DéBAT : sécurité à long terme de l`insuline pour le diabète de type 2
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DéBAT : sécurité à long terme de l`insuline pour le diabète de type 2
COUNTRY PERSPECTIVES Pratique clinique Débat : sécurité à long terme de l'insuline pour le diabète de type 2 L'insuline est de plus en plus souvent recommandée en tant que complément aux hypoglycémiants oraux pour atteindre les objectifs de glycémie chez les personnes souffrant d'un diabète de type 2 établi. Il existe en effet des essais d'insulinothérapie pour le diabète de type 2 dès le diagnostic. Des craintes ont été soulevées dans la littérature médicale récente quant au fait que l'insulinothérapie à long terme pour le diabète de type 2 augmente le risque de maladies cardiovasculaires et de certains cancers. Nous avons demandé à des spécialistes en diabète clinique et en pharmacoépidémiologie de commenter la question suivante : 40 DiabetesVoice L'insulinothérapie chez les personnes atteintes de diabète de type 2 est-elle sûre en termes de risque de maladies cardiovasculaires, de cancer et de mortalité toutes causes ? NoN Sarah Holden et Craig Currie facultative lorsque la metformine (si indiquée) combinée à un autre hypoglycémiant n'est pas parvenue à contrôler comme il se doit la glycémie. Les directives de l'ADA (American Diabetes Association ou Association américaine du diabète) et de l'EASD (European Association for the Study of Diabetes ou Association européenne pour l'étude du diabète) recommandent une approche L'insuline présente un potentiel illimité centrée sur le patient dans le but de par- de réduction de la glycémie et consti- venir à un contrôle adéquat de la glycémie tue un traitement bien connu du diabète tout en réduisant les effets secondaires. de type 2. La Fédération internationale du diabète (FID) recommande son Le gain de poids et l'hypoglycémie sont utilisation en tant que troisième ligne deux effets secondaires fréquemment Mars 2014 • Volume 59 • Numéro 1 COUNTRY Pratique PERSPECTIVES clinique associés aux injections d'insuline. Le gain celles-ci doivent être interprétées avec ciés à l'insuline. Il semblerait que la metfor- de poids entraîne une augmentation du prudence en raison du risque d'une forme mine protège contre le cancer et ait des effets risque de maladie cardiovasculaire et doit de biais analytique appelée « confusion cardioprotecteurs que sa capacité à réduire être limité en cas de diabète de type 2. par indication ». Ce type de confusion est la glycémie n'explique pas entièrement.10 Tant l'insuline que l'hypoglycémie peuvent une caractéristique commune des études Utilisée en combinaison avec l'insuline, la avoir des conséquences vasculaires, qui des conséquences liées à des médicaments metformine a été associée à un contrôle semblent toucher principalement les per- et d'autres traitements car les raisons pour similaire de la glycémie, mais à des doses sonnes souffrant d'une maladie cardiaque lesquelles les traitements ont été prescrits inférieures d'insuline et un gain de poids et de diabète préexistants.1,2 En outre, l'in- à des patients peuvent être elles-mêmes moindre.11 En outre, par rapport à l'insuline suline, en tant que facteur de croissance, liées au risque perçu de survenue d'une seule, la metformine combinée à l'insuline peut affecter la progression du cancer.3 Il conséquence donnée. En d'autres termes, a été associée à une réduction du risque s'agit toutefois d'un domaine complexe et l'insuline peut être en partie prescrite d'événements cardiovasculaires, de cancer des taux de glycémie élevés ont également parce que la personne est perçue comme et de décès toutes causes confondues.6 Les été associés à un risque accru de cancer. 4 à risque de conséquences négatives, no- directives actuelles de l'ADA/EASD et de Certaines études épidémiologiques ont tamment de maladies cardiovasculaires. la FID préconisent, lors du démarrage de montré que l'utilisation d'insuline est l'insuline, de l'ajouter au traitement à la associée à un risque accru d'événements En revanche, des essais contrôles rando- cardiovasculaires, de cancer et de mor- misés de grande envergure tels qu'Action talité toutes causes en comparaison avec to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Tout risque potentiel associé à l'insulino- d'autres traitements hypoglycémiants. (ACCORD) n'ont identifié aucun signe thérapie doit être examiné à la lumière d'alerte indésirable associé à l'utilisation de ses avantages évidents en termes de Dans une de ces études (étude de cohorte d'insuline. Ces études ont toutefois été contrôle de la glycémie. Il convient tou- rétrospective basée sur des données de la conçues pour évaluer les avantages d'un tefois de remédier au manque d'essais UK General Practice Research Database), 6 contrôle intensif de la glycémie plutôt que contrôlés randomisés étudiant les risques la mortalité et d'autres conséquences du l'innocuité de l'insuline et, dans certains et les avantages de l'insuline en termes de diabète ont été examinées chez un peu cas, les sujets recevaient plusieurs traite- conséquences cliniques à long terme, telles moins de 85 000 personnes pour cinq ments hypoglycémiants, ce qui complique que les événements cardiovasculaires, le traitements du diabète – monothérapie les comparaisons individuelles. Par ailleurs, cancer et la mort toutes causes confondues, à base de metformine, de sulfonylurées l'essai Outcome Reduction with an Initial afin d'obtenir davantage de données pro- ou d'insuline, metformine/sulfonylurées Glargine Intervention (ORIGIN) a démontré bantes sur l'innocuité de l'insuline chez les et insuline/metformine. Le traitement à que l'insuline glargine avait une incidence personnes atteintes de diabète de type 2. base d'insuline uniquement a conduit à neutre sur les événements cardiovasculaires une hausse statistiquement significative et les cancers en comparaison avec le trai- Au Royaume-Uni, la Medicines and (1,8 à 2,6 fois) du risque d'un premier tement standard. Il convient toutefois de Healthcare Products Regulatory Agency événement cardiaque majeur ou d'un pre- noter que les participants à l'essai ORIGIN présentera prochainement un rapport sur mier diagnostic de cancer par rapport aux avaient vu leur diabète de type 2, leur into- l'innocuité de l'insuline chez les personnes personnes uniquement traitées avec de la lérance au glucose ou leur anomalie de la atteintes de diabète de type 2. Quoi qu'il metformine (groupe de comparaison). glycémie à jeun récemment diagnostiqué en soit, l'innocuité de l'insuline pour le Ce risque accru était inférieur dans le ou n'utilisaient qu'un seul hypoglycémiant. diabète de type 2 soulève certaines inter- groupe traité à l'insuline/metformine que En outre, à la fin de l'étude, 65 % du groupe rogations. Il convient dès lors de faire dans celui sous monothérapie à l'insuline, sous insuline glargine prenaient également preuve de prudence tant que nous ne même s'il est demeuré significatif (1,3 d'autres hypoglycémiants, dont de la met- comprendrons pas mieux ce problème fois le risque du groupe de comparaison). formine pour 47 %. potentiel et que nous ne pourrons pas 5,6,7 8 9 Cependant, malgré la concordance de metformine existant et non de le remplacer. recommander l'injection d'insuline aux ces résultats et un ajustement statistique, Lorsqu'elle est utilisée en combinaison, la personnes atteintes de diabète de type 2 des données observationnelles telles que metformine peut atténuer les risques asso- en toute confiance. Mars 2014 • Volume 59 • Numéro 1 DiabetesVoice 41 COUNTRY PERSPECTIVES Pratique clinique oui Steve Bain a démontré, après plus de 6 années de suivi, contrôle glycémique étroit sur les résultats que l'insulinothérapie exogène (avec de la cardiovasculaires et, au bout du compte, à la glargine) n'était associée à aucune donnée controverse qui entoure l'étude ACCORD.8 probante de risque accru de cancer.9 Par conséquent, les craintes soulevées par la L'étude ACCORD a enrôlé des personnes pharmaco-épidémiologie, qui permet uni- d'âge avancé et moyen atteintes de diabète de quement d'identifier des signaux d'alerte type 2 et présentant un risque très élevé de possibles et de formuler des hypothèses, ont maladies cardiovasculaires. À la surprise des été enterrées par un ECR. chercheurs, un contrôle quasiment normal de la glycémie, obtenu grâce à l'utilisation Le cas des maladies cardiovasculaires s'est de plusieurs médicaments, a été associé à avéré plus long et plus complexe. Une fois une hausse de la mortalité toutes causes et de plus, l'insuline a été mise en cause en rai- de la mortalité cardiovasculaire. Après cinq son de sa capacité à agir en tant que facteur années de suivi, les infarctus du myocarde de croissance et, partant, à favoriser et/ou non fatals avaient diminué, tandis que la L'insuline est un traitement hypoglycémiant accentuer le développement d'athéromes mortalité à 5 ans avait augmenté chez les reconnu pour les diabètes de type 1 et de dans la circulation. Cette hypothèse sem- patients ayant reçu un traitement intensif type 2. Cependant, l'insuline un facteur de blait étayée par les observations d'études aux hypoglycémiants. Il convient de noter croissance. Elle est administrée de manière épidémiologiques laissant entendre l'exis- que plus de 75 % des patients du groupe sous non physiologique et est présente dans la cir- tence d'un lien entre l'hyperinsulinémie et traitement intensif prenaient de l'insuline à culation à des taux très supérieurs à ceux de la mortalité cardiovasculaire. Par la suite, la fin de l'étude. la population non atteinte de diabète. C'est une méta-analyse des données de 11 études pourquoi des craintes concernant l'innocuité différentes menées sur des hommes et des Des méta-analyses ont été réalisées par la de l'insuline ont existé pendant longtemps, femmes non atteints de diabète a conclu qu'il suite pour inclure les principales études exa- ont conduit à un examen approfondi et ont, existait un lien significatif entre l'hyperin- minant l'impact d'un contrôle glycémique d'après moi, été rejetées. sulinémie et la mortalité cardiovasculaire.14 étroit sur les résultats cardiovasculaires et ont 13 Cela ne signifie toutefois pas qu'il existe un tiré la conclusion inverse de celle de l'étude Les préoccupations concernant le cancer lien de causalité, dans la mesure où l'insu- ACCORD.16 Ces essais n'ont pas comparé tout d'abord : celles-ci ont émergé après qu'il linémie à jeun enregistrée dans ces études les traitements avec et sans insuline, mais a été suggéré que la glargine, un analogue pourrait être la conséquence d'une résistance tous comptaient des pourcentages élevés d'insuline à action longue, augmentait le à l'insuline et, partant, un substitut innocent. d'utilisateurs d'insuline dans les groupes sous traitement intensif. Compte tenu du nombre risque de cancer12 et ont été étayées par des articles laissant entendre que l'insuline ou Un ECR était clairement nécessaire – l'étude élevé de participants aux études, on aurait les sécrétagogues d'insuline étaient associés United Kingdom Prospective Diabetes Study pu s'attendre à ce que tout effet indésirable à un risque accru de cancer. Cependant, (UKPDS). Dans la publication majeure de intrinsèque de l'insuline se traduise par un ce tableau est devenu progressivement 1998, l'introduction précisait clairement rapport de risque en hausse constante au moins certain. L'examen du rapport origi- « qu'il n'y a pas de crainte de voir les sulfony- sein des groupes sous traitement intensif des nal a montré que les patients sous glargine lurées augmenter la mortalité cardiovascu- essais, mais cela n'a pas été le cas. recevaient des doses infimes d'insuline, que laire chez les patients atteints de diabète de le risque de cancer disparaissait complè- type 2 et des concentrations élevées d'insu- Pour répondre aux pharmaco-épidémio- tement s'ils étaient sous d'autres hypogly- line accroître la formation d'athéromes ». logistes, Currie et al. ont mené une étude cémiants (y compris d'autres insulines) et L'UKPDS a démontré de manière concluante rétrospective des bases de données cou- que le risque accru n'apparaissait qu'après l'absence d'une telle hausse et a presque mis vrant 84 622 patients des soins primaires, un ajustement effectué par les auteurs.12 Les en évidence un avantage lié au contrôle défini un critère d'évaluation principal de la tentatives pour reproduire les conclusions étroit rendu possible par l'insuline et les mortalité toutes causes, du cancer incident d'origine ont échoué, malgré l'analyse de sulfonylurées.15 L'hypothèse avait désormais ou des principaux événements cardiaques vastes ensembles de données. Enfin, un essai changé, ce qui a conduit à des tentatives indésirables et ont fait état de rapports de clinique randomisé (ECR) prospectif publié pour démontrer l'impact bénéfique d'un risque (par rapport à la monothérapie à la 7 42 DiabetesVoice Mars 2014 • Volume 59 • Numéro 1 COUNTRY Pratique PERSPECTIVES clinique metformine) de 1,808 pour la monothéra- des thérapies actuelles, toutes auront un 9,5 % pour l'insuline laisse entendre que ni pie à l'insuline et de 1,309 pour l'insuline jour besoin d'insuline pour soulager les les patients, ni les cliniciens ne considèrent combinée à la metformine. Plusieurs autres symptômes de l'hyperglycémie (pour au- l'insuline comme une option thérapeutique études observationnelles, reposant sur des tant qu'elles survivent aux complications facile ou précoce. Au vu de cela, les débats bases de données, sont venues soutenir de la condition). Au Royaume-Uni en tout autour de l'innocuité peuvent être perçus l'existence d'un lien entre l'augmentation cas, l'HbA1c moyenne de départ de plus de comme relativement théoriques. 6 de l'utilisation d'insuline et les événements graves.17 Heureusement, un ECR était déjà en Sarah Holden, Craig Currie et Steve Bain cours et beaucoup estimaient qu'il réglerait Sarah Holden est étudiante doctorante au sein du département de soins primaires et de santé publique de la faculté de médecine de l'Université de Cardiff, au Royaume-Uni. la question. L'essai ORIGIN9 a randomisé 12 537 personnes présentant des facteurs de risque cardiovasculaires ainsi qu'une anomalie de la glycémie à jeun, une intolérance au glucose ou un diabète de type 2, afin qu'elles reçoivent un traitement standard ou de l'insuline glargine. Le but était d'identifier l'avantage intrinsèque de l'introduction pré- Craig Currie est professeur de pharmaco-épidémiologie appliquée au sein du Pharma Research Centre, du Cardiff Medicentre, à Cardiff, au Royaume-Uni. Steve Bain est professeur de médecine (diabète) au sein de la faculté de médecine de l'Université de Swansea, à Swansea, au Royaume-Uni.. Références 1. R ensing KL, Reuwer AQ, Arsenault BJ, et al. Reducing cardiovascular disease risk in patients with type 2 diabetes and concomitant macrovascular disease: can insulin be too much of a good thing? Diabetes Obes Metab 2011; 13: 1073-87. 2. N ordin C. The case for hypoglycaemia as a proarrhythmic event: basic and clinical evidence. Diabetologia 2010; 53: 1552-61. coce d'insuline sur les résultats cardiovascu- 3. Pollak M. Insulin and insulin-like growth factor signalling in neoplasia. Nat Rev Cancer 2008; 8: 915-28. laires, et la population d'ORIGIN incluait 4. J ee SH, Ohrr H, Sull JW, et al. 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Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk of complications in patients with type 2 diabetes (UKPDS 33). Lancet 1998; 352: 837-53. verse à propos du cancer et des maladies cardiovasculaires affecte la pratique clinique. Pour les personnes atteintes de diabète de type 1, l'insuline constitue actuellement la seule option thérapeutique. Pour celles atteintes de diabète de type 2, le caractère progressif de la condition fait que, au vu Mars 2014 • Volume 59 • Numéro 1 16. Ray KK, Seshasai SR, Wijesuriya S, et al. Effect of intensive control of glucose on cardiovascular outcomes and death in patients with diabetes mellitus: a meta-analysis of randomised controlled trials. Lancet 2009; 373: 1765-72. 17. Östgren CJ, Sundström J, Svennblad B, et al. Associations of HbA1c and educational level with risk of cardiovascular events in 32,871 drug-treated patients with type 2 diabetes: a cohort study in primary care. 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