, tandis que la parole féminine se libère.
14. Les menaces d’Usbek sont nombreuses dans ces pages. Une seule lettre,
la dernière qu’il rédige, (lettre 155) échappe quelque peu à cette fureur
vengeresse.
Plusieurs passages peuvent être cités : lettre 148, Usbek menace l’ensemble
du sérail et le destinataire, le premier eunuque : « je mets sur votre tête les
moindres fautes qui se commettront » (l. 10-11). Lettre 150 à Narsit : « Lisez-les
donc, ces ordres, et vous périrez si vous ne les exécutez pas » (l. 9-10). Enfin la
lettre 154 menace directement les femmes. Le ton est chaque fois péremptoire. Usbek n’a pas vraiment changé : l’influence des femmes occidentales,
des salons parisiens ou des galants philosophes avec lesquels il a pu discuter
n’a pas transformé le rapport qu’il entretient avec ses propres femmes.
15. La dernière lettre d’Usbek, sur le ton de la confidence amicale, laisse
place à quelques aveux nostalgiques. La formule d’introduction exprime clairement le regret de la terre natale : « Heureux celui qui, connaissant le prix d’une
vie douce et tranquille, repose son cœur au milieu de sa famille et ne connaît d’autre
terre que celle qui lui a donné le jour » (lettre 155, l. 1-3). Autre formule montrant la nostalgie du personnage : « je ne peux plus, Nessir, rester dans cet affreux
exil » (lettre 155, l. 23-24).
◆ É TUDIER
UN THÈME : LE SÉRAIL
16. La première lettre qui avertit Usbek des désordres est datée de 1717. La
correspondance va s’étaler sur trois années. Usbek est absent depuis six ans
maintenant et, comme le montre la lettre 155, il ne sait pas quand il rentrera
à Ispahan. On peut donc comprendre la lassitude et la révolte de femmes
abandonnées à des gardiens rigoureux et littéralement incarcérées.
50
Le roman du sérail
17. Lettre 148 : « un pouvoir sans bornes sur tout le sérail » (l. 1-2) ; « Que tout
vive dans la consternation » (l. 5).
Lettre 150 : « Si vous aviez ouvert le paquet qui lui est adressé, vous y auriez trouvé
des ordres sanglants » (l. 8-9).
Lettre 153 : « Extermine les coupables et fais trembler ceux qui se proposaient de le
devenir » (l. 8-9).
18. D’un point de vue strictement politique, que Montesquieu développe
ailleurs, la tyrannie, bien loin d’instaurer un ordre stable, suscite rébellion et
désordre. La lettre 102 des Lettres persanes (non citée dans notre ouvrage) offre
un développement éclairant sur ce sujet. Elle est signée par Usbek ! Dans
cette lettre, Usbek compare le pouvoir restreint des princes européens au
pouvoir despotique et absolu des sultans. Cet immense pouvoir les « soumet
plus aux revers et aux caprices de la fortune ». Et Usbek-Montesquieu explique :
« Un Persan qui, par imprudence ou par malheur, s’est attiré la disgrâce du prince est
sûr de mourir […]. Aussi, dans la moindre disgrâce, voyant la mort certaine, et ne
voyant rien de pis, il se porte naturellement à troubler l’État et à conspirer contre le
souverain : seule ressource qui lui reste ». L’indulgence des princes européens suscite peu de révoltes et maintient le pouvoir, tandis que la rigueur excessive
engendre la rébellion et fragilise le pouvoir. On pourrait appliquer les mêmes
lois au fonctionnement du sérail : c’est le régime de surveillance et d’oppression tyrannique des femmes qui suscitera la révolte de Roxane et sa mort.
Cette idée est aussi développée dans la lettre 80 signée elle aussi par Usbek.
Où l’on voit ce dernier faire l’éloge de la modération et de la douceur ! :
« Si, dans un gouvernement doux, le peuple est aussi soumis que dans un gouvernement sévère, le premier est préférable, puisqu’il est plus conforme à la raison, et que la
sévérité est un motif étranger ». Et il poursuit son raisonnement : dans les états
répressifs, « je ne vois pas qu’on y commette moins de crimes et que les hommes, intimidés par la grandeur des châtiments y soient plus soumis aux lois. Je remarque, au
contraire, une source d’injustice et de vexations au milieu de ces mêmes états. Je trouve
même le prince, qui est la loi même, moins maître que partout ailleurs ».
Mais on peut aussi expliquer le désordre avec un autre argument qu’emploie
Montesquieu dans ses Réflexions de 1754. C’est l’absence d’Usbek et l’inégalité des positions qui suscitent une déperdition du désir et un ressentiment :
comment celui à qui tout est permis (voyages, rencontres, aventures), peut-il
se permettre de maintenir ses épouses dans la réclusion et exiger la répression
de tous leurs désirs ? Montesquieu écrit en 1754 : « le désordre croît dans le sérail
d’Asie à proportion de la longueur de l’absence d’Usbek, c’est-à-dire à mesure que la
fureur augmente, et que l’amour diminue » (Réflexions, l. 9-12).
51
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
19. Usbek apprend dans cette lettre :
– qu’il a été trompé par Roxane ;
– qu’il a été trompé par des eunuques ;
– que Roxane était amoureuse d’un autre homme ;
– que des gardiens (lesquels ? Solim ?) ont été tués ;
– que Roxane a, en dépit de sa réclusion, échappé au contrôle pour mener
librement sa vie ;
– que sa prétendue austérité était un masque ;
– qu’elle haïssait depuis toujours Usbek ! On comprend mieux les reproches de
froideur de la lettre 26, interprétés fallacieusement comme des signes de pudeur !
20. L’habileté de Roxane est supérieure à celle des autres épouses puisqu’elle
a réussi longtemps à dissimuler ses aventures. Dans la lettre 151, le soupçonneux Solim écrivait par exemple : « La seule Roxane est restée dans le devoir
et conserve de la modestie » (l. 23-24) avant d’avouer dans la lettre 159 son
erreur… La lettre de Roxane répond directement à la lettre 26 dans laquelle
Usbek vantait le bonheur de Roxane, enfermée dans un sérail qui la protégeait des tentations.
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
21. Le vocabulaire de l’inquisiteur : tribunal redoutable (l. 8), interrogez (l. 6),
mettez au jour les secrets les plus cachés (l. 8-9), purifiez (l. 9)… Ces mots
sont employés par Usbek.
22. Des yeux de lynx : l’expression désigne une vue perçante. Expressions
utilisant le mot œil : s’arracher les yeux, faire de l’œil à quelqu’un, n’avoir pas
froid aux yeux, avoir les yeux plus grands que le ventre.
23. Les douaniers ont décidé une grève du zèle qui ralentit la circulation des
camions à la frontière.
Zélé, adjectif. Zélateur, adepte (zélé) d’une cause.
24. Deux façons d’exprimer l’ordre et l’indignation dans la lettre 148 :
– le mode impératif (abondamment représenté dans cette lettre : « recevez,
commandez, courez, interrogez, commencez… ») ;
– le mode subjonctif précédé de « que » : « Que la crainte et la terreur marchent
avec vous, que tout vive dans la consternation, que tout fonde en larmes… » (l. 3-6).
25. L’embarras et la crise nostalgique de la lettre 155 se manifestent aussi par
la présence de multiples interrogatives. Elles accompagnent l’hypothèse d’un
retour en Perse (l. 32-40).
52
Le roman du sérail
–
–
–
–
–
Eh ! qu’y ferai-je ?
Que deviendrai-je ?
Que sera-ce lorsque ma présence la rendra plus vive ?
Que sera-ce s’il faut que je voie…
Que sera-ce enfin ?
26. Les subordonnées dans la lettre 149 :
– « Comme je suis le plus vieux de tes esclaves » (l. 2) : subordonnée conjonctive de cause.
– « Jusques à ce que tu aies fait connaître » (l. 3) : subordonnée conjonctive de
temps.
– « Sur qui tu veux jeter les yeux » (l. 3-4) : subordonnée interrogative indirecte.
– « Qui lui était adressée » (l. 6) : subordonnée relative.
– « Jusques à ce que tu m’aies fait connaître tes sacrées volontés » (l. 7-8) : subordonnée conjonctive de temps.
– « Qu’il avait trouvé un jeune homme dans le sérail » (l. 9-10) : subordonnée
complétive.
– « Que c’était une vision » (l. 11) : subordonnée complétive.
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
27. La chronologie des lettres :
Lettre 147 : 1er septembre 1717 ; lettre 148 : 11 février 1718 ; lettre 149 :
5 juillet 1718 ; lettre 150 : 25 décembre 1718 ; lettre 151 : 6 mai 1719 ;
lettre 152 : 6 mai 1719 ; lettre 153 : 4 octobre 1719 ; lettre 154 : 4 octobre
1719 ; lettre 155 : 4 octobre 1719 ; lettre 156 : 2 mars 1720 ; lettre 157 :
2 mars 1720 ; lettre 158 : 2 mars 1720 ; lettre 159 : 8 mai 1720 ; lettre 160 :
8 mai 1720 ; lettre 161 : 8 mai 1720.
– Première remarque : alors que la lettre 146 (qui précède les échanges que
nous citons) est datée du 11 novembre 1720 et qu’elle est adressée par Usbek
à un ami qui vit à Venise, tout le développement final du sérail est antérieur.
Usbek, après le suicide de Roxane et malgré ses humeurs nostalgiques (manifestes dans la Lettre 155 datée d’octobre 1719) n’est pas retourné en Perse.Trois
lettres d’Usbek sont postérieures aux événements du sérail : la lettre 144 datée
du 22 octobre 1720, la lettre 145 datée du même jour, la lettre 146. Il n’est fait
aucunement allusion dans ces lettres au sérail ou aux événements situés dans la
dernière partie, supposés connus d’Usbek (cinq mois se sont écoulés entre la
53
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
rédaction de la lettre de Roxane et les lettres d’octobre 1720 : on peut
supposer donc que la missive de Roxane est connue de son destinataire).
– Deuxième remarque : plusieurs lettres dans notre passage sont datées du
même jour, ce qui dramatise certains événements et permet d’en faire plusieurs lectures. Les lettres 151 et 152 par exemple opposent Solim, le vengeur
soupçonneux et agressif au naïf et vieillissant Narsit. Le contraste est accentué par la collusion des dates. Les lettres 153, 154 et 155 toutes trois rédigées
par Usbek montrent les différentes facettes du personnage. Là encore les
contradictions sont soulignées par la coïncidence des dates. Les lettres 156,
157 et 158 montrent les réactions simultanées des trois femmes d’Usbek aux
cruelles infamies qu’elles ont dû subir. Enfin, les trois dernières lettres, elles
aussi datées du même jour, annoncent l’échec absolu d’Usbek et le triomphe
de la mort par la voix de Solim et de Roxane.
28. Ces lettres montrent le règne de la tyrannie exercée par un « barbare »
sanguinaire, le malheur et la tragédie qu’il engendre.
29. Un pastiche est une imitation du style d’un écrivain ou d’une œuvre
célèbre avec une intention parfois parodique. La dernière phrase de Roxane
pastiche le style des héroïnes raciniennes (Roxane est une héroïne tragique
et sanguinaire dans Bajazet) : « Mais c’en est fait : le poison me consume ; ma force
m’abandonne : la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu’à ma haine ; je
me meurs » (lettre 161, l. 30-32).
30. Métaphore : « il vous fera vivre sous un joug si rigoureux que vous regretterez
votre liberté » (l. 5-6).
Comparaison : « Puisse cette lettre être comme la foudre qui tombe au milieu des
éclairs et des tempêtes » (l. 1-2).
◆ É TUDIER
LE GENRE : LE ROMAN ÉPISTOLAIRE
31. La satire des mœurs occidentales est bien oubliée ici !
32. Deux obstacles majeurs compliquent la correspondance au XVIIIe siècle :
la lenteur des moyens de transmission et le caractère très aléatoire de cet
acheminement. Les lettres peuvent se perdre, il est d’ailleurs fait allusion, dans
les lettres qui nous occupent ici, à la perte ou plutôt au vol de certaines lettres
indésirables…
33. Le dernier mot du texte est « meurs » ; il marque symboliquement le
triomphe du drame dans les dernières lettres.
54
Les deux préfaces
◆ L IRE L’ IMAGE
37. Une couleur domine dans le tableau : le rouge. Un véritable fleuve de
sang semble s’écouler depuis la couche de Sardanapale, l’impassible et cruel
commanditaire de ce massacre. Ce fleuve semble emporter toutes les femmes.
Cette couleur chaude trace une ligne transversale depuis l’extrémité gauche
du tableau jusqu’à l’angle en bas du tableau vers la droite. D’autres contrastes
sont ménagés entre la blancheur de certains corps féminins (et celle du
cheval à gauche) et la noirceur du décor ou d’autres personnages (l’eunuque
noir qui s’occupe du cheval blanc par exemple).
◆ R ECHERCHES
ET DÉBATS
• Documentez-vous sur la vie dans les harems pour présenter un exposé sur
ce sujet.
• Cherchez des informations sur les femmes qui tenaient les salons du
XVIIIe siècle.
• Dans quelle tragédie Racine met-il en scène une Roxane ? Qui est-elle ?
• Que vous inspire cette réflexion de Montesquieu dans Mes Pensées : « Un
prince qui pardonne à ses sujets, s’imagine toujours faire un acte de clémence, au lieu
qu’il fait très souvent un acte de justice. Il croit, au contraire, faire un acte de justice
lorsqu’il punit ; mais très souvent il en fait un de tyrannie »…
L E S D E U X P R É FA C E S (p. 126)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
1. Dans la préface de 1721, Montesquieu affirme vouloir garder l’anonymat pour
éviter les reproches de légèreté (« cela n’est pas digne d’un homme grave », l. 14-15).
2. Les Lettres persanes furent rédigées probablement entre 1717 et 1720,
pendant la Régence du duc d’Orléans.
3. Dans la préface de 1721, Montesquieu ou plus exactement le narrateur
anonyme, affirme avoir récupéré les Lettres persanes auprès de Persans qui
logeaient chez lui.
55
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
4. Le narrateur affirme avoir adapté le style aux goûts occidentaux. Il s’agit
donc d’une traduction infidèle en quelque sorte.
5. Les Persans sont comparés aux Allemands : ils auraient un sens de l’observation supérieur à celui des Allemands.
6. Les mœurs occidentales sont plus rapidement connues car les membres de
la société sont communicatifs (l. 49) et moins secrets qu’en Orient.
7. Louis XV.
8. Le succès des Lettres persanes serait dû, en premier lieu, au genre romanesque. C’est la forme attrayante du roman, avec une organisation claire
(début, milieu, fin), qui explique sa réussite.
9. Pour profiter du succès du livre, les libraires commandèrent des suites.
10. Montesquieu fait allusion ici aux critiques de l’abbé Gaultier qui avait
publié en 1751 un libelle au titre explicite : Les Lettres persanes convaincues
d’impiété.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
11. L’auteur de la préface reste anonyme et on apprend peu de chose sur lui :
il se présente comme un homme sérieux ; il a logé des Persans et il peut traduire le persan. Autant d’informations fictives qui font de cette préface une
entrée directe en fiction, assez conventionnelle au XVIIIe siècle.
12. Le narrateur de la préface apparaît sous la forme du pronom personnel
de première personne, « je ». Pronom du discours, cette forme ne permet pas
d’identifier clairement l’auteur.
13. « J’ai soulagé le lecteur du langage asiatique autant que je l’ai pu […] Mais ce
n’est pas tout ce que j’ai fait pour lui. J’ai retranché les longs compliments, dont les
Orientaux ne son pas moins prodigues que nous » (l. 27-33).
14. Il peut craindre les ennuis et l’emprisonnement si son livre est considéré
comme subversif.
15. Un texte argumentatif présente différents arguments pour défendre une
thèse. Un texte polémique répond en général à une critique ou critique
directement une œuvre, un auteur, un mouvement. Le texte de 1754, qui
répond aux critiques de l’abbé Gaultier et défend la nature romanesque des
Lettres persanes, est à la fois argumentatif et polémique.
56
Les deux préfaces
◆ É TUDIER
UN THÈME : LE ROMANESQUE
16. Dans sa préface, Montesquieu présente les Lettres persanes comme des
témoignages réels. Les trois premiers paragraphes font assaut de sincérité et
d’honnêteté : refus de la protection, de la dédicace, conservation d’une
partie des lettres, refus de faire écran au livre en dévoilant son identité. Dès
lors, l’affirmation suivante gagne en crédibilité : l’auteur de la préface est le
modeste traducteur de lettres rédigées par des hôtes persans à qui il a offert
l’hospitalité. En affirmant avoir modifié quelque peu les différents témoignages épistolaires recueillis, Montesquieu renforce encore la crédibilité et
l’authenticité de son stratagème.
17. Le second texte ne se présente pas de la même façon. Entre temps,
Montesquieu a été reconnu comme l’auteur des Lettres persanes et le livre a
eu un grand succès dès l’année de sa parution. La stratégie est donc toute différente. Elle tend à faire du livre un livre de fiction, un roman et non la traduction de lettres authentiques. Si le masque d’épistoliers fictifs n’est plus
utile aux Lettres persanes, son statut de roman doit tout de même être opposé
à ceux qui prennent au pied de la lettre les accusations et remises en question des dogmes ou rituels catholiques. Cette stratégie de défense et de
revendication du statut de fiction est avancée dès les premières lignes : « Rien
n’a plu davantage, dans les Lettres persanes, que d’y trouver, sans y penser, une
espèce de roman » (l. 1-2).
18. Les Lettres persanes, dans ce texte, sont présentées comme un roman :
– Parce qu’elles racontent une histoire suivie (« On en voit le commencement, le
progrès, la fin », l. 2-3).
– Parce que les personnages sont liés entre eux et qu’on peut lire non seulement une intrigue mais aussi une évolution psychologique. Deux idées illustrent cet argument : les deux Persans évoluent au cours de leur séjour en
Europe, ils s’adaptent et leur regard change. Leur absence (celle d’Usbek en
fait) entraîne désordre et anarchie dans le sérail.
– La forme épistolaire (à laquelle le second paragraphe fait allusion) est une
forme romanesque moderne car elle permet de décrire différents états psychologiques et une évolution pour chaque personnage épistolier. Elle permet
donc une étude plus subtile de la passion.
Mais la forme épistolaire permet aussi de distinguer le texte des romans ordinaires. En effet la forme épistolaire est suffisamment souple pour intégrer
toutes sortes de discours très variés qui échappent aux nécessités de l’intrigue
57
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
principale : « l’auteur s’est donné l’avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de
la politique et de la morale à un roman et de lier le tout par une chaîne secrète et, en
quelque façon, inconnue » (l. 27-30).
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
19. Épître : lettre. Le mot vient du latin « epistola », du grec « epistolê ». On
retrouve cette racine dans épistolaire. L’épître dédicatoire est une dédicace
mise en tête d’un livre.
20. Une digression est un développement qui s’éloigne du sujet traité dans
un discours.
Progression, régression, transgression.
21. Panégyrique : discours à la louange de quelqu’un. Le mot vient du grec
« panêguris » qui signifie l’assemblée de tout le peuple.
Synonymes : éloge, apologie, dithyrambe. Antonymes : satire, calomnie.
22. Mots comportant un préfixe négatif dans la Préface : « détacher » (l. 4),
« défaut » (l. 10), « infini » (l. 33).
Mots comportant des préfixes négatifs dans les Réflexions : « désordre » (l. 9),
« absence » (l. 10), « inconnue » (l. 30).
23. La cause :
– « car si l’on vient à savoir mon nom, dès ce moment je me tais » (l. 7-8).
– « Il devrait employer son temps à quelque chose de mieux : cela n’est pas digne
d’un homme grave » (l. 13-15), juxtaposition : les deux points ont une valeur
causale, ils pourraient être remplacés par mais.
– « Les critiques ne manquent jamais ces sortes de réflexions, parce qu’on les peut
faire sans essayer beaucoup son esprit » (l. 15-17).
– « Comme ils me regardaient comme un homme d’un autre monde, ils ne me
cachaient rien » (l. 19-21).
24. « On le lira s’il est bon » (l. 2) : subordonnée de condition au présent de
l’indicatif et principale à l’indicatif futur simple.
« Si l’on savait qui je suis, on dirait » (l. 12) : subordonnée de condition à
l’indicatif imparfait et principale au conditionnel présent.
« Si la plupart de ceux qui nous ont donné des recueils de lettres avaient fait de même,
ils auraient vu leurs ouvrages s’évanouir » (l. 36-38) : subordonnée de condition
avec l’indicatif plus-que-parfait et principale avec conditionnel passé.
58
Les deux préfaces
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
25. Après avoir insisté, dans un premier temps, sur la nature romanesque de son
texte (qui ne doit donc pas être confondu avec un essai subversif ou critique),
Montesquieu rappelle la nature fictive des narrateurs utilisés pour les lettres et
insiste sur la vraisemblance de leur surprise. Ainsi les critiques et les passages
satiriques sont attribués à l’ignorance et aux préjugés de personnages décalés
dont Montesquieu aurait voulu souligner ainsi la singularité. On retiendra surtout ici la mise en évidence d’une différence de point de vue entre l’auteur et
les narrateurs. Quant aux protestations de bonne foi et d’innocence concernant
les attaques de la religion catholique (« Ces traits se trouvent toujours liés avec le
sentiment de surprise et d’étonnement, et point avec l’idée d’examen, et encore moins
avec celle de critique. », l. 54-56) on peut douter de leur sincérité…
◆ É TUDIER L’ ORTHOGRAPHE
26. « Les Persans qui écrivent ici étaient logés avec moi » (l. 18) : le participe
employé avec l’auxiliaire être s’accorde avec le pronom relatif sujet « qui »,
mis pour les Persans.
« dont ils se seraient bien gardés de me faire confidence » (l. 24) : accord du
participe avec le sujet ils.
« L’usage a permis » (l. 50) : le participe du verbe permettre prend un S au
singulier.
◆ L IRE L’ IMAGE
30. Sur ce frontispice, on distingue le titre, le lieu d’édition (Amsterdam) et
le nom de l’éditeur. Le nom de l’auteur manque.
◆ R ECHERCHES
ET DÉBATS
• Peut-on, selon vous, tout publier ?
• Faites des recherches sur la censure à travers les siècles. Vous pourrez
travailler aussi avec le professeur d’histoire.
• Recherchez d’autres préfaces célèbres de trois romans des XVIIe et
XVIIIe siècles (Les Lettres portugaises de Guilleragues, Julie ou la Nouvelle Héloïse
de Rousseau, Les Liaisons dangereuses de Laclos) puis comparez chacune à la
préface de 1721.
59
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
R E T O U R S U R L’ Œ U V R E
Rendez ses propos à chacun de ces onze personnages
1. Le pape ; 2. Mirza ; 3. Zachi ; 4. Usbek ; 5. Narsit ; 6. Nadir ;
7. L’alchimiste ; 8. Un galant philosophe ; 9. Roxane ; 10. Solim.
Un vocabulaire parfois exotique !
11. Reliez chaque mot à sa définition.
Sérail : palais du sultan dans l’Empire Ottoman. Ramadan : mois de jeûne
et d’abstinence, du lever au coucher du soleil, pour les musulmans.
Derviche : religieux musulman appartenant à une confrérie. Polygame :
être (homme ou femme) qui est marié à plusieurs personnes. Mortification :
souffrance que l’on s’impose en vue de racheter ses fautes. Caravansérail : cour
et bâtiments pour héberger voyageurs et nomades. Brahmane : membre de
la caste sacerdotale, la première des grandes castes traditionnelles en Inde.
Shah : souverain de la Perse ou de la Turquie. Eunuque : homme castré qui
gardait les femmes dans un sérail. Harem : appartement des femmes dans un
sérail. Moufti : théoricien du droit coranique musulman. Toman : Monnaie
de Perse.
Questions d’histoire : vrai ou faux ?
12. a. F ; b. V ; c. V ; d. F ; e. V ; f. F ; g. V.
60
PROPOSITION
SÉQUENCE
DE
DIDACTIQUE
LECTURE
EXPLICATION
GRAMMAIRE
EXPRESSION
ACTIVITÉS
SUIVIE
DE TEXTE
ET VOCABULAIRE
ÉCRITE
DIVERSES
Découverte du Les Troglodytes Lettres 11
genre satirique
et 12 :
l’injustice
La composition À vos plumes, Recherches sur
des mots en
sujet no 1 (les Montesquieu :
français
Troglodytes) sites Internet et
commentaires
sur les Lettres
persanes
Repérage des
premiers
procédés
satiriques
Lettre 24
Boileau : les
Les pronoms
embarras de
personnels et
Paris (Satire VI) l’ancrage de
l’énoncé dans
l’énonciation
Travail
L’absolutisme
d’argumende Louis XIV
tation :
Définitions
avantages et
inconvénients
de la vie dans
une grande
ville.
La satire des
mœurs dans
les Lettres
persanes
Groupement
de textes (3)
et
questionnaire
Lettre 99 sur
la mode
À vos plumes, La mode
sujet du
aujourd’hui
questionnaire
La satire
politique dans
les Lettres
persanes
Groupement
de textes (4)
et
questionnaire
Lesage : extrait Les
de Gil Blas
démonstratifs
de Santillane
Suite du texte
de Lesage ou
sujet pris dans
le
questionnaire
À vos plumes
La satire
politique
aujourd’hui
Les caricatures
politiques
La satire
religieuse dans
les Lettres
persanes
Groupement
de textes (5)
et
questionnaire
Voltaire :
Candide et
Poème sur
le désastre
de Lisbonne
La lettre :
diversité du
genre
épistolaire
Recherches sur
L’inquisition et
les persécutions
des hérétiques
au cours des
siècles
Bilan
La Préface
de 1721 et
les Réflexions
sur les Lettres
persanes
Groupement Contrôle de
de textes : les synthèse
textes satiriques
théâtraux
(Marivaux et
Beaumarchais)
Les valeurs
du présent
Participe
présent et
adjectif verbal :
repérage et
orthographe
61
Rédaction
Correction
d’une lettre
« à la manière
des Lettres
persanes »
E X P LO I TAT I O N
DU GROUPEMENT DE TEXTES
◆ EN
LIAISON AVEC LES TEXTES CITÉS
1. Lecture cursive de L’Île des esclaves et débat sur la pièce. On pourra étudier
deux ou trois scènes pour mettre en évidence la satire sociale et les procédés
théâtraux de la parodie. On peut aussi étudier plus particulièrement la
relation entre Cléanthis et Euphrosine.
2. Groupement de textes sur la satire dans le théâtre du XVIIIe siècle. On
pourrait alors ajouter des extraits de Turcaret de Lesage, un extrait de Delisle
de La Drevetière (Arlequin sauvage, 1721), des passages du Barbier de Séville ou
du Mariage de Figaro, deux pièces de Beaumarchais.
3. Lecture d’un conte de Voltaire ou groupement de textes sur le conte
philosophique (Micromégas, Zadig, L’Ingénu, Candide).
4. Recherches sur le personnage d’Arlequin dans la commedia dell’arte, dans
le théâtre du XVIIIe siècle ou dans la peinture au XXe siècle. (Arlequin chez
Picasso par exemple).
5. Extraits de romans picaresques. Le personnage du picaro dans la littérature
et la satire sociale des puissants.
6. Apprendre à distinguer satire, parodie et pastiche. (Chercher des exemples
dans le livre de textes utilisé en classe).
7. Exposé sur Bougainville.
8. Extraits du Dictionnaire philosophique de Voltaire (1764) : l’article « guerre »,
par exemple.
9. À partir de l’extrait de Candide : recherches sur la condition des noirs au
XVIIIe siècle et sur l’abolition de l’esclavage (On pourra par exemple lire le
texte de Montesquieu sur le sujet dans l’Esprit des Lois).
◆ R ECHERCHES
ET LECTURES COMPLÉMENTAIRES
10. La satire dans l’Antiquité : lire une page d’Aristophane (Les Nuées) et
étudier la satire du philosophe Socrate proposée par l’auteur.
11. Étude d’un texte d’Horace extrait des Satires.
12. Étude du texte de Juvénal : « Les embarras de Rome ».
13. Étude du texte de Boileau extrait des Satires : « Les embarras de Paris ».
14. La caricature en littérature et dans les arts graphiques. Étude des caricatures de Daumier.
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DU
GROUPEMENT
DE TEXTES
15. La satire des bourgeois ou du snobisme chez Molière.
16. La satire au Moyen Âge : étude de farces ou de fabliaux.
17. La satire de la médecine et des médecins du Moyen Âge à Jules Romain.
18. Étude d’un extrait de la Satire Ménippée (1594).
19. La satire dans le roman du XVIIe siècle : deux extraits du Roman Bourgeois
de Furetière et de l’Histoire comique de Francion de Charles Sorel.
20. La satire des puissants chez La Fontaine.
21. Louis XIV contesté : « Lettre anonyme à Louis XIV » de Fénelon (1693)
et « Lettre anonyme au roi » (1712) par Saint-Simon.
22. Extraits de Knock de Jules Romain (1923).
◆ E XPRESSION
ÉCRITE
23. Écrire un dialogue théâtral satirique où seront confrontés un riche propriétaire et son chauffeur venu demander une augmentation (ou un patron
et son employé).
24. Imaginer le dialogue entre un riche employeur qui décide de fermer une
usine et un employé.
25. Imaginer, à la manière de Diderot, le discours qu’aurait pu tenir un
aztèque devant l’arrivée des Espagnols au Mexique.
26. Faire le portrait satirique d’un homme politique ou d’un chanteur que
vous connaissez.
27. Imaginez la suite du dialogue entre Arlequin et Iphicrate.
28. Imaginez la réponse que fait l’explorateur Bougainville au vieux sage.
29. Imaginez la satire de la vie parisienne que pourrait faire un habitant
d’Amazonie fraîchement débarqué en France.
30. Poursuivez le monologue de Figaro et interrompez-le avec l’intervention
du comte Almaviva. Vous imaginerez alors le dialogue qui s’engage entre les
deux rivaux.
◆ A CTIVITÉS
ANNEXES
31. Projection du film : Beaumarchais l’insolent, d’Édouard Molinaro (1995).
32. Projection du film No Man’s land : la satire de la guerre et de l’intervention des casques bleus…
33. Relevez les cibles et les procédés de la satire lors d’une séquence des
Guignols de l’info.
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BIBLIOGRAPHIE
COMPLÉMENTAIRE
◆ O UVRAGES
SUR M ONTESQUIEU
ALTHUSSER Louis, Montesquieu, la politique et l’histoire, PUF, 1959.
BENREKASSA Georges, Montesquieu, la liberté et l’histoire, Le Livre de Poche,
« Biblio essais », 1987.
LACOUTURE Jean, Montesquieu, les vendanges de la liberté, Le Seuil, 2003.
SHACKLETON Robert, Montesquieu, une biographie critique, Presses universitaires
de Grenoble, 1977.
STAROBINSKI Jean, Montesquieu par lui-même, coll. « Écrivains de toujours »,
Le Seuil, 1953.
◆ S UR
LES L ETTRES PERSANES
DEDEYAN Charles, Montesquieu ou l’Alibi persan, SEDES, 1988.
EHRARD Jean, La Signification politique des Lettres persanes, Archives des
Lettres Modernes, Minard, 1970.
GOLDZINCK Jean, Lettres persanes, PUF, 1989.
GOULEMOT Jean-Marie, Questions sur la signification politique des Lettres persanes,
Klincksieck, 1974.
VALÉRY Paul, « Préface aux Lettres persanes », Variétés II, Gallimard, 1929.
Revue Europe, Montesquieu, no 574, février 1977.
◆ O UVRAGES
GÉNÉRAUX
BONNEROT Olivier, La Perse dans la littérature et la pensée françaises du XVIIIe siècle,
Champion, 1988.
CHAUSSINAND-NOGARET Guy, La vie quotidienne des Français sous Louis XV,
Hachette, 1979.
COULET Henri, Le Roman avant la révolution, Colin, 1967.
GOLDZINCK Jean, XVIIIe siècle, Histoire de la littérature française, Bordas, 1988.
GOULEMOT Jean-Marie, La littérature des Lumières en toutes lettres, Bordas, 1989.
GOULEMOT, MASSEAU, TATIN-GOURIER, Vocabulaire de la littérature du XVIIIe siècle,
Minerve, 1996.
HAZARD Paul, La Crise de la conscience européenne, Livre de Poche, Références,
Fayard, 1961.
VERSINI Laurent, Le Roman épistolaire, PUF, 1979.