Le café littéraire15

Transcription

Le café littéraire15
Le café littéraire s’est réuni pour
la 15ème fois le lundi 17 octobre 2011 et
vous propose :
Isabelle A. vous propose un
livre occulte
Montana 1948 de Larry WATSON
Un jeune garçon de douze est le témoin impuissant de l’affrontement entre
son père Wesley Hayden, sheriff du Montana et son oncle Franck,
médecin. Nous sommes en 1948 et une jeune Indienne accuse le médecin
de viol et attouchements. Dans ce comté d’Amérique, le racisme est
encore présent, rampant, et la famille Hayden une famille reconnue : le
grand-père été sheriff avant que son fils prenne la relève, il s’oppose à
l’arrestation de son fils Franck.
Un roman très court qui distille en quelques pages seulement la morgue
des blancs face à l’impuissance des Indiens. Un bon roman, qui condense
haine, colère, mépris des lois par une famille blanche et puissante, et
volonté de justice et déchirement d’un homme (Wesley), écartelé entre le
respect de la loi et sa loyauté à sa famille et la crainte de son propre père.
Sous le regard du petit David, qui y perdra son innocence, la haine et
l’arrogance affleurent chaque page, tandis que la honte et la faiblesse, le
déchirement de Wesley s’opposent à sa famille. C’est toute une peinture
sociale, un tableau du Montana encore, à cette époque, âpre, aux
mentalités étriquées, aux clivages raciaux omniprésents qui est latent sous
le récit d’une histoire sordide et, dans un certain sens, fascinante.
Isabelle G a pris du recule sur
son métier pendant les
vacances avec :
Le livre des morts de Glenn COOPER
(thriller)
Si un jour vous recevez une carte postale blanche, portant juste la mention
d’une date et un dessin de cercueil, ne cherchez pas : cette carte est le
faire-part de votre mort.
A New-York, six personnes reçoivent une carte de ce genre. Elles meurent
toutes au jour indiqué, de façons totalement différentes : overdose,
agression, accident ou suicide, la tâche est dure pour Will Piper, le profiler
du FBI chargé de l’affaire. Le tueur, puisqu’il s’agit d’un tueur, semble
échapper à toute identification, son modus operandi varie d’une victime à
l’autre, chaque suspect identifié pour un mort ayant un alibi pour les autres.
Will persévère et son enquête le mène à Las Vegas, près de la zone 51 dans
le désert du Nevada où sont cachés les secrets les plus protégés du
gouvernement américain…
Une page turner réussi, dans la mesure où le rythme ne se relâche jamais,
qui nous entraîne aussi bien dans les méandres des archives souterraines de
l’armée américaine que dans l’île du Wight, en l’an 777. Près de l’abbaye de
l’île naît le 7ème jour du 7ème mois de cette année 777 le septième fils du
septième fils d’un paysan. Œuvre de Dieu ou du Diable, l’enfant semble
posséder des capacités hors normes et écrit inlassablement, sur des
parchemins, des noms suivis de dates. Ces manuscrits seront soigneusement
cachés au monde jusqu’à ce que le fameux Tueur de l’Apocalypse, comme
l’appellent les medias près de 13 siècles plus tard, apparaisse.
Le roman de Glenn Cooper a été vendu à plus d’un million d’exemplaires de
part le monde.
Le livre qui a bouleversé les
nuits d’Isabelle G.
Delphine de Vigan : rien ne s’oppose à la
nuit
La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard
de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous constitue, ma
sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec.
L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions
et d’interroger la mémoire.
La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son
histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai
croisés au cours de mes recherches parlent de fascination ; je l’ai souvent
entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de
plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le
retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre,
comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui
du silence.
Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête,
contiendrait en lui-même sa propre genèse, ses errances narratives, ses
tentatives inachevées. Mais il serait cet élan, de moi vers elle, hésitant et
inabouti.
Anne s’est réconciliée avec
Tracy Chevallier
Tracy Chevallier: Prodigieuses créatures
Claude a découvert Paul Auster
pendant les grandes
vacances grâce à Marie
Christine B.
Paul Auster : Moon Palace
On est en 1804, les sœurs Philpot, Louise Elisabeth et Margaret, sont
obligées de quitter leur domicile de Londres suite au mariage de leur frère
et donc à l’installation de celui-ci avec sa femme. Elles partiront pour le
Dorset, dans le village de Lime Regis. Margaret parcourt les salons, bals
et visites chez des amis, Louise cultive son jardin et Elisabeth se ballade
souvent sur la plage où elle trouve divers spécimens fossilisés.
Sur cette plage elle rencontrera Mary Anning qui ramasse des fossiles et
les revend aux touristes pour aider sa famille, elles vont devenir amies et
vont être liées par l’amour des fossiles, une communauté scientifique
entièrement masculine (par exemple la Geological Society était interdite
aux femmes). Mais une chose va lesrapprocher et user leur amitié : un
homme
mais
aussi
les
squelettes
de
dinosaures.
Epoque de découvertes extraordinaire, mais où les femmes servaient
simplement de décor, j’ai été souvent révoltée par leur condition : ne
pouvant se promener seule, les temps ont bien changés !
On voyage entre avancée scientifique et condition féminine, et pour ceux
que la science en tout genre rebute pas de souci aucun détail superflu ou
assommant, juste la finesse de l’auteure pour décrire un destin incroyable,
celui d’une jeune fille pauvre qui au fil des années a su acquérir la
respectabilité de grands hommes de science. Un aspect assez particulier
du roman est celui de la religion qui fait office de guide du savoir, car l’idée
d’un fossile d’une créature ayant existée il y a des milliers d’années et
ayant disparu aujourd’hui relève d’un blasphème car à cette époque cela
supposait que Dieu avait volontairement fait disparaître une espèce et
donc qu’il avait du se tromper et corriger son erreur.
La science face à la religion et deux femmes face à la science. Deux
femmes différentes en âge qui ont su exprimer un caractère fort et une
volonté
de
fer.
Un très beau roman, bouleversant, une fiction qui intègre une bonne part
de réalité, des personnages ayant existés et marqués leur époque !
Cette histoire commence à New York dans le milieu des années soixante.
Moon Palace est une enseigne de Broadway que le héros aperçoit de la
fenêtre de sa chambre sordide. Il s'appelle M.S. Fogg, M comme Marco
(Polo), S comme Stanley (le journaliste américain à la recherche de
Livingstone en Afrique) et Fogg comme le personnage du Tour du monde
en quatre-vingts jours de Jules Verne.
M.S. Fogg est un étudiant désargenté qui semble toujours évoluer dans un
léger brouillard (fog en anglais). Au delà des variations humoristiques sur
son nom, qui ne sont pas sans importance pour son identité personnelle, il
faut considérer que le jeune narrateur a perdu sa mère renversée par un
bus lorsqu'il était enfant, et qu'il ignore tout de son père. Il lui reste son
oncle adoré, Victor, grand inventeur de mondes imaginaires. L'oncle Victor
lui lègue un millier de livres disparates avant de se lancer, clarinette sous
le bras, à la conquête du succès vers l'Ouest des États-Unis.
Le jeune M.S. Fogg dont la vie rêveuse semble placée sous le signe de la
lune tient cependant à préciser à propos des luttes des années soixante
contre la guerre du Viêt-nam, que sa « propre histoire s'enracine dans la
caillasse de ce temps-là, et ne peut avoir aucun sens si ceci n'est pas
entendu ».
Fogg, le solitaire à la frange du désespoir, fera la connaissance d'êtres
bizarres, déracinés mais d'un relief étonnant. Thomas Effing est un riche
vieillard aveugle, aussi diaboliquement attirant qu'insupportable. Salomon
Barber, professeur de gauche, est un homme moralement meurtri. Il est
d'une obésité hors du commun dont il se sert comme d'un rempart face
aux agressions du monde extérieur.
De la Columbia University de New York jusqu'aux grands espaces de
l'Utah, en passant par une visite mémorable au musée de Brooklyn, c'est à
un voyage ludique et plein d'émotions délicates que nous convie Paul
Auster. Un voyage où le lecteur ne sait jamais si cet étudiant américain
des années soixante va se trouver ou se perdre.
Martine devait nous parler du
léopard mais elle est restée
coincée sous une avalanche
d’oignons de fleurs
Jo Nesbo : le léopard
Deux femmes sont retrouvées mortes à Oslo, toutes les deux noyées dans
leur sang.
La police, en pleine guerre inter-services, se retrouve face à un mystère,
puisque les blessures à l’origine des hémorragies fatales semblent avoir
été provoquées de l’intérieur. La belle Kaja Solness, de la brigade
criminelle, est envoyée à Hong Kong pour retrouver le seul spécialiste
norvégien en matière de tueurs en série. Le policier alcoolique s’est caché
dans une ville d’un million d’habitants pour fuir les démons assoiffés de
sang d’anciennes affaires, les souvenirs amers de la femme qu’il aime
ainsi que les membres des triades à qui il doit de l’argent.
Ce flic s’appelle Harry Hole… Pour la huitième affaire de son enquêteur
fétiche, Harry Hole le détective au grand coeur et à la gueule cassée, Jo
Nesbo nous livre son roman le plus complexe et le plus maîtrisé. Le
léopard est une traque sans pitié qui laisse le lecteur pantelant. Nous
promenant des pics enneigés de la Norvège aux volcans sulfureux du
Congo, rien ne nous est épargné : avalanches mortelles, volcan en
éruption, tueur en série à faire frémir, guerre des polices et manipulations
en tout genre, sans oublier une histoire d’amour en arrière-plan pour offrir
des moments de respiration au coeur de cette tornade d’action aux reflets
d’hémoglobine.
Nesbo mène son récit tambour battant, comme au volant d’un bolide lancé
à tombeau ouvert jusqu’à la dernière page. Un thriller magistral.