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020 économie Harmonisation sociale en Europe LA FRANCE MÈNE LE BAL C JUIN 2014 – L’OFFICIEL DES TRANSPORTEURS MAGAZINE nismes de communication d’informations concernant l’application de la directive sur le détachement de travailleurs, en améliorant la coopération entre États membres et en créant un registre européen des entreprises de transport, qui inclurait une liste noire des entreprises ayant été reconnues coupables de pratiques illégales ou déloyales.», indiquent les signataires. Fait marquant, la plupart des États membres n’ont pas ratifié cette déclaration. Qu’il s’agisse du De gauche à droite : Béatrice Hadjaje (journaliste à RTL), Roberto Parrillo (président de la section transport routier routier auprès de la fédération européenne des travailleurs des transports), Pervenche Berès (ex-présidente de la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen), Gilles Savary (député de Gironde), Éric Bocquet (sénateur communiste du Nord), Istvan Zoltan (secrétaire d’État roumain chargé des Transports). Photo : G. Hamon ’est une déclaration politique signée lors du Conseil des ministres européens des transports du 5 juin sous la présidence grecque de l’UE. Une déclaration d’intention qui ne crée aucun droit mais dont l’objectif est de laisser un legs à la future commission transport et tourisme (TRAN) du Parlement européen et à la future Commission qui prendra ses fonctions le 1er novembre à Bruxelles. Onze ministres et secrétaires d’État chargés des Transports (Autriche, Belgique, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Italie, Luxembourg, PaysBas, Portugal et Espagne) dressent un état des lieux convenu. « L’ouverture du marché du transport routier de marchandises ne s’est pas accompagnée d’un processus parallèle d’harmonisation en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail des travailleurs du transport routier. Il conviendrait de veiller à assurer l’application de la législation sociale et le respect des droits sociaux des conducteurs dans l’ensemble de l’UE, notamment, en renforçant les mécanismes visant à assurer le respect de la législation dans les États membre, en instaurant des méca- Fotolia Clarifier les règles pour rendre les contrôles plus efficaces, harmoniser les conditions de travail des conducteurs routiers, instaurer une coresponsabilité solidaire et conjointe : telles sont les conditions préalables à une convergence sociale dans le TRM. Ces prérequis, exposés le 16 avril à Paris dans le cadre de la conférence «TRM : vers une harmonisation sociale européenne», seront transmis au nouveau Parlement élu et à la nouvelle Commission à Bruxelles. Le secrétaire d’État chargé des Transports, Frédéric Cuvillier, estime urgent de créer une agence européenne du TRM. Sera-t-il suivi? économie 021 groupe de Visegrad (Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie), de la Bulgarie et de la Hongrie ou des trois États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie). « Ces pays contestent le diagnostic établi et se prononcent contre cette initiative, fait-on remarquer au cabinet de Frédéric Cuvillier. De surcroît, on ne connaît pas l’avis de la Grande-Bretagne, ni de la Slovénie ou du Danemark sur le sujet. En outre, faut-il considérer que les derniers entrants dans l’UE comme la Croatie sont des non- alignés ? » Clarifier les règles pour un meilleur contrôle En théorie, les onze ministres signataires n’ont fait que formaliser les conclusions de la conférence du 16 avril dernier organisée sous l’égide de Frédéric Cuvillier. En matière de contrôles d’une part, la réglementation sociale européenne n’est pas as L’OFFICIEL DES TRANSPORTEURS MAGAZINE – JUIN 2014 022 économie Harmonisation sociale en Europe «On veut que tout le monde respecte les règles. Il faut une coresponsabilité totale entre chargeurs et transporteurs.» sez claire pour la rendre efficacement applicable et donc contrôlable. Pour une activité par définition mobile, comment faire le décompte précis du temps de cabotage des transporteurs étrangers ? « Sans oublier le problème de compréhension de la langue, notamment des conducteurs des pays de l’Est, et le flou juridique de la notion de détachement d’un conducteur étranger », a rappelé Gilles Savary, député socialiste de Gironde et ancien vice-président de la commission TRAN à Strasbourg. À l’évidence, la clé est avant tout de favoriser davantage la coopération entre Etats membres et de renforcer la formation des agents de contrôle pour mieux comprendre la réglementation. Convergence ou primauté du droit social ? Ce fut le credo de Gérard Schipper, délégué général d’EuroControlRoute (ECR), organisme européen de contrôle routier auquel adhèrent 17 Etats de l’UE. Et de l’avis du délégué général de la représentation permanente de l’Union Internationale des Transports Routiers (IRU) à Bruxelles, Michaël Nielsen, la coopération entre Etats doit avant tout consister à partager les informations sur des véhicules en infraction pour mieux cibler les contrôles. « Il n’est pas question de poursuivre la libéralisation du transport de marchandises sans avoir d’abord des règles claires, faciles à appliquer », a relevé Magnus Heunicke, le ministre danois des Transports. AGENCE EUROPÉENNE HYPOTHÈSE IRRÉALISTE OU NÉCESSITÉ ? Rédigée en anglais, la déclaration politique du Conseil des ministres du 5 juin ne fait pas mention de l’existence future d’une agence européenne des transports. Frédéric Cuvillier est-t-il allé un peu vite en besogne ? On peut légitimement le penser. L’effet d’annonce semble positif. En bon diplomate, il laisse aux nouvelles institutions européennes le soin d’en évaluer la faisabilité. Reste que des doutes de nature différente subsistent. Est-il nécessaire de créer une agence pour le TRM pour assurer une réglementation plus cohérente alors que les règles actuelles en vigueur ne sont pas clarifiées ? Sans compter qu’une nouvelle structure n’est pas neutre au plan budgétaire. « Sur quelles bases légales, JUIN 2014 – L’OFFICIEL DES TRANSPORTEURS MAGAZINE avec quelles personnes et avec quel argent cette agence européenne existerait-elle ? », se demande l’eurodéputé Dominique Riquet (ALDE). Il faut rappeler à Frédéric Cuvillier qu’il n’y a pas de compétence régalienne de l’Europe pour faire des contrôles de cette nature, ni policiers ou douaniers. » Dont acte. L.G. D. Delion ROBERTO PARILLO, PRÉSIDENT DE LA SECTION TRANSPORT ROUTIER DE LA FÉDÉRATION EUROPÉENNE DES TRAVAILLEURS DES TRANSPORTS (ETF). Dans un secteur hyperconcurrentiel soumis aux réglementations européennes, la convergence sociale s’impose. Encore faut-il que toutes les conditions soient réunies. « Nous sommes favorables à la libre circulation des personnes et des biens, a martelé Roberto Parrillo, le président de la section transport routier de la fédération européenne des travailleurs des transports (ETF). On veut que tout le monde respecte les règles. Il faut une coresponsabilité totale entre chargeurs et transporteurs. » C’est que le TRM voit émerger de nouveaux phénomènes d’optimisation sociale qui ont un impact sur la concurrence et remettent en question les conditions d’emploi des conducteurs. « On ne va pas décréter l’harmonisation des salaires. On peut simplement harmoniser les conditions de travail », a convenu Éric Bocquet, sénateur communiste et auteur d’un remarquable rapport sur le dumping social (L’OT 2734). Hasard du calendrier, le jour de la conférence du 16 avril, le Parlement européen a adopté en première lecture le projet de directive d’exécution sur le détachement des salariés. C’est une avancée réelle qui ne règle pas l’essentiel. « L’équilibre du droit au sein de Traité de Lisbonne doit être modifié, a expliqué Pervenche Berès, ex-présidente de la commission emploi et affaires sociales à Strasbourg. Le moment est venu de reconnaître la primauté du droit social sur le droit de la concurrence. La coresponsabilité solidaire et conjointe devrait s’appliquer à tous les secteurs économiques.»La balle est dans le camp des nouvelles institutions européennes et de la présidence semestrielle italienne de l’UE à compter du 1er juillet, pour mettre en musique toutes ces préconisations. Pour l’heure, Frédéric Cuvillier semble catégorique. « Il n’y a de marché intérieur de l’UE que s’il y a contrôle de la règle. Le paquet routier de 2009 implique un respect plus rigoureux des contrôles. Cela passe par la création d’une agence européenne des transports », plaide-t-il. Seul bémol, son credo ne figure pas dans la déclaration politique du 5 juin signée par les onze ministres européens. Affaire à suivre… Louis Guarino