I. Mystérieux débuts

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I. Mystérieux débuts
I. Mystérieux débuts
Peuples préhistoriques (15000 A.C.) et peuples « primitifs » (de tous temps, à l’écart de la modernité)
Les débuts de l’art sont aussi mystérieux que ceux du langage. Si l’on admet que l’art consiste à bâtir des
temples ou des maisons, à faire des tableaux ou des sculptures…, il n’est pas de peuple qui n’ait élaboré quelque
forme d’art. Si, en revanche, on considère l’art comme une sorte de luxe magnifique, destiné aux musées et aux
expositions, ou à l’ornement d’une pièce d’apparat, nous devons nous rendre compte que l’usage du mot est tout
à fait récent. L’architecture est l’art qui illustre le mieux ces deux conceptions. Certains bâtiments sont de
véritables œuvres d’art. Il n’y a cependant guère d’édifice qui n’ait été bâti dans un but déterminé, utilitaire. Dans
le passé, peintures et sculptures ont souvent été envisagé de cette manière. On n’y voyait pas seulement des
œuvres, mais des objets créés dans un but précis.
C’est dans ce sens que nous devons comprendre l’art du passé : il nous faut percevoir quel but il visait.
Lorsque nous quittons les villes pour les campagnes ou, mieux encore, lorsque nous abandonnons les pays
civilisés pour aller vers les peuples dont l’existence actuelle ressemble encore à celle de nos lointains ancêtres, on
constate que ces peuples primitifs sont plus près du point de départ commun à toute l’humanité. Parmi ces
primitifs, construction et imagerie procèdent du même esprit d’utilité. Leurs « cases » sont là pour abriter du
vent, du soleil, de la pluie, des mauvais esprits qui suscitent les phénomènes naturels. En d’autres termes, dessins
et sculptures sont des créations magiques. Les images étaient considérées comme des « forces » à employer et
non comme des choses agréables à regarder.
Ce qui compte alors, si l’on considère l’art primitif, ce n’est pas de savoir si la sculpture ou la peinture est belle,
au sens où nous l’entendons, mais si elle « opère », c’est-à-dire si elle peut accomplir l’œuvre magique désirée. De
plus, les artistes travaillent pour les hommes de leur propre peuple, ethnie, tribu qui savent exactement ce que
forme et ce que chaque couleur est censée signifier. On n’attend pas d’eux des nouveautés, mais seulement de
mettre dans leur travail toute leur habilité et tout leur savoir. Habiles – qu’on ne se méprenne pas ! – ils le sont
après des siècles de spécialisation. Ils réalisent des merveilles de bois sculptés, de métaux forgés…
Dans certaines régions, des artistes primitifs ont inventé de véritables systèmes pour représenter de façon
décorative les diverses figures et totems de leurs mythes. Nous trouvons aussi chez divers peuples du monde,
des objets ouvragés destinés à des rituels, ou des masques, représentant des divinités, démons, esprits malfaisants
ou anthropophages, qui seront « portés » au cours d’un jeu scénique ou d’une danse, lors d’une grande veillée,
afin d’exorciser ou repousser un mal ou un danger, afin d’avoir une emprise sur le gibier.
Cheval, vers 15000 A.C., grotte de Lascaux
Linteau provenant d’une case de chef Maori,
début du XIX siècle, bois, 32cmX82cm
Masque inuit (Alaska), vers 1880, bois peint, 37 X 25,5 cm
II. Un art pour l’éternité
L’Egypte ancienne, environ 4000 A.C. à 1000 A.C.
L’art égyptien, qui découle de cette grande civilisation que fut l’Egypte ancienne, est celui qui a eu la plus
longue durée dans le temps : 3000 ans d’existence.
A l’image des pyramides, ces fameux « tombeaux » des pharaons, cet art n’était avant tout qu’un art funéraire,
destiné donc à « aider » les défunts dans leur passage vers l’au-delà. C’est donc dans ces pyramides, que nous
avons pu découvrir les bustes, qui opéraient de leurs « charmes » sur les âmes de ces illustres défunts. Un style
très singulier caractérise l‘art égyptien : il fut transmis de maître à élève durant trois millénaires. Un buste
(sculpture en ronde-bosse), très épuré, représentant un pharaon, réalisé dans du granit blanc très dur, était
disposé dans le sarcophage à côté du défunt « momifié ». Il servait en fait à aider l’âme à entreprendre « son
passage de l’autre côté », vers une autre forme de vie, comme le croyait les Egyptiens.
Tête sculptée, vers 2551-2528 A.C., calcaire, 27,8 cm,
découverte dans un tombeau à Guizèh
L’artisan sculpteur ou peintre était aussi appelé « Celui-qui-garde-vivant ». Il lui importait peu que l’œuvre soit
belle. Elle devait être complète. Des bas-reliefs en bois en témoignent : l’artiste représentait un sujet à la fois de
face et de profil. On le voit aussi sur des dessins qui font plus penser aux représentations d’un cartographe qu’à
celles d’un dessinateur. Les artistes représentaient les choses et les êtres telles qu’ils les savaient, non à partir d’un
point de vue déterminé.
« Celui-qui-garde-vivant » se devait de plus de respecter des règles très strictes :
- le Pharaon surnommé aussi « Le Grand Patron » devait être représenté à une échelle plus grande que tous les
autres personnages.
- les femmes devaient avoir la peau claire et les hommes la peau sombre.
- Le dieu du ciel, Horus, devait toujours être représenté avec une tête de faucon ; le dieu funèbre, Anubis, avec
une tête de chacal.
- Les personnages (vus à la fois de face et de profil) devaient toujours être dans une posture très solennelle, avec
les mains sur les genoux.
- l’artiste devait avoir une parfaite maîtrise de la calligraphie (hiéroglyphes).
A l’exception de la durée d’un règne (sous Aménophis IV de la dix-huitième dynastie qui ébranla les canons de
l’art égyptien), cet art, qui s’inscrivait dans une tradition, n’a jamais dérogé à ces règles et perdura durant trois
millénaires jusqu’à l’avènement de la Grèce antique qui le supplanta.
Mur peint du tombeau de Chnemhotep, près de Bei Hassan, vers 1900 A.C.
Anubis supervisant la pesée du cœur d’un homme mort, vers 1285 A.C.
scène extraite du Livre des Morts, rouleau en papyrus, située dans la tombe du défunt, h : 40cm
LEXIQUE
buste (un) : sculpture représentant la tête et le haut du tronc humain.
ronde-bosse (une) : sculpture en relief, détachée du fond.
bas-relief (un) : sculpture en faible saillie sur un fond uni.
haut-relief (un) : sculpture présentant un relief très saillant sans se détacher du fond.
calligraphie (la) : art de bien écrire les caractères d’écriture
peinture murale : terme général pour toute peinture réalisée sur un mur.
III. Le Grand éveil
La Grèce du VII siècle AC jusqu’au I siècle de notre ère
Du point de vue de l’histoire de l’art, Athènes est de loin la plus fameuse et la plus importante de toutes les
cités grecques. C’est là que porta ses fruits la plus grande et la plus étonnante révolution de toute l’histoire de
l’art. Il est difficile de dire où et quand cette révolution a commencé – peut-être vers l’époque des premiers
temples grecs construits en pierre, c’est-à-dire vers le VI siècle A.C.
Les artistes, très vite, étaient décidés à voir les choses par eux-mêmes et à ne plus suivre aveuglément les
anciens préceptes. Les Egyptiens s’étaient fondés sur un savoir acquis, les Grecs ont voulu se servir de leurs
propres yeux. Aussi, dans leurs ateliers les sculpteurs mettaient en œuvre de nouvelles idées et des procédés
nouveaux pour représenter la figure humaine. Les peintres emboîtèrent le pas. Nous ne savons pas grand-chose
du travail de ces derniers en dehors de ce que nous racontent les auteurs grecs, mais il est important de se rendre
compte qu’en Grèce, à cette époque, les peintres étaient encore plus célèbres que les sculpteurs. La seule chose
que nous puissions faire c’est de regarder les images peintes sur les poteries anciennes. Ces récipients peints, ces
vases, étaient destinés principalement à contenir le vin et l’huile. A Athènes, la peinture de ces vases était
devenue une importante industrie, et les modestes artisans qui y travaillaient étaient au fait des dernières
nouveautés tout comme les autres artistes. Au début, on trouve encore quelques traces des procédés égyptiens :
les yeux sont encore dessinés de face. Mais les corps ne sont plus tracés à la manière égyptienne. Le peintre ne
jugeait plus nécessaire de faire paraître chaque membre dans une vue de profil. Les peintres firent la plus grande
de toutes les découvertes : celle du raccourci. L’artiste ne visait plus à remplir son tableau de formes aussi
lisibles que possible, il tenait compte de l’angle sous lequel le sujet était vu. Cette grande révolution de l’art grec
se produisit au moment le plus étonnant de l’histoire humaine, à l’époque où naissaient à la fois la philosophie et
la science, telles que nous les concevons aujourd’hui, au moment où commençait à se développer le théâtre…
Le Départ du Guerrier, vers 510-500 A.C. h : 60 cm
Ulysse reconnu par sa veille nourrice, V°siècle A.C.
vase à figurines rouges
h : 20,5 cm, V°siècle A.C., vase à figurines rouges
Mais ce que les Grecs d’alors prisaient encore plus était autre chose : la liberté récemment acquise de
représenter le corps humain dans une position ou un mouvement quelconque pouvait être utilisée pour refléter
la vie intérieure des personnages. Socrate, grand philosophe, qui avait lui-même reçu une formation de sculpteur,
y incitait les artistes ; ils devaient représenter « les effets de l’âme » en observant attentivement la manière dont
« les sentiments affectent le corps en action ».
L’art grec fut à son apogée en même temps que la démocratie athénienne. Lorsque les Athéniens eurent chassé
l’envahisseur perse, ils se mirent, sous la conduite de Périclès, à reconstruire ce que l’ennemi avait détruit. Les
temples en bois brûlés et pillés, furent reconstruits en marbre avec une splendeur et une noblesse encore
inconnues. Périclès était un homme sans préjugés. Les écrivains anciens laissent entendre qu’il traitait les artistes
comme ses égaux. Celui à qui il confia le plan des nouveaux temples, ce fut l’architecte Iktinos et c’est à
Phidias qu’il commanda les images des dieux, tout en le chargeant de diriger, dans son ensemble, la décoration
des temples. Beaucoup d’œuvres ont été détruites. Il nous reste des copies réalisées à l’époque romaine. Nous
devons savoir gré à ces copies de nous donner au moins une faible idée de ce qu’étaient les chefs d’œuvre
fameux de l’art grec.
Le Parthénon, Iktinos, vers 450 A.C., Athènes, Acropole.
Discobole, vers 450 A.C., marbre, h : 155 cm
Le genre d’ouvrages que l’on a demandé aux artistes grecs a pu contribuer à parfaire leur connaissance du
corps humain en mouvement. Les Grecs furent les inventeurs, aussi, des Jeux Olympiques. Pour commémorer
et pour perpétuer ces marques de la grâce divine les vainqueurs commandaient leurs statues aux plus célèbres
artistes de leur temps. Une copie en marbre du célèbre Discobole, d’une hauteur de 155 cm nous montre un
athlète sur le point de lancer le disque. Ce qui compte, c’est que l’artiste a maîtrisé le mouvement, comme les
peintres de son temps ont maîtrisé l’espace. Et, en très peu de temps, les progrès techniques pour rendre les
proportions, l’anatomie des corps (muscles, ossatures), les draperies vont être considérables.
Vers la fin du V siècle, les artistes avaient pleinement pris conscience de leurs capacités et de leur maîtrise. Le
public les comprenait bien que les artistes fussent toujours considérés comme des artisans. On comparait les
mérites des différentes « écoles » d’art. Différents style se sont développés simultanément. Le Parthénon avait
été construit en style dorique, mais les éléments du style ionique firent leur apparition dans des édifices, à
peine plus tardifs, de l’Acropole. Le plan général de ces édifices est le même que celui des temples doriques,
mais leur aspect et leur caractère sont bien différents. Les colonnes du temple ionique sont beaucoup moins
fortes, beaucoup moins robustes. Leur fût est élancé et le chapiteau qui les couronne n’est plus un simple
coussin sans ornement ; il est richement décoré de volutes qui semblent accuser ces fonctions de soutien, de
support des longs blocs de marbre qui portent le toit. Une impression de grâce et d’aisance s’en dégage. Plus
tard, vers le début du IV siècle, l’énergique simplicité dorique et la grâce aisée du style ionique ne suffisaient plus.
La préférence allait à une colonne d’un style nouveau, et qui tire son nom de la riche cité commerçante de
Corinthe. Le chapiteau corinthien unissait un décor de feuillage à la volute ionique, et l’ensemble de l’édifice
comportait généralement une ornementation plus abondante et plus riche. Les créations de l’art grec s’étaient
adaptées à l’échelle et aux travaux des empires d’Orient.
L’Erechthéion, vers 420-405 A.C. , Athènes, Acropole
chapiteau corinthien, vers 300 A.C.
Fait étrange d’un point de vue moderne cependant, l’idée de portrait telle que nous le concevons ne paraît chez
les Grecs qu’assez tardivement dans le IV siècle. Il est curieux de remarquer que, dans les œuvres précédentes,
les artistes grecs ont évité de donner au visage une expression précise. Ces maîtres utilisaient juste le corps et ses
mouvements pour exprimer ce que Socrate avait appelé « les effets de l’âme ». Avec la génération qui suit celle
de Praxitèle, cette retenue disparaît peu à peu et les artistes surent animer les traits sans détruire la beauté.
Mieux, ils parvinrent à capter les effets de la psychologie individuelle, le caractère particulier d’une physionomie
et à faire des portraits, au sens où nous l’entendons. Et c’est sous le règne d’Alexandre, qu’on commença à parler
de l’art du portrait. Tête d’Alexandre, par Lysippe, le plus célèbre artiste du temps, témoigne de cet art.
Tête d’Alexandre le Grand, vers 325-300 A.C.
La fondation d’un empire pour Alexandre eut une influence considérable sur les destinées de l’art grec : on
parle alors d’art hellénistique, du nom habituellement donné aux empires fondés en terre orientale par les
successeurs d’Alexandre. Cette évolution de l’art grec aux temps hellénistiques, nous en mesurons l’importance
dans les principales œuvres de l’époque. Une des plus marquantes est L’autel de Pergame élevé vers 160 A.C.
Ses sculptures représentent le combat des dieux et des géants. L’artiste visa nettement à des effets violemment
dramatiques. La bataille fait rage. Et pour rendre l’effet plus saisissant, le relief n’est plus engagé dans le mur ; les
figures qui le composent se détachent presque complètement du fond et semblent, dans leur lutte, déborder sur
les marches de l’autel.
Combat des dieux et des géants, vers 164-156 A.C.
marbre, h : 41 cm, copie d’après l’originale de Lysippe
Jeune fille cueillant des fleurs, I siècle P.C.
peinture murale de Stabies, Naples
C’est vers ces temps que les gens fortunés se mirent à collectionner des œuvres d’art et à les faire copier
lorsqu’ils ne pouvaient pas acquérir les originaux. Les œuvres d’art atteignirent des prix très élevés. Les écrivains
écrivaient des vies d’artistes. Parmi les artistes les plus fameux, on comptait plus de peintres que de sculpteurs.
Peu nous sont cependant parvenues. C’est en regardant les peintures décoratives et les mosaïques découvertes à
Pompéi et ailleurs que nous pouvons nous faire quelque idée de la peinture antique. On y trouve tous les sujets
imaginables : il y a des animaux, de charmantes natures mortes… On y trouve même des paysages, ce qui est
peut-être la plus grande découverte de la période hellénistique. Les peintres essayaient d’évoquer les plaisirs de la
campagne. Leurs œuvres sont tout à fait charmantes. Cependant, elles sont beaucoup moins réalistes qu’elles ne
le paraissent à première vue. En effet, ces artistes ignoraient ce que nous appelons les lois de la perspective. Ils
ne savaient pas faire fuir vers l’horizon une colonnade ou une allée d’arbres. Ils dessinaient les objets lointains
plus petits, plus grands les objets proches. Un millénaire devrait s’écouler encore avant cette découverte.
LEXIQUE
le raccourci : technique de dessin consistant à raccourcir une figure vue en perspective
un fût : tige d’une colonne entre sa base et le chapiteau
un chapiteau : partie élargie qui couronne une colonne
une volute : ornement sculpté en spirale
art hellénistique : art de la civilisation de langue grecque, après la mort d’Alexandre et jusqu’à la conquête
romaine
IV Conquérants d’Empires
Romains, Bouddhistes, Juifs et Chrétiens du I siècle au IV siècle de notre ère
Tandis que les Romains faisaient la conquête du monde et fondaient leur empire sur les ruines des royaumes
hellénistiques, peu de changements survenaient dans le domaine de l’art. La plupart des artistes qui travaillaient à
Rome étaient des Grecs et la majorité des amateurs romains collectionnaient des œuvres grecques originales ou
leurs copies. Cependant, lorsqu’ils devinrent les maîtres du monde, leur art subit une certaine évolution. Des
tâches nouvelles furent imposées aux artistes qui durent s’y adapter. C’est probablement dans le domaine des
travaux publics que furent réalisés les ouvrages les plus remarquables de l’époque romaine. (Routes, aqueducs,
bains publics…). On imagine encore bien aujourd’hui, en voyant les ruines, ce qu’a pu être la grandeur de Rome.
Le Colisée était sans doute le plus fameux des édifices de cette civilisation. Cet immense amphithéâtre est en
somme un bâtiment utilitaire ; trois étages d’arcades superposées soutiennent les vastes gradins. L’architecte a
utilisé les ordres grecs. L’étage inférieur est une variante du style dorique. L’étage suivant est de l’ordre ionique et
les deux derniers de l’ordre corinthien.
Le Colisée, vers 80 P.C., un amphithéâtre romain
Il est probable qu’aucune création architecturale n’a laissé une empreinte plus durable que les arcs de triomphe
élevés par les Romains à travers tout leur empire, en Italie, en France, en Afrique du Nord et en Asie. Les arcs
de triomphe romains utilisaient les ordres grecs pour encadrer et accentuer la large partie centrale flanquée
d’ouvertures plus petites. La nouveauté c’est l’emploi de l’arcade. Les Romains ont fait un grand usage de cette
invention. La construction d’une arcade par l’assemblage de pierres taillées en coin n’est pas une tâche aisée. Dès
l’instant où l’architecte y est parvenu, il peut entreprendre des constructions de plus en plus audacieuses. Il est en
mesure de bâtir les arches d’un pont ou d’un aqueduc et il peut même employer ce procédé pour voûter un
édifice. Les Romains ont été de grands maîtres dans l’art de la voûte. Ils appliquèrent des techniques variées.
Parmi leurs constructions voûtées, le Panthéon, ou temple de tous les dieux, est le plus extraordinaire. C’est, de
tous les temples de l’Antiquité classique, le seul qui soit encore aujourd’hui un lieu de dévotion, car il a été
transformé en église au début de l’ère chrétienne, ce qui l’a préservé de la ruine. Son intérieur est une immense
salle ronde et sa voûte est percée en son centre d’une ouverture qui donne en plein ciel.
L’arc de Triomphe de Tibère, à Orange, vers 14-37 P.C
Giovanni Paolo, Intérieur du Panthéon à Rome, XVIII° siècle.
Le Panthéon a été érigé en 130 P.C.
Dans le domaine de la sculpture, ils avaient besoin de portraits très ressemblants. Ces portraits avaient joué un
certain rôle dans leur religion primitive et on les portait au cours des cérémonies funéraires. Plus tard, lorsque
Rome devint un empire, on considérait encore le buste de l’empereur avec une certaine terreur religieuse. On
brûlait de l’encens devant ces bustes. Les persécutions des chrétiens ont commencé parce qu’ils se refusaient de
se plier à cette coutume. En dépit du caractère sacré de ces portraits, les Romains avaient accepté qu’ils fussent
très ressemblants et nullement idéalisés. Ils ont ainsi développé une véritable science du visage humain. Dans Le
buste de Vespasien, aucune flatterie, rien qui signale le dieu.
L’Empereur Vespasien, vers 70 P.C., marbre, h : 135 cm
Une autre tâche que les Romains ont imposée à leurs artistes faisait revivre une coutume de l’Orient ancien
(Mésopotamie). Ils ont voulu, à leur tour, proclamer leurs victoires et raconter leurs campagnes militaires.
Trajan, par exemple, a fait dresser une immense colonne où se déroule, comme une chronique, l’histoire de ses
guerres et de ses victoires en Dacie (Roumanie actuelle). On y remarque l’importance que les Romains
attachaient à la fidélité dans le rendu de chaque détail et à un récit exact. Harmonie, beauté ou expression
dramatique n’étaient plus le but essentiel. Les Romains étaient un peuple plutôt terre à terre.
La Colonne Trajan vers 114 P.C., Rome
Portrait d’homme, vers 100 P.C., peinture à la cire,
33 X 17,2 cm, provenant d’un sarcophage découvert
à Hawara (Egypte)
Au cours des premiers siècles de notre ère, l’art romain et l’art hellénistique supplantèrent complètement l’art
des empires d’Orient. Les Egyptiens continuaient à ensevelir leurs morts mais ils faisaient désormais peindre
leurs portraits par des artistes qui connaissaient tous les artifices de la peinture (raccourci, illusion de la
profondeur). Ces portraits nous étonnent encore aujourd’hui par leur vigueur et par leur réalisme. Peu d’œuvres
antiques ont autant de fraîcheur et semblent aussi modernes.
Les Egyptiens ne furent pas les seuls à adapter les nouveaux procédés artistiques aux exigences de leur religion.
Cette manière romaine de raconter une histoire et de glorifier un héros a pénétré jusque dans l’Inde lointaine.
Notamment pour illustrer l’histoire de Bouddha. La sculpture hindoue avait été florissante bien avant la
pénétration des influences hellénistiques. Mais fut créée l’iconographie de Bouddha, celle-là même qui devint par
la suite traditionnelle. L’art des Grecs et des Romains, qui apprit aux hommes à faire de belles effigies des dieux
et des héros, a aidé aussi les Hindous à créer l’image de leur sauveur. Ainsi sont nées vers les IV-V siècles de
notre ère les premières statues représentant Bouddha dans cette attitude de calme profond qui est devenue
traditionnelle.
Une autre religion orientale apprit à représenter ses épisodes sacrés, pour l’instruction des croyants : c’est la
religion juive. La loi juive, en fait, interdisait les images, par crainte de l’idolâtrie. Néanmoins, les colonies juives
des villes orientales se mirent à décorer les murs de leurs synagogues d’histoires de l’Ancien Testament. Ces
œuvres, notamment en Syrie (Moïse faisant jaillir l’eau du rocher, 245-256 P.C., peinture murale de la
synagogue de Doura-Europos) ne sont peut-être pas de très grandes œuvres d’art, mais ce sont des documents
intéressants. L’artiste était bien plus préoccupé de « raconter un épisode de l’histoire sainte » que de représenter
des figures bien naturelles. Plus naturelles elles seraient, plus grande serait l’infraction aux commandements
interdisant les images. Le but du peintre était, avant tout, de rappeler les circonstances dans lesquelles Dieu avait
manifesté Sa puissance. Ce modeste décor est intéressant, car des considérations analogues ont commencé à
influencer les arts lorsque la religion chrétienne se répandit vers l’Occident et lorsque l’art se mit à son service.
Moïse faisant jaillir l’eau du rocher, 245-256 P.C. ,
peinture murale de la synagogue de Doura-Europos (Syrie)
Les origines de l’art chrétien ne représentent jamais le Christ lui-même. Les premiers artistes appelés à
peindre les parois des nécropoles chrétiennes – les catacombes romaines – travaillèrent dans le même esprit que
les Juifs de Doura. Des peintures comme Les Trois Chrétiens dans la fournaise (III° siècle P.C., peinture
murale de la catacombe de Priscilla à Rome), montrent que les procédés hellénistiques de la peinture
pompéienne étaient familiers à ces artistes. Ils étaient tout à fait capables d’évoquer une figure humaine en
quelques grossiers coups de pinceau, mais nous sentons bien que les effets et les artifices ne les intéressaient pas
beaucoup. Une peinture n’était plus une belle chose en soi, elle devait avant tout rappeler aux croyants un
exemple de la puissance et de la grâce divine. Dans l’œuvre citée, l’artiste ne s’est nullement soucié de rendre un
effet dramatique, a laissé de côté tout ce qui n’était pas essentiel. De nouveau, les idées de simplicité et de clarté
l’emportaient sur l’idéal de fidélité à la nature. Cette œuvre témoigne du fait que l’humanité avait commencé à se
soucier d’autre chose que de la beauté physique.
Ce n’est pas seulement dans les œuvres religieuses de la décadence et de la fin de l’Empire romain que nous
pouvons déceler ce changement d’attitude. Peu d’artistes semblaient se soucier de ce qui avait fait la grandeur de
l’art grec : la grandeur et l’harmonie. Les sculpteurs n’avaient plus la patience de travailler le marbre au ciseau et
de le traiter avec cette délicatesse, avec ce goût, qui avait été l’orgueil des artistes grecs. On a souvent dit que l’art
antique a subi un déclin au cours de ces années et il est certainement exact que de nombreux secrets de la grande
époque ont été perdus dans la confusion des guerres, des révoltes et des invasions. Mais ce recul de la technique
n’explique pas tout. L’essentiel est que les artistes d’alors semblent ne s’être plus contentés de la virtuosité de la
période hellénistique et qu’ils ont visé ailleurs. Ces sculptures, semblant maladroites ou barbares, de pauvres
exécutions, nous frappent pourtant par une vie bien personnelle, par l’intensité de leur expression due au ferme
dessin de leurs traits et au traitement appuyé de certains détails, telles les orbites et les rides du front. Ce sont
bien les portraits des hommes qui ont été les témoins de la naissance du christianisme et qui ont accepté son
essor, essor qui signifiait la fin du monde antique.
Statue d’un notable d’Aphrodisies, vers 400 P.C., marbre, h : 176 cm
LEXIQUE
l’arcade : ouverture d’un arc : ensemble d’un arc et de ses montants
la voûte : ouvrage de maçonnerie cintré, fait de pierres spécialement taillées, s’appuyant sur des supports, et
servant de couverture
V. Bifurcation
Rome et Byzance du V siècle au XII siècle
Lorsqu’en 323 l’empereur Constantin fit de l’Eglise chrétienne la religion d’Etat, celle-ci dut faire front à des
problèmes considérables. Les seules églises ou salles de réunion existantes étaient de petites dimensions ou quasi
secrètes. Mais lorsque l’Eglise devint le plus grand pouvoir de l’Etat, toute la question de ses rapports avec l’art
se posa différemment. L’église au contraire des temples, devait accueillir l’entière congrégation des fidèles,
assemblés pour le service divin, pour entendre le prêtre faire son sermon. Ainsi les églises ne furent-elles pas
construites sur le plan des temples païens, mais sur celui des grandes salles de réunion que l’Antiquité
nommaient basiliques c’est-à-dire, à peu près « salles royales ». Ils consistaient essentiellement en une grande
salle appelée nef, flanquée, dans le sens de la longueur, de deux espaces plus étroits et plus bas, les bas-côtés,
séparés de l’espace central par deux rangées de colonnes. Au fond, l’édifice comportait souvent une abside
semi-circulaire où se tenait l’orateur. Par la suite, on nomma chœur cette partie de l’édifice occupée par l’autel.
San Apollinare in Classe à Ravenne, vers 520 PC
Le problème de décoration de ces édifices était beaucoup plus difficile à résoudre. Il soulevait toute la question
du rôle des images dans la religion. Les premiers chrétiens étaient d’accord sur un point : il ne devait pas y avoir
de statues dans la Maison de Dieu. Mais si les chrétiens étaient tous d’accord pour écarter les grandes statues,
trop vivantes, leurs idées sur la peinture comportaient des divergences. Certains d’entre eux pensaient qu’elle
pouvait aider à rappeler aux fidèles les enseignements qu’ils avaient reçus, qu’elle pouvait leur remettre en
mémoire les épisodes sacrés. Ce point de vue était généralement celui de la peinture latine, occidentale, de
l’Empire romain. Le Pape Grégoire le Grand, qui vécut à la fin du IV siècle, le fit sien. Il rappela à ceux qui
étaient hostiles à tout usage de la peinture que de nombreux membres de l’Eglise ne savaient ni lire ni écrire et
que les peintures pouvaient contribuer à leur instruction, comme les livres d’images à celle des enfants. « La
peinture, disait-il, peut être pour les illettrés ce que l’écriture est pour ceux qui savent lire ».
Pour que l’objectif d’enseignement fût atteint, l’histoire devait être racontée aussi clairement et simplement que
possible. Les artistes en vinrent de plus en plus à se limiter à l’essentiel. Dans La multiplication des pains et
des poissons (vers 520 P.C., mosaïque de la basilique San Apollinare Nuovo, à Ravenne), ces principes ont été
appliqués avec la plus grande rigueur. La scène se détache sur un fond d’or et n’obéit à aucun principe réaliste.
La sereine figure du Christ en fait le centre. Il porte (non barbu comme aux temps des premiers chrétiens) une
robe de pourpre et écarte les bras, dans un geste de bénédiction, vers les Apôtres qui lui présentent les pains et
les poissons pour que le miracle puisse s’accomplir. C’est une cérémonie tout à fait solennelle. On voit bien que
l’artiste attachait un sens profond à ce qu’il représentait. Pour lui ce n’était pas qu’un étonnant miracle arrivé
cinq siècles plus tôt en Palestine. C’était le symbole et la marque de la puissance permanente du Christ,
manifestée par l’Eglise. C’est pourquoi le regard du Christ est fixé sur le spectateur : c’est lui que le Christ va
conforter. Si la composition nous semble assez primitive, cela est dû au fait que l’artiste a recherché la simplicité.
L’observation de la nature, que nous avons vu se développer si rapidement en Grèce au V° siècle A.C., est
laissée de côté vers le V siècle de notre ère. Les artistes cessent de confronter leurs formules avec la réalité. Ils
cessent de rechercher des perfectionnements dans la représentation du corps humain ou des artifices pour
suggérer la profondeur. Mais les découvertes déjà faites ne furent jamais tout à fait perdues. L’art gréco-romain
fournissait un immense répertoire de figures… Toutes pouvaient servir à raconter une histoire.
La multiplication des pains et des poissons, vers 520 P.C, mosaïque de la basilique San Apollinare à Ravenne
Cette question de la place et du rôle de l’art dans l’Eglise a été d’une immense importance pour toute l’histoire
de l’Europe. C’est en effet une des principales raisons pour lesquelles les contrées orientales, de langue grecque,
de l’Empire romain, dont la capitale était Byzance (Constantinople), refusèrent de reconnaître la suprématie du
pape romain. Il y avait, à Byzance, un parti hostile à toute représentation du thème religieux. On les nommait
iconoclastes ou briseurs d’images. En 754, ils eurent gain de cause, et tout art religieux fut interdit dans l’Eglise
d’Orient. Leurs adversaires étaient d’ailleurs en désaccord encore plus grave avec les idées du Pape Grégoire.
Pour eux, les images n’étaient pas utiles, elles étaient sacrées. Les images n’étaient, pour eux, qu’un pur reflet du
monde céleste. Donc, il fallait des modèles consacrés par une tradition ancienne. En cela, plus qu’en Occident,
ils ont plus conservé les méthodes et les conquêtes de l’art grec dans le rendu des draperies, des visages et de
l’attitude.
Si nous regardons une Vierge byzantine, (Madone trônant avec l’Enfant, vers 1280, détrempe sur bois, 81,5
X 49 cm) nous voyons que la manière dont le vêtement est drapé sur le corps, la manière dont les plis s’irradient
aux genoux ou aux coudes, le modelé du visage et des mains par les ombres, la courbe même du trône, et nous
comprenons que tout cela aurait été impossible sans les conquêtes de la peinture grecque. Et c’est en ce sens
qu’en dépit d’une certaine raideur, on peut considérer l’art byzantin comme resté plus proche de la nature que
l’art qui va se développer en Occident. Aujourd’hui encore, en Russie, les saintes images, les « icônes » sont un
reflet de ces créations grandioses des artistes byzantins.
Madone trônant avec l’Enfant, vers 1280, détrempe sur bois,
81,5 X 49cm, peinte vraisemblablement à Constantinople
LEXIQUE
basilique (une) : édifice rectangulaire qui était une salle de réunion dans l’Antiquité romaine.
nef (une) ou vaisseau (un) : partie centrale d’une église entre le portail et le chœur.
bas-côtés (des) : nef latérale (espace de circulation), moins hautes que la nef principale.
chœur (un) : partie de la nef devant le maître-autel.
abside (une) : extrémité en demi-cercle d’une église, derrière le chœur.
déambulatoire (un) : galerie entourant le chœur d’une église.
mosaïque (une) : assemblage décoratif (figures et couleurs) de petites pièces rapportées (pierre, marbre)
détrempe (une) : couleur liée avec de la colle ou de la gomme ; œuvre utilisant ce procédé ; on distingue aussi la
détrempe à l’œuf.