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R E N CO N T R E T H I M E RT Pa r Sy l v i e V i ro n Rencontre avec un vannier L'intérêt que l'on peut éprouver à l'encontre du travail de l'osier est singulier, il nous transporte dans un temps béni où l'on était capable de fabriquer les objets du quotidien. On peut revivre cette émotion, ce bonheur de créer avec des matériaux que l'on trouve autour de nous, dans la nature. Des hommes détiennent encore ce savoir-faire et ont plaisir à le partager. Cela nous ramène à nos origines car, de tout temps, des individus ont dû élaborer des paniers afin de transporter le produit des cueillettes, de la pêche et de la chasse. Des objets en vannerie ont été retrouvés en Egypte sur des lieux de fouilles archéologiques ; la datation au carbone 14 les a fait remonter à plus de 10 000 ans, c'est-à-dire bien avant les premières poteries. Alors que les habitudes de vie et l'environnement de nos contemporains n'ont cessé de se complexifier, il est intéressant de constater que des objets aussi simples et 26 beaux que des paniers trouvent encore leur utilisation dans nos maisons. Les années 70 ont vu le développement des enseignes de grande distribution, qui ont donné à chaque consommateur des sacs en plastique afin de transporter leurs achats. Ce fut une catastrophe pour notre environnement et, bien des années après, nous n'arrivons pas à régler le problème de pollution engendré par ces sacs. Quelques chiffres permettent un constat édifiant : il faut 1 seconde pour produire un de ces sacs qui sert en moyenne 20 minutes; il faut en revanche entre 1 et 4 siècles à la nature pour le dégrader. Leur recyclage n'est pas rentable. Etant trop légers, ils demandent plus de ressources pour les transformer qu'ils n'en restituent. Voilà quelques bonnes raisons pour revenir à l'utilisation de vanneries naturelles. Outre leurs qualités esthétiques indéniables, elles sont le produit d'un terroir. Le saule, le noisetier, le châtaignier, la ronce, le frêne, la clématite sont autant de plantes et d'arbustes de nos régions servant dans la fabrication des paniers, corbeilles et fascines. Il reste environ 200 cents vanniers en France, la plupart utilisent l'osier qu'ils cultivent. Chaque brin de saule correspond à la pousse d'une année et est récolté après les premières gelées, lorsque la sève est descendue. Les brins sont ensuite triés par longueur et grosseur, puis bottelés, et enfin stockés à l'abri de lumière, en attendant d'être utilisés. Naturellement l'osier peut être, suivant la variété, jaune, vert, rouge ou brun. Pour obtenir de l'osier blanc, les bottes sont écorcées et, pour favoriser la montée de la sève qui permet d'enlever la peau plus facilement, les brins sont mis à tremper. Autrefois, la cueillette et l'écorçage se faisaient brin par brin à la main; maintenant toutes ces opérations sont mécanisées. Villaines-les-Rochers est un ravissant village de Touraine qui compte 900 habitants et regroupe plus de 70 vanniers osiériculteurs qui forment une coopérative, ils animent par leur talent ce village troglodyte pittoresque. Ici tout est propice à la vannerie, les terrains frais et humides en bordure de l'Indre et de la Loire, favorisent une belle production d'une espèce de saule endémique à la région, le « Salix Triandra » appelé « Noir de Villaines ». Les maisons creusées dans la pierre de Tuffeau conservent à l'osier toutes ses qualités lors du stockage. Chaque troisième week-end du mois de mai, le village organise une grande Fête de la Pellerie basée sur le décorticage des bottes d'osier, vous pourrez y admirer le travail des vanniers et acquérir leurs belles réalisations. En ce domaine, l’Eure-et-Loir, plus exactement Thimert-Gâtelles, recèle une pépite en la personne de Maurice Bourdin. Ce retraité, passionné de jardinage, fut amené tout natu- R E N CO N T R E T H I M E RT rellement à fabriquer les paniers d'osier qui transportaient et présentaient les légumes qu'il vendait sur le marché de Chartres. Conscient de la valeur d'un tel savoir-faire, et désirant en faire bénéficier tout un chacun, l'association « Eure-et-Loir Nature » organisa un atelier d'initiation à la vannerie. Animée par Maurice Bourdin à la maison de la nature de Chavannes à Morancez, cette journée rencontra un réel succès, les participants purent repartir avec le panier qu'ils avaient tressé. Le plaisir de réaliser un objet du quotidien et la beauté de la vannerie séduisent en effet de nombreuses personnes. Le manoir de Courboyer dans le perche, organise également tous les deux ans une exposition intitulée « autour d'un brin d'osier », elle présente de nombreux artistes qui se réapproprient l'osier pour créer de véritables œuvres d'art. En décoration, dans les jardins, dans la maison, Brins de saule 28 Pa r Sy l v i e V i ro n l'osier est un produit naturel résistant qui nécessite un vrai savoir-faire qui mérite de perdurer. Les couleurs subtiles de la matière, qui, comme tous les matériaux naturels évoluent dans le temps et acquièrent une patine inimitable, ainsi que la finesse du tressage, en font des objets intemporels, intrinsèquement décoratifs et chaleureux. Il est une corporation qui utilise traditionnellement la vannerie, pour sa qualité, je veux parler de la boulangerie. En effet, de plus en plus les boulangers reviennent à l'osier pour présenter leurs pains et viennoiseries, l'alliance de ces deux talents souligne un désir d'authenticité et de qualité pour mettre en valeur des produits à la fois beaux et bons. Pour terminer cet article, j'aimerais en quelque sorte « boucler une boucle » lors de l'entretien avec Maurice Bourdin qui m'a très aimablement donné de son temps pour m'expliquer les avantages de l'utilisation de l'osier, il me raconta que pour réaliser son premier panier d'osier, il récolta des brins sur les saules qui longent le moulin du Coudray. Ainsi la vie, à l'instar d'un brin d'osier, tisse des liens incontournables et évidents, il fallut que ce fût moi qui recueille cette anecdote à l'occasion de cet article.